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II.4. Les procédures au regard du genre

III.1.2. Les gestionnaires à la recherche de profils polyvalents

Dans les deux départements de gestion, on retrouve cette même focalisation sur la recherche, mais plusieurs nuances doivent être introduites.

Premièrement, les critères pris en compte sont moins normés et moins standardisés qu’en biologie, même si les deux départements recourent eux aussi à des grilles de dépouillement. Le rapport de soutenance de thèse et la composition du jury jouent un rôle plus important qu’en biologie et le post-doc devient complètement facultatif, mais le nombre d’articles et les revues où ils ont été publiés

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On craint notamment que les candidats plus mûrs (soit au-delà de 35 ans) ne manifestent des velléités d’indépendance incompatibles avec une bonne intégration dans une équipe dirigée le plus souvent par un scientifique de rang A.

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Tous les post docs ne sont pas considérés comme équivalents. Certains laboratoires (notamment américains) sont censés permettre une meilleure rentabilité en termes de publications.

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constituent également des points de référence à condition que les publications soient variées, c’est-à-dire que le même argument ne soit pas décliné dans plusieurs papiers.

« Je n’apprécie pas le conformisme. Je pense à un jeune normalien qui passe une audition. Sa thèse, en marketing, portait sur les jouets pour les jeunes enfants. Son audition est très brillante. Puis on lui demande quelles sont ses perspectives de recherche à venir. Il dit qu’il voudrait maintenant travailler sur les jouets pour une tranche d’âge supérieure… C’est incroyable ce conformisme dans lequel ils se glissent. Au lieu de prendre des risques, ils sont dans une logique de minimisation des risques et ils refont la même chose. » (Prof., extérieur. homme, Gestion-Paris)

Pour remplir la grille et se faire une opinion, les membres de la commission ne rentrent pas dans le détail des publications et ne les lisent pas intégralement. Ils lisent le plan, l’introduction et la conclusion de la thèse, éventuellement les articulations internes. Ils survolent les communications et les publications.

« [Les thèses], vous n’avez pas le temps de les lire mais vous avez les rapports de thèse que vous avez lus et qui sont joints au dossier. On voit qui les a signés et pourquoi. Et vous avez un résumé de thèse qui est envoyé par le candidat donc on commence à savoir ce que c’est. Vous lisez l’introduction et la conclusion de la thèse, puis vous feuilletez. Vous regardez les résultats et commencez à voir ce que c’est. Vous regardez les articles et faites un rapport extrêmement bref dessus. » (Professeur, homme, Gestion-Région)

Ils s’assurent surtout que les thèmes de recherche sont compatibles avec ceux du laboratoire et regardent plus précisément les rapports de thèse et de soutenance ou la composition du jury.

« On lit le résumé, la table des matières, la bibliographie, l’introduction. On a aussi parfois les pré-rapports et les rapports de soutenance, mais pas toujours.

Question : Vous les lisez

C’est biaisant. Je lis plutôt le résumé, la structure de la thèse car ça fausse si on lit… Et puis il y a une telle exubérance ! Tout le monde a la mention ‘Très Bien’. On n’en tient plus compte. Donc je regarde plutôt si tous les articles ne sont pas des resucées de la thèse, s’il y a des orientations différentes. Pour un jeune qui vient de soutenir sa thèse cela se comprend, mais pas après… On regarde aussi quand la personne a obtenu sa qualification. Si quelqu’un se présente deux ou trois ans après avoir été qualifié, on se pose des questions (…) On regarde aussi dans quel labo ils sont, car on les connaît. » (Maître de conférences, femme, Gestion-Paris)

Les critères d’éviction sont liés à des écarts entre le profil recherché et les attentes : domaine de recherche incompatible, manque de publications, adéquation aux besoins…

« En comité restreint, on regarde les dossiers et on voit ceux qui ne correspondent pas au profil. On les élimine tout de suite. Puis on a une première réunion et là il reste 20 à 30 dossiers par poste. On passe en revue les dossiers. Quand on a fait le travail préparatoire, on a essayé de les classer. On a un tableau avec le nom, le lieu d’origine, le domaine, l’âge….. Puis on a un premier débroussaillage et on se met d’accord sur l’articulation des critères. Par exemple, pour le poste de l’IUT, on a dit, le premier critère c’est que le candidat ait une dominante GRH mais il faut ensuite qu’il ait une expérience internationale car on a une formation GRH internationale. Et puis il faut aussi qu’il connaisse les premiers cycles quand il s’agit de l’IUT. » (Maître de conférences, femme, Gestion-Paris)

La maîtrise d’une langue étrangère et les activités internationales sont par ailleurs assez souvent valorisées à Gestion-Région.

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Deuxième différence avec la biologie : à ces critères qui concernent les travaux de recherche, la grande majorité des interviewés ajoutent des éléments complémentaires dont ils cherchent aussi les traces dans les dossiers. A Gestion-Paris, beaucoup mentionnent l’importance des activités

d’enseignement. L’agrégation en sciences sociales n’est pas une condition sine qua non mais

plusieurs interviewés sont sensibles au fait que les candidats l’aient réussie : elle garantit selon eux un niveau minimum de connaissances sur un vaste nombre de sujets. La même préoccupation de polyvalence ou du moins de décloisonnement est présente quand les rapporteurs consultent les enseignements déjà délivrés par le/la candidat(e) : la variété des thématiques, des niveaux de cycle et des formats sera appréciée.

« On regarde leur expérience en nombre d’années. Ont-ils été ATER ou non et pendant combien de temps ? Je regarde la diversité des matières enseignées. Ce n’est pas pareil s’ils n’ont enseigné que de la comptabilité ou s’ils ont fait comptabilité, et gestion financière et contrôle de gestion. Je préfère si c’est large car un gestionnaire est un généraliste. J’apprécie aussi qu’ils aient enseigné sur différents cycles. Deux ans de TD de comptabilité en DEUG, ce n’est pas comparable à 5 ans en premier, second et troisième cycle. » (Maître de conférences, femme, Gestion-Paris)

A Gestion-Région, site globalement plus attractif et moins sous-encadré que son homologue parisien, l’enseignement est plus souvent considéré comme secondaire dans les dossiers par certains, mais d’autres, en revanche, l’incluent dans les éléments dont ils tiennent compte quand ils préparent des rapports.

« Le candidat, garçon ou fille, peu importe, qu’est-ce qu’il a fait jusqu’à présent ? Et a-t-il enseigné ou pas ? Vous voyez apparaître des candidats qui n’ont jamais enseigné de leur vie ou qui ont enseigné une vingtaine d’heures. On peut quand même se dire : ‘pourquoi brutalement, ils ont reçu la grâce de l’enseignement ?’. Je regarde cela. Pour ceux qui ont été enseignants, en général, la plupart ont été ATER. Par définition, l’enseignement, ils en ont bouffé. Ils ont un demi-service et donc là, il n’y a pas de problème. Mais ce qui est intéressant, c’est de voir ce qu’ils ont enseigné et quel niveau. » (Maître de conférences, homme Gestion-Région)

Enfin, dans les deux départements, les recruteurs cherchent des éléments qui leur permettent de cerner des compétences ou des dispositions plus difficilement saisissables car moins documentées : la capacité d’intégration et surtout l’implication dans le département. On cherche alors à voir si le candidat a déjà exercé des responsabilités plus administratives, plus collectives. On commence à se demander, s’il habite loin, s’il sera prêt à venir « vraiment ».

« Des gens qui aiment prendre des responsabilités, je trouve cela plutôt bien parce que maintenant, le métier d’enseignant, si on en faisait qu’enseigner, ce serait génial mais il faut faire appel aux bonnes volontés parce que toute la partie administrative de notre métier n’est pas rémunérée. Il y a pas mal de jeunes qu arrivent en disant ‘moi, j’ai autre chose à faire’ ; ça, on n’aime pas trop. C’est normal de faire de la recherche, mais il n’y a pas ceux qui cherchent et ceux qui assument les tâches administratives. » (Maîtres de conférences, femme, Gestion-Région)

On constate donc que les critères à remplir, tout en privilégiant la recherche, sont plus polyvalents qu’en biologie. Ils sont aussi moins fortement convergents d’un entretien à l’autre. Certains (mais pas

tous) sont sensibles aux expériences passées d’enseignement ; beaucoup (mais pas tous)

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dans les entretiens une tension courante en gestion (Becquet et Musselin, 2004) entre ceux qui valorisent les profils purement académiques et ceux qui considèrent que le dossier scientifique doit aussi comprendre des expériences professionnelles ou des activités en entreprise. Cela ne semble pas faire conflit entre les évaluateurs au sein des commissions mais transparaît dans les critères qui sont listés par les uns et les autres pour décrire un bon dossier.

III.1.3. Une préférence pour les chercheurs qui sont capables d’enseigner chez les