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Autres données quantitatives C.2.

En dehors des questionnaires réalisés dans la cadre spécifique de cette enquête, d'autres données quantitatives ont été employées. Ce sont principalement les études des organismes, tels l'INSEE, l'INED ou l'INSEP. Les éléments pris en compte relèvent dans ce cas de la statistique publique : « Le qualificatif de "statistique" s'applique d'abord à des

institutions officielles. Leur fonction est de produire des informations quantifiées sur la société, et leurs travaux pourraient être considérés de ce fait comme le type même des opérations statistiques. »198 Cependant, la statistique ne résout pas tous les problèmes quantitatifs, étant donné que « cette définition institutionnelle ne peut toutefois convenir

197Pour le questionnaire tel qu'il a été distribué, cf. en annexe 1, p. 648.

198Yannick Lemel (1984), « Le sociologue des pratiques du quotidien entre l'approche ethnographique et

pour deux raisons essentielles. Tout d'abord, les institutions officielles ne couvrent pas, et de loin, tout le champ des travaux statistiques en matière de vie quotidienne […]. Dans le même ordre d'idées, ces mêmes institutions officielles s'interdisent, pour des raisons déontologiques variant d'un pays à l'autre, de prendre en compte certaines variables, comme l'ethnie, la religion, les opinions politiques »199. C'est pourquoi le rapport entre sociologie et statistique peut être interrogé : « Y a-t-il un sens à parler du statisticien en

général et du sociologue en général comme de deux types humains distincts et définis une fois pour toutes? On conviendra ici que ces termes désignent des dispositions scientifiques susceptibles d'exister chez le même individu. Mais on ne niera pas pour autant l'existence effective d'une division des rôles entre statisticiens et sociologues. »200

La question du rapport à l'individu, unité de base au sein des enquêtes statistiques et sociologiques, se pose tout autant puisqu'il « ne suffit pas pas de le détacher physiquement

de son contexte ordinaire le temps d'une interview pour qu'il perde ipso facto l'ensemble des caractéristiques qu'il doit à son appartenance au groupe. L'enquête statistique peut recueillir à son sujet un faisceau de renseignements sur ses attaches sociales, les caractéristiques de son conjoint ou de ses parents. Bref, loin d'atomiser les relations sociales, l'enquête statistique offre le moyen privilégié de définir l'identité d'un individu de façon structurale, c'est-à-dire en référence à l'identité des autres et non de façon intrinsèque »201. Ainsi, comme analyse différentielle, la statistique offre des outils riches pour la pratique sociologique d'une étude de terrain.

Les rapports de la sociologie avec la statistique peuvent apparaître comme féconds, se complétant en agissant sur des terrains différents. Mais ils sont aussi « ambivalents », les usages faits de chacune des disciplines pouvant varier : « Une première lecture tend à

privilégier les rapports de surface, c'est-à-dire l'étendue du domaine d'investigation couvert par chaque discipline. À ce niveau, la sociologie l'emporte sans contexte : statistique et démographie ne représentent plus que des "disciplines auxiliaires » […]. Une seconde interprétation aboutit à une inversion dans la hiérarchie des connaissances. Dans cette optique, la sociologie n'a que des contours flous, alors que les limites de la statistique sont plus précises. »202 Compte tenu de la place occupée par le questionnaire dans cette

199Ibid., p. 7.

200François Héran, (1984), « L'assise statistique de la sociologie », Économie et statistique, n° 168, juillet-

août, p. 26.

201Ibid., p. 33.

étude, la question statistique sera davantage utilisée comme un outil d'appoint au service de la démarche sociologique. Le questionnaire n'apporte pas, à lui seul, tous les éléments nécessaires à la compréhension du phénomène. C'est pourquoi, d'autres objets statistiques peuvent être mobilisés, afin de recueillir des données plus complètes.

Les thèmes abordés ne concernent pas directement l'histoire vivante, puisque des données chiffrées ne sont pas produites sur ce thème précis. Mais l'utilisation d'autres enquêtes peut éclairer, sous un jour nouveau, les données obtenues lors du travail de terrain. C'est le cas pour les enquêtes statistiques concernant les pratiques sportives. Ce type d'étude permet de positionner les AMHE au regard d'autres sports ou activités physiques. En effet, bien que les AMHE soient absents des chiffres officiels, cela n'en demeure pas moins, dans l'appellation en tout cas, un « art martial » et, à ce titre, les données produites sur les arts martiaux (orientaux) peuvent fournir des points de comparaison importants ou encore procurer des pistes d'analyses. Ainsi, l'enquête menée par l'INSEP sur les pratiques sportives en 2000203 aborde des thématiques déjà présentes dans le protocole développé, tel l'engagement sportif ou les motivations des pratiquants. Ces chiffres, obtenus à grande échelle, éclairent d'une autre manière, confirment ou infirment des hypothèses propres aux AMHE. Il s'agit d'un exemple, mais généralement, les données fournies par l'INSEP apportent des éléments en fonction desquels il est possible de comparer ou de situer les AMHE.

L'INSEE produit, de même, des chiffres riches d'enseignement. Tout comme l'INSEP, il n'existe pas de base statistique propre à l'histoire vivante, mais des thèmes spécifiques à cette pratique sont pris en compte par l'institut. C'est le cas de toutes les statistiques portant sur les « sites culturels », leur fréquentation, leur classement, etc. Plusieurs monuments ayant un rapport (de près ou de loin) avec la reconstitution apparaissent dans cette base de données. Les notions relatives au tourisme sont aussi essentielles, non pas dans le cadre direct de la reconstitution, mais dans celui plus vaste de l'intérêt porté aux manifestations à caractère médiéval. Enfin, tous les éléments prenant en compte le « spectacle vivant » apportent des données complémentaires à l'étude.

L’enquête quantitative mobilisée pour cette recherche englobe la création de questionnaires propres au terrain, lui correspondant et lui répondant, ainsi que la prise en compte de

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données statistiques officielles, sur d'autres thématiques, mais toujours vis-à-vis de concepts propres à l'histoire vivante. L'intérêt du travail quantitatif réalisé sur place repose sur la notion de « questionnaire ethnographique » et sur son inscription complète au sein des méthodes de recherche mises en place. Cette manière de percevoir le terrain est indissociable de l'observation et des enquêtes qualitatives, elle est un complément essentiel à la compréhension du phénomène social étudié. Néanmoins, « l'approche statistique

génère un découpage du travail linéaire et sans rétroactions possibles : tests, puis collecte, puis chiffrement et, enfin, interprétation. La contradiction est ici complète avec les préceptes de retour aux observations [...]. Enfin, autre caractéristique encore, à moins bien sûr d'abandonner l'opération ou d'en relancer une autre toute différente, le chercheur ne peut remettre en cause le schéma sous- jacent au questionnaire une fois l'enquête conçue »204. Pour cette raison, l'observation est un moyen de préciser les éléments quantitatifs recueillis. Mais cette manière de procéder n'est pas exhaustive, et l'enquête qualitative permet, elle aussi, d'approfondir et de réajuster les données obtenues par le biais des questionnaires. En ce sens, elle est tout autant une étape importante de la méthodologie composée.

CHAPITRE IV :