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2. PROBLÉMATIQUE

2.7. Perte de poids sur la fertilité féminine, en contexte d’obésité

2.7.2. Méthodes pharmacologiques

Les traitements pharmacologiques de l’obésité sont en constante évolution. Leur utilisation est surtout recommandée en conjonction avec une intervention nutritionnelle et un changement des HDV, et pour les individus pour lesquels l’adoption d’une saine alimentation, d’une pratique régulière d’activité physique et d’une thérapie comportementale n’a apporté aucun résultat (Organisation mondiale de la santé, 2003).

Au Canada, il existe présentement trois molécules approuvées pour combattre l’obésité : 1) une combinaison de naltrexone et buproprion, 2) le liraglutide et 3) l’orlistat (Obesity Canada - Obésité Canada, n.d.).

Le naltrexone est un récepteur compétitif des récepteurs opioïdes. Il a surtout été utilisé initialement dans le traitement des dépendances aux opioïdes et à l’alcool (Bouza, Angeles, Magro, Muñoz, & Amate, 2004). Ses effets sur la perte de poids ont été testés dès les années 1980, rapportant un effet minime sur la perte de poids (- 1,7 kg chez les femmes et aucune perte de poids chez les hommes après 8 semaines d’administration) (Atkinson et al., 1985). Par contre, en combinaison avec le buproprion, psychotrope psychorégulateur souvent utilisé comme antidépresseur et pour l’arrêt tabagique (D. E. McCarthy et al., 2008), une perte de poids d’environ 3,7 % après 16 semaines a été observée, avec 32 % des individus atteignant une perte supérieure ou égale à 5 % du poids initial (Greenway et al., 2009). Les principaux effets secondaires rapportés sont les nausées, maux de tête, étourdissements et insomnie.

Le liraglutide est composé d’un analogue de l’hormone intestinale glucagon-like peptide-1 (GLP-1), impliqué dans la satiété par sa stimulation de l’insuline (Williams, Baskin, & Schwartz, 2009). Un essai randomisé contrôlé (ERC) multicentrique en double aveugle a été publié en 2009, incluant 564 individus randomisés dans le groupe de liraglutide (1,2, 1,8, 2,4 ou 3,0 mg/jour), le groupe placebo ou le groupe orlisat (120 mg, 3 fois par jour). Les auteurs ont rapporté que la perte de poids après 1 an, pour une administration quotidienne de 3,0 mg de liraglutide suivant deux semaines de diète avec déficit calorique de 500 kcal/jour et un counseling en pratique d’activité physique, était entre - 6,3 kg et - 9,2 kg selon si les individus avaient rapporté un épisode de nausée ou de vomissement au cours de l’année, respectivement, comparativement à - 1,4 kg et - 2,1 kg pour le groupe

placebo (Lean et al., 2014). Le même groupe de recherche a publié les résultats après un suivi de 2 ans, rapportant un maintien de perte de poids de - 7,8 kg, une perte de masse grasse de - 15,4 % et de masse maigre de - 2,0 %, ainsi qu’une diminution marquée de la prévalence du pré-diabète (- 52 %) et du syndrome métabolique (- 59 %) (Astrup et al., 2012).

L’orlistat agit en diminuant l’absorption des lipides par le tube digestif, en inhibant l’action des lipases gastro-intestinales. Elle a longtemps été l’un des seuls médicaments anti- obésité disponibles sur le marché et approuvés pour un usage à long terme (Saunders, Umashanker, Igel, Kumar, & Aronne, 2018). La dose recommandée est d’une capsule de 120 mg trois fois par jour, soit lors de chaque repas (A. M. SharmaObesity Canada Clinical Practice Guidelines Steering Committee and Expert Panel, 2007). Un essai randomisé contrôlé (n = 3 305 individus avec IMC ≥ 30 kg/m2) a rapporté qu’en parallèle à des changements au niveau des HDV, l’administration de 120 mg d’orlistat trois fois par jour résultait en une plus grande perte de poids (- 5,8 kg) comparativement au changement des HDV avec placebo (- 3,0 kg), après 4 années de suivi (Torgerson, Hauptman, Boldrin, & Sjöström, 2004). Les auteurs de cette étude rapportaient également une diminution de l’incidence de diabète, allant de 9,0 % dans le groupe placebo et changement des HDV, à 6,2 % dans le groupe avec orlistat et changement des HDV. Des études ont également suggéré des effets bénéfiques de l’orlistat sur la diminution de la pression artérielle chez les patients hypertendus (Bakris et al., 2002; Rucker, Padwal, Li, Curioni, & Lau, 2007; A. M. SharmaObesity Canada Clinical Practice Guidelines Steering Committee and Expert Panel, 2007). Les principaux effets secondaires rapportés pour l’orlistat sont la présence de selles grasses et d’incontinence fécale (Saunders et al., 2018).

Bien que les agents pharmacologiques contre l’obésité offrent des bienfaits intéressants au niveau de la perte de poids et de certaines issues cliniques, ces derniers demeurent seulement si le traitement est pris en continu. L’OMS met en garde l’utilisation des agents pharmacologiques anti-obésité, puisque qu’aussitôt que leur utilisation est cessée, les individus vont reprendre le poids perdu, à moins qu’il n’y ait eu des modifications au niveau du mode de vie (Organisation mondiale de la santé, 2003).

Plus spécifiquement dans le cas des femmes souffrant d’obésité et d’infertilité, très peu d’études ont porté sur les impacts de l’utilisation d’agents pharmacologiques anti-obésité sur les issues de fertilité. Dans un récent ERC, 90 femmes SOPK ont été randomisées dans l’un des trois groupes suivants : 1) orlistat avec intervention de changement des HDV (apport calorique quotidien entre 1 200 et 1 800 kcal/jour selon le niveau d’activité physique), 2) metformin avec l’intervention de changement des HDV, ou 3) contrôle, qui recevait l’intervention de changement des HDV seule. Les auteurs rapportent des taux d’ovulation spontanée similaire entre le groupe avec orlistat (33 %) et celui avec metformin (23 %), mais significativement plus élevés que le groupe contrôle (3 %). Cependant, sur la base du taux de conception, les auteurs rapportent que 40 % des femmes dans le groupe avec orlistat ont réussi à concevoir, comparativement à 17 % dans le groupe avec metformin et 3 % dans le groupe contrôle (différences entre les 3 groupes : p = 0,003) (P. Kumar & Arora, 2014). Cette étude confirmait sensiblement les résultats publiés par deux études précédentes, rapportant des taux d’ovulation entre 15 et 40 % sous orlistat et entre 25 et 30 % sous metformin chez les femmes avec SOPK (Ghandi, Aflatoonian, Tabibnejad, & Moghaddam, 2011; Metwally et al., 2007). Par contre, bien que leurs effets semblent intéressants du point de vue de l’amélioration de la fertilité chez les femmes avec obésité et le SOPK, leur utilisation demeure contre-indiquée en grossesse. Ainsi, il est important que les femmes désirant devenir enceintes soient informées qu’elles doivent cesser l’utilisation de ces agents pharmacologiques aussitôt qu’une grossesse est confirmée (Saunders et al., 2018).