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Le rapport à l'image C.3.

Enfin, un dernier média qu'il est intéressant de prendre en considération concerne les images. Par ce terme, j'entends toutes les représentations visuelles qui peuvent apparaître dans les forums ou dans la presse spécialisée. Cela peut être des photographies, des vidéos, mais aussi des enluminures par exemple ou encore des symboles. S'intéresser aux images donne une autre dimension à l'analyse de contenu, en dehors du support qu'est l'écriture. Cela permet de cerner ce qui apparaît comme important, du point de vue visuel, pour les pratiquants. Ce sont par exemple des images de traités anciens, des enluminures représentant un costume particulier, des vidéos de techniques martiales, de reconstitutions de batailles, etc. Les symboles, en particulier les images utilisées dans la page d'accueil d'un forum, peuvent se révéler porteurs de sens. Là encore, l'analyse qualitative est essentielle et l'étude quantitative permet la mise en place de comparaison et la délimitation des grandes tendances.

Ces images jouent un rôle particulier dans la pratique d'histoire vivante, puisqu'elles sont un support privilégié de présentation de données mais aussi un outil à partir duquel une démarche de reconstitution ou d'expérimentation peut être construite. À l'ère du numérique et de l’internet, elles sont omniprésentes, mais ce qui forme un point d'étude riche est la manière dont elles s'échangent (comment ?, dans quel but ?), les lieux sur lesquels elles sont représentées (presse, forums, etc.), et la connaissance des principaux destinataires (public d'amateurs, de reconstituteurs, d'universitaires ?). La façon dont les images transitent d'un forum à un autre ainsi que l'utilisation qui en est faite donne à voir la pratique à travers un visuel particulier.

À cet égard, les photographies et leur circulation sont un support d'étude riche. Étant un type d'image particulier, leur examen suit les analyses menées pour les autres supports visuels. Ces photographies peuvent être de deux types : en premier lieu, elles représentent des artefacts médiévaux et servent à la mise en place effective de la reconstitution ou de la pratique martiale. C'est par exemple le cas des photographies de pièces archéologiques conservées dans des musées : il peut s'agir de matériel militaire (armes, armures, etc.) ou d'objets usuels (restes de baquets, céramiques, bijoux, etc.). La photographie, comme les images « d'époque », jouent un rôle informatif. Elles vont permettre une meilleure compréhension d'un fait particulier qui posait problème. En second lieu, un autre type de

photographies est composé par celles représentant les pratiquants en situation. Il en est ainsi des photographies de costumes, de campements passés, de techniques d'AMHE, etc. Les vidéos de promotions des associations par exemple entrent aussi dans ce cadre. Le but de ce type de visuel est l'exposition d'un fait ou d'une technique et le souvenir. Certaines photographies sont utilisées pour se présenter et être accepté à une manifestation, tandis que d'autres auront pour but une remémoration d'un événement passé et le partage des clichés pris à ce moment-là.

Les images, qu'il s'agisse de photographies, ou de symboles et représentations d'époque, forment un ensemble de supports visuels riches puisqu'elles permettent de compléter l'analyse de contenu mené sur l'écrit. L'emploi de ces images, la façon dont elles sont agencées (par exemple dans un article), ainsi que leur typologie ne peuvent être ignorés, étant donné la place qu'elles occupent au sein de la presse et des forums. Pour cette raison, leur étude et leur prise en compte constituent un point méthodologique particulier de la recherche.

Ainsi, concernant la méthodologie qualitative employée pour cette enquête, il est opportun de rappeler que cette manière de faire se positionne en lien avec l'observation et les questionnaires, afin de présenter une autre approche de la pratique. Les entretiens et les différents médias mobilisés par l'histoire vivante forme le corpus d'éléments qui permettent une analyse visant à comprendre les phénomènes étudiés.

Pour conclure sur cette partie traitant de la méthodologie, il faut souligner que les diverses manières de recueillir des données (observations, questionnaires, entretiens, analyses de contenus) visent à délimiter et définir au mieux ce sujet d'étude qu'est l'histoire vivante. La multiplication des méthodes a pour but de saisir différentes facettes du phénomène, tout en permettant un aller-retour constant entre la pratique et la théorie. Les outils mobilisés à cet effet empruntent principalement à l'ethnographie, mais aussi à la sociologie et à l'anthropologie. Gilles Ferréol présente à cet égard la notion de « triangulation » :

« Principe du "chevauchement des méthodes" visant à mieux percevoir la richesse et la complexité du comportement humain. Mise en œuvre, lors de la collecte des données, de plusieurs techniques d'investigation (questionnaire, étude de cas, observation participante...). »229 D'une manière plus précise, ce « croisement » englobe « les sources

[…], les outils d'investigation […], les cadres de référence »230. La pluridisciplinarité apparaît de même comme essentielle en ce qui concerne les techniques d'investigation mobilisées. Elle favorise, en effet, la diversité et la réflexion épistémologique sur le sujet de recherche et la façon dont il peut être « saisi ». Enfin, quel que soit le type de support utilisé pour l'enquête, les référents ont souvent été (à chaque fois que cela était possible), les terrains sur lesquels se sont mises en place les observations. En ce sens, cette étude et, principalement, sa méthodologie globale, peuvent s'avérer ressortir du domaine de l'ethnologie. Comme dans le cadre d'une enquête de cette sorte, le particulier se présente comme un objet d'étude à part entière ; pourtant, il peut aussi s'extraire de ses propres limites afin de donner à voir un fait social qui s'exprime en dehors des frontières de ce terrain, et permettre d'aborder une analyse plus globale.

Celle-ci s'articule selon trois grands axes : le premier comprend l'histoire vivante comme une pratique à mi-chemin entre diffusion culturelle et structure vivante. La culture, mais aussi le patrimoine, ou encore la mémoire et la transmission, forment les quatre traits pertinents pour un premier cadrage identitaire de l'activité. Ensuite, le second vise à délimiter les rapports existant entre une conception professionnelle de la pratique et une conception de loisir, incluant de fait la question de la fête et du tourisme, par exemple. Enfin, le dernier axe analyse la reconstitution et les AMHE sous l'angle d'une démarche sociale, favorisant une délimitation des frontières du groupe et un ancrage identitaire affiné.