• Aucun résultat trouvé

Apoptose, Arrêt du cycle cellulaire

C- Les sphingosines kinases : des enzymes clés

Les sphingosine kinases sont des enzymes qui catalysent la phosphorylation de la sphingosine en sphingosine 1-phosphate. Jusqu’à récemment, la voie de signalisation sphingosine kinase (SphK)/sphingosine 1-phosphate (S1P) était considérée comme une simple voie de dégradation des sphingolipides étant donné que le clivage de la S1P par la S1P lyase est une étape irréversible de la dégradation de la sphingosine.

Ces sphingosine kinases sont des enzymes très conservées au cours de l’évolution et ont été identifiées dans de nombreux organismes procaryotes et eucaryotes.

1- Caractérisation des différentes sphingosine kinases a- Clonage et identification

Il existe de nombreux isoformes de la sphingosine kinase issus du même gène. L’identification moléculaire des sphingosine kinases chez les mammifères a débuté avec la purification d’une protéine de 49 kDa chez le rat identifiée comme sphingosine kinase (Olivera et al., 1998). Deux variants de la sphingosine kinase 1, appelés SphK1a et SphK1b ont ensuite été clonés et caractérisés chez la souris, comprenant respectivement 382 et 388 acides aminés (Kohama et al., 1998). Des études de bio-informatique ont ultérieurement permis de découvrir des homologues de la sphingosine kinase 1 murine dans de nombreux organismes dont des nématodes, des végétaux et des mammifères, démontrant ainsi que la séquence de cette enzyme a été très conservée au cours de l’évolution (Taha et al., 2006).

49 Deux isoformes de sphingosine kinase (SphK1 et SphK2) ont à ce jour été clonés et caractérisés chez l’homme. La SphK1 humaine possède une forte homologie avec son isoforme murin (Melendez et al., 2000). Le second isoforme a été identifié par recherche dans une base de données d’homologies de séquences avec la SphK1 murine. Cette SphK2 possède 238 acides aminés supplémentaires localisés à l’extrémité N-terminale de la protéine et dans sa partie centrale (Liu et al., 2000). Il existe deux régions de forte homologie entre la SphK1 et la SphK2 : la région après l’extrémité N-terminale spécifique à la SphK2 où les deux séquences protéiques présentent 47% d’identité et 79% de similarité, et l’extrémité C- terminale des deux protéines qui partagent 43% d’identité et 78% de similarité (Liu et al., 2000). Toutefois, la divergence globale entre ces deux protéines suggère que la SphK2 n’est pas issue d’une simple duplication du gène codant pour la SphK1. Le gène de la SphK1 est en effet situé sur le chromosome 17 (17q25.2) et celui de la SphK2 sur le chromosome 19 (19q13.2) (Alemany et al., 2007).

A partir de ces deux isoformes, plusieurs variants d’épissage différant par leur extrémité N-terminale ont été identifiés chez l’humain. En effet, au moins trois variants de la sphingosine kinase 1 ont déjà été clonés, nommés SphK1a, SphK1b et SphK1c et comprenant respectivement 384, 399 et 470 acides aminés (Venkataraman et al., 2006). Deux variants de la sphingosine kinase 2 existent, également appelés SphK2a ou SphK2–S (pour SphK2-Short et comptant 618 acides aminés) et SphK2b ou SphK2-L (pour SphK2-Long et comptant 654 acides aminés) (Okada et al., 2005). Très récemment a également été identifié un troisième variant de la sphingosine kinase 2, appelé Sphk2c, contenant 761 acides aminés et se distinguant des précédents par une extension de son extrémité N-terminale et par des modifications de sa partie C-terminale. L’expression de l’ARN messager complet de la SphK2c a déjà été réalisée (et vérifiée) dans les cellules HEK-293 et HL-60 mais la protéine entière n’a jamais pu être exprimée (Alemany et al., 2007). Les propriétés enzymatiques semblent toutefois semblables pour tous les variants de chaque isoenzyme, tous possédant le domaine C1 qui présente une forte homologie avec le site catalytique de la diacylglycérol kinase.

Il est enfin notable que grâce à des études fonctionnelles combinant des fractionnements subcellulaires et diverses conditions d’expérimentation, une troisième activité sphingosine kinase différente des deux premières a pu être distinguée, pouvant être inhibée par la diméthylsphingosine (Gijsbers et al., 2001). Bien que la sphingosine 1-phosphate ne soit pas détectable dans les embryons de souris invalidés pour les sphingosine kinases 1 et 2, l’expression d’une troisième sphingosine kinase intervenant plus tard au cours du

développement ne peut être exclue. De plus, la découverte d’une nouvelle enzyme, une monoacylglycérol kinase apparentée aux sphingosine kinases et à la céramide kinase a dors et déjà été rapportée (Bektas et al., 2005).

b- Expression

La SphK1 et la SphK2 sont exprimées différentiellement dans le temps et dans l’espace chez les mammifères.

Chez la souris, lors de l’embryogenèse, le pic d’expression de la SphK1 se trouve au jour 7 puis décroît ensuite alors que l’expression de la SphK2 augmente graduellement jusqu’au 17ème jour. Chez la souris adulte, l’expression de la SphK1 est plus élevée au niveau des poumons, de la rate, des reins et du sang alors que la SphK2 est trouvée de manière prédominante dans le foie, les reins, le cerveau et le cœur (Kihara et al., 2006). Cependant, l’activité globale des sphingosine kinases (avec une forte prédominance pour la SphK1) peut se mesurer dans tous les tissus chez la souris, suggérant une expression ubiquitaire de cette classe d’isoenzymes (Fukuda et al., 2003).

Chez l’homme adulte, l’expression de la SphK1 est la plus élevée au niveau du foie, du cœur et du muscle squelettique lisse (Nava et al., 2000).

La SphK2 est elle principalement exprimée au niveau du foie, des reins (expression très forte) et du cerveau, les autres tissus l’exprimant très faiblement. Il est d’ailleurs notable que des deux variants de la SphK2, la SphK2-Long semble être majoritaire dans bon nombre de tissus et de lignées cellulaires par rapport à la SphK2-Short (Okada et al., 2005).

c- Caractéristiques structurelles

Cinq domaines hautement conservés (notés C1 à C5) ont été identifiés dans la séquence protéique des SphKs parmi lesquels les domaines C1 et C3, qui contiennent le domaine catalytique de la diacylglycérol kinase (retrouvé également dans les diacylglycérol kinases et la céramide kinase). Le domaine C4 semble quant à lui spécifique des sphingosine kinases (Kohama et al., 1998 ; Taha et al., 2006 a). En effet, c’est au niveau de ce domaine que se fait la liaison avec la sphingosine, leur susbrat naturel (Yokota et al., 2004).

Le domaine catalytique des diacylglycérol kinases contient un «ATP-binding site » (séquence consensus SDGGX17-21K). Cette séquence consensus au sein de la SphK1

(séquence GGKGK) est d’ailleurs significativement différente de tous les autres « nucleotide binding site » déjà connus (Pitson et al., 2002 ; Nava et al., 2000). Cependant, ce motif

51 normalement invariant est modifié en GGRGL dans la séquence de la SphK2, suggérant qu’il ne fait peut-être pas partie de cet « ATP-bindind site » (Kohama et al., 1998).

Par rapport aux diacylglycérol kinases, un résidu glycine (G82 pour la SphK1a, G212 pour la SphK2-Short) a été montré comme étant essentiel pour l’activité catalytique de la kinase (Pitson et al., 2000 b ; Maceyka et al., 2005). Un autre résidu glycine, en dehors du site catalytique, régule également l’activité catalytique de la SphK1 (G133 pour la SphK1a) (Pitson et al., 2001).

Mis à part ces homologies avec la diacylglycérol kinase, les SphKs ne montrent pas de similarité avec d’autres kinases liant les lipides ; elles ne semblent pas d’ailleurs posséder de sites de liaison avec d’autres lipides que ceux de type sphingosine. Elles ne semblent montrer également aucun domaine de régulation, à l’exception peut-être d’une séquence riche en proline à leur extrémité C-terminale qui présente des similarités avec les domaines SH3 (Yu et al., 1994 ; Ren et al., 1993) (cf figure 6 pour la structure de la SphK1).

d- Caractéristiques enzymatiques

L’activité enzymatique des sphingosine kinases obéit à la loi de Michaëlis. La constante de Michaëlis (Km) des deux isoformes pour la D-érythro-sphingosine (leur substrat naturel) se situe entre 5 et 15 µM, l’activité de la SphK2 étant moindre que celle de la SphK1 (Kohama et al., 1998 ; Liu et al., 2000 a). Les deux isoformes se différencient cependant par leur spécificité par rapport aux différents substrats existant et les conditions favorables à leur activité catalytique. La SphK1 montre clairement une préférence d’affinité pour la D-érythro- sphingosine et la D-érythro-dihydrosphingosine (Kohama et al., 1998). Des expériences menées sur des HEK-293 transfectées avec l’analogue murin de la SphK2 montrent que celle- ci peut également phosphoryler la phytosphingosine, la D,L-thréo-dihydrosphingosine (thréo- DHS, qui à l’inverse inhibe la SphK1) ainsi qu’une molécule appelée fingolimod ou FTY720. Liu et al., 2000a ; Billich et al., 2003). Le céramide, le diacylglycérol ou le phosphatidylinositol ne sont pas phosphorylables par les sphingosine kinases, suggérant ainsi une grande spécificité de ces enzymes pour les bases sphingoïdes. Comme pour la SphK1, la diméthylsphingosine (DMS) a la capacité d’inhiber l’activité de la SphK2 mais pour cet isoforme de manière non-compétitive (Liu et al., 2000 a ; Kohama et al., 1998) (cf figure 7 pour la structure de ces inhibiteurs).

L’activité des sphingosine kinases est dépendante du pH et est optimale à un pH de 7,5. Une forte concentration ionique (NaCl ou KCl à 400nM par exemple) inhibe l’activité de la

Figue 5-Structure de la SphK1. D’après Taha et al., 2006.

PDF processed with CutePDF evaluation edition

Figure 6- Structure chimique d’inhibiteurs de sphingosine kinases. D’après Delgado et al., 2006. Le FTY720 et la DHS sont spécifiques de la SphK1 alors que la DMS et le SKI peuvent inhiber les deux isoformes de sphingosine kinases.