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Apoptose, Arrêt du cycle cellulaire

D- La sphingosine 1-phosphate : « l’anti-céramide »

4- La balance sphingosine/sphingosine 1-phosphate

Alors que le céramide et la sphingosine ont des propriétés pro-apoptotiques, la S1P, issue de la sphingosine sous l’effet de la stimulation des sphingosine kinases, favorise la prolifération et la survie cellulaire en réponse à des stimuli négatifs tels que le TNF-α, Fas ligand, la déprivation en facteurs de croissance, le céramide perméant, la sphingomyélinase exogène, les radiations ionisantes ou encore les molécules chimiothérapeutiques. Cela a posé la sphingosine kinase en protéine clé de la régulation de la survie cellulaire de par son effet sur les stocks cellulaires de sphingosine (et même de céramide) et de S1P. De plus, des lignées surexprimant la sphingosine kinase présentent des taux intracellulaires de céramide et de sphingosine diminués par rapport aux lignées sauvages.

Il a également été montré que la modulation des enzymes régulant les taux de céramide et de S1P autres que la sphingosine kinase influence évidement le rapport entre les deux lipides. Ainsi, la sphingosine 1-phosphate phosphatase fait pencher la balance en faveur de l’apoptose en déphosphorylant la S1P en sphingosine. Le même phénomène est d’ailleurs observé avec l’inhibition de la sphingosine kinase par la dihydrosphingosine (DHS) ou la diméthylsphingosine (DMS).

Ainsi, il a été proposé un modèle de rhéostat sphingolipidique entre les taux de céramide/sphingosine et de sphingosine 1-phosphate capable de réguler le devenir de la cellule, décidant de la survie ou de la mort de celle-ci (cf figure 11).

Les travaux de Cuvillier et al. ont d’ailleurs permis de mettre en évidence ce rhéostat sphingolipidique dans des lignées cellulaires leucémiques. Ces travaux ont tout d’abord montré que l’ajout de S1P exogène prévenait l’apoptose de ces cellules induite par du

Figure 10-Représentation schématique de la balance entre les effets du céramide et de la sphingosine 1-phosphate.

D’après Huwiler et al.,2006

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céramide perméant ou par le TNF-α ou encore la déplétion en sérum. Cet effet anti- apoptotique de la S1P est du à une activation par ce sphingolipide de la PKC qui elle-même induit l’activation de la SphK1 augmentant ainsi le taux de S1P intracellulaire, sans toutefois modifier le taux de céramide. A l’inverse, le TNF-α ne modifie pas le taux de sphingosine mais inhibe l’activité de la SphK1 (sans doute par inhibition de la PKC) ce qui a pour effet de diminuer le taux de S1P. Ainsi, le TPA et le TNF-α exercent des effets opposés sur les concentrations intracellulaires de ces deux lipides et ont donc un fort impact sur le rapport de ces concentrations. De plus, bien que ce ratio soit caractéristique d’un type cellulaire donné, cette étude a montré que des stimuli extérieurs peuvent le modifier. En effet, le PDGF stimule la prolifération en activant la céramidase et la SphK, alors que les cytokines inflammatoires stimulent la sphingomyélinase. Cette régulation des enzymes du métabolisme sphingolipidique est déterminante dans la balance entre les niveaux de céramide et de S1P qui détermine la vie ou la mort de la cellule. Enfin, ces travaux ont montré que la S1P stimule la voie de survie initiée par la MAPK ERK1/2 alors que le céramide induit la voie de stress des SAPK JNK et p38. De plus, la S1P peut inhiber l’activation de ces SAPK induite par le céramide perméant ou le TNF-α. En résumé, la S1P active ERK et inhibe JNK alors que le céramide à l’inverse active JNK et inhibe ERK (Cuvillier et al., 1996).

De façon similaire, il a été montré que le céramide et la S1P ont des effets sur la voie de survie Pi3Kinase/Akt. En effet, le céramide peut inhiber cette voie de transduction soit en recrutant directement la phosphatase PTEN (qui déphosphoryle les PiP3, recruteurs de la kinase Akt) au niveau des rafts lipidiques soit en activant indirectement la phosphatase PP2A ; cette inhibition de la voie Pi3K/Akt conduit par ailleurs à une inactivation de NF-κB et à une diminution d’expression de Bcl-xL (Goswami et al., 2005 ; Lin et al., 2007). A l’inverse, la SphK1 (et indirectement la S1P via ses récepteurs extracellulaires) stimulent l’activité de la Pi3Kinase (Radeff-Huang et al., 2007 ; Xia et al., 2002).

La balance dynamique entre les concentrations des lipides bioactifs céramide et S1P et leurs effets sur les voies de signalisation ERK et JNK détermine donc la vie ou la mort de la cellule.

E- Conclusion

Ces dernières années ont vu s’accomplir de nombreux progrès dans la compréhension des fonctions des sphingolipides tant au niveau cellulaire que physiologique.

75 Ces progrès sont en grande partie dus à l’analyse des anomalies entraînées par des défauts génétiques chez les humains et/ou la mutagenèse chez la souris de gènes contrôlant le métabolisme de ces lipides particuliers. Cependant, malgré ces énormes avancées, l’élucidation des fonctions des métabolites sphingolipidiques, spécialement celles liées à la transduction du signal, requiert encore d’autres approches.

Une approche pharmacologique, à l’aide d’inhibiteurs ou d’agonistes, par exemple, aiderait à déchiffrer un peu plus la nature énigmatique des sphingolipides et pourrait aider à mettre en place des stratégies thérapeutiques. La mise à disposition de modèles animaux mimant les pathologies humaines liées au métabolisme des sphingolipides offre en outre la possibilité de développer d’autres approches thérapeutiques telles que les thérapies génique ou cellulaire (cellules souches), ou l’utilisation de « chaperons » pharmacologiques.

Enfin, du fait de l’existence du rhéostat céramide/S1P, il est permis de concevoir que les enzymes régulant le métabolisme sphingolipidique représentent des cibles potentielles pour le développement de nouvelles molécules thérapeutiques pour le traitement du cancer.