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Chapitre 1 : Potentiel des méthodes de photoluminescence pour diagnostiquer

2. Mesure de température par fluorescence

2.2 Mesure de température par fluorescence : Méthodes principales

2.2.3 Méthodes intensimétriques

Les méthodes intensimétriques sont basées sur la dépendance à la température de

l’intensité des pics de fluorescence. L’avantage par rapport aux méthodes temporelles

est que l’illumination du luminophore peut être continue et que les variations spatiales d’intensité à une longueur d’onde donnée peuvent être facilement enregistrées avec une simple caméra CCD pour déterminer un champ de température. La sensibilité des in-tensités aux facteurs liés à la source d’excitation (inhomogénéité et instabilité de la source d’illumination), au luminophore (contamination par des salissures, épaisseur, densité et concentration en centres luminescents) et au système de détection (alignement, distance et angle de vue par rapport au détecteur) rend impraticable l’utilisation directe des intensités absolues et nécessite la mise en place de stratégies plus robustes.

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Méthode des ratios d’intensité [17,86,101,120,125]

La méthode des ratios d’intensité utilise une valeur scalaire correspondant au rap-port de l’intensité d’un pic sensible à la température à celle d’un pic peu ou pas sensible à la température servant de référence. Il s’agit en général des rayonnements émis depuis deux niveaux électroniques émetteurs suffisamment proches (env. 1000 cm-1 à 2000 cm-1) pour qu’intervienne le mécanisme de thermalisation dans la plage de température d’intérêt (cf. paragraphe 2.1.3 p. 44). C’est le cas par exemple des niveaux 4F5/2 (497 nm) et 4I15/2

(458 nm) du dysprosium (Figure 1.21 (a)). L’intensité du pic d’émission à 497 nm ne dé-croît que de 8 % entre 20°C et 910°C tandis que l’intensité émise à 458 nm augmente de 600 % sur la même plage de température [101].

Figure 1.21: (a) Courbe d’étalonnage températures/ratio d'intensité des pics à 458 et 494 nm entre 300 et 1130°C d'un luminophore YAG:Dy3+ (la courbe rouge correspond au modèle d’Arrhenius calculé à partir des données expérimentales)[18], (b) carte de température de la surface d’une paroi de chambre de combustion (à proximité d’un évent de refroidissement

dé-bouchant) revêtue de YAG:Dy3+,obtenue avec à la méthode des ratios d’intensité [18].

Le ratio d’intensité permet d’éliminer en grande partie les effets de l’homogénéité de l’illumination, des concentrations en activateurs et autres facteurs auxquelles sont sensibles les intensités absolues. En faisant l’hypothèse que la population de ces deux états suit une

distribution de Boltzmann, le ratio des intensités des états 1 et 2 s’écrit 𝑅 =𝐼1

𝐼2= 𝐵. 𝑒𝑥𝑝 �𝑘𝛥𝐸

𝐵𝑇 (1.12)

avec Δ𝐸 la différence d’énergie entre les niveaux 1 et 2, 𝑘𝐵 la constante de Boltzman, 𝑇 la température et B une constante qui dépend des éventuels effets restés non corrigés dus au système de détection, à la source ou au luminophore [101]. Le tracé d’une

courbe d’étalonnage ratios/températures permet par la suite de déterminer la

tempé-rature (Figure 1.21 (a)).

Les images simultanément enregistrées à différentes longueurs d’onde grâce à des caméras CCD munies de filtres peuvent être comparées pixel par pixel pour construire des cartes de ratios ensuite convertibles en températures (Figure 1.21). Les mesures ponctuelles

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peuvent être réalisées plus classiquement à l’aide de photomultiplicateurs équipés de filtres interférentiels. Plusieurs systèmes sont utilisés classiquement pour la détermination de champs de températures par la méthode des ratios d’intensité :

- Ensemble de deux caméras CCD synchronisées équipées de filtres interférentiels différents : ce type de système nécessite une étape d’alignement et de reconstruction 3D susceptible d’introduire un nombre important d’erreurs de mesure qui limitent la réso-lution spatiale [126].

- Deux caméras et cube séparateur de faisceaux : le cube séparateur de faisceaux permet de s’affranchir de l’étape de reconstruction 3D mais nécessite un alignement mi-nutieux et réduit le rapport signal sur bruit.

- Caméra unique et roue à filtres : l’utilisation d’une roue à filtre ou tout autre dis-positif mécanique offrant la possibilité de passer d’un filtre à l’autre permet l’usage d’une unique caméra à condition de veiller à l’alignement des filtres. En revanche les images ne sont pas prises simultanément ce qui limite fortement l’utilisation du système pour la mesure phénomènes connaissant des fluctuations temporelles de température faibles devant le temps de commutation des filtres.

- Caméra unique et doubleur d’images : les doubleurs d’images comme les stéréos-copes possèdent deux ouvertures qui permettent d’enregistrer simultanément deux images du même objet sur deux zones de la même caméra avec deux filtres différents. Ce système engendre néanmoins une perte de résolution spatiale.

L’utilisation d’une seule caméra combinée à un doubleur d’image ne permet pas d’élimer tous les problèmes d’alignement. En effet le signal est divisé en deux trajectoires différentes dont la fonction de transfert peut varier entre les mesures et l’étalonnage [17,18].

Plusieurs activateurs de la famille des ions lanthanides trivalents présentent une paire de niveaux d’énergie émetteurs qui remplissent les conditions nécessaires à l’application de la méthode basée sur le phénomène de thermalisation (Pr3+, Nd3+, Sm3+, Eu3+, Er3+, Dy3+ et Yb3+ [120,127]). Seul le samarium Sm3+ et le dysprosium Dy3+ présen-tent cependant un domaine de sensibilité du ratio d’intensité entre les niveaux concernés qui s’étend au-delà de 700°C [101,120,125,128].

Néanmoins, Jordan et al.[129] ont récemment appliqué les principes de la méthode des ratios à un luminophore de type YAG:Pr pour déterminer le champ de températures dans un jet d’air turbulent à 500°C ensemencé avec des particules fluorescentes (Figure 1.22 (a)). Ces travaux ont montré la croissance significative et monotone du ratio des in-tensités des transitions 3P13H4 (480 nm) et 1D23H4 (610 nm) du praséodyme entre 30°C et 830°C, bien que les niveaux 3P1 et 1D2, séparés d’environ 4000 cm-1, ne soient pas en équilibre thermique en dessous de 1100 K (Figure 1.22 (b)).

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Figure 1.22: (a) Champ de températures moyen dans un jet d'air turbulent ensemencé avec des particules de YAG:Pr mesuré grâce à la méthode des ratios d’intensité [129], (b) évolution

avec la température du ratio des intensité des pics correspondants aux transitions

3P13H4 (480 nm) et 1D23H4 (610 nm) du praséodyme dans une matrice YAG[129].

Certaines études menées sur l’activateur europium dans la matrice Y2O3 [130,131], ont également montré qu’il existe une dépendance à la température du ratio d’intensité des émissions en provenance de niveaux électroniques non en équilibre thermique qui permet-tent malgré tout de définir des courbes d’étalonnage applicables à la mesure de tempéra-ture jusqu’à 1000°C [130]. Ces résultats suggèrent donc que l’utilisation d’un ratio issu de populations d’électrons hors équilibre pourrait potentiellement permettre d’étendre l’application du principe de la méthode à d’autres activateurs que les ions Dy3+ et Sm3+, dès lors qu’il existe une dépendance à la température de ces ratios.

La précision de la méthode des ratios est généralement moindre que dans le cas des méthodes d’analyse des temps de vie. La résolution des méthodes temporelles est en effet bien plus grande que la résolution spectrale, sans compter que les éventuelles variations du spectre avec la température peuvent introduire des erreurs dans les mesures (ex. décalage et/ou élargissement des pics). Par ailleurs, le spectre peut être convolé avec la part visible des émissions thermiques du corps noir, dont les effets se font sentir sur les mesures à par-tir de 900 K [17]. Brübach et al. [126] ont comparé les approches temporelles et intensimé-triques pour la mesure de champs de températures entre 60°C et 600°C sur le luminophore Mg4FGeO6:Mn. Les observations faites sur la mesure d’un gradient thermique unidirection-nel à l’aide de deux caméras rapides CMOS ont montré une plus faible résolution spatiale accompagnée de plus grandes incertitudes de mesures pour la méthode des ratios d’intensité (Figure 1.23). Les auteurs ont également relevé une sensibilité prononcée de cette méthode à de légères variations des conditions expérimentales, non observée pour la méthode des temps de vie.

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Figure 1.23: Comparaison du champ de températures d'un gradient thermique unidirectionnel mesuré sur un luminophore Mg4FGeO6:Mn (a) avec la méthode des temps de vie et (b) avec

la méthode des ratios d’intensité.

Ces résultats sont cependant à nuancer par le choix du montage expérimental de l’étude. La mesure à l’aide de caméras CMOS ne constitue pas une méthode représentative de l’application de la méthode des ratios, généralement effectuée avec des caméras CCD dont la résolution spatiale en intensité est supérieure. D’autre part la configuration du sys-tème de détection (2 caméras nécessitant une étape de reconstruction 3D) est par nature une configuration particulièrement sujette aux erreurs et sensible aux variations des condi-tions expérimentales.

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3. Application des méthodes de fluorescence à la

mesure de température dans le volume et au

contrôle non destructif de l’endommagement

de systèmes de BT

3.1 Concept de BT fonctionnalisées