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Mise en scène du spectacle La vie comme un voyage : récit d'un parcours de création

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Academic year: 2021

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MISE EN SCENE DU SPECTACLE

LA VIE COMME UN VOYAGE

RÉCIT D'UN PARCOURS DE CRÉATION

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval

dans le cadre du programme de Maîtrise en Littératures, arts de la scène et de l'écran pour l'obtention du grade de Maître es arts (M.A.)

DEPARTEMENT DES LITTERATURES FACULTÉ DES LETTRES

UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC

2010

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Ce mémoire décrit un travail de recherche-création portant sur la mise en scène théâtrale et ses multiples enjeux. Il y est question du parcours entrepris pour créer le spectacle La vie comme un voyage à partir d'un collage de textes, avec pour objectif d'explorer toutes les étapes d'un processus de mise en scène, c'est-à-dire l'élaboration de la proposition dramaturgique qui découle du texte, l'idéation de l'environnement spatial avec une équipe de concepteurs professionnels (scénographie, costumes, éclairages, bande-son), la recherche, l'apprentissage et la création de projections animées de photos, l'élaboration des déplacements des comédiens, l'établissement de conventions avec les spectateurs et la direction d'acteurs.

Tous les jalons de l'élaboration de ce spectacle sont décrits, y compris une première étape constituée de rencontres avec des metteurs en scène professionnels de Québec jusqu'à la présentation des résultats de recherche en laboratoire public. Cet essai inclut également un résumé des notions de mise en scène retenues et une évaluation des résultats obtenus.

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Remerciements

Je voudrais remercier les personnes qui m'ont aidée, accompagnée, encouragée, soutenue et qui ont rendu possible la réalisation de ce mémoire de maîtrise.

L'équipe de production de La vie comme un voyage :

Les interprètes : Véronique Aubut, Serge Bonin, Jean-Michel Girouard et Marie-Hélène Lalande.

Les concepteurs : Virginie Leclerc, Huguette Lauzé, Yves Dubois, Luc Vallée et Nicola-Frank Vachon.

L'équipe technique : Robert Boisclair, Valérie Durocher, Léonie Grenon Girard, Y van Démanche, Benjamin Le, Louis Morin et Frédéric Plouffe.

Mon cher ami qui m'a éclairée sur les mystères des projections : Jacques Martin Levesque. Les collaborateurs : François Beaulé (PetroAir Services), Stéphane Ferland (Aéroport Jean-Lesage), Jean-François Bouchard (Kolossal), Majid Tounsi, Michel Racine, Les Copies de la Capitale, Les Treize, l'AGEETUL, l'AELIÉS et le Département des littératures de l'Université Laval.

Le public qui a assisté à la présentation publique du laboratoire.

Et, bien entendu, l'auteur Jean-Pierre Dopagne qui a eu la bonne idée d'écrire les textes qui ont servi à la concrétisation de ce projet de mise en scène.

Les metteurs en scène qui ont généreusement partagé leurs connaissances, trucs et conseils : Marie-Josée Bastien, Gill Champagne, Lorraine Côté, Martin Genest, Michel Nadeau et Patrie Saucier.

Mes professeurs et l'équipe du Programme d'études théâtrales et plus spécifiquement : Irène Roy, ma directrice de mémoire, confidente et amie qui m'a tellement encouragée tout au long de ce parcours.

Chantai Hébert, qui a su ponctuer mes études de ses avis toujours très justes et pertinents. Robert Faguy et Liviu Dospinescu qui ont pris le temps d'évaluer mon travail.

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qui m'a toujours soutenue et encouragée dans la voie de la création.

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Résumé i Remerciements ii

Table des matières iii Liste des tableaux iii Liste des figures iii Introduction 4

1. Ideation du projet de mise en scène 7

2. Inspiration 11 3. L'histoire et les personnages 14

4. Le lieu de l'action 16 5. Recrutement de l'équipe de production 18

5.1 Recrutement des interprètes 18 5.2 Recrutement des concepteurs 18 5.3 Composition de l'équipe 19 6. Conception de l'environnement scénique 20

6.1 Scénographie 20 6.2 Environnement sonore 22 6.3 Costumes et accessoires 23 6.4 Éclairages 25 6.5 Projections 25 6.5.1 Choix de photos 25 6.5.2 Réalisation des projections 26

7. Direction d'acteurs 30 7.1 Préparation 31 7.2 La multi-interprétation 36

7.3 Les Exutoires 39 7.3.1 Exutoire du Prof 40

7.3.2 Exutoire de la mère (Monique) 41

7.3.3 Exutoire de Guillaume 41 7.3.4 Exutoire de Louise 42 7.4 Recherche de théâtralité 43 7.4.1 Théâtre-réalité 44 8. Direction de production 47 8.1 Organisation de l'horaire 47 8.2 Droits d'auteur 48 9. Présentation publique 50 Conclusion 51 Bibliographie 55 Annexe 1 : Entretiens avec des metteurs en scène de Québec 57

Annexe 2 : Texte du spectacle La vie comme un voyage 77

Annexe 3 : Programme du spectacle 143 Annexe 4 : Photos du spectacle 144 Annexe 5 : Commentaires de spectateurs 146

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Tableau 1 : Personnages retenus selon le texte 9 Tableau 2 : Répartition des rôles selon les comédiens et comédiennes 10

Tableau 3 : Liste des costumes et accessoires par personnages 24

Tableau 4 : Information factuelle sur les personnages 32 Tableau 5 : Répartition du travail dans le temps 47

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Figure 1 : Psychologie de la forme 12 Figure 2 : Serge Gainsbourg, vu par Stefan de Jaeger 13

Figure 3 : Scène croquée dans un aéroport par le photographe Nicola-Frank Vachon 17

Figure 4 : Plan du décor préliminaire 21 Figure 5 : Plan du décor final 21

Figure 6 : Décor - résultat final 21

Figure 7 : La croix de Goudu 26 Figure 8 : Exemple de photos utilisées en projection pour illustrer les lieux évoqués 28

Figure 9 : Exutoire du Prof de littérature 40 Figure 10 : Exutoire de Monique, la mère vétérinaire 41

Figure 11 : Exutoire de Guillaume 42 Figure 12 : Exutoire de Louise 42

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En schématisant, on peut dire que la mise en scène est un discours sur un texte et sur ses résonances dans le présent. C'est une prise de pouvoir. D'un pouvoir relatif, certes, mais qui est l'amorce d'une réflexion publique sur des enjeux ignorés jusque-là.1

C'est un rôle étrange que celui de metteur en scène. Il ne demande pas à être Dieu et pourtant il lui ressemble. Il voudrait être faillible et pourtant la conspiration instinctive des comédiens le fait passer pour un arbitre, car ils ont constamment besoin d'un arbitre. Dans un sens, le metteur en scène est toujours un imposteur, un guide dans le noir, qui s'avance sans connaître le terrain, et pourtant il n'a pas le choix : il doit guider, tout en découvrant son chemin au fur et à mesure. Il est menacé d'enlisement s'il ne prend pas conscience de ces difficultés et reste optimiste alors qu'il doit faire face au pire.2

J'ai choisi d'entreprendre une maîtrise pour valider et développer mes connaissances en mise en scène. Je voulais savoir si ma démarche actuelle peut se mesurer avec celle de metteurs en scène professionnels. Je voulais aussi me donner du temps pour explorer et augmenter mes connaissances en théâtre.

Le présent mémoire est un compte rendu de ma recherche-création en mise en scène. Je relate ici le parcours entrepris pour valider ma propre méthode de travail en me confrontant à des comédiens et comédiennes ainsi que des concepteurs et conceptrices professionnels tous issus du milieu théâtral de Québec. À la manière d'une apprentie, j'ai eu envie de rencontrer des metteurs en scène professionnels de Québec et comparer les similarités et les différences quant à ma propre pratique, c'est-à-dire, en ce qui a trait à la préparation du travail de création, l'organisation et le recrutement de l'équipe et la direction d'acteurs. C'est avec une grande générosité qu'ils ont partagé leur expérience.

Bien que je possède un diplôme universitaire en théâtre, le fait de ne pas avoir suivi une formation au Conservatoire d'art dramatique m'a longtemps fait douter de mes compétences de metteure en scène. J'ai tout de même réalisé une trentaine de mises en scène et appris mon métier au fil de ces expériences. Pourrais-je un jour être considérée en tant que metteure en scène professionnelle même si je ne fais pas partie de « la famille du Conservatoire »? Je n'avais d'autres choix pour répondre à cette interrogation que de chercher à apprendre par toutes les façons possibles. C'est ainsi que j'ai eu l'idée d'aller

1 Jean Saint-Hilaire, « Mettre en scène au féminin », Le Soleil, 23 avril 2007, [s.p.].

2 Peter Brook, « L'espace vide », traduit de l'anglais par Christine Etienne et Franck Fayolle, Éditions du

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de confronter ma pratique avec la leur.

Entre décembre 2007 et janvier 2008, j'ai eu le privilège de rencontrer Marie-Josée Bastien, Gill Champagne, Lorraine Côté, Martin Genest, Michel Nadeau et Patrie Saucier dans les salles de répétition du Théâtre du Trident, du Théâtre Périscope et au Conservatoire d'art dramatique de Québec. C'est dans leurs lieux de travail, évocateurs de leurs productions, que je leur ai posé les mêmes trente-cinq questions portant sur la définition de leur démarche artistique, leur travail de préparation et de réflexion, leur rapport avec l'équipe de production, la réalité de la mise en scène à Québec en 2008, leurs recommandations et l'avenir de la profession. Les lecteurs pourront prendre connaissance de ce questionnaire à l'annexe 1, page 47.

Après plus de douze heures d'entretiens, ce qui ressort c'est qu'à peu de choses près, ces metteurs en scène créent de la même façon. Teintée des conventions syndicales, l'organisation générale du travail se ressemble : une période de recherche et de conception, le travail en salle de répétitions, l'entrée en salle et la création du spectacle devant public. De ces conversations, j'aurai reçu la confirmation que mes méthodes de travail actuelles sont assez semblables aux leurs. J'avoue en avoir ressenti un certain réconfort. Par ailleurs, j'ai glané certaines façons de faire et idées qui m'ont semblé intéressantes et que je me proposais de tester. En voici quelques-unes3 :

• Est-ce que le propos me touche? Qu'est-ce que j'ai envie de dire avec ce texte? (Martin Genest)

• Garnir les murs de mon bureau d'idées de mise en scène, de photos, de sources d'inspiration. Lire Lettres à un jeune poète, de Rainer-Maria Rilke4. (Martin Genest)

• Garder sous la main un gros cahier pour noter les idées. (Marie-Josée Bastien)

• Composer le spectacle en « entrant » dans la pièce et en voyant la mise en place. (Lorraine Côté)

• Tracer la courbe de l'action de la pièce et chercher les mouvements du texte, sa respiration. (Michel Nadeau)

3 cf. Annexe 1 : Entrevues avec des metteurs en scène.

4 Rainer-Maria Rilke, « Lettres à un jeune poète », traduites de l'allemand par Bernard Grasset et Rainer

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personnage. Demander aux comédiens de ne pas jouer. (Gill Champagne)

• Utiliser des placebos pour exacerber les émotions. Échanger les rôles entre les comédiens le temps d'une répétition. (Patrie Saucier)

• Aller cueillir l'inspiration dans les arts visuels, la musique, etc., et être attentive aux signes qui m'entourent ou qui croisent mon chemin. (Recommandation générale)

J'ai aussi retenu que le rôle du metteur en scène est souvent d'accompagner les acteurs et de fusionner les talents de l'équipe de création. Il était donc primordial qu'en tant que capitaine du bateau, je puisse inspirer mon équipage. Munie de ces informations, je suis passée aux actes. Les pages qui suivent décrivent le parcours qui m'a menée à la réalisation de mon laboratoire de recherche dont l'issue a été la présentation de La vie comme un voyage en juin 2009.

J'ai par la suite entrepris un programme de lectures variées. Il me reste encore bien des ouvrages à parcourir mais j'ai eu le plaisir de lire les grands praticiens de la mise en scène ainsi que d'autres auteurs qui ont nourri et enrichi ma réflexion. La bibliographie est fournie en annexe.

Finalement, à l'hiver 2009, j'ai mis sur pied mon laboratoire de recherche. Intitulé au départ Photos de famille, j'ai modifié le titre pour La vie comme un voyage, à la demande de l'auteur qui craignait une certaine confusion avec son texte du même titre. J'aborde d'ailleurs la question des droits d'auteur plus loin dans ce mémoire (cf. page 48).

Dans les pages qui suivent, je résume l'idéation du projet, le recrutement de l'équipe de création, la préparation de la mise en scène, les choix artistiques qui ont orienté la recherche, le déroulement des répétitions, la présentation publique du laboratoire ainsi que quelques mots sur la direction de production. Je terminerai en soulignant les leçons apprises de cette expérience et les conclusions retenues. Afin de compléter ce dossier, j'inclus en annexe le compte-rendu des entretiens avec les metteurs en scène, le texte de La vie comme un voyage, le programme du spectacle, quelques photos, des commentaires de spectateurs et, enfin, le DVD du spectacle.

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J'ai le sentiment d'avoir toujours recherché la mise en scène en partant de l'intérieur de la substance même de l'œuvre, de sa résonance humaine, d'avoir cherché à établir le contact le plus direct entre l'auteur et le public, et non à mettre en valeur mon propre travail.

Jacques Copeau (1879-1949)5

La vie comme un voyage est un collage composé d'extraits d'oeuvres de l'auteur belge Jean-Pierre Dopagne : Prof!6 (aussi connu sous le titre L'Enseigneur), Photos de famille7 et La

Demoiselle8. Ces trois textes abordent les relations familiales selon le point de vue des

parents, celui des enfants et entre la famille et le système d'éducation. En m'entourant d'une équipe de créateurs professionnels, je désirais pousser plus loin mes capacités de metteure en scène, me confronter à mes doutes et à mes questionnements et vérifier si ce que j'ai à dire peut être de quelque intérêt. Depuis plus de cinq ans, ce projet me tourne autour comme un enfant qui m'interpelle. Il fallait que je l'écoute, que je m'écoute.

Dans les faits, je travaille sur La vie comme un voyage depuis 2003. Par le plus grand des hasards, j'ai abordé l'univers de Jean-Pierre Dopagne par l'entremise de Photos de famille. Dans le même esprit que les spectacles de l'acteur français Philippe Avron (Je suis un saumon, Le fantôme de Shakespeare), ce monologue est écrit pour une comédienne qui, en plus d'interpréter le rôle principal, incame tous les autres personnages qui sont évoqués dans son récit : le professeur de littérature, le directeur de théâtre, le policier, les membres de sa famille ou la concierge pour ne nommer que ceux-là. C'est un bien grand défi pour tout acteur que d'occuper seul la scène et de trouver le moyen de rendre crédibles les autres personnages qui n'ont que quelques répliques pour se défendre. Il est aussi très difficile de jouer un dialogue seul.

J'ai pensé qu'il serait intéressant de donner la parole aux différents personnages évoqués dans le texte Photos de famille en leur donnant vie et en faisant appel à d'autres comédiens pour entourer le personnage principal. Les acteurs auraient à jouer le personnage principal

5 Clément Borgal, « Metteurs en scène », Éditions Fernand Lanore, Paris, 1963, p.l 18.

6 Jean-Pierre Dopagne, « Prof! », Éditions Lansman, Camières-Morlanwelz, Belgique, 2002,39 p.

7 Jean-Pierre Dopagne, « Photos de famille », Éditions Lansman, Carnières-Morlanwelz, Belgique, 1997,

34 p.

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comme un voyage et du travail sur la multi-interprétation.

J'ai donc entrepris de lire les œuvres complètes de Dopagne. C'est ainsi qu'après la trilogie composée de Prof!, Photos de famille et La jeune première9 où les mêmes personnages se

côtoient, j'ai constaté qu'il existait une multitude d'autres personnages très intéressants dans les textes de Dopagne. Je pense entre autres au personnage du chien dans Un ami fidèle'0, à la relation père-fille explorée dans Le vieil homme rangé11 ou à cette jeune fille

coincée entre sa mère flamande et son père wallon et qui rêve de son prince charmant dans La Demoiselle.

Après plusieurs semaines de repérage, j'ai retenu trois personnages principaux. Chacun possédait une identité forte et complexe. De plus, la richesse des personnages évoqués dans chacune des histoires permettait l'exploration formelle de la multi-interprétation. Ce qui m'importait, c'était de travailler la mécanique de transformation d'un personnage vers un autre. Le tableau 1 présente les personnages retenus pour composer le montage de La vie comme un voyage.

9 Jean-Pierre Dopagne, «La jeune première», Éditions Lansman, Carnières-Morlanwelz, Belgique, 2001,

42 p.

10 Jean-Pierre Dopagne, « Un ami fidèle», Éditions Lansman, Carnières-Morlanwelz, Belgique, 1997,42 p. 11 Jean-Pierre Dopagne, « Le vieil homme rangé», Éditions Lansman, Carnières-Morlanwelz, Belgique, 1999,

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Textes Personnage principal Personnages secondaires

Prof! Le prof de littérature Guillaume, un élève

Le père du professeur René, un collègue Le proviseur Le ministre

Le directeur de théâtre Photos de famille La mère, vétérinaire

(baptisée Monique pour faciliter la lecture du texte recomposé)

Guillaume, son fils Daniel, son mari Viviane, sa fille Sa mère

Mlle Cordier, la concierge Mme Rosière, une cliente Une cliente anonyme Le directeur de théâtre Le policier #1

Le policier #2 Le chef de chantier La Demoiselle Louise, la jeune fille La mère de Louise

Le père de Louise Le vendeur

Jean-Phillipe, le don Juan Le Prince Charmant On peut constater que Prof ! et Photos de famille faisant partie de la même trilogie, certains personnages se recoupent : la mère, Guillaume, le prof de littérature et le directeur de théâtre.

Quatre acteurs étaient nécessaires pour interpréter les trois rôles principaux tandis qu'un dernier était requis pour le personnage de Guillaume; son importance dans deux des récits en faisant un personnage principal. J'ai réparti les personnages secondaires parmi les comédiens en tenant compte du temps nécessaire pour les transformations. L'occasion était belle d'explorer aussi le jeu transgenre c'est-à-dire confier un rôle de femme à un homme sans pour cela qu'il ne devienne ridicule. Le tableau 2 résume la répartition des rôles.

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Tableau 2 : Répartition des rôles selon les comédiens et comédiennes

Comédien #1 Comédien #2

Le prof de littérature Guillaume

Le policier #2 Le directeur de théâtre

Père de Louise Mme Rosière

Daniel Le policier #1

Le vendeur Le père du prof

Le chef de chantier Jean-Philippe, le don Juan René, un collègue

Le proviseur

Le Prince Charmant Le ministre

Comédienne #1 Comédienne #2

La mère (Monique) Louise

Mère de Louise Viviane

Mlle Cordier

Une cliente anonyme Mère de Monique

À partir de ce point, j'étais en mesure de débuter le travail de mise en scène, c'est-à-dire, discerner les temps forts du texte, explorer la nouvelle structure émanant de ce montage et imaginer les moyens pour représenter ma lecture personnelle de l'œuvre de Jean-Pierre Dopagne.

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I you have a school's photograph and everybody is casting around, the first thing you do is : " Where am I ? " You didn't look for your friends, you look for yourself.

George Martin12

En entrevue13, le metteur en scène Martin Genest a insisté sur la nécessité de déterminer le

message qu'on désire transmettre avec un texte dramatique, ce qui nous touche dans une œuvre et ce qu'on désire partager avec le public.

Je crois profondément à la responsabilité des parents envers leurs enfants. Ce projet était l'occasion de dénoncer les enfants parqués à l'école, le désengagement des parents par rapport à l'éducation de leur progéniture et la voie de la facilité du tout-laisser-faire. Je voulais défendre les enfants qu'on n'écoute pas, qui ont un agenda à huit ans et dont le meilleur ami est le Nintendo. Je voulais décrier les adolescents qui apprennent à aimer sur des sites pornos parce que personne ne leur a appris la tendresse. Je voulais interpeller les adultes sur le suicide des jeunes qui n'arrivent pas à attirer autrement l'attention de leurs parents.

Je me suis inspirée de la Gestalt-thérapie, en espérant arriver à créer une expérience qui soit personnelle à chaque spectateur. Cette psychothérapie analyse l'expérience ici et maintenant et la responsabilité personnelle. Elle s'intéresse particulièrement au contact et à la mise en relation par l'expression des émotions14. Cette avenue me semblait fort à propos.

Au cours de mes études en infographie, un professeur nous parlait de la psychologie de la forme15, une théorie émanant de la Gestalt. Il s'agit du réflexe que nous avons de compléter

une forme incomplète pour lui donner un sens qui nous est propre. On choisit ce qu'on regarde : le fond ou la forme. Dans l'illustration suivante intitulée Vase de Rubin, voit-on

12 Martin Bolduc, Jonathan Clyde et Jaques Methe, « All Together Now », Cirque du Soleil Images et Apple

Records, Distribution EMI International, [s.l.], 2007, 85 min, (anglais) / 75 min. (français), documentaire, HD.

13 cf. Annexe 1 : Entrevues avec des metteurs en scène.

14 Wikipédia, Gestalt-thérapie [en ligne], http://fr.wikipedia.org/wiki/Gestalt-therapie, [site consulté le

29 septembre 2009].

15 Wikipédia, Psychologie de la forme [en ligne], http://fr.wikipedia.org/wiki/Psychologie_de_la_forme, [site

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un vase ou deux visages de profil? Une fois qu'on a vu l'image, on ne peut plus ne plus la voir. Elle s'impose. Il nous est alors impossible d'ignorer la réalité telle qu'elle nous apparaît.

16

Figure 1 : Psychologie de la forme

Je voulais que les spectateurs qui assistaient à La vie comme un voyage se recréent et complètent leur propre image à partir de ces histoires morcelées. Afin d'illustrer l'idée de recomposition, je place ici une photo d'une œuvre de l'artiste belge Stefan de Jaeger (Figure 2)17. Il a composé cette image en assemblant des photos Polaroid de Serge

Gainsbourg pris sous des angles différents. Ce faisant, il a réussi à reconstituer une nouvelle image du chanteur. Même si on ne connaît pas l'artiste, on reconnaît la silhouette d'un homme. On peut aussi choisir de ne regarder que le carrelage blanc et d'ignorer le contenu. C'est vers ces choix de regards que j'ai orientés les différents aspects de ce projet.

16 Wikipédia, Psychologie de la forme [en ligne], http://fr.wikipedia.org/wiki/Psychologie_de_la_forme, [site

consulté le 29 septembre 2009].

17 Valérie Einhorn, Magazine Aréoports de Paris, Aéroports de Paris, décembre 2008-janvier 2009, Paris,

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Figure 2 : Serge Gainsbourg, vu par Stefan de Jaeger

Plus je travaillais à ce projet, plus je me rendais compte que j'étais en train de préparer un genre d'album photos. Je découpais des parties de photos et les réarrangeais pour créer une nouvelle image, un nouveau portrait de famille.

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Tu as saisi que le théâtre est l'art de la rupture et de la discontinuité.

Éric Emmanuel Schmitt18

Comme mentionné plus haut, c'est à partir de trois textes de Jean-Pierre Dopagne, Prof!, Photos de famille et La Demoiselle, que j'ai créé une nouvelle œuvre, un montage d'histoires parallèles.

Dans Prof !, un professeur de littérature est désillusionné de son métier. Désabusé du contexte dans lequel il doit enseigner, de ses élèves qui ne s'intéressent à rien, il décide un matin de mettre fin à cette vie. Il prend une arme et tire sur sa classe. Après un certain temps en prison, le gouvernement décide de se servir de lui comme outil de prévention. On lui impose de raconter son histoire devant public au théâtre.

Dans Photos de famille, une mère de famille, vétérinaire de son état, ne comprend pas pourquoi son fils s'est suicidé, pourquoi sa fille s'est expatriée en Californie ni pourquoi son mari l'a quittée. Constamment en partance pour San Francisco, elle raconte son histoire à qui veut l'entendre au café, à la gare, à l'épicerie, partout. À la dernière minute, elle décidera, une fois de plus, de ne pas partir.

Dans La Demoiselle, Louise, est la fille d'un père wallon et d'une mère flamande. Elle rêve à un destin de princesse qui l'éloignera du kiosque à frites maternel. Elle raconte ce rêve éveillé en s'adressant au public comme à des témoins privilégiés. Elle nous parle de la pression de ses parents pour qu'elle réussisse sa vie, de sa désillusion face aux rapports amoureux, de la chasse à l'homme sur internet et de son poisson rouge, Bernadette. À noter que, dans ce texte, j'ai volontairement mis de côté la réflexion portant sur la réalité politique très particulière de la Belgique, soit la cohabitation entre les Flamands et les Wallons. D'ailleurs, certaines répliques écrites en flamand pouvaient difficilement s'intégrer dans un projet présenté à Québec.

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On remarquera la thématique de la confession publique qui s'avère récurrente dans les trois histoires. Ce n'est pas sans rappeler la télé-réalité où l'on voit des gens parler à une caméra dans un confessionnal pour ensuite continuer de vivre, consciemment, sachant qu'ils sont épiés par des caméras cachées. Peut-être pourrait-on qualifier La vie comme un voyage de théâtre-réalité. Je reviendrai d'ailleurs sur cette idée à la page 44.

Créés sous forme de monologue, ces trois textes sont écrits pour être interprétés par une seule personne. Comme chacun des protagonistes relate des conversations et des rencontres, la difficulté de la multi-interprétation s'imposait. J'avais envie de fouiller ce phénomène propre au théâtre soit l'incarnation de plusieurs personnages à la fois féminins et masculins, par le même comédien dans une même pièce. En transformant certaines parties en dialogues, la présence d'autres comédiens et comédiennes enrichit l'interprétation de ce collage. Au lieu d'être une simple histoire racontée au passé, certains épisodes pouvaient être joués au présent.

J'ai morcelé les récits en découpant les textes en épisodes. J'ai cherché à donner l'impression d'une conversation interrompue qu'on reprend comme si elle ne s'était pas arrêtée. Je voulais que le tout ressemble parfois à des pensées, à des réflexions un peu désordonnées mais qui, tout à coup, prennent sens quand tous les fils sont rattachés. Par la suite, il fallait m'assurer de la faisabilité de ce nouveau montage c'est-à-dire, la possibilité pour les comédiens et comédiennes de se transformer entre chacune des scènes lorsque nécessaire.

Quatre comédiens (deux hommes, deux femmes) ont interprété la multitude de personnages évoqués dans les monologues. Tous les comédiens et comédiennes demeuraient sur scène en tout temps. Chacun interprétait un personnage principal (le Professeur, la mère - que j'ai baptisée Monique - , Louise et Guillaume). Le personnage de Guillaume était déjà présent dans le monologue du Professeur et de la mère. En effet, il est à la fois le fils qui s'est suicidé et l'élève du professeur de littérature. Les comédiens et comédiennes incarnaient aussi tous les personnages évoqués dans les histoires des personnages principaux. C'est ainsi que le comédien qui interprétait Guillaume devenait Jean-Philippe le don Juan, le directeur de théâtre ou le Prince Charmant. Les autres interprètes en faisaient tout autant.

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4. Le lieu de l'action

Je ne cherche pas à imposer ma vision, mais plutôt à créer un terrain propice pour que la vidéo, les costumes, la scénographie, la musique et toutes les autres composantes du spectacle puissent cohabiter et s'inspirer mutuellement.

Robert Lepage"

J'ai situé l'action dans une salle d'attente d'aéroport. L'idée provient du fait que Monique, la mère, est en partance pour la Californie. Il était possible d'intégrer les autres histoires dans ce lieu : Louise s'envole pour épouser son Prince Charmant et on pourrait croire que le Prof attend un vol. Je voyais le personnage de Guillaume comme un fantôme qui hante les personnes qui l'ont connu. Il est présent mais on ne le voit pas. On le sent.

Le rituel qui accompagne une salle d'attente d'aéroport me semblait rempli de possibilités. C'est un immense espace où les étrangers attendent, parfois avec appréhension, parfois avec impatience ou résignation, le départ d'un avion vers un ailleurs où les accueilleront, on le souhaite, des gens qui les aiment. À la fois hublots sur la vie et vitrines vers le ciel, les grandes fenêtres diffusent une lumière trop forte lorsqu'il y a du soleil ou amplifient la grisaille. Le soir, les néons donnent un teint verdâtre. Il y a toutes sortes d'odeurs d'humains. Il y a des bébés qui pleurent et on entend les langues du monde entier. Les gens attendent. Ils attendent... et réfléchissent puisqu'il n'y a rien d'autre à faire. Les sièges deviennent inconfortables à la longue. Parfois les gens se racontent à des étrangers qui les écoutent plus ou moins. Lorsque j'ai vu la photo de Nicola-Frank Vachon (Figure 3), j'ai compris que cette fenêtre-hublot pouvait servir de fond de scène où apparaîtraient d'autres images en projection.

19 Robert Lepage, Programme du spectacle « Busker's Opera », présenté par Ex Machina, Carrefour

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Figure 3 : Scène croquée dans un aéroport par le photographe Nicola-Frank Vachon Dans une salle d'attente d'aéroport, les gens entendent des voix aseptisées annoncer les départs, les retards, appeler des noms aux consonances étranges. Je voulais utiliser et recréer ce type de voix comme autant d'appels inconscients pour les personnages. Ils pensent tout d'abord que ces appels ne les concernent pas. C'est sûrement pour quelqu'un d'autre. En réalité, il s'agit de la voix de ceux qu'on entend d'une oreille distraite mais qu'on refuse d'écouter, la voix d'un être aimé ou notre petite voix intérieure qui insiste. Voici quelques exemples de voix off que j'ai ajoutées au texte :

VOIX OFF

• On rappelle aux passagers de ne pas quitter leurs bagages et leurs personnes chères des yeux. On ne sait jamais, ils pourraient vous manquer.

• Nous rappelons aux passagers d'avoir en main leur carte d'embarquement afin d'épargner ce temps qui passe trop vite.

• Avis à tous les passagers. Vous n'en ferez jamais assez. On dirait que ce n'est jamais assez.

• Dernier appel pour les passagers du vol 217. Embarquement immédiat. C'est votre dernière chance.

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Un metteur en scène, c'est quelqu'un qui va essayer de transmettre à l'autre la volonté d'un résultat émotif.

Serge Postigo20

5.1 Recrutement des interprètes

Le recrutement des comédiens et des concepteurs a débuté en février 2009. J'ai contacté des artisans que je connaissais déjà. Ils étaient tous occupés lors de la période de présentation publique en juin. Ma directrice de mémoire, Irène Roy, m'a suggéré de contacter Véronique Aubut, laquelle serait peut-être disponible. Cette dernière a accepté à condition de ne pas avoir à mémoriser le texte puisqu'elle travaillait sur plusieurs projets au même moment. J'ai aussi contacté Gill Champagne, directeur artistique du Trident pour lui demander conseil. Il m'a suggéré plusieurs comédiens en me fournissant leurs coordonnées. J'avais repéré Marie-Hélène Lalande alors qu'elle jouait à Premier Acte l'hiver précédent. Je lui ai proposé un rôle même si je ne la connaissais pas personnellement. Elle a tout de suite accepté. Quant à Serge Bonin, j'avais déjà travaillé avec lui par le passé. Il a accepté à condition d'avoir la possibilité de s'absenter à la dernière minute, car il avait parfois la possibilité de tourner à Montréal. Enfin, le talent de Jean-Michel Girouard m'avait été confirmé par Véronique Aubut. Je n'avais jamais vu jouer Jean-Michel mais il me semblait avoir le physique de l'emploi pour le rôle du jeune Guillaume. Lui aussi a tout de suite accepté. Afin d'accommoder l'équipe, nous avons convenu qu'ils conserveraient leur texte en main lors de la présentation publique.

5.2 Recrutement des concepteurs

J'ai approché des concepteurs avec lesquels j'avais déjà travaillé dans le passé. C'est ainsi que Virginie Leclerc a conçu la scénographie, Yves Dubois a créé l'environnement sonore et Huguette Lauzé a pris en main les costumes. J'ai demandé la collaboration de Nicola-Frank Vachon pour obtenir le droit d'utiliser ses photos pour les projections. Il ne me

20 Propos recueillis par Stephan Bureau dans le cadre de l'émission « Les grandes entrevues Juste pour Rire »,

(23)

manquait qu'un concepteur d'éclairage. J'ai eu beau faire appel à mon réseau de connaissances, impossible de trouver un concepteur disponible. Finalement, c'est encore Irène Roy qui m'a aidée en plaçant sur ma route un ancien du programme de théâtre, Luc Vallée. Celui-ci a sauté à pieds joints dans l'aventure. Il m'a aussi offert ses connaissances techniques, car il avait été responsable, lors de ses études à l'Université Laval, du Studio-Théâtre (où serait présenté mon laboratoire). Pour ma part, j'ai pris en main tout ce qui avait trait à la préparation des projections. Enfin, j'ai recruté Valérie Durocher, une étudiante en théâtre pour agir à titre d'assistante à la mise en scène et de régisseur. J'ai pu compter sur elle pour trouver des étudiants bénévoles pour me donner un coup de main pour le transport du décor ainsi que pour le montage et le démontage.

53 Composition de l'équipe

Le programme du spectacle est fourni en annexe. Il convient toutefois de souligner certains ajouts à l'équipe de production.

Mise en scène, projections, direction de production et infographie : Hélène Dion Assistance à la mise en scène et régie lumières et sons : Valérie Durocher Interprètes : Véronique Aubut, Serge Bonin, Jean-Michel Girouard et Marie-Hélène Lalande

Scénographie : Virginie Leclerc Costumes : Huguette Lauzé

Environnement sonore : Yves Dubois

Lumières et consultant technique : Luc Vallée

Consultant pour les projections vidéo : Jacques Martin Levesque Photographies : Nicola-Frank Vachon

Régie vidéo : Léonie Grenon Girard

Équipe technique : Robert Boisclair, Yvan Démanche, Benjamin Le, Louis Morin et Frédéric Plouffe

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6.1 Scénographie

J'ai rencontré Virginie Leclerc pour discuter du décor. Je lui ai expliqué que je désirais que l'action prenne place dans une salle d'attente d'aéroport. J'avais déjà contacté l'Aéroport Jean-Lesage pour dénicher du mobilier d'aérogare. Comme ils avaient procédé à des rénovations majeures en 2008, ils ont accepté de me prêter des bancs et des poteaux avec des sangles qui servent à diriger la clientèle. Il fallait trois zones bien définies, une par personnage principal, et une dernière pour le personnage-fantôme de Guillaume. Il fallait aussi intégrer l'écran pour les projections. J'imaginais le décor à l'italienne, l'écran étant une fenêtre, un hublot. Virginie m'a plutôt proposé un décor en forme de U, les spectateurs entourant la salle d'attente sur trois côtés. Au lieu que les personnages soient côte à côte, ils se plaçaient maintenant en quinconce les uns derrière les autres. Elle proposait de créer un cadre de scène avec des tiges de métal, formant une sorte de dôme, s'inspirant du décor de l'aéroport Charles-de-Gaulle à Paris. Elle avait aussi prévu une structure constituée de chariots empilés les uns sur les autres (Figure 4). Je reviendrai à la page 44 sur l'impact que les spectateurs placés sur trois côtés ont eu sur la direction d'acteurs.

Il a été malheureusement impossible d'obtenir des chariots auprès de l'aéroport. Avec regret, nous avons dû mettre cette idée de côté. Des néons seraient intégrés à l'espace, un peu à l'image des lumières sur une piste d'envol. Le tout serait orienté vers l'écran pour créer une sorte de point de fuite (Figure 5).

J'ai immédiatement accueilli les idées de Virginie avec bonheur. J'ai été agréablement surprise du résultat final (Figure 6) : l'environnement était gris, sombre et froid comme une prison. Les seules couleurs provenaient des projections qui représentaient l'extérieur du lieu, la liberté. Elles symbolisaient aussi l'intérieur des personnages, leurs pensées secrètes, leur univers intime. La liberté peut aussi se trouver à l'intérieur de nous-mêmes.

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Figure 4 : Plan du décor préliminaire Figure 5 : Plan du décor final

Figure 6 : Décor - résultat final21

(26)

62 Environnement sonore

Yves Dubois a conçu la bande-son. Celle-ci était composée de trois parties : la voix off, le bruit ambiant marquant le début et la fin du spectacle et la musique des quatre apartés que j'ai nommés Les Exutoires (cf. p. 39). Ces courtes trames sonores offraient l'occasion aux personnages d'exprimer, autrement qu'en paroles, la douleur et le drame intérieur.

La voix off est celle du préposé à l'aéroport qui appelle les passagers. C'est aussi, et surtout, cette petite voix intérieure qu'on n'écoute pas toujours. Celle qui nous dit de prêter attention. Je voulais que la voix off soit celle du comédien qui interprétait Guillaume, c'est-à-dire, la voix de quelqu'un qu'on aime. J'ai tenté sans succès d'obtenir les vrais scripts utilisés dans les aéroports. Je me suis donc fiée à ma mémoire de voyageuse pour décliner des versions inattendues de ces appels. Nous avons enregistré ces voix dans les studios de CKRL-MF. Yves Dubois a préparé une version démo que nous pourrions utiliser en répétition. Par la suite, il a ajouté des effets d'échos semblables à ce qu'on entend dans une salle d'attente d'aéroport. Il a aussi ajouté de la musique d'ambiance derrière les voix. Pour ce faire, il a utilisé l'œuvre de Brian Eno, Music for Airport22, ainsi que des murmures de

foules et des indicatifs de début et de fin d'appel. Enfin, le personnage de Louise, jeune femme de son temps, utilisait une sonnerie de cellulaire téléchargée sur Internet. En fait, j'avais réalisé un montage de la chanson Like a Virgin, de Madonna. Yves Dubois a réussi

à lui donner le son caractéristique des téléphones portables.

Pour composer les trames sonores des Exutoires (cf. p. 39), j'ai fourni des pièces musicales qui me semblaient convenir à chacun des personnages. Ces musiques furent la base des montages effectués par Yves Dubois. Par exemple, sur la pièce Goodbye23, Yves Dubois a

ajouté des bruits de pierres qu'on effrite. Cette musique a servi de trame de fond pour l'adieu de la mère à son fils. Chacune des nouvelles compositions durait entre 1:10 et 1:50 minutes.

22 Brian Eno, « Music for Airport », Digital Remaster (P) 2004, Virgin Records Ltd, États-Unis, 1978. 23 Yo-Yo Ma, Bobby McFerrin, « Hush », Sony Music Entertainment inc., New York 1992.

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63 Costumes et accessoires

Les costumes constituaient, avec les nuances de jeu, la clé de la multi-interprétation. En effet, en plus du changement de posture, de gestuelle ou de voix, c'est à l'aide d'éléments de costumes que les comédiens et comédiennes ont exploré les changements de personnages. Chacun portait une valise ou un sac de voyage. Il était facile de camoufler les différents accessoires et les sortir à la dernière minute. Au cours de mes voyages, j'ai remarqué qu'il y a souvent une personne qui étale ses affaires sur les sièges qui l'entourent dans la salle d'attente. Il était donc plausible pour les interprètes de conserver à la vue les morceaux de costumes qu'ils avaient utilisés et qui pourraient éventuellement servir à nouveau. Ces valises se révélaient aussi très utiles pour ranger tout le matériel au moment de l'appel final des passagers.

Je connaissais déjà la conceptrice de costumes Huguette Lauzé pour l'avoir côtoyée lors d'une production du Théâtre Blanc en 2005. Nous avions immédiatement sympathisé. Je savais qu'elle était en mesure de trouver des costumes malgré un budget très modeste. En vue de ma rencontre avec elle, j'avais préparé une liste des personnages avec les éléments de costumes et accessoires les caractérisant. J'ai d'ailleurs été étonnée de la facilité avec laquelle je pouvais lui décrire chacun des personnages. C'était tellement clair dans ma tête ! La palette de couleurs était plutôt neutre, à la limite du terne : gris, brun, beige et noir. Je voulais que les changements soient subtils mais très efficaces. Il fallait aussi que les comédiens et comédiennes puissent enfiler ou enlever facilement les différents costumes. Pour lui faciliter l'accès, j'ai accompagné la conceptrice lors des visites aux costumiers des étudiants en théâtre et à celui de la troupe Les Treize. Normalement, les accessoires relèvent de la scénographie. Virginie Leclerc devant s'absenter pour suivre une tournée de Robert Lepage, je me suis occupée de trouver la majorité des accessoires. Le tableau 3 présente le costume des personnages principaux et les différents éléments ajoutés (costumes, accessoires) pour constituer les personnages secondaires, toujours dans l'idée d'explorer la multi-interprétation.

(28)

Tableau 3 : Liste des costumes et accessoires par personnages

Personnage Costumes Accessoires

PROF DE LITTÉRATURE

Veston, chandail (débardeur), chemise,

cravate, pantalon Une liste de livres à lire Serviette en cuir usé Menottes

Policier #2 Veste et casquette de policier

Père de Louise Casquette de baseball Sifflet d'arbitre Daniel Chandail, chemise, cravate, pantalon

Le vendeur Pas de costume spécifique Calepin et crayon Chef de chantier Casque blanc de construction

MERE,

VÉTÉRINAIRE (Monique)

Veston, jupe, souliers plats, chemisier, souliers plats

Un billet d'avion Sac de voyage

Cailloux tachés rouges Cellulaire

Cahier rouge

Mère de Louise Tablier, mouchoir Photo d'un poisson rouge

LOUISE Robe et petit veston Cellulaire

Sac de voyage

Poudrier et brosse à cheveux Un billet d'avion

Un livre — biographie de la princesse Grace de Monaco Glow Sticks

Viviane Pas de costume spécifique, des lunettes Dossiers

Un sac à dos de voyage Mlle Cordier Sarrau de femme de ménage Chiffon

Une cliente Béret, sac à main chic, des gants Mère de Monique Collier de perles

GUILLAUME Jeans, T-Shirt, coton ouaté avec capuchon, espadrilles

Cellulaire

Appareil photo avec flash Sac à dos

Directeur artistique

Foulard long, lunettes fumées Un contrat avec un stylo Policier #1 Veste et casquette de policier

Mme Rosière Foulard de tête, sac à main, mouchoir Père du prof Vieux veston en lainage

Jean-Philippe Veston de cuir, foulard, lunettes fumées

René Pas de costume

Proviseur Veston, lunettes Prince Veston chic en velours

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6.4 Éclairages

Avant de rencontrer Luc Vallée, j'avais préparé un plan sommaire des éclairages présentant les zones et les ambiances que je voyais en imagination. Je voulais que chacun des personnages possède sa lumière afin de l'isoler lors des monologues. Je désirais aussi une deuxième lumière pour les personnages évoqués en souvenir. Je voyais une lumière générale qui donnerait un certain « teint vert » aux personnages, calquant ainsi l'effet des néons d'aéroport. Luc Vallée a aussi proposé une lumière bleutée au sol, la même pour tous, qui serait présente lors des exutoires (cf. p. 39). Cette lumière distinguerait ces apartés. De plus, dans certains exutoires, il fallait prévoir des lumières spécifiques, par exemple, pour illuminer la table où le personnage de la mère (Monique) dépose les cailloux tachés du sang de son fils ou l'utilisation de stroboscope évoquant les discothèques dans l'exutoire de Louise. Finalement, il devait aussi éclairer, discrètement, l'affichage de l'entrée et de la sortie de l'aéroport. Ces affiches ont d'ailleurs été calquées sur celles qu'on peut trouver présentement à l'Aéroport Jean-Lesage. Le défi principal résidait dans le fait d'éclairer les scènes sans nuire aux projections de photos en fond de scène. Dans ce but, les projecteurs ont surtout été placés directement au-dessus des comédiens, derrière eux ou sur les côtés. L'ambiance ainsi créée donnait un effet intime à l'ensemble ce qui rejoignait l'idée de confessionnal.

65 Projections

65.1 Choix de photos

Comme expliqué plus haut, j'ai été inspirée par une photo de Nicola-Frank Vachon qui représente un homme qui dort dans une fenêtre ronde, un nez d'avion pointant vers lui. Le cadrage même de la photo suggère un hublot. Il y avait quelque chose d'utérin, de maternel, d'abandon, de vulnérabilité et, en même temps, d'appel au voyage, de décision à prendre. À son réveil, l'homme aura le choix entre prendre l'avion ou retourner d'où il vient. D'ailleurs, dort-il vraiment? N'est-il pas simplement en train d'observer par la fenêtre parce qu'il n'y a rien d'autre à faire? Est-il en partance pour un ailleurs ou rentre-t-il chez lui? J'y voyais aussi l'idée du dedans et du dehors, du monde intérieur et du monde extérieur, du temps suspendu. Il y a surtout l'attente. La longue attente avant qu'on appelle enfin notre

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vol. J'ai pensé qu'il serait intéressant que le paysage change dans ce fameux hublot selon le lieu ou l'émotion évoquée dans les récits. Cette fenêtre deviendrait l'écran du monde intérieur des personnages. Il ne restait qu'à trouver les photos pour illustrer ce que je voulais exprimer avec le montage de textes.

6.5.2 Réalisation des projections

La préparation des projections comportait trois étapes : rassembler le matériel, c'est-à-dire les photos et la musique, créer les projections à l'ordinateur puis tester le résultat sur un écran, en salle.

J'ai alors rencontré Nicola-Frank Vachon pour trouver avec lui les photos dont j'avais besoin. Je savais que le montage nécessiterait des images de mariage pour Louise, de galets, de chantier, de corps en chute pour la mère, de classes et de nouvelles télévisées pour le Prof, des photos de nuages, de regards, de mouvements, de parties de corps qu'aurait photographiées Guillaume. J'imaginais d'ailleurs celui-ci en train de prendre des photos des moments clés, des petits gestes inconscients qui trahissent l'âme. Comme Nicola-Frank était très occupé pour les semaines à venir, il m'a suggéré d'utiliser sa banque de photos en ligne et de choisir celles qui me conviendraient le mieux. J'avais aussi besoin d'une croix pour représenter la scène où Guillaume enterre son ami imaginaire Goudu. J'ai demandé à la scénographe Virginie Leclerc de me bricoler une croix de bois que Nicola-Frank Vachon a photographiée. J'ai utilisé Photoshop pour graver le nom de Goudu (Figure 7).

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Il me restait à organiser ces images, près de 300 photos, pour que le tout accompagne, complète ou devance les émotions suscitées par le récit.

À partir de la banque de photos de Nicola-Frank Vachon, je devais trouver des images qui pourraient correspondre aux différents lieux évoqués par les récits. L'idée était d'aider les spectateurs à se situer dans les différentes histoires. Les photos seraient projetées en alternance, au fil du récit.

Au début et à la fin, il y aurait la photo d'aéroport qui fut le point de départ de cette réflexion. Elle serait projetée lorsque les personnages parlaient au présent comme s'ils s'étaient adressés à un voisin de la salle d'attente. Parmi les autres lieux, il y avait entre autres la maison des parents de Louise, la classe et le bureau du professeur, la maison et le bureau de vétérinaire de Monique, la morgue, le poste de police, le château du Prince Charmant, etc. Il me fallait arriver à symboliser l'ambiance pour installer un état d'esprit. Par exemple, l'univers des parents de Louise est représenté par une lampe de table dans une lumière rouge. Lorsque j'ai vu cette photo, j'ai pensé au salon de ma tante Annette dans les années 60, un salon confortable, modeste et qui sentait le gâteau. Le bureau de Monique, la mère vétérinaire, est dessiné par des tuiles aseptisées, froides tandis que sa maison recèle d'objets d'art aux lignes épurées. Le bureau du professeur est rempli de livres, dont de nombreux classiques, plus ou moins organisés. Son bureau est en noir, gris et blanc. Le château du Prince Charmant me semble immense, imposant et plutôt froid avec sa couleur bleutée et son ciel sombre. Il impressionne. Le bleu, blanc, rouge du bureau de police rappelle les « flics » français ou les couleurs d'un quelconque gouvernement. Aucune fioriture. Pour sa part, la morgue ne contient qu'une lumière, sombre, glacée. Un lieu où il n'y a pas de vie. Un endroit qui fait peur. Enfin, à chaque fois qu'un ministre fait une annonce, on assiste à la parade des caméras et des micros. Vite, il faut capter ce qu'il dit ! La Figure 8 présente quelques exemples de photos utilisées pour symboliser l'association visuelle entre les lieux évoqués ou les émotions des personnages.

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Figure 8 : Exemple de photos24 utilisées en projection pour illustrer les lieux évoqués

Bureau de Monique, la mère vétérinaire

Maison de Monique, la mère vétérinaire

La morgue L'annonce du ministre Photo Nicola-Frank Vachon, 2009.

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Dans le cas des exutoires, j'ai regroupé des séries de photos thématiques selon les personnages. On trouvera la description détaillée des exutoires à la page 39.

Je devais aussi comprendre le processus pour préparer les fichiers informatiques afin de m'assurer d'obtenir des projections de qualité. Après des recherches infructueuses, un de mes comparses de longue date, Jacques Martin Levesque, m'a patiemment expliqué les différentes composantes dont j'aurais besoin selon le matériel disponible à l'Université. Il m'a aussi recommandé d'utiliser le logiciel Keynote pour sa stabilité comparativement à PowerPoint. Finalement, j'ai préparé les animations avec IMovie en ajustant les images sur la bande-son préparée par Yves Dubois. Le résultat fut surprenant d'émotions. Les projections ajoutaient une telle ambiance aux scènes, comme si on changeait de décor à tout moment, les images venant appuyer le texte ou les gestes. Les quatre exutoires (cf. p. 39) se sont avérés très efficaces reflétant un mélange de cinéma et de théâtre. Grâce à la qualité des photos, les projections ont eu même plus d'impact que je ne l'imaginais comme on peut le constater dans les commentaires des spectateurs (fournis à l'Annexe 5).

Lorsqu'est venu le temps de procéder aux tests des projections, Luc Vallée m'a été d'un grand secours technique. Il a pris soin d'installer toutes les connexions nécessaires et, surtout, d'orienter le projecteur pour éviter que le cadre du décor lui fasse une ombre. Ces images ajoutaient une touche de couleur à la grisaille de ce décor. Un très beau résultat.

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Savoir renoncer à ce qu'on a prévu pour prendre ce qui se présente.

Ariane Mnouchkine25

Pour l'étape des répétitions, je disposais d'une cinquantaine d'heures avec les comédiens et comédiennes. Il me fallait maximiser mon temps avec eux. Je devais donc arriver avec une idée assez précise de la direction que nous allions prendre tout en conservant une porte ouverte pour les éventuelles surprises que le travail de création occasionne.

Comme l'explique l'acteur Philippe Avron en entrevue, « Interprète du texte, le metteur en scène est aussi celui qui sait tenir une équipe. Il faut sentir qu'il est non seulement sûr de lui, mais sûr de vous.26 » Il était primordial pour moi d'établir un lien de confiance avec

l'équipe de production. En effet, je suis mieux connue comme administratrice de compagnie de théâtre que pour mon travail de metteure en scène. Pour y arriver, je me suis inspirée des recommandations des metteurs en scène rencontrés en entrevue27.

Par exemple, selon Gill Champagne, le metteur en scène doit être capable de convaincre son équipe de production et les acteurs de sa démarche, de son envie et de sa façon de peindre le texte. Patrie Saucier souligne que, de Robert Lepage, il aura retenu la confiance qu'on accorde à celui qui a l'air de savoir où il s'en va mais qui continue de solliciter les avis. Les metteurs en scène rencontrés considèrent essentiel de posséder les réponses ou, à tout le moins, des pistes de réponses. Quant à la direction d'acteurs, on peut résumer les différentes approches par la capacité de donner confiance en soi aux comédiens.

La conclusion de Meyerhold est à l'opposé de celle de Stanislavski : il prône un renforcement du rôle du metteur en scène, lequel doit, tel un chef d'orchestre, veiller à la cohérence de l'ensemble en vue du projet commun : faire en sorte que l'âme du spectateur entre en communion avec celle du poète par la médiation du jeu théâtral.

Gérard Abensour28

25 Josette Ferai, «Rencontres avec Ariane Mnouchkine, Dresser un moment à l'éphémère », XYZ Éditeur,

1995, Montréal, p. 36.

26 Jean Saint-Hilaire, « Le jeu sans âge de l'acteur Avron », Le Soleil, Arts magazine, samedi 11 octobre

2008, p. A31.

27 cf. Annexe 1 : Entrevues avec des metteurs en scène.

28 Gérard Abensour, « Vsévolod Meyerhold ou l'invention de la mise en scène », Librairie Arthème Fayard,

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Les metteurs en scène rencontrés n'ont pas parlé de Stanislavski ou autres maîtres à penser. Ils ont plutôt abordé l'importance d'aider les acteurs à comprendre leur personnage (Patrie Saucier), ajouté que parfois les mots ne suffisent pas et qu'il faut être attentif aux besoins (Martin Genest). « Il faut tabler sur ce qui marche bien plutôt que sur le négatif, essayer de les rendre confiants et qu'ils se sentent beaux et bons». (Lorraine Côté). Outre ces aptitudes, je suis d'accord avec l'affirmation d'Irina Brook sur la nature même des metteurs en scène, particulièrement quand il s'agit de femmes :

Les qualités que l'on attribue habituellement aux femmes me semblent très proches en fait des qualités utiles au metteur en scène : le côté maternel, par exemple, l'esprit de famille, la compassion, l'écoute, la sensibilité, la flexibilité.

Irina Brook29

On peut donc en conclure que la personnalité même du metteur en scène joue pour beaucoup quand vient le temps de diriger des acteurs. À ce sujet, je crois à certains principes de base desquels je m'inspire dans « l'accompagnement » des comédiens. Je cherche la vérité des émotions, l'épuration des gestes et des déplacements, la nécessité de certains silences, l'urgence de dire de même que vivre ici, là, maintenant. En conclusion, j'abonde dans le même sens que l'affirmation de Stanislavski :

Lorsque vous êtes sur la scène, vous devez toujours être en train de faire quelque chose. L'activité, le mouvement sont à la base de l'art de l'acteur. (...) soyez toujours en action, que ce soit physiquement ou spirituellement. (...) ne courez pas pour le simple plaisir de courir, ne souffrez pas pour le plaisir de souffrir. Ne faites rien « en général », pour le plaisir de faire quelque chose. Il faut que tout acte ait un but. (...) Toute action, au théâtre, doit avoir une justification intérieure, être logique, cohérente, vraie.

Constantin Stanislavki30

7.1 Préparation

Dans un premier temps, avant même de rencontrer l'équipe, j'ai suivi les conseils d'Irina Brook31 en procédant à l'exercice suivant : isoler ce qui est dit au sujet de chacun des

personnages. Ce travail préparatoire m'a permis de mettre des mots concrets, des qualités, des défauts sur chacun des personnages aussi modestes soient-ils.

29 Josette Ferai, « Mise en scène et jeu de l'acteur, Entretiens Tome III Voix de femmes », Québec-Amérique,

2007, Montréal, p. 93.

30 Constantin Stanislavki, « La formation de l'acteur », Petite Bibliothèque Payot, Paris, 1975, p. 43-52. 31 Josette Ferai, « Mise en scène et jeu de l'acteur, Entretiens Tome III Voix de femmes », Québec-Amérique,

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Voici un tableau résumant l'information au sujet des personnages contenue dans le texte. Tableau 4 : Information factuelle sur les personnages

Prof de littérature Début cinquantaine Enseigne la littérature

Marié à Martine (choriste à l'Opéra) Père de Marie

A tiré sur sa classe un 17 février

Sa punition : raconter son histoire devant un public de théâtre Sa devise : les élèves sont comme des animaux. Ils agissent non par intelligence, mais par instinct.

Fils de cultivateur

À neuf ans, a été envoyé en pension à la ville Découvre l'Iliade à onze ans

Monique,

la mère vétérinaire

Quarantaine avancée / début cinquantaine Mère de Guillaume et de Viviane

Épouse (séparée) de Daniel (il est docteur) Sa mère est autoritaire

Elle est vétérinaire

Elle raconte son histoire à qui veut l'entendre Son fils Guillaume s'est suicidé il y a trois ans Sa fille est partie vivre en Californie

Louise 30 ans

Épouse demain le Prince Charmant

Son mariage sera diffusé en direct à la télé Possède un poisson rouge (Bernadette) Vit seule dans un studio

Rêvait d'être infirmière pour enfants

Elle s'est finalement inscrite à l'École de secrétariat Elle joue de la guitare

Guillaume Fils de Monique et Daniel Frère de Viviane

S'est suicidé en se jetant du haut d'une grue dans une carrière il y a trois ans

Il a un ami imaginaire, le chat Goudu Il est habile avec la vidéo et les ordinateurs Enfant, il riait tout le temps et parlait beaucoup À quinze ans : son premier baiser avec Christine Il est serviable

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Suite du Tableau 4 : Information factuelle sur les personnages

Viviane Fille aînée de Monique et Daniel

Biochimiste — directrice de laboratoire Vit à San Francisco depuis trois ans

Elle est partie après l'enterrement de son frère Guillaume Daniel Époux (séparé) de Monique

Père de Guillaume et Viviane Il est docteur-chirurgien

Il a pris en main l'enterrement de Guillaume Il adore les films d'horreur

Parents de Louise La mère tient un kiosque de frites (La bonne frite) Sa devise : Tu vas devoir assumer

Le père est un arbitre

Utilise des formules toutes faites

Il n'a jamais accepté que Louise entre à l'école d'infirmières (pour lui c'est un métier de domestique)

Mlle Cordier Selon Monique, elle la prend pour une folle Elle est maternelle

Elle est concierge à l'aéroport

Mme Rosière Propriétaire d'Emile le chien (un client de Monique) En fait, elle cherche quelqu'un qui va l'écouter Directeur de théâtre Peu d'information sur lui. Ma perception :

Il est dans la trentaine

N'a pas de temps à perdre, il cherche la bonne affaire C'est le genre bon vendeur, un jeune loup

La cliente Son chien a avalé sa bague

Elle semble hautaine, riche, snob, un tantinet hystérique Le Policier #1 Annonce le décès de Guillaume à sa mère, Monique

Son ton est celui d'un fonctionnaire, froid, arrogant Père du Prof

de littérature

Cultivateur

Sait à peine lire et écrire

Il admire les professeurs (C'est le plus beau métier du monde) Le vendeur

à l'animalerie Peu d'information sur lui Légèrement efféminé

Il devrait travailler dans une boutique à la mode Jean-Philippe,

le don Juan

Jeune trentaine, beau, sensuel Marié et père de famille Informaticien, bilingue

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Suite du Tableau 4 : Information factuelle sur les personnages

Mère de Monique Très «madame», elle triture sans cesse son collier de perles Elle juge sévèrement sa fille

René Collègue du Prof de littérature Cinquantaine

Le chef de chantier Décline toute responsabilité dans l'accident de Guillaume sur son chantier

Parle avec émotions, les bras dans les airs

Le Proviseur Directeur de l'école où enseigne le Prof de littérature Il suit le règlement à la lettre

Parle lentement Le Prince Charmant Beau jeune homme

Bien élevé, poli, racé Le Ministre

de la Justice

Ton très Premier ministre, politiquement correct Fait une annonce publique

Sourire forcé, faux

À la manière de Michel Nadeau32, j'ai décortiqué le parcours émotionnel des personnages.

J'ai repéré et cherché à bien saisir les moments charnières de leur vie, c'est-à-dire, l'instant où leur monde a basculé. Il y a eu le temps avant et le temps après. Dans quelle mesure étaient-ils responsables? Comment ont-ils réagi? Dans quel état sont-ils à ce moment précis?

Comme le ton général tenait de la confession publique, les protagonistes s'adressaient parfois au public, parfois à eux-mêmes ou reprenaient les scènes du passé en faisant revivre les personnages présents dans les récits.

Au départ, le personnage de Louise se voyait déjà demain, en train de marier avec le Prince Charmant et plus son histoire avançait, plus on la sentait tiraillée entre ses craintes et son désir de passer à l'acte. Elle nous parle de l'espoir de ses parents de la voir bien « casée », de sa déception dans la chasse aux hommes et de ses rêves déjeune femme moderne. Monique, la mère vétérinaire, en partance pour aller rejoindre sa fille qui l'avait rejetée, fait le bilan de la vie de son fils, de ses relations avec son mari et sa propre mère. Au fil de son

(39)

monologue, on la voit se souvenir des beaux jours de sa vie de famille et des moments les plus tristes. Son désarroi devant la situation la fait voguer de la tristesse à la colère, du désarroi à la résignation. On pense qu'elle a réglé son deuil mais on se rend compte qu'elle ressasse ces épisodes sans parvenir à comprendre (et accepter) sa propre responsabilité. Le professeur de littérature s'impose dès le départ, habitué de faire son effet devant ses élèves. Il se rappelle avec nostalgie l'époque où les enfants respectaient l'autorité, où la jeunesse était avide d'apprendre. Il constate avec étonnement et déception de la désillusion

générale non seulement des adolescents mais aussi de ses collègues professeurs. Il prend un malin plaisir à nous raconter en détail son cheminement qui le poussera à poser le geste impardonnable de tirer sur sa classe. Il sera le premier surpris de sa condamnation à raconter son histoire devant public afin de servir d'exemple.

L'histoire de Gillaume, le fantôme, est racontée en bribes par les autres. Sa mère, Monique, décode sa vie à l'aide de son journal intime tandis que son professeur de littérature raconte certaines conversations troublantes où on comprend que ce jeune homme ne se voit pas d'avenir. En cela, il ressemble à bien d'autres adolescents qui n'a aucun modèle à suivre et que les parents et les professeurs n'arrivent plus à inspirer.

Chacun des personnages composait avec un temps particulier. J'avais retenu du Prof que sa vie se situait maintenant dans le passé, son geste étant posé, il en subissait maintenant les conséquences. Sa peine consistait à raconter publiquement son geste. La mère, vivait plutôt dans le présent. Ne pouvant se résigner à accepter le deuil de son fils Guillaume, elle cherchait encore à comprendre, espérait des réponses à ses questions en analysant le journal intime de celui-ci. Louise, pour sa part, se projetait dans le futur. D'ailleurs, sa première réplique n'est-elle pas : « Demain, à cette heure-ci... demain, ce sera mon tour. Demain. »

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Comme le proposait Lorraine Côté en entrevue33, j'ai cherché à les voir évoluer autour de

moi, dans l'espace. Je voyais Louise comme une belle jeune femme, très féminine, avec de belles mains fines. Monique était, pour sa part, une femme d'un certain âge, discrète, délicate, presque effacée. Le Prof était beaucoup plus imposant, non seulement par sa stature, mais aussi par le ton autoritaire de sa voix grave. Sa seule présence commandait le respect. Guillaume, pour sa part, était un jeune homme comme des centaines d'autres, mal rasé, mal peigné, la tête cachée sous son capuchon et écoutant son iPod, l'air de ne pas s'intéresser à rien et pourtant en train d'observer la vie qui passe autour de lui. La taille de son sac de voyage suggère un long périple.

Je me suis imaginé à la place de chacun des personnages : le prof désillusionné de son métier, la colère de la mère aux prises avec l'incompréhension des membres de sa famille et de son entourage, l'espoir d'une vie meilleure pour Louise et la grande solitude du jeune Guillaume. Munie de ce portrait détaillé, j'ai été en mesure de donner des indications claires autant aux comédiens et comédiennes qu'aux concepteurs et conceptrices. Je pouvais parler des personnages comme si je les connaissais.

7.2 La multi-interprétation

Pour qu'il y ait du théâtre, vous n'avez qu'une seconde. Quand vous entrez sur scène, l'histoire se raconte déjà, je veux voir un personnage tout de suite.

Ariane Mnouchkine34

Il suffit d'une bonne entrée, d'un mot, et le public est pris.

Constantin Stanislavski35

Le défi de la direction d'acteurs résidait dans le travail de la multi-interprétation. Mon objectif: arriver à ce que chacun des personnages soit reconnaissable grâce à un signe caractéristique, une attitude ou le ton de la voix. Comme décrit plus haut, dans un premier temps, j'avais déjà imaginé les éléments de costumes et accessoires distinctifs qui permettaient d'identifier la nature de chacun des personnages. Par exemple, le collier de perles devenait le symbole de la mère de Monique. J'ai demandé à la comédienne de jouer

33 cf. Annexe 1 : Entrevues avec des metteurs en scène, p. 62.

34 Josette Ferai, «Rencontres avec Ariane Mnouchkine, Dresser un moment à l'éphémère », XYZ Éditeur,

1995, Montréal, p. 33.

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nerveusement avec son collier et d'avoir une attitude très droite, hautaine, le ton sec. En contrepartie, Viviane, la fille de Monique, présentait la même raideur à la fois dans l'attitude et dans le ton. Un peu comme on remarque parfois la ressemblance entre la grand-mère et la petite-fille. Il fallait aussi que les transformations puissent être rapides, surtout que les comédiens et comédiennes avaient leur texte en main. Il n'était pas question qu'ils se changent complètement. La magie devait venir de l'ajout ou du retrait d'un élément, du changement de ton, de voix, de gestes ou d'attitudes. Certains personnages n'avaient pas de costumes distinctifs. Je pense ici à René, le collègue du Prof. Comme toute sa vie se rapporte à sa passion pour la pêche, j'ai tout d'abord pensé à lui faire porter un chapeau de pêcheur. Après un essai, je me suis vite rendu compte de l'inutilité (et du ridicule) de cet accessoire. L'attitude du comédien et son accent étaient tout à fait suffisants pour le rendre facilement reconnaissable. Le père de Louise se transformait par trois moyens : une casquette de baseball et la façon de s'asseoir, penché vers l'avant comme s'il regardait un match à la télé. À chaque fois qu'il prenait la parole, il sifflait très fort avec son sifflet d'arbitre, comme s'il cherchait à couper la parole et à imposer son avis. La mère de Louise, de son côté, portait un tablier très coloré (contrastant avec le personnage terne de la mère de Guillaume) et souriait, regardant le soleil, heureuse, rayonnante d'énergie.

Comme Jean-Michel Girouard devait interpréter de nombreux personnages secondaires, je lui ai demandé de toujours conserver son capuchon relevé quand il jouait Guillaume. Son visage était ainsi souvent dans l'ombre. Sa transformation n'en était que plus contrastante. C'est aussi avec lui que j'ai travaillé la multi-interprétation transgenre avec le personnage de Mlle Cordier, une cliente de Monique. C'était un pari risqué, car je ne voulais surtout pas que la situation tourne au vaudeville. En limitant les accessoires (foulard, sac à main et mouchoir), j'ai demandé au comédien de limiter au maximum les gestes, de jouer une dame réservée, presque gênée et de tenir son sac à main devant elle (lui). Jean-Michel n'a pas changé sa voix, simplement parlé moins fort et plus doucement. Tout à coup, son jeu n'était plus risible mais plutôt attendrissant. Les gens dans la salle souriaient de la situation mais ne se moquaient pas du personnage. Transformation réussie.

Daniel, le mari de Monique, interprété par Serge Bonin, était encore plus subtil dans sa transformation. J'ai demandé au comédien de simplement enlever son veston de professeur

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et de s'approcher de sa femme Monique. Je le voulais très neutre, à la manière d'un homme qui garde ses sentiments pour lui. On devait sentir la peine causée par le suicide de son fils mais, en même temps, l'accusation non avouée de la responsabilité de sa femme envers ce geste. Un soupir devait suffire à remplir le silence des mots. Pour la scène de la séparation de Monique et Daniel, qui se fait en deux répliques, j'ai tout d'abord demandé au comédien d'enlever son alliance, une vraie, et de la remettre à sa femme. La comédienne devait ensuite en disposer dans le changement de scène. Au cours d'une répétition où on n'avait pas encore de vraie bague, Serge Bonin a fait semblant de l'enlever et l'a déposé dans la main ouverte de son épouse, interprétée par Véronique Aubut. Une fois son mari parti, sans y penser, la comédienne a ouvert sa main, la regardant comme si elle y voyait l'alliance qui n'y était pas, qui n'y était plus. La justesse de son geste m'a bouleversée. On revenait tout à coup à l'émotion du vide laissé par l'absence du mari qui l'a quittée. Un petit geste anodin mais qui me touchait beaucoup.

Quand j'ai expliqué le personnage de Louise à la comédienne Marie-Hélène Lalande, je lui ai parlé du moment que son personnage s'apprêtait à vivre. Selon moi, tout son personnage était caractérisé par ce passage que nous connaissons toutes soit celui de la jeune fille un peu frivole qui se transforme en femme qui décide de son avenir. Que l'on se marie à un prince ou à un gentil jeune homme sans histoire, le pas est le même. On s'engage dans cette union en connaissant les contraintes que nous imposera, entre autres, la belle-famille. Ce qui m'intéressait, c'est ce pas qu'on franchit, cette maturité qu'on acquiert. Louise pose cette réflexion la veille de ses noces, juste avant de faire le grand saut, en direct à la télévision.

Lors des monologues, j'ai demandé aux comédiens de demeurer attentifs à ce qui se passait autour d'eux et, à la limite, d'y réagir discrètement. Un peu comme on le fait dans une salle d'aéroport où on est témoin de la vie des autres passagers en attente.

Du côté des déplacements, au début j'imaginais des bancs de deux ou trois places, disposés de part et d'autre de la scène, se chevauchant, créant une sorte de chemin en zigzag au milieu. Lorsqu'enfin nous avons reçu les vrais sièges d'aéroport, j'ai eu la surprise d'avoir à travailler avec des bancs de cinq et six places de large avec des tables aux extrémités. Plus

Figure

Tableau 2 : Répartition des rôles selon les comédiens et comédiennes
Figure 1 : Psychologie de la forme  16
Figure 2 : Serge Gainsbourg, vu par Stefan de Jaeger
Figure 3 : Scène croquée dans un aéroport par le photographe Nicola-Frank Vachon  Dans une salle d'attente d'aéroport, les gens entendent des voix aseptisées annoncer les  départs, les retards, appeler des noms aux consonances étranges
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Références

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