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Apoptose, Arrêt du cycle cellulaire

D- La sphingosine 1-phosphate : « l’anti-céramide »

3- Rôles physiologiques de la sphingosine 1-phosphate a Prolifération et survie cellulaires

La S1P induit une augmentation de la synthèse d’ADN dans de nombreux types cellulaires (fibroblastes, cellules endothéliales, cellules gliales, cellules intestinales par exemple) et stimule la survie et la prolifération cellulaires en activant les mêmes voies que celles utilisées par les facteurs de croissance PDGF (Platelet-Derivated Growth Factor) et NGF (Nerve Growth Factor) (French et al., 2003 ; Olivera et al., 1993). A l’inverse, une diminution des niveaux de S1P grâce à l’inhibition de la SphK1 (par la DMS ou la DHS) induit l’apoptose dans de nombreux systèmes. Cet effet prolifératif serait lié uniquement au rôle de second messager intracellulaire de la S1P car le blocage des S1PRs par l’ajout de toxine pertussique ne le modifie en rien, comme il l’a été montré dans les fibroblastes NIH3T3 surexprimant la SphK1 (Xia et al., 2000).

70 La S1P ajoutée de manière exogène peut également inhiber efficacement l’apoptose induite par le céramide ou le TNF-α en association avec une activité caspase diminuée dans les cellules leucémiques, inhibition faisant intervenir l’activation de la PKC puis de la SphK1 (Cuvillier et al., 1996). La S1P peut également contrecarrer l’effet cytotoxique des radiations ionisantes dans les cellules cancéreuse prostatiques, comme l’ont démontré l’ajout de sphingosine 1-phosphate exogène ou à l’inverse l’utilisation d’inhibiteurs de SphK1 (Nava et al., 2000).

Cependant, une étude récente a montré que de manière inattendue, dans des kératinocytes, de hautes concentrations de S1P inhibent la prolifération de ces cellules mais stimule leur différenciation. Ces travaux ont démontré que ces effets étaient transmis par le récepteur de S1P, S1P2, et que la SphK1 n’était impliquée que de manière indirecte par sa production de S1P (Schuppel et al., 2008).

b- Angiogenèse

La sphingosine 1-phosphate exerce des effets pro-angiogéniques en stimulant la synthèse d’ADN, le chimiotactisme et la différenciation en tubes capillaires des cellules endothéliales et de leurs précurseurs, processus qui contribuent à la formation de vaisseaux sanguins (Lee et al., 1999). Elle induit également le chimiotactisme et la prolifération des cellules musculaires lisses entourant ces vaisseaux (Ediger et al., 2000).

De plus, la S1P présente dans le plasma et les tissus favorise la microvascularisation induite par les autres molécules clés de l’angiogenèse. Récemment, il a été montré un dialogue entre le S1P et d’autres facteurs de croissance pro-angiogéniques tels que le VEGF, le FGF, le PDGF, l’EGF et l’Interleukine 8 dont la sécrétion est augmentée par la S1P. L’effet pro-angiogénique du S1P pourrait donc être lié à sa capacité d’induire le relargage d’autres molécules pro-angiogéniques (Spiegel et al., 2003 ; Schwartz et al., 2001).

Ce sphingolipide est également un facteur important pour le système cardio-vasculaire car il favorise la survie des cellules endothéliales et contrôle la perméabilité vasculaire. A travers ses différentes interactions avec les cellules endothéliales et les cellules musculaires lisses vasculaires, la S1P peut induire la vasoconstriction ou la vasodilatation des vaisseaux. Ainsi, la stimulation du récepteur S1P3 favorise la production de monoxyde d’azote (NO), entraînant ainsi la contraction des vaisseaux (Nofer et al., 2004).

Enfin, il a été montré que l’invalidation génétique du récepteur S1P1 chez la souris a permis de montrer son rôle clé dans l’angiogenèse, la maturation des vaisseaux sanguins et le tonus vasculaire (Liu et al., 2000 b ; Sanna et al., 2006). En effet, cette invalidation s’accompagne entre autres d’un défaut de migration des cellules musculaires lisses vasculaires et des péricytes menant à une mortalité embryonnaire. Un phénotype vasculaire encore plus sévère a été observé lors de la délétion combinée des récepteurs S1P1, S1P2 et S1P3, suggérant un phénomène coopératif entre ces récepteurs au cours de l’embryogenèse (Kono et al., 2007).

c- Migration cellulaire

Les récepteurs de la sphingosine 1-phosphate régulent différentiellement la migration cellulaire avec les récepteurs S1P1 et S1P3 qui favorisent ce processus alors que le récepteur S1P2 inhibe le phénomène migratoire (Anliker et al., 2004 ; Ishii et al., 2004). Les sphingosine kinases et la S1P ne régulent donc pas uniquement la croissance des cellules tumorales mais aussi la migration de celles-ci et donc le développement de métastases. La mobilité et l’invasion des cellules tumorales pourraient donc être inhibées ou stimulées par la S1P selon le type de S1PR exprimé par les cellules. Ainsi, il a été montré que la S1P stimule la migration des cellules cancéreuses mammaires MCF-7 et MDA-MB- 453 (Döll et al., 2005 ; Hait et al., 2005) alors qu’elle inhibe celle de cellules cancéreuses de mélanome (cellules B16) exprimant le récepteur S1P2 (Arikawa et al., 2003).

d- Immunité

La délétion génétique des récepteurs au S1P a permis de démontrer le rôle clé de la S1P dans la migration et le trafic des lymphocytes et la réponse immunitaire (Pappu et al., 2007). La délétion spécifique du S1P1 en particulier, dans les cellules hématopoïétiques ou les lymphocytes T, induit un défaut d’adressage des thymocytes depuis le thymus, soulignant le rôle pivot de la S1P en tant que facteur chimiotactique pour les lymphocytes (Matloubian et al., 2007 ; Allende et al., 2004). A l’inverse, un relargage plus important des lymphocytes T dans la circulation sanguine a été observé chez des animaux surexprimant le récepteur S1P1 (Chi et al., 2005). De plus, l’invalidation conditionnelle du S1P5 dans les thymocytes a montré que ce récepteur est essentiel pour la localisation des lymphocytes T « Natural Killer » dans les tissus périphériques (Allende et al., 2008), les animaux S1P5-/- présentant un « homing » aberrant des cellules « Natural Killer » en conditions normales ainsi qu’un défaut de mobilisation de ces cellules au niveau des organes inflammés (Walzer et al., 2007). De

72 même, l’utilisation de lymphocytes B déficients en S1P1 à prouvé l’implication de ce récepteur (et de son ligand) dans la recirculation de ces cellules dans le sang et la moëlle osseuse (Kabashima et al., 2006). Le rôle de la S1P dans le contrôle du trafic lymphocytaire corrèle également avec la lymphopénie induite par le FTY720 (substrat de la SphK2) qui une fois phosphorylé se comporte comme un ligand (antagoniste fonctionnel) de tous les S1PR à l’exception du S1P2 (Brinkmann et al., 2007). Enfin, les récepteurs S1P3 et S1P4 sont très fortement exprimés dans les organes lymphoïdes et ont un rôle clé dans la régulation de l’adressage ou de la séquestration des lymphocytes (Rosen et al., 2003).

De manière intéressante, des travaux récents de l’équipe de Sarah Spiegel ont montré que la S1P pourrait également être un agent chimioattractant, sécrété par les cellules en apoptose afin d’attirer les macrophages. En effet, un traitement par la doxorubicine des cellules leucémiques U937 et Jurkat induit non seulement leur apoptose mais aussi une augmentation de l’expression de la SphK1 et de la sécrétion de S1P ; à l’inverse, l’inhibition pharmacologique du processus apoptotique dans ces cellules empêche ce relargage de S1P. Ce même phénomène a d’ailleurs également été observé dans les mêmes cellules Jurkat et les cellules cancéreuses mammaires MCF-7 traitées à la staurosporine (Weigert et al., 2006 ; Weigertet al., 2007). Les auteurs ont ensuite montré que cette S1P sécrétée servait d’agent chimiotactique pour les macrophages, tel une sorte de signal pour phagocyter les cellules en apoptose. Cette théorie est appuyée par le fait que le récepteur S1P1 est déjà connu pour jouer un rôle dans la migration des macrophages et leur accumulation au niveau des nœuds lymphatiques (Singer et al., 2005). Une autre hypothèse serait que cette augmentation de l’expression de la SphK1, et en conséquence du taux de S1P, sous l’effet d’un stress serait également une tentative désespérée de la cellule pour échapper à l’apoptose. Il est alors envisageable qu’il existe un point de non retour au delà duquel la cellule ne peut échapper à la mort malgré l’augmentation de ses facteurs de survie (Gude et al., 2008).

e- Inflammation

Le cross-linking des récepteurs aux immunoglobulines FcεRI dans les mastocytes n’active pas seulement la SphK1 mais aussi la sécrétion de S1P et l’activation des récepteurs S1P1 et S1P2 qui sont ensuite internalisés. Le S1P1 est requis pour la migration des mastocytes en réponse à un antigène alors que le S1P2 serait nécessaire pour leur dégranulation (Jolly et al., 2004). Cette dernière donnée porte toutefois à controverse, d’autres études montrant que la

dégranulation mastocytaire serait plutôt liée à la signalisation intracellulaire de la S1P (Melendez et al., 2002).

En résumé, de nombreuses fonctions biologiques ont été attribuées à la sphingosine 1- phosphate et les sphingosine kinases considérées comme des régulateurs clés des niveaux intra- et extracellulaires de ce sphingolipide (cf figure 9). Cependant, il faut tenir compte dans ces processus de régulation de la participation d’autres enzymes du métabolisme sphingolipidique telles que bien sur la S1P lyase et les S1P phosphatases mais aussi les céramidases, la céramide synthase et la céramide kinase dont les mécanismes de régulation sont encore très peu connus.