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Rappel historique des relations euro-méditerranéennes Nous ne reviendrons pas ici sur le rôle de la Méditerranée dans les échanges

recommandait l’entrée annuelle de 10 000 étrangers ainsi que la régularisation de tous les clandestins

2. La région maghrebo-sahélienne, nouvelle frontière de l’Europe

2.1 Rappel historique des relations euro-méditerranéennes Nous ne reviendrons pas ici sur le rôle de la Méditerranée dans les échanges

de biens, de population et de culture et sur sa fonction de « pont » reliant les gens qui peuplent son pourtour (Braudel : 1990). Nous rappellerons brièvement que le 19ème siècle a été un siècle de mouvements humains

intenses 30et qu’il a su instaurer de véritables politiques d’immigration gérées

par des Etats-nations devenus capables de réglementer les déplacements de ses individus. Les mouvements se sont faits dans le sens nord - sud lors de la colonisation des pays du Maghreb favorisant une immigration de peuplement qui se réduira considérablement au début du 20ème siècle.

Le 20ème siècle a vu la mise en place de migrations internationales de travail

et les sociétés industrialisées européennes recruter une main- d’œuvre rurale pour le développement de leur industrie. La première grande vague d’émigration issue du Maghreb se fera dans la période de l’après - guerre entre 1920 et 1930 pour pallier le déficit démographique de la France causé par la grande guerre. La Crise des années 30 amorcera le déclin des flux migratoires et ceci jusqu’à la fin de la deuxième guerre mondiale.

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entre 1815 et 1914 près de 50 millions30 d’Européens (dont 11 millions d’Italiens) ont quitté leur pays pour des raisons liées à la famine, aux problèmes politiques ou à l’accroissement démographique.

Dans les années 50, la France a recruté pour le développement de son industrie une main- d’œuvre d’origine étrangère venue des pays du sud de l’Europe (Espagne-Portugal-Italie) puis dans les années 60 de la Turquie et du Maghreb.

La deuxième grande vague d’émigration en provenance du Maghreb et de Turquie se fait à la demande des pays européens car les besoins considérables de main-d’œuvre sont liés aux grands travaux de reconstruction de l’après guerre. L’émigration maghrébine (Algérie, Maroc et Tunisie) se fait à partir des zones rurales nord-africaines (Atlas, Kabylie et sud Tunisie) par des entreprises qui recrutent sur place. Au Maroc, la convention franco-marocaine de 1963 signe le début d’une migration de main d’œuvre venant des zones rurales et montagnardes. Les rifains qui avaient déjà une tradition d’émigration sur la Kabylie après la famine de 1945-50 ont ensuite émigré légalement vers la France jusqu’en 1974 puis vers l’Espagne jusqu’en 1991 où l’obligation de visa (1992 pour l’Algérie) a été instaurée pour tous les Maghrébins. Cette émigration était une émigration temporaire (de 3 à 6 ans), d’hommes seuls, vivant à l’économie dans les foyers Sonacotra et qui rentraient au pays après être remplacés par un pair dans le même emploi. Les migrations se faisaient alors en toute légalité par avion ou par bateau et avec pour seul document un passeport valide et un contrat de travail délivré dans le pays de départ par des agents recrutés et certifiés par leur entreprise. Ce type d’émigration a été qualifié de « noria humaine»31 car il évoque ce

mouvement perpétuel de renouvellement de main- d’œuvre et de drainage des richesses dans le sens unilatéral du nord vers le sud. Ce concept de la noria a été sévèrement critiqué par Abdelmalek Sayad pour la vision mécaniste, simplificatrice et illusoire satisfaisant la société rurale qui « délègue » ses émigrés qu’il choisit, d’une société d’accueil qui dispose à l’infini d’une main d’œuvre toujours jeune et renouvelée et d’une société de migrants qui se persuade du caractère « transitoire » de sa migration. Cette

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image de la noria a un fort pouvoir de séduction qui ne permet pas aux pays « émetteurs » de percevoir les changements qui s’opèrent au cœur de leur propre société, ni aux pays « receveurs » de connaître les problèmes sociaux qui se dessinent dans leur propre société.

A partir des années 60, l’émigration a changé de caractère : de temporaire, elle est devenue permanente (11mois/1mois) et de collective elle est devenue individuelle. La main d’œuvre sélectionnée en fonction des besoins des pays d’accueil au cours des deux décennies qui ont suivi la décolonisation a aussi été recrutée en Afrique de l’Ouest où les migrations internationales se sont développées dans un contexte de mobilité généralisée et d’urbanisation rapide. Elles se sont inscrites dans un continuum partant du village vers la ville, de la ville vers la capitale et de la capitale vers l’étranger. L’émigration vers la France s’est faite majoritairement à partir des « pays du fleuve » Sénégal : les Sarakollé de la région de Kayes au Mali ont été les premiers à émigrer vers la France.

Le choc pétrolier de 1973 a provoqué une crise économique grave, un effondrement des taux de croissance et un chômage important. Cette crise a incité les pays d’Europe du nord à fermer leurs frontières à une main-d’œuvre devenue surabondante. Avec l’apparition du chômage et l’instauration en France de la politique de l’ « Immigration zéro », les autorités encouragent le retour au pays et initient le regroupement familial. A partir de 1974, l’immigration temporaire des travailleurs va céder le pas à une immigration de peuplement, plus féminisée, moins active dans laquelle le regroupement familial joue un rôle central. Lorsqu’il fut lancé, le regroupement familial fut salué comme une avancée sociale majeure mais suscita de nouveaux problèmes dans les pays hôtes, peu préparés à accueillir les familles. On assiste alors à une féminisation progressive de la population active étrangère et à une installation des familles dans un habitat précaire et insalubre. Il y a peu ou pas de prise en compte des problèmes d’adaptation des femmes et des enfants et on ignore les problèmes liés au déracinement et à l’entre-deux

(culture, sociétés, familles)(Bonvicini :1992). L’immigration cesse d’être un phénomène passager et l’intégration de la population devient un enjeu fondamental.

Les vagues migratoires successives ont donc été initiées par des relances économiques et interrompues par des récessions. La fin de la période des trente glorieuses (1945-1975) marque la fin de la politique dite de la noria et des « besoins » en main d’œuvre d’une Europe en crise. Elle est le début de la politique de l’ « immigration zéro » et de l’imposition progressive de contrôle aux frontières de l’Europe par l’établissement de VISAS ce qui va favoriser le développement de l’immigration irrégulière et de la clandestinité, des filières et de la traite des êtres humains.