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Entretiens avec des metteurs en scène de Québec

3. Le rapport avec l'équipe de production

Quels sont vos rapports avec les concepteurs ? Comment les choisissez-vous ?

Il est ici beaucoup question dt famille. Gill Champagne n'hésite pas à s'entourer de jeunes concepteurs mais il a aussi besoin de s'appuyer sur des gens d'expérience. Il les considère comme son premier public. Martin Genest, selon ses dires, construit son équipe comme dans Mission impossible, c'est-à-dire, selon les spécialités. Pour Marie-Josée Bastien, il s'agit de relations « quasi amoureuses ». Elle choisit des gens ouverts et curieux, présents en salle de répétition. Lorraine Côté s'attache surtout à la sensibilité de l'artiste. Patrie Saucier, tout comme Michel Nadeau, cherche les affinités et la connivence.

Quels sont vos rapports avec les acteurs ? Comment les choisissez-vous ?

D'une part, on cherche des acteurs qui ressemblent au personnage, qui dégagent la même énergie ou qui possèdent le même tempérament. D'autre part, on prend aussi souvent le risque de proposer des contre-emplois aux comédiens, de leur offrir un défi particulier : «[...] pour le déstabiliser.» comme le dit Michel Nadeau. Gill Champagne cherche particulièrement des gens qui ont une bonne forme physique et qui vont oser et se montrer disponibles, qui plongeront dans ce que lui demande le metteur en scène. De son côté, Lorraine Côté s'intéresse aux corps tout en se demandant quel physique, quelle énergie va le mieux incarner le personnage. Marie-Josée Bastien souligne, pour sa part, qu'elle aime les gens généreux et surtout ponctuels.

Pour ce qui est des auditions, elles sont plutôt rares. Cependant, Patrie Saucier en fait souvent offrant ainsi « [...] la chance aux comédiens de montrer qu'il sont capables de faire autres chose. » Marie-Josée Bastien n'en tient pas puisqu'elle a le privilège d'avoir travaillé avec la majorité des comédiens de Québec.

Comment établissez-vous une relation de confiance avec l'équipe de production ? Le respect semble être la clé du succès. Bien entendu, il faut avoir choisi son équipe avec soin et «[...] parce qu'on aime ce qu'ils font. » comme l'ndique Patrie Saucier. Gill

Champagne abonde dans le même sens en ajoutant qu'il faut d'abord arrivé préparé, en sachant où on veut aller avec ce texte.

Comment dirigez-vous les acteurs ?

On peut résumer les différentes approches par la capacité de donner confiance en soi aux comédiens. Les metteurs en scène rencontrés n'ont pas parlé de Stanislavski ou autres maîtres à penser. Ils ont plutôt abordé l'importance d'aider les acteurs à comprendre leur personnage (Patrie Saucier), que parfois les mots ne suffisent pas et qu'il faut être attentif aux besoins (Martin Genest). Il faut tabler sur ce qui marche bien plutôt que sur le négatif, essayer de les rendre confiants et qu'ils se sentent beaux et bons. (Lorraine Côté).

Que préférez-vous : être très direct if ou très « collectif»!

Cette question nous ramène au cœur du rôle du metteur en scène. Ce qui ressort des conversations c'est l'importance du rôle décisionnel que nécessite ce travail. En général, les metteurs en scène sont ouverts aux suggestions des comédiens, mais ils doivent demeurer le seul maître à bord. Comme l'explique Gill Champagne, après avoir préparé le terrain pendant plusieurs mois, voire des années, il est important que les comédiens respectent la voie proposée. Plusieurs rappellent d'être à l'écoute des besoins des acteurs : certains demandent beaucoup d'indications, d'autres moins. Michel Nadeau va plus loin en nuançant cet élément. Non seulement évite-t-il de donner trop d'indications mais il préfère mieux choisir ses mots. « Le sens [d'un mot] n'est pas le même pour tous. » Il explique que, parfois, les comédiens jouent la conséquence plutôt que l'action. Par exemple, le personnage fait pitié. Faut-il prendre la pose pour faire pitié ? Ou plutôt le jouer fier et orgueilleux, inconscient qu'il fait pitié ? Michel Nadeau insiste : « Il faut éviter d'en dire trop pour que l'acteur, pendant qu'il joue, pense à toutes les notes. Parfois aussi, le metteur en scène se contredit. Pendant ce temps, l'acteur n'est pas occupé à jouer, il est occupé à faire mes notes. »

Que pensez-vous d'inviter l'auteur à assister à une répétition ?

« Se cracher l'âme devant quelqu'un n'est pas facile quand on se sent vulnérable comme un comédien en répétition. » Cette affirmation de Patrie Saucier révèle bien le dilemme de

convier l'auteur ou d'accepter un visiteur à assister lors d'une répétition. D'un côté, la présence de l'auteur peut permettre de répondre à certaines questions, sur son intention et son parcours qui l'ont mené à l'écriture de sa pièce. Par ailleurs, Michel Nadeau mentionne le stress que cette présence peut imposer à l'équipe. Certains, se sentant en représentation plutôt qu'en répétition, tenteront d'impressionner l'auteur. Si ce dernier ne montre pas un enthousiasme éloquent, l'équipe peut se mettre à douter du metteur en scène. Pire encore, les auteurs font parfois des commentaires directement aux acteurs, s'appropriant ainsi le rôle du metteur en scène et brouillant possiblement les cartes.

À propos des auteurs, Martin Genest a mentionné que dans un texte, il y a l'anecdote, le fil de l'histoire, mais aussi ce qui se cache derrière, c'est-à-dire, ce que l'auteur voulait dire en écrivant cette œuvre. Ce « double langage » converge dans la même direction et devient alors le guide du metteur en scène.

Inviter l'auteur à une répétition est différent de le rencontrer à l'extérieur ou d'échanger avec lui pour mieux comprendre son œuvre. L'échange demeure alors entre le metteur en scène et l'auteur. Selon Gill Champagne, certains auteurs, comme Daniel Danis, établissent une relation de confiance avec un metteur en scène. D'autres abandonnent littéralement leur texte, celui-ci ne leur appartenant plus à partir du moment où il est travaillé en répétition.

Que feriez-vous si vous étiez en désaccord complet avec un collaborateur (concepteurs, acteurs) ?

Cette question ne fut posée qu'à Patrie Saucier et Gill Champagne. Ce dernier a souligné le peu de temps de répétition et donc la nécessité de bien choisir son équipe de production. Il rêve à des conditions de travail où on pourrait se payer l'exclusivité d'une équipe. Patrie Saucier résume cette situation en affirmant : « Pour faire un bon show, il faut que les gens soient heureux. »

Comment gérez-vous les groupes amateurs ?

« Dans le plaisir ! » s'est exclamée Marie-Josée Bastien. Patrie Saucier souligne la grande différence entre les amateurs : certains sont quasi professionnels tandis que d'autres font du théâtre pour faire rire leur cousin. Il faut donc trouver le juste équilibre pour conserver la

motivation et mener à terme le projet. Pour sa part, Gill Champagne ne change rien à sa méthode de travail et conserve les mêmes exigences qu'avec des comédiens professionnels.