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L’objet essentiel des rapports consiste à éliminer le plus grand nombre de candidats pour ne sélectionner que ceux qui seront auditionnés. Pour les maîtres de conférences, le nombre de candidats par poste varie selon les années et les spécialités, selon les disciplines également, mais peut être élevé. En histoire contemporaine par exemple, chaque poste ouvert peut attirer jusqu’à une centaine de candidatures, alors qu’en histoire ancienne on compte parfois seulement 10 candidatures

pour un poste10. Nous reviendrons dans le chapitre suivant, sur les critères privilégiés par les

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Cependant, compte tenu des candidatures multiples, un nombre élevé de candidats ne signifie pas toujours que le département soit assuré de recruter le candidat idéal. A Histoire-Paris par exemple, lors d’un

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commissions pour sélectionner les candidats. Ce qui nous intéresse ici, ce sont les procédures et leur niveau de formalisation.

II.4.1. La sélection des candidats : où placer la barre ?

Concernant la sélection des candidats à auditionner et leurs caractéristiques, les textes sont muets. Ils ne précisent pas non plus le déroulement de l’audition elle-même, si ce n’est pour indiquer qu’elle peut être assurée en sous-commission, mais que la commission tout entière doit délibérer car le rôle de l’audition est avant tout consultatif.

Pour autant, les décisions pour les auditions se font de manière assez comparable. Elles reposent sur les rapports qui doivent à la fois être suffisamment sélectifs au regard des critères recherchés et suffisamment ouverts de manière à favoriser l’émergence de profils auxquels on n’avait pas forcément pensé au départ. Cette opération se déroule en commission plénière et suit partout le même déroulement. Les deux rapporteurs lisent leur rapport et la discussion est ensuite engagée. Puis on constitue des « paquets » qui distinguent les candidats à écarter (deux rapports négatifs), ceux à retenir (deux rapports positifs) et les cas plus controversés ou dont les rapports sont modérés. Si cette procédure offre l’avantage de limiter le temps passé en discussion, elle présente également l’inconvénient d’être fortement soumise au jugement des deux seuls rapporteurs.

Ce travail de classification peut être facilité par l’attribution systématique d’une « notation »

standardisée à la fin de chaque rapport. Ainsi, à Biologie-Paris, les rapports affichent les recommandations finales d’audition selon les quatre catégories suivantes : « Dossier excellent,

recommande fortement l’audition (A+) » ; « très bon dossier, recommande l’audition (A) » ;

« recommande l’audition si le nombre de candidats retenus est insuffisant (B) ; « dossier à écarter (C) ».

Comme il y a en général trop peu de candidats « à retenir », la discussion porte essentiellement sur

les cas « intermédiaires » et sur la décision à prendre les concernant11.

Outre les deux rapports, un troisième facteur peut intervenir et faire pencher la balance dans un sens ou dans un autre : l’avis des futurs collègues de la personne recrutée. Cela est particulièrement fréquent dans les commissions qui recrutent pour plusieurs composantes : on peut retenir un candidat dont les rapports sont peu favorables parce que le responsable de la composante dont il dépendra ou son représentant dans la commission estiment que son profil convient aux besoins de la composante,

recrutement récent, le profil recherché était tellement pointu que parmi la vingtaine de candidatures, deux seulement ont pu être étudiées.

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Au cours de celle-ci, certains maîtres de conférences ont le sentiment que leur rapport pèse moins que celui du professeur quand leurs avis ne sont pas convergents. Mais sur cette question, les avis divergent assez fortement d’un maître de conférences à l’autre dans les commissions si bien qu’il est impossible de tirer une tendance forte par commission ou de conclure sur des effets sexués liés à la prise de parole.

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de la même façon que priorité est donnée aux spécialistes quand le poste est affiché de manière assez étroite.

Le nombre de candidats à retenir à l’issue de cette sélection, comme le nombre de candidats effectivement auditionnés, varient. Deux facteurs expliquent ces variations.

Le premier concerne le président de la commission. L’exemple de Gestion-Région est ici très parlant. Le précédent président ne poussait pas la commission à la sélectivité. Le nombre de candidats auditionnés pouvait donc être très élevé. Le nouveau président (une femme) estime que le travail de classement sera facilité et la commission parviendra plus vite à un choix si elle élimine dès le départ un plus grand nombre de candidats : le nombre de candidats reçus est deux fois moins important qu’avec son prédécesseur.

« Moi, mon idée, c’est qu’on auditionne peu de gens pour les raisons que je vous disais : on n’a pas de temps à perdre, ni les jeunes, ni nous qui sommes dans la commission. Je préfère qu’on voit peu de personnes, à peu près une dizaine. » (Professeur, femme, Gestion-Région)

Les présidents peuvent aussi être plus ou moins sensibles aux convocations « alibis » et préférer ne pas multiplier les auditions (et les frais inutiles pour les candidats, quand les jeux sont faits ou presque).

Le second facteur tient à la capacité de la composante à attirer puis à retenir les candidats. On va alors convoquer 50% de candidats en plus, pour être certains qu’un nombre suffisamment important viendra à l’audition, quand on craint des désistements. Certaines commissions voient en effet un nombre conséquent de candidats retenus, ne pas se présenter à l’audition. En revanche, d’autres commissions pourront se permettre de sélectionner directement cinq noms, étant quasi certains que tous seront là le jour « J » et que ceux qui seront classés les rejoindront en priorité.

On constate qu’en général les commissions auditionnent entre 5 et 10 candidats, mais que certaines vont un peu au-delà de manière à ne pas prendre de risque ou bien en convoquent jusqu’à une quinzaine pour être certains qu’une dizaine se déplaceront. Les mêmes stratégies prévalent lors du classement. La liste d’attente sera plus longue si on craint le départ des candidats placés en premier, mais surtout on évitera de ne classer que des candidats susceptibles de partir et on s’assurera de la présence d’au moins un candidat « certain » dans la liste finale.

II.4.2. Des auditions assez semblables bien qu’il n’y ait pas de cadre formel bien défini

La durée des auditions est assez standard et dépasse rarement la demi-heure. Elles comprennent toutes une partie exposé de la part du candidat et une partie « questions-réponses ». Les questions qui sont posées varient d’un candidat à un autre et dépendent en partie de l’exposé et en partie du candidat lui-même. Les membres des commissions justifient ces variations par le fait qu’ils essaient

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d’obtenir des informations sur les points d’ombre du dossier et que ceux-ci ne sont pas les mêmes d’un candidat à un autre. En règle générale, les personnes auditionnées ne reçoivent aucune consigne au préalable sur le déroulement ou sur ce qu’on attend d’elles. Gestion-Région et Biologie-Paris font exception car leurs présidentes envoient un courrier aux candidats leur précisant comment se passera l’audition.

« Moi d’abord, je fixe les règles du jeu auprès du candidat, par écrit avant, au moment de la convocation. Je lui explique qu’il aura une quinzaine de minutes de présentation et qu’après on lui posera des questions. J’ai aussi fait introduire des chevalets avec nos noms marqués. Il n’y a rien de plus désagréable pour un candidat que de ne pas savoir à qui il parle (…) Je lui présente aussi les rapporteurs, qu’il sache où sont les têtes qui ont lu son dossier. » (Professeur, femme, Gestion-Région)

« Moi, je leur envoie à tous la même chose avec les recommandations. (…) C’est un exposé de présentation, donc on leur demande leur parcours, de donner quand même une indication sur, pas vraiment un projet de recherche, mais qu’est-ce que leur parcours apporterait à l’unité de recherche où ils vont être. (…) Et donc pour ça on leur dit à l’avance qu’ils pourraient contacter telle ou telle personne. » (Professeur, femme, Biologie-Paris)

Dans les autres départements, les candidats sont censés savoir (ou ne pas savoir) comment se préparer et on peut supposer que le bouche-à-oreille ou les conseils des « anciens » leur permettent de prévoir leur prestation. Les interviewés observent cependant des variations assez fortes d’un candidat à l’autre, que certains attribuent à des différences sexuées (on y reviendra), mais qui peuvent aussi refléter la plus ou moins forte intégration du candidat dans le milieu (et sa connaissance des codes implicites) ou bien son plus ou moins grand intérêt pour le poste.