• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1 : Potentiel des méthodes de photoluminescence pour diagnostiquer

2. Mesure de température par fluorescence

2.1 Rappels sur le phénomène de photoluminescence

2.1.3 Influence de la température

La température peut affecter de manière importante les propriétés de photolumines-cence des luminophores. Les principaux effets observables sur les propriétés d’émissions sont:

- la variation de l’intensité des pics d’émission, - la variation de la durée de vie du signal,

- la variation de la position relative et de la largeur des pics.

Les variations d’intensité d’émission et de temps de vie sont liées à l’existence de nombreux modes de relaxation non radiatifs (NR) thermoactivés en compétition avec ou favorisant la relaxation sous forme de rayonnement (« thermal quenching »). Deux modes de relaxation NR principaux dominent à hautes températures: la relaxation

di-recte (Relaxation Multi-Phonons ou MPR, Figure 1.16 (a)) et la relaxation via un état de transfert de charge (Charge Transfer State ou CTS, Figure 1.16 (b)).

Figure 1.16: Diagrammes d’énergie illustrant les phénomènes de thermal quenching (a) par relaxation multi-phonons [86], (b) par relaxation via le CTS [16,86].

43

i. Relaxation multi-phonons (MPR) [16,89,99,100]

A basse température, l’importance du gap entre le niveau excité E1 et le niveau fon-damental E0 favorise la relaxation via un processus radiatif (trajet BC puis CD sur la Fi-gure 1.16 (a)). Lorsque la température augmente, le nombre de modes de vibration dans les états électroniques E1 et E0 augmente et les électrons se distribuent sur un plus grand nombre d’états d’énergie vibrationnels. Il se peut alors qu’un nombre significatif d’électrons se trouvent promus dans un état d’énergie vibrationnel du niveau E1 qui intercepte la courbe d’énergie potentielle du niveau fondamental E0 (point E). Ils peuvent alors retour-ner à l’état fondamental par un processus purement non radiatif consistant à relaxer l’énergie par dissipation thermique, i.e. par l’émission d’une série de phonons. À l’échelle d’une population importante de centres luminescents, l’activation du processus se traduit par une diminution de l’intensité de photoluminescence mais aussi par la diminu-tion du temps de vie. En effet le temps de vie moyen d’un électron dans un niveau excité 𝜏𝑒 peut s’exprimer comme suit :

𝜏𝑒 =1𝑘 (1.2)

avec k le taux de relaxation de l’électron. Le processus radiatif et les processus non radiatifs étant exclusivement compétitifs, ce taux de relaxation peut s’écrire comme la somme :

𝑘 = 𝑘𝑟 + 𝑘𝑛𝑟 (1.3)

avec kr et knr respectivement les taux de retour à l’équilibre par un processus radiatif et non-radiatif. La constante radiative kr est indépendante de la température donc considérée comme une constante, tandis qu’au-delà de la température d’activation du processus de MPR (température de quenching) la constante non-radiative knr dépend de la température.

Ainsi, pour une température donnée, la probabilité qu’un électron suive un processus radia-tif ou non radiaradia-tif peut être calculée statistiquement :

Probabilité d’émission radiative : 𝑃𝑟 = 𝑘𝑟

𝑘𝑟+𝑘𝑛𝑟(𝑇) (1.4)

Probabilité d’émission non radiative : 𝑃𝑛𝑟 = 𝑘𝑛𝑟(𝑇)

𝑘𝑟+𝑘𝑛𝑟(𝑇) (1.5)

L’augmentation du taux de relaxation non radiative au-delà de la température de

quenching diminue la probabilité d’émission radiative et donc le temps de vie de

photolu-minescence observé, qui décroit alors de manière exponentielle (cf. section 2.1.1 p. 38).

i. Relaxation via le CTS [16,86,100]

L’interaction des orbitales atomiques des centres luminescents avec le champ cristal-lin du matériau hôte génère un état d’énergie additionnel appelé Charge Transfer State (CTS) qui introduit des modes de relaxation non radiatifs supplémentaires entre les états

44

excités (Figure 1.16 (b)). Dans le cas des oxydes dopés avec des ions lanthanides, le CTS

correspond au transfert temporaire d’un électron d’un oxygène coordonnant à l’ion métallique [16]. Si la température le permet, un électron dans l’état excité E3 peut franchir la barrière d’énergie entre le minimum de l’état excité et le point d’intersection avec la courbe du CTS (point I). Il peut alors être transféré vers un niveau d’énergie infé-rieur sans émission d’un rayonnement. La position du CTS dépend fortement du matériau hôte. Lorsque le CTS est à un niveau significativement bas comme dans le cas de la zircone YSZ:Eu, celui-ci peut jouer un rôle significatif dans le processus de thermal quenching [16,100]. L’évolution du temps de vie étant similaire, il est en général difficile de trancher en ce qui concerne la prévalence de la relaxation via le CTS ou de la relaxation multi-phonon, les deux phénomènes étant en compétition [94].

ii. Thermalisation [16,101–103]

L’accroissement de la température peut également avoir pour effet d’augmenter l’intensité émise par certaines transitions. Ce phénomène est la conséquence du mécanisme de thermalisation qui intervient lorsque deux niveaux d’énergie E1 et E2 sont suffisamment proches (environ 1 000 cm-1). C’est le cas par exemple des niveaux 4I9/2 et 4F3/2 du sama-rium ou des niveaux 4F9/2 et 4I15/2 du dysprosium (Figure 1.17 (a)).

Figure 1.17: Illustration du phénomène de thermalisation : (a) extraits du diagramme de Dieke des ions trivalents dysprosium [17], (b) évolution du spectre de fluorescence de YAG:Dy3+ avec

la température [104].

À température ambiante, seul le niveau le plus bas en énergie des deux émet : l’équilibre thermodynamique implique en effet que le niveau supérieur soit quasiment non peuplé. La population de l’état supérieur n2 est donnée par la statistique de Boltzmann:

𝑛2= 𝑛1𝑒𝑥𝑝 �−𝑘𝛥𝐸

𝐵𝑇 (1.6)

avec n1 la population initiale du niveau inférieur E1, kB la constante de Boltzmann et ΔE la différence d’énergie entre les niveaux E1 et E2. L’augmentation de la température accroit la promotion d’électrons au niveau supérieur 𝐸2 et le nombre de transitions

radia-45

tives en provenance de ce niveau augmente en conséquence. L’intensité émise via la relaxa-tion depuis l’état E2 augmente avec la température jusqu’à l’activation de nouveaux modes de relaxation non radiatifs (thermal quenching).

iii. Position et largeur des pics de photoluminescence [13,15,86]

L’augmentation de la température entraine l’expansion thermique du cristal hôte qui peut avoir des répercussions sur le champ cristallin auquel sont soumis les centres lu-minescents. Cela est susceptible de provoquer de très légers déplacements des pics ainsi que leur élargissement. L’élargissement des pics avec la température est également causé par l’augmentation du nombre d’états vibrationnels occupés depuis lesquels peuvent avoir lieu une relaxation radiative [86].