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2. PROBLÉMATIQUE

2.7. Perte de poids sur la fertilité féminine, en contexte d’obésité

2.7.3. Méthodes comportementales

Selon les Lignes directrices canadiennes de 2006 sur la prise en charge et la prévention de l’obésité chez les adultes et les enfants, les interventions orientées vers le changement des HDV représentent la pierre angulaire du traitement de l’obésité (A. M. SharmaObesity Canada Clinical Practice Guidelines Steering Committee and Expert Panel, 2007). Celles-ci devraient viser typiquement les trois composantes suivantes : 1) une réduction calorique, 2) une augmentation de la pratique d’activité physique ; et 3) une thérapie comportementale.

Dans les dernières décennies, plusieurs études ont évalué l’efficacité de telles interventions sur différents aspects cliniques, tels que la perte de poids (Hassan et al., 2016),

l’hypertension artérielle (Gomez-Huelgas et al., 2015; van Dammen et al., 2018) et le diabète de type 2 (Johnston, Moreno, & Foreyt, 2014; Ryan & Yockey, 2017). Toutefois, la qualité et la durée des suivis de celles-ci diffèrent grandement (Loveman et al., 2011).

Les auteurs Avenell et coll. ont analysé, dans leur revue systématique, les études qui rapportaient les effets d’interventions 1) avec restriction calorique seule, 2) avec restriction calorique + exercice, 3) avec restriction calorique + thérapie comportementale et 4) avec restriction calorique + exercice + thérapie comportementale (Avenell et al., 2004). Comparativement à une intervention contrôle, toutes les combinaisons d’interventions rapportaient une perte de poids plus grande à 12 mois d’intervention qu’à 24 mois. Seule l’intervention avec restriction calorique seule rapportait très peu de changement entre la perte de poids atteinte à 12 mois (-7,0 kg, IC à 95% : [-10,75 à -3,25]) et celle à 24 mois (-7.0 kg, IC à 95% : [-10,99 à -3,01]). Selon les auteurs, peu d’études ont tenté d’évaluer les effets bénéfiques de l’ajout d’un programme d’exercice ou d’une thérapie comportementale à la diète hypocalorique. Chez les individus avec une intolérance au glucose, l’ajout d’un programme d’exercice structuré à une diète hypocalorique était associé à une perte de poids supplémentaire de - 1,95 kg (IC à 95% : [-3,22 à -0,68]) à 12 mois et de -7,63 (IC à 95% : [-10,33 à -4,92]) à 24 mois, ainsi qu’à une plus grande une diminution du risque de développer le diabète de type 2 (Eriksson et al., 1999; Lindström et al., 2006; Tuomilehto et al., 2001; Uusitupa et al., 2000). Quant à l’ajout d’une thérapie comportementale, celle-ci était associée à une perte de poids encore plus grande que celle observée avec l’ajout de l’exercice, soit de -7,67 kg (IC à 95% : [- 11,97 à +3,36]). Seulement deux études ont été répertoriées sur les effets de l’ajout combiné d’un programme d’exercice et d’une thérapie comportementale à une diète (Blonk, Jacobs, Biesheuvel, Weeda-Mannak, & Heine, 1994; Phenix, n.d.). Ces dernières n’ont rapporté aucun changement significatif au niveau du poids ou des facteurs de risque à 12 mois d’observation. Les auteurs de la revue systématique suggéraient donc de supplémenter un régime alimentaire par un programme d’exercice physique ou une thérapie comportementale, puisque ceux-ci pourraient contribuer au maintien de la perte de poids à long terme. Par contre, ils mentionnent que les évidences issues de leur revue ne permettent pas de statuer si les deux éléments devaient être ajoutés de manière concomitante. Ils expliquent ces résultats possiblement par un chevauchement entre l’exercice physique et la thérapie comportementale, où tous deux augmentent le temps

de contact avec les professionnels de la santé impliqués. De plus, la thérapie comportementale pourrait avoir eu comme objectif d’augmenter la pratique d’activités physiques. Les auteurs rapportent également que les thérapies ciblant la famille (composée du conjoint et des enfants, le cas échéant) sont associées à une perte de poids plus importante que les thérapies ciblant l’individu seul (-2,96 kg, IC à 95% [-5,31 à -0,60]). Par contre, selon leurs résultats, il n’y a pas d’indications claires à savoir si les thérapies de groupe sont plus efficaces que les thérapies individuelles quant aux effets sur la perte de poids.

Plus récemment, la revue systématique publiée par Loveman et coll. a recensé la littérature quant aux interventions à composantes multiples, dont le suivi était d’au moins 18 mois. Les auteurs ont repéré 12 essais randomisés contrôlés, tous réalisés aux États-Unis et publiés avant 2010. Parmi ces derniers, un nombre égal d’études avaient une intervention d’une durée de moins de 6 mois (Dubbert & Wilson, 1984; Simkin-Silverman, Wing, Boraz, Meilahn, & Kuller, 1998; Stevens et al., 2001; Wadden, Stunkard, & Liebschutz, 1988), d’une durée entre 6 et 12 mois (Burke et al., 2008; Skender et al., 1996; Stevens et al., 1993; Weinstock, Dai, & Wadden, 1998), et entre 18 et 24 mois (Jeffery & Wing, 1995; Jeffery, Wing, Thorson, & Burton, 1998; Logue et al., 2005; Tate, Jeffery, Sherwood, & Wing, 2007). Certaines d’entre elles avaient accordé plus d’importance à la dimension nutritionnelle (Burke et al., 2008; Wadden et al., 1988) ou à l’activité physique (Jeffery et al., 1998; Skender et al., 1996; Tate et al., 2007; Weinstock et al., 1998). En comparaison à des approches de soins usuels, les interventions multidisciplinaires d’adoptions de saines HDV avaient indiqué une perte de poids à 18 mois allant de -2,0 à -6,6 kg (Jeffery & Wing, 1995; Simkin-Silverman et al., 1998; Stevens et al., 1993; 2001), avec une seule étude rapportant une perte de poids faible de -0,39 kg (Logue et al., 2005). Loveman et coll. concluent que les interventions à composantes multiples semblent être efficaces pour obtenir une perte de poids et un maintien au-delà de 18 mois (Loveman et al., 2011).

Dans le contexte spécifique de l’infertilité chez les femmes avec obésité, l’adoption de saines HDV est recommandée comme traitement de première ligne par plusieurs organismes de la santé (American Dietetic Association et al., 2009; Balen et al., 2007; ESHRE Task Force on Ethics and Law, including et al., 2010; Practice Committee of the American Society for Reproductive Medicine, 2015a). En effet, certaines études ont démontré qu’une perte de

poids au moyen d’un changement des HDV peut être bénéfique pour améliorer la fertilité auprès des femmes avec obésité, notamment en termes d’amélioration de la fréquence ovulatoire (Clark et al., 1995; Clark, Thornley, Tomlinson, Galletley, & Norman, 1998; Guzick, Wing, Smith, Berga, & Winters, 1994; Mahoney, 2014), du taux de grossesses spontanées (Clark et al., 1995; 1998) et de l’efficacité des traitements de fertilité (Chavarro et al., 2012; Sim, Dezarnaulds, Denyer, Skilton, & Caterson, 2014). Bien que les recommandations suggèrent un changement des HDV en période de préconception et que ce dernier comporte peu de risque pour la santé, il existe encore peu d’études de grande qualité publiées sur le sujet pour supporter celles-ci. Selon une revue systématique et méta-analyse récente portant sur les effets des interventions de perte de poids sur la fertilité féminine et masculine , seulement 6 des 40 études recensées étaient des ERC, avec des interventions à composantes multiples (Best, Avenell, & Bhattacharya, 2017)(diète, exercice et counseling). Celles-ci incluaient l’étude Obésité-Fertilité, faisant l’objet de cette thèse, pour laquelle Best et coll. ont présenté des résultats préliminaires dévoilés lors de congrès internationaux. Les auteurs de cette méta-analyse estiment que les chances de concevoir sont 59 % (RC avec IC à 95% : 1,59 [1,01 – 2,50]) plus élevées auprès des femmes ayant eu accès à une intervention de perte de poids, comparativement à des femmes randomisées à des groupes contrôles variés.

Dans ce contexte, les organismes ayant émis les recommandations s'entendent pour dire qu’il est important d’agir durant la période de préconception dans le but de diminuer les risques de complications pendant la grossesse et l’accouchement, mais également pour améliorer l’efficacité des traitements par procréation assistée. De ce fait, il semble pertinent de pouvoir offrir une intervention interdisciplinaire d’adoption de saines HDV aux femmes avec obésité et souffrantes d’infertilité pour les aider à concevoir.

Toutefois, pour offrir ce genre d’interventions et les voir intégrées dans la trajectoire des soins en clinique de fertilité pour les femmes avec obésité et infertilité, il est nécessaire de démontrer leur efficience aux décideurs. Pour ce faire, l’utilisation d’une évaluation économique est de mise. La prochaine section décrit brièvement les techniques d’évaluation économique possibles, ainsi que leur pertinence en contexte d’infertilité.