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Chapitre 4 : Élaboration de barrières thermiques sol-gel multicouches

1. Dimensionnement de systèmes de BT fonctionnalisées

1.2 Points clés du dimensionnement de BT capteurs

1.2.2 Rapport signal sur bruit du signal de fluorescence

Les méthodes de diagnostic basées sur l’utilisation de BT capteurs reposent sur la collection du signal de fluorescence émis par les couches fonctionnalisées. Plusieurs facteurs, souvent combinés, sont susceptibles de limiter le rapport signal sur bruit des émissions de fluorescence, et donc de réduire la précision et la fiabilité des mesures, voire de les rendre impossibles dans certains cas.

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i. Propriétés optiques de la zircone et des couches fonctionnalisées

Le premier facteur limitant l’extraction des informations en provenance d’une couche fonctionnalisée située dans l’épaisseur d’une BT est l’atténuation de l’intensité

du signal d’excitation et/ou d’émission transmis par le revêtement. La zircone

YSZ présente en effet l’inconvénient de voir sa transmission optique diminuer avec la lon-gueur d’onde, et d’être opaque dans le domaine UV où se situent les pics d’excitation des activateurs lanthanides les plus efficaces (transmission <1% à 400 nm contre 14% à 550 nm pour une BT déposée par PS de 115 μm d’épaisseur [13], Figure 4.1 (a)). Les longueurs d’onde d’excitation classiquement utilisées en fluorescence (248 nm & 355 nm) ont ainsi une profondeur de pénétration limitée dans la zircone [13,15,19]. Bien que réalisable [201], cela rend particulièrement délicate la transmission de l’énergie d’excitation et l’extraction du signal de fluorescence pour les activateurs émettant dans le bleu et/ou excitables prin-cipalement dans l’UV, comme le dysprosium Dy3+ et le thulium Tm3+, si les couches se trouvent sous une épaisseur de matériau non dopé (Figure 4.1 (a)). En outre, les revête-ments de type BT, notamment ceux déposés par projection plasma et trempage-retrait [15,27,61], présentent une importante porosité microscopique causant une forte diffusion

dans le volume du revêtement du signal reçu et émis par les couches infé-rieures. Cette diffusion augmente également avec la diminution de la longueur d’onde

(Figure 4.1 (b)).

Figure 4.1: (a) Spectre de transmission dans le domaine visible d’une BT de 115 μm d’épaisseur déposée par projection plasma [13], (b) évolution des coefficients d’absorption et de

diffusion avec la longueur d’onde d’une BT déposée par projection plasma [15,202].

Il est possible d’optimiser le rapport signal sur bruit en adaptant

l’agencement des couches fluorescentes dans la BT à ses propriétés optiques. Il est en

effet préférable de positionner les couches excitées et émettant aux courtes longueurs d’onde (UV-bleu) à la surface ou proche de la surface de la BT, et de favoriser les activa-teurs présentant des pics d’excitation et d’émission dans le domaine visible pour la fonc-tionnalisation des couches inférieures de la BT (Figure 4.1). C’est le cas par exemple de

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l’europium Eu3+ (émission dans le rouge à 606 nm, Figure 4.1 (a)) pouvant être excité avec un laser émettant à 532 nm au travers d’une épaisseur de BT non dopée supérieure à 100 μm afin de réaliser des mesures de température [13,21] ou d’enregistrer des cartes d’intensité à l’interface céramique/métal [25,203]. Enfin, à longueur d’onde d’émission et d’excitation équivalentes, les activateurs présentant l’efficacité quantique la plus grande (émissions les plus intenses) sont à privilégier pour l’occupation des couches inférieures de la BT, telles que celles proches de l’interface céramique/métal. À noter que la sélectivité optique du matériau hôte vis-à-vis des longueurs d’onde d’excitation disponibles peut être exploitée pour le sondage sélectif dans l’épaisseur en choisissant un agencement et plusieurs sources d’excitation UV-visible appropriés.

L’optimisation de l’intensité du signal émis par chaque couche contribue également à l’amélioration du rapport signal sur bruit. Elle peut être dans un premier temps réalisée par l’optimisation des compositions. Il a été vu par exemple au Chapitre 3 qu’il existe pour les activateurs Sm3+, Dy3+, Er3+ et Tm3+ une concentration optimale dans la zircone (1-1.5 mol%) qui maximise l’intensité de fluorescence émise [195]. Pour l’activateur Eu3+, non concerné par le phénomène d’auto-inhibition (concentration quenching), l’augmentation si-gnificative de la concentration entre 2 mol% et 10 mol% permet un accroissement impor-tant de l’intensité des émissions de fluorescence [189,195]. Ceci offre la possibilité d’adapter le niveau d’émission au besoin, différent dans le cas d’une couche dopée Eu3+ en surface ou à l’interface céramique/métal. L’optimisation des compositions passe aussi par la

réduc-tion de la quantité d’impuretés inhibitrices de la fluorescence, en utilisant par

exemple des procédés de synthèse et de dépôt limitant les contaminations, tels que les pro-cédés par voie sol-gel. Par ailleurs, la substitution d’une partie des ions Y3+, agissant comme des inhibiteurs de la fluorescence, par les ions activateurs permet des gains consé-quents d’intensité de fluorescence par rapport aux compositions non substituées [195], pou-vant aller jusqu’à plus de 50 % dans le cas de l’activateur Eu3+ (cf. Chapitre 3 section 3.3). L’autre alternative consiste à accroître l’épaisseur des couches fonctionnalisées de manière à augmenter le nombre d’ions activateurs sollicités à chaque mesure. Il existe ce-pendant, en fonction de la profondeur à laquelle est située la couche et des longueurs d’onde concernées (notamment dans le domaine UV), une épaisseur limite au-delà de la-quelle toute augmentation supplémentaire ne contribue plus à l’augmentation du signal col-lecté [4]. Par ailleurs, si elle peut être pertinente pour certaines méthodes de visualisation, cette stratégie peut également s’avérer incompatible avec l’objectif visé par la fonctionnali-sation. Cela est par exemple le cas pour la mesure précise de la température dans un revê-tement soumis à d’importants gradients thermiques (cf. paragraphe 1.2.4 plus loin).

ii. Gamme de température

Le deuxième facteur limitant le rapport signal sur bruit est la gamme de

tempé-rature de mesure. Les mesures réalisées dans des environnements à haute tempétempé-rature

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en premier lieu le résultat de la baisse du signal émis avec la température causée par le phénomène d’extinction thermo-activée de la fluorescence ou thermal quenching (cf. Chapitre 1 section 2.1.3), dont l’effet principal est la limitation de la température maximale pouvant être mesurée. Tous les activateurs utilisés en thermométrie par fluorescence sont affectés de manière plus ou moins importante selon leur sensibilité à la température. La meilleure stratégie pour un activateur donné consiste à optimiser l’intensité initiale (i.e. à température ambiante) de la couche considérée suivant les principes énoncés au paragraphe (i) précédent.

La baisse du rapport signal sur bruit à haute température est également causée par des interférences avec les émissions thermiques dites du corps noir dans le visible issues de l’échantillon lui-même et des objets environnants. La part visible du spectre des émissions thermiques constituent en effet un problème majeur lors des mesures au-delà de

1000°C, qui impacte particulièrement les luminophores émettant aux grandes longueurs

d’onde (> 600 nm) [12,75,105]. La Figure 4.2 illustre la luminance spectrale du corps noir prédit par la loi de Planck à différentes températures entre 600°C et 1200°C, dans la plage d’émission des activateurs Sm3+, Eu3+, Dy3+, Er3+ et Tm3+. L’utilisation d’activateurs émet-tant dans le domaine du bleu (< 500 nm) comme le thulium Tm3+ (453 nm et 460 nm) et le dysprosium Dy3+ (484 nm et 498 nm) permet de réduire la part des émissions thermiques dans le signal collecté. À 1200°C, celles-ci sont 45 fois moins importantes dans le domaine d’émission du thulium (env. 460 nm) que dans celui du pic de l’europium à 610 nm (Figure 4.2). Les activateurs dont les longueurs d’onde d’émission sont inférieures à 500 nm

sont donc à privilégier dans les environnements où les interférences avec les émissions du corps noir sont très significatives [204].

Figure 4.2: Luminance spectrale théorique du corps noir calculée à différentes températures, et intensités relatives maximales des principaux pics de fluorescence de compositions optimisées

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Cependant, l’intensité des émissions thermiques du corps noir à la longueur d’onde d’émission de fluorescence ne saurait être le seul paramètre à prendre en considération lors du choix d’un activateur. Il est en effet également nécessaire de tenir compte de

l’efficacité quantique du luminophore [205] et du contexte de la mesure (mesure en

surface ou dans l’épaisseur de la BT). Ainsi, dans le cadre de la mesure de la température à l’interface céramique/métal, la plus grande efficacité quantique des luminophores YSZ:Eu3+

et YSZ:Er3+ (illustrée sur la Figure 4.2 par leurs intensités maximales relatives plus élevées) ainsi que leurs longueurs d’onde d’émission et d’excitation dans la plage visible de semi-transparence de la zircone (cf. Figure 4.1 (a)) priment par rapport à la réduction de

l’impact des émissions du corps noir obtenue avec les luminophores YSZ:Tm3+ et

YSZ:Dy3+, qui sont eux plus adaptés aux mesures en surface de la BT.

Enfin, des interférences avec les émissions de chimiluminescence des flammes peuvent également avoir lieu dans les environnements de combustion. Il est dans ce cas né-cessaire de sélectionner des luminophores dont les longueurs d’onde d’émission sont dis-tinctes de celles des pics de chimiluminescence des espèces les plus courantes tels que CH (390 et 431 nm) et C2 (473 nm et 517 nm) [204,206,207], ce qui est valable pour la plupart des pics d’émission des activateurs ions lanthanides trivalents.