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Chapitre 3 : Synthèse de poudres de zircone YSZ:Ln 3+ pour le dépôt par voie

2. Effets de la concentration en marqueurs sur les propriétés de

2.2 Impact sur l’intensité de fluorescence

La modification du nombre de centres photoluminescents dans une matrice hôte af-fecte principalement l’intensité du signal émis mais peut également modifier la

morpho-logie et les intensités relatives des pics de fluorescence [12,86]. L’étude de l’impact de la

teneur en ions activateurs sur l’intensité de fluorescence est réalisée à partir de la mesure expérimentale de l’intensité des principaux pics de fluorescence à différentes concentrations.

Pour les activateurs sujets au phénomène de «concentration quenching»

(«self-quenching» ou encore auto-inhibition) décrit au Chapitre 1 section 2.1.4, le modèle de

self-quenching sous excitation directe de Johnson-Williams [185,186] a été utilisé

pour la régression des données expérimentales. Ce modèle relie l’efficacité de fluorescence η d’un activateur (supposée ici être proportionnelle à l’intensité relative observée) à la con-centration C connue dudit activateur par l’expression :

𝜂 =

𝐶+𝐶(1−𝐶)𝜎 𝑍

𝜎′(1−𝐶) (3.1)

Les deux paramètres Z et σ/σ sont spécifiques à un couple matrice:activateur et à une excitation donnés, et ne sont donc pas a priori connus. Ainsi sont-ils en règle générale déterminés à partir des données expérimentales par régression [15]. Le premier (Z) corres-pond au nombre de sites cristallographiques interstitiels et de substitution au voisinage d’un ion activateur tel que, si un autre atome d’activateur occupe une de ces positions, ces derniers sont suffisamment proches pour interagir de sorte qu’aucune émission de fluores-cence n’aura lieu (transfert d’énergie d’un atome à l’autre suivie d’une relaxation non ra-diative). Le ratio σ/σ correspond quant à lui au rapport des sections efficaces d’interaction des photons avec la matrice hôte et les activateurs. Enfin, l’évolution de la morphologie et des intensités relatives des pics d’émission avec la concentration en activateur a également été étudiée par analyse des spectres de fluorescence.

2.2.2 Évolution de l’intensité de fluorescence avec la

concentra-tion en ions activateurs

L’évolution de l’intensité intégrée sous excitation UV des principaux pics de fluo-rescence des poudres de YSZ:Ln3+ avec la teneur en ions Ln3+ est présentée sur la Figure 3.7. Les longueurs d’ondes correspondent aux pics d’émission identifiés sur les spectres de fluorescence des différents activateurs (cf. Figure 3.2 paragraphe 1.2). Pour chaque pic, les intensités reportées ont été normalisées par rapport à l’intensité maximale obtenue dans la gamme de concentration étudiée.

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Figure 3.7: Évolution de l’intensité intégrée des pics de fluorescence des poudres de xérogel YSZ:Ln3+ avec la concentration en activateur Ln01.5 : (a) YSZ:Sm3+, (b) YSZ:Dy3+, (c) YSZ:Er3+, (d) YSZ:Eu3+ et YSZ:Tm3+. Les courbes sur chaque graphique (YSZ:Eu3+ excepté) correspondent aux résultats de la régression des données expérimentales avec le modèle de

self-quenching de Johnson-Williams [185,186], cf. équation 3.1.

Les poudres dopées Sm3+ Dy3+, Er3+ et Tm3+ présentent toutes un optimum

d’intensité de fluorescence pour des teneurs comprises entre 1 et 1.5 mol%, typique

du phénomène de d’auto-inhibition décrit au Chapitre 1 section 2.1.4. Au-delà de cet op-timum, l’ajout d’activateurs supplémentaires conduit à une réduction du signal du fait de l’augmentation des transferts d’énergie non radiatifs entre ions dopants suffisamment proches [16,94,107,187]. Dans le cas présent, les intensités intégrées pour ces quatre élé-ments suivent une évolution similaire à celle décrite par le modèle de self-quenching sous excitation directe de Johnson-Williams [185,186] (cf. paragraphe 2.2.1 et équation 3.1), il-lustré sur la Figure 3.7 par les courbes tracées à partir de la régression des points expéri-mentaux. Les valeurs obtenues typiquement pour le paramètres Z (20-28) et le ratio σ/σ’ (0.001-0.008) sont en cohérence avec les valeurs reportées par Clarke et al. [15] pour des luminophores YSZ:Sm3+ et YSZ:Er3+ (respectivement autour de 30 et 0.006). En ne tenant compte que des sites cationiques autour d’un atome d’activateur comme positions pouvant

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être occupé par un second atome d’activateur, ces valeurs du paramètre Z correspondraient à des distances maximales rendant possible le transfert partiel d’énergie de l’un à l’autre d’environ 7.4 Å. Cette distance est cependant inférieure aux distances moyennes entre atomes d’activateurs d’environ 15-13 Å déterminées pour les concentrations de quenching observées expérimentalement (1-1.5 mol%), et ce y compris pour les ions activateurs comme le thulium et le dysprosium (Figure 3.7 (b) et (d)) pour lesquels la concordance entre le modèle et les points expérimentaux est très bonne.

Les niveaux des concentrations optimales proches pour les ions Sm3+ Dy3+, Er3+ et Tm3+ (1-1.3 mol%, Figure 3.7 (a)-(d)), et les valeurs proches des paramètres Z calculés suggèrent que les mécanismes de transferts d’énergie non radiatifs sont similaires pour ces activateurs. Le plus probable est le phénomène de «cross relaxation» décrit sur la Figure 3.8 dans le cas de l’ion dysprosium Dy3+ qui y est particulièrement sensible [16] : si les con-ditions de résonance sont respectées, le transfert incomplet d’énergie d’un atome excité vers un atome non excité (Figure 3.8 (a)-(b)) conduit à deux atomes excités dans des états in-termédiaires entre le niveau excité initial et le niveau fondamental (Figure 3.8 (b)), qui vont ensuite relaxer de manière non radiative (Figure 3.8 (c)).

Figure 3.8: (a), (b), (c) Illustration du mécanisme de cross-relaxation entre deux ions dyspro-sium Dy3+, responsable du phénomène de self-quenching [16], (d) structure électronique des ions europium Eu3+ illustrant la distribution des niveaux d’énergie ne permettant pas au phé-nomène de cross-relaxation d’avoir lieu pour le niveau émetteur 5D0 à l’origine des émissions

de fluorescence principales à 591 et 606 nm de cet activateur.

En revanche, ce phénomène d’auto-inhibition n’est pas observé pour les

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étudié (Figure 3.7 (d)). On observe en effet une augmentation quasi-linéaire d’un ordre de grandeur de l’intensité émise par les pics principaux à 591 et 606 nm dans cette gamme de concentration. Cette différence de comportement s’explique par les propriétés d’auto-inhibition des ions Eu3+ différentes des autres activateurs étudiés. La présence de nombreux niveaux d’énergie intermédiaires entre le niveau initial excité et le niveau fondamental dans la structure électronique des ions Sm3+ Dy3+, Er3+ et Tm3+ (cf. diagramme de Dieke, Cha-pitre 1, Figure 1.15 p. 41) favorise l’auto-inhibition par le mécanisme de cross-relaxation décrit sur la Figure 3.8 (a)-(c), et ce pour des concentrations relativement faibles [16,187,188]. En revanche, dans le cas des ions Eu3+, le large gap énergétique entre le ni-veau émetteur supérieur 5D0 à l’origine des transitions à 591 nm et 606 nm (~ 17 250 cm-1) et le niveau supérieur du multiplet fondamental 7F6-0 (~ 5 000 cm-1) réduit fortement la probabilité d’auto-inhibition par ce processus de transfert d’énergie multipolaire [16,107,187,188] (Figure 3.8 (d)). L’auto-inhibition des ions Eu3+ se fait plutôt par des inte-ractions de transfert d’énergie non résonantes qui dépendent fortement de la structure cris-talline de la matrice hôte [187], et n’est généralement pas observée dans la zircone à des concentrations inférieures à 5-10 mol% [19,108,109,162,189] comme cela est le cas ici.

Ainsi, des intensités de fluorescence jusqu’à 4 fois supérieures à celles des

autres activateurs peuvent être obtenues avec l’addition de 10 mol% d’ions Eu3+. Compte tenu du rôle stabilisateur de l’oxyde d’europium Eu2O3 sur la structure qua-dratique t’ de la zircone [108,190,191], cette propriété offre donc plus de flexibilité pour

le dimensionnement et la fabrication de luminophores YSZ:Eu3+ fortement émetteurs. En revanche, les niveaux d’intensité maximaux dans les luminophores base YSZ dopés Sm3+ Dy3+, Er3+ et Tm3+ apparaissent limités par le phéno-mène de concentration quenching intervenant autour de 1-1.5 mol%. Cependant,

ces concentrations assez faibles permettent d’envisager l’optimisation des intensités de

fluorescence avec des modifications limitées de la composition du matériau ini-tial.

2.2.3 Évolution de la morphologie des pics et des intensités

rela-tives avec la concentration

Les modifications de la concentration en activateur peuvent également avoir un ef-fet, moins significatif, sur la morphologie de certains pics de fluorescence, ainsi que sur les

intensités relatives de certains pics. On observe par exemple sur les spectres des poudres

de YSZ:Sm3+ (Figure 3.9 (a)) une diminution progressive de l’intensité de la composante à 572 nm du doublet de pic de la transition 4G5/2 6H5/2 par rapport à sa composante à 575 nm avec l’accroissement de la teneur en Sm3+. Initialement plus intense à 0.25 mol%, elle n’est presque plus qu’un épaulement à 5 mol%. À l’inverse, on note sur les spectres de

poudres de YSZ:Eu3+ un affinement de l’épaulement à droite (592 nm) sur le pic de la

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Figure 3.9: Évolution des spectres de fluorescence de poudres de YSZ:Ln3+ avec la concentra-tion en activateur LnO1.5 : (a) YSZ:Sm3+, (b) YSZ:Eu3+.

Ce type d’observations concerne l’ensemble des luminophores étudiés et traduit des variations des règles et des probabilités de transition électronique causées par des modifica-tions de l’environnement de symétrie et du champ cristallin environnant les ions activa-teurs. Cela est en général révélateur de changements des propriétés

cristal-lographiques de la matrice hôte, telle qu’une transition de la phase quadra-tique t’ vers la phase cubique c [109,192–194], qui sont étudiées plus en détail au paragraphe 2.4. La modification des probabilités de transition radiative implique

éga-lement un impact de la concentration en ions activateurs sur le temps de vie de fluores-cence qu’il convient d’étudier.