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Chapitre 1 : Potentiel des méthodes de photoluminescence pour diagnostiquer

2. Mesure de température par fluorescence

2.2 Mesure de température par fluorescence : Méthodes principales

2.2.2 Méthodes temporelles

Les méthodes temporelles sont basées sur la détermination de la température à par-tir de la valeur du temps de vie de fluorescence τ. Il existe plusieurs variantes pour déter-miner le temps de vie de fluorescence dont les méthodes directes par suivi temporel de l’intensité (analyse des temps de vie) et les méthodes fréquentielles.

i. Analyse des temps de vie (mesure directe)

Cette méthode consiste à enregistrer l’évolution temporelle de l’extinction du signal de fluorescence d’un pic après l’absorption d’une impulsion d’énergie lumineuse. Le temps de vie est extrait de la courbe de décroissance du signal de fluorescence d’intensité I en fonction du temps t. En général un modèle mono-exponentiel simple du type de l’équation 1.7 ci-dessous :

𝐼(𝑡) = 𝐼0𝑒−𝑡 𝜏� (1.7)

est utilisé pour calculer le temps de vie τ. La détermination de la température est ensuite faite à l’aide d’une courbe d’étalonnage temps de vie / température (Figure 1.19 (a)).

Figure 1.19: (a) Courbes d’étalonnage temps de vie/température de luminophores YSZ:Eu den-ses et sous forme de revêtements EB-PVD [21] (la courbe noire correspond au résultat de la régression des données avec le modèle de relaxation multi-phonon de Riseberg et Moos [99] (cf.

équation 1.8), (b) schéma d’un banc d’étalonnage typique pour la méthode d’analyse des temps de vie [30].

La méthode nécessite l’utilisation d’une source d’excitation puissante et d’un sys-tème de détection rapide pour compenser la forte réduction de l’intensité émise et du temps de vie de photoluminescence à haute température. Le schéma d’un montage classique d’étalonnage est illustré en Figure 1.19 (b). Le signal d’excitation (quelques dizaines de millijoules) est fourni à l’échantillon sous la forme d’une impulsion de quelques

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condes par un laser de puissance pulsé de type Q-switch dont la longueur d’onde cor-respond à l’une des trois premières harmoniques d’un laser de type Nd:YAG (532, 355 ou 248 nm). Notons cependant que certaines études ont montré que des LED de puissances (UV [106,115], bleues [116,117] ou vertes [118]) pouvaient constituer une alternative effi-cace et plus économique aux lasers. Néanmoins au-delà de 600°C le manque de puissance des LED rend les mesures difficiles du fait de la dégradation du rapport signal sur bruit dû au phénomène de thermal quenching et à l’augmentation de la contribution visible des émissions thermiques. Le signal, collecté et filtré pour ne conserver que la contribution d’un seul pic (filtre interférentiel de largueur à mi-hauteur 10-15 nm), est envoyé vers un photo-détecteur rapide tel qu’un tube photomultiplicateur (PMT). Le temps de vie est en-suite calculé en utilisant une méthode de régression non linéaire appliquée au modèle mono-exponentiel présenté plus haut.

L’évolution typique du temps de vie avec la température est illustrée sur la Figure 1.19 (a). Elle se décompose en deux régimes délimités par la température de quenching TQ. À basse température (T<TQ) le temps de vie de fluorescence est peu sensible à la tempéra-ture. Une fois activé le processus de quenching (T> TQ), le temps de vie décroît de manière exponentielle avec la température. Le modèle généralement utilisé pour décrire cette évolu-tion est le modèle de relaxaévolu-tion-multi-phonons de Riseberg et Moos [99]. Dans l’hypothèse où l’ensemble du processus de relaxation non radiatif provient de l’émission multi-phonons décrite au paragraphe 2.1.3, l’évolution du temps de vie τ avec la tempéra-ture T s’écrit suivant l’équation 1.8 :

𝜏(𝑇) = �𝑘𝑟+ 𝑘𝑛𝑟𝑝 (0) �1 − 𝑒𝑥𝑝 �−𝑘 ℏ𝜔 𝐵𝑇�� ∆𝐸 ℏ𝜔−1 (1.8)

avec kr le taux de relaxation radiative, 𝑘𝑛𝑟𝑝 (0) le taux d’émission non radiative à l’ordre p spontané à 0 K (i.e. pour l’émission de p phonons), 𝑝 =ℏ𝜔∆𝐸 le nombre de phonons émis (pour une énergie de gap de ∆𝐸 et des phonons de même énergie ℏ𝜔) et 𝑘𝐵 la constante de Boltzmann. Il s’agit du modèle le plus couramment utilisé pour l’ajustement analytique des données expérimentales [8,21,22,30,94,95,119,120] (Figure 1.19 (a)).

Il existe également un modèle donnant l’évolution du taux de relaxation via le

CTS WCT en fonction de la température calculée par Englman et al. [121], appliqué généra-lement à l’activateur Eu3+ concerné par ce type de relaxation non radiative [94,122]:

𝑊𝐶𝑇 = 𝑊0𝑇∗−1/2𝑒𝑥𝑝 (− 𝐸𝑎⁄𝑘𝐵𝑇) (1.9)

avec

𝑇 = �2𝑘ℎ𝑣

𝐵� 𝑐𝑜𝑡ℎ (2𝑘ℎ𝑣

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où 𝐸𝑎 représente l’énergie d’activation et hv l’énergie des phonons émis. L’évolution du temps de vie est similaire à celle régissant la relaxation directe par émission multi-phonons si bien que dans le cas des atomes concernés, les deux modèles donnent des quali-tés de régression équivalentes [94].

Selon les luminophores utilisés, la méthode des temps de vie offre un domaine de sensibilité à la température large et continu au-delà de 500°C et jusqu’à plus de 1400°C (YAG:Dy3+ et YAG:Tm3+ [123]), soit des gammes de températures adaptées aux conditions de fonctionnement des turbines. Ces méthodes bénéficient en général d’une bonne

résolu-tion en température (autour de 0.5°C [120]) et d’une grande robustesse. Les temps de

vie sont en effet très peu sensibles aux facteurs tels que l’uniformité de l’intensité (d’excitation ou émise), la courbure des surfaces, l’angle de vue, l’alignement etc. Ils ne sont également pas affectés par l’émissivité du matériau, la contamination et la luminosité du milieu environnant (radiations thermiques du corps noir, les émissions de flammes etc.), ce qui fait de l’analyse des temps de vie une méthode attractive pour la mesure de tempé-rature dans les environnements de combustion tels que dans les turbines aéronautiques.

En revanche, la détection du signal peut être difficile au-delà de 1000°C car le rap-port signal sur bruit est dégradé du fait de la diminution de l’intensité de fluorescence (thermal quenching) et de l’augmentation des rayonnements thermique de type corps noir dans le domaine visible. En dehors de la nature du matériau, la limite de température maximale détectable repose en grande partie sur la sensibilité et le temps de réponse du système de détection (aux alentours de 30-50 ns pour un PMT) comparativement au temps de vie des luminophores à haute température ( quelques dizaines de nanosecondes) [120].

L’analyse des temps de vie est essentiellement une méthode de mesure ponctuelle de par l’instrumentation requise (source laser et tube photomultiplicateur). La cartographie de température par la méthode des temps de vie est possible mais nécessite d’utiliser des ca-méras rapides de type CMOS dont la résolution temporelle est inférieure à celle d’un PMT, ce qui limite la température maximale mesurable. Malgré tout, ces systèmes permettent de mesurer la température avec une précision assez proche de celle d’un PMT sur des plages de températures supérieures à 500°C [124].

ii. Méthode fréquentielle [86,116,117,120]

À la différence de la méthode directe de mesure de temps de vie, le luminophore est excité par un signal modulé de fréquence f à l’aide d’une LED ou d’un laser continu (CW) équipé d’un modulateur de type cellule de Bragg. Le signal modulé alors émis par le luminophore affiche un déphasage 𝝓 par rapport au signal d’excitation dont il conserve la forme d’onde et la fréquence f (Figure 1.20). Cette phase 𝜙 est reliée au temps de vie de photoluminescence 𝜏 par la relation

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Figure 1.20: Illustration du déphasage du signal de fluorescence du luminophore Mg4FGeO6:Mn soumis à une excitation modulée sinusoïdale [116].

Pour un signal de modulation en créneaux (mode on/off), la différence d’amplitude est également reliée au temps de vie et peut être calibrée pour la mesure de température. L’avantage de la méthode provient du fait que le luminophore étant excité sur des périodes plus longues, l’intensité émise et le rapport signal/bruit sont accrus. La méthode présente également l’avantage de laisser le choix de la fréquence de modulation pour adapter la sen-sibilité du luminophore au régime de température [120].

En revanche la méthode est plus adaptée aux systèmes en régime stationnaire. Le déphasage mesuré dépend également fortement des interférences avec les signaux non dé-phasés dus à la réflectivité du revêtement, aux caractéristiques des filtres, à l’alignement optique et aux réflexions de l’environnement [120]. Celles-ci peuvent introduire des erreurs de mesure d’un système à l’autre par rapport à l’étalonnage. Enfin la méthode n’a été que peu appliquée en comparaison de la mesure directe des temps de vie et aucune information n’est disponible sur les performances de la méthode au-delà de 600°C.