• Aucun résultat trouvé

Les politiques du Droit d’asile : une harmonisation par le bas

Date Instruments de contrôle et de surveillance

1.1 Les politiques du Droit d’asile : une harmonisation par le bas

L’augmentation croissante, linéaire et régulière des demandes d’asile émanant de personnes issues en grande majorité des zones de conflit mais aussi de pays pauvres ou ayant des conflits internes mais catalogués comme « sûrs » car n’étant pas en état de guerre, inquiète les Etats-membres concernés. Tous les pays de l’Europe des 15 (et depuis peu de l’Europe des 25) sont signataires de la Convention de Genève de 1951 et sont tenus de recueillir sur leur territoire les demandeurs d’asile. Cette demande peut être déclenchée par toute personne rentrée de manière régulière ou non - dans le pays d’accueil. Précisons que la procédure de la demande d'asile reste la seule voie légale pour celui qui se voit dénier un visa Schengen et veut résider ou travailler en Europe.

Mais la peur de l’envahissement de l’Europe par une population non désirée et perçue comme potentiellement dangereuse a poussé les gouvernements à faire de la lutte contre l’ « usage abusif » du droit d’asile une de leurs priorités afin de rassurer une opinion publique jugée inquiète. Pour ce faire, le Conseil de l’Union Européenne a élaboré la Convention de Dublin (entrée en vigueur en 1997) qui modifie le chapitre sur le droit d’asile établi par la Convention Schengen. Concernant les personnes en situation irrégulière provenant d’un pays tiers, la Convention de Dublin prévoyait l’examen de la demande d’asile dans le pays de première entrée dans l’Union européenne. Elle ne tenait pas compte du souhait éventuel du demandeur d’asile de vouloir rejoindre le pays de son choix pour des motifs

« familiaux, religieux, culturels ou ethniques ». Elle approuvait la demande du choix du pays d’accueil pour raison familiale uniquement si un membre de cette famille (époux ou épouse, enfant non marié ayant moins de 18 ans) y avait acquis le statut de réfugié.

Elle prévoyait de surcroît l’expulsion possible d’un demandeur d'asile dans un état « tiers » (en dehors de l’Union européenne) à condition que ce pays soit un « pays tiers sûr». Les oppositions à cette Convention émises par les organisations de Défense du Droit d’asile ainsi que les dysfonctionnements constatés dans son application ont convaincu les législateurs de la revoir et de l’assouplir. En février 2003 un nouveau règlement est adopté. Ce règlement « Dublin II » introduit quelques assouplissements quant aux conditions du regroupement familial20 mais il maintient le principe établi par la

Convention qui interdit au demandeur d'asile de choisir son pays d’accueil et qui permet à tout état-membre de l’envoyer vers un état tiers hors de l’union. La notion de « pays tiers sûr » émise par la Convention de Dublin stipule qu’

« une demande pourra être jugée irrecevable par un Etat de l’Union si un état tiers sûr est prêt à examiner la demande ». La définition de la « sûreté » d’un

Etat reste toujours controversée et n’a pas été définitivement tranchée lors de la réunion de Dublin en Janvier 2004, réunion au cours de laquelle les ministres européens de la justice n’ont pu faire l’unanimité bien que cette notion soit déjà acceptée par plusieurs Etats et présente dans la Constitution de l’Allemagne depuis 1993.

Pour renforcer le dispositif de la lutte contre les « abus » du droit d’asile, l’Union a adopté en Janvier 2003 le règlement EURODAC qui vise à faciliter l’application du règlement « Dublin II ». Ce système européen automatisé d’identification d’empreintes digitales centralisé établi à Bruxelles a pour objectif de devenir «un instrument efficace de la gestion de l’asile » dans l’Union Européenne. Ce système est censé éviter la multiplicité des demandes

20

Lorsque le demandeur a séjourné « au moins cinq mois » sur son territoire avant l’introduction de sa demande.

d’asile dans divers pays de l’Union, contrant ainsi les volontés et les choix des demandeurs. Le système a fonctionné en 2003 et aurait identifié à partir de la

France 1443 personnes ayant déjà posé une demande dans un autre état de l’Union (contre 761 en 2002 avant la mise en place du système selon Forum

Réfugié (2004). La détection de ces « fraudes » à la demande d’asile va-t’elle contribuer à faire baisser de manière significative le nombre des demandes ? Ce système ne va pas t’il pas contribuer à l’augmentation croissante de personnes en situation irrégulière et à renforcer la difficulté de ce parcours ? On sait déjà que des stratégies de contournement existent et que la volonté forte des individus de parvenir à résider dans le pays de leur choix trouve les moyens de détourner ce Système informatisé performant. Des hommes et des femmes se brûlent le doigt à l’acide ou se mutilent la main afin d’effacer leurs empreintes digitales…...

Confortés dans leur « succès » à détecter les fraudes, les décideurs n’en abandonnent pas pour autant l’idée de la délocalisation de l’asile et poursuivent leurs projets tant au niveau communautaire qu’extracommunautaire. L’arrivée des dix nouveaux entrants dans l’Union Européenne en mai 2004 va permettre de délocaliser la demande d’asile hors des frontières des 15. Cet élargissement est censé « soulager » une Europe des 15 qui cherche par tous les moyens possibles à stopper l’afflux des demandes d’asile sur son territoire, le règlement Dublin exigeant, rappelons le, que la demande d’asile soit déposée dans le premier pays de l’Union dans lequel arrive le requérant. L’Europe des 15 va ainsi se délester silencieusement et à moindre frais d’un grand nombre de demandes qui lui étaient a priori destinées. Cette obligation d’accueillir les demandes d’asile faite aux nouveaux entrants, dont certains n’étaient pas signataires de la Convention de Genève avant leur entrée dans l’Union, pose de nombreuses questions concernant les défaillances des systèmes d’asile de certains pays et la capacité du pays d’accueil à accorder une protection réelle. Elle met en jeu la responsabilité de l’Union Européenne à se défausser de ses responsabilités sur ces pays tiers.

Depuis avril 2004, le vote à la majorité qualifiée a remplacé le vote à l’unanimité établi par le Traité d’Amsterdam. Ce vote implique le retour à la souveraineté nationale en matière de politique d’asile et laisse aux pays de l’Union toute latitude de durcir leurs politiques d’immigration. Nous prendrons ici l’exemple du Royaume-Uni et de la France pour illustrer le durcissement de leur politique en matière d’asile.

Depuis les attentats de 2001 aux Etats-Unis, le Royaume-Uni (qui n’a pas signé les accords de Schengen) a mis en œuvre tout un arsenal de mesures répressives alliant augmentation des contrôles des personnes, politique de retours forcés (11 000 personnes ont été expulsées en 2001), inscription sur la liste noire de pays jugés « sûrs» dont les ressortissants se voient refuser le statut de réfugié. Le Ministre de l’intérieur Blunkett a développé une collaboration étroite avec les autorités françaises pour obtenir la fermeture du centre de Sangatte qui recevait les demandeurs d’asile allant au Royaume Uni. (Ce centre a vu passer 63 000 demandeurs d'asile en 3 ans (sept 98-nov 02) principalement originaires d’Afghanistan et du Kurdistan Irakien). Le Ministre s’est félicité du succès de sa politique restrictive qui a « réussi » à faire diminuer le nombre des demandes d’asile de 103 080 en 2002 à 60 050 en 2003. Fort du « succès » de cette réduction spectaculaire du nombre de demandes d’asile, le gouvernement de Tony Blair a proposé - nous le verrons plus loin - « l’externalisation » de la demande d’asile à la périphérie de l’ Union .

La France, qui est au premier rang de l’Europe pour le nombre des demandes d’asile, a depuis 2002, révisé la Loi sur l’immigration et le séjour des étrangers, resserré les contrôles en matière d’immigration, réformé le Droit d’asile et réduit l’octroi du statut de réfugié. Sous la pression du Ministre de l’intérieur Sarkozy qui déclare que « La France ne peut pas être accueillante que pour

ceux dont personne ne veut dans le monde21 » et dont l’un des thèmes de

21

campagne à l’UMP est de prôner « une immigration choisie », les conditions de la demande d’asile dans les « zones d’attente » situées dans les ports et aéroports se sont durcies. Ces zones d’attente sont le témoin de graves dérives policières et de violations des droits de l’homme 22 entérinées par un

Ministère de l’Intérieur qui suspecte a priori tout demandeur d'asile d’être un faux réfugié.

1.2 Eléments pour l’établissement d’un « indice de