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Mécanismes moléculaires de résistance et sensibilité à la chimiothérapie Seuls 25% des patients traités à visée palliative par la gemcitabine présentent une

B – L’adénocarcinome pancréatique en pratique clinique

5- Mécanismes moléculaires de résistance et sensibilité à la chimiothérapie Seuls 25% des patients traités à visée palliative par la gemcitabine présentent une

amélioration de leur état clinique sans toutefois de stabilisation tumorale. Aucune chimiothérapie n’a en effet permis à l’heure actuelle un allongement de la survie des patients atteints de cancer pancréatique. Les mécanismes de chimiorésistance sont cependant peu connus et/ou partiellement démontrés.

Ces mécanismes de résistance varient en fonction des différents composés et ont été étudiés grâce à l’étude de modèles cellulaires résistants in vitro ainsi que d’échantillons provenant de patients traités par les analogues de nucléosides.

Le schéma de métabolisme et de mécanisme d’action d’analogues de nucléosides tels que la gemcitabine permet d’identifier plusieurs mécanismes possibles expliquant la résistance cellulaire à ces agents chimiothérapeutiques (Jordheim et al., 2003). Ces mécanismes peuvent être divisée en deux groupes.

• Le premier groupe contient toutes les modifications d’expression des gènes impliqués dans les étapes de formation et d’accumulation intracellulaire de la forme active de la molécule. Ces modifications portent sur les transporteurs membranaires et les kinases, mais aussi sur des gènes intervenant dans la dégradation et/ou l’export des analogues de nucléosides. Il a ainsi été démontré au cours d’études précliniques et cliniques que le déficit en transporteur nucléosidique hENT1 et/ou des enzymes métabolisant la gemcitabine (dont la dCK) est un facteur important de résistance à la gemcitabine des cellules cancéreuses pancréatiques ou de réduction de survie sous traitement (Nakano et al., 2007 ; Giovannetti et al., 2006 ; Duxbury et al., 2004b ; Ohhashi et al., 2008).

• Le deuxième type de résistance concerne la modification de la réponse cellulaire au stress induit par la molécule. Il peut être dû à des altérations soit des mécanismes de reconnaissance et/ou de réparation des lésions, soit des mécanismes effecteurs de l’apoptose.

Dans le cas de la gemcitabine, les systèmes de réparation et de tolérance aux lésions de l’ADN sont vraisemblablement impliqués. En effet, des études ont montré qu’un défaut d’expression et ou d’activité de la ribonucléotide réductase (RR), une enzyme centrale dans le processus de synthèse de l’ADN et participant au processus de « nucleotide excision repair » (NER) réparant les erreurs de réplication au cours de la synthèse D’ADN, pourrait être responsable de phénomènes de résistance à la gemcitabine des cellules cancéreuses pancréatiques (Duxbury et al., 2005).

L’équilibre des systèmes pro- et anti-apoptotiques joue également un rôle important dans cette résistance. En effet, en termes de survie, il a été établi que l’augmentation de l’expression de facteurs anti-apoptotiques était corrélée à une survie plus faible et vice versa pour les facteurs pro-apoptotiques. L’augmentation de l’expression de Bcl-xL et de Bcl2 serait ainsi à l’origine de la résistance des cancers pancréatiques aux sels de platine (Schniewind B et al., 2004). De plus, la protéine XIAP (X-linked Inhibitor of Apoptosis Protein), inhibitrice des caspases effectrices, est surexprimée dans la plupart des lignées cancéreuses pancréatiques (Karikari et al., 2007). Une diminution de l’expression de cette protéine par siRNA augmente la sensibilité des cellules cancéreuses pancréatiques aux analogues nucléosidiques 5-FluoroUracile et gemcitabine ainsi qu’au ligand de mort Trail (Li

28 et al., 2006). Enfin, des auteurs ont montré que l’expression de la protéine de stress p8 dans les cellules pancréatiques est inversement corrélée à leur capacité d’entrer en apoptose. L’inhibition de l’expression de p8 dans la lignée cancéreuse pancréatique chimiorésistante MiaPaCa-2 augmente l’apoptose induite par la gemcitabine via une augmentation de l’activité caspase 3. A l’inverse une surexpresssion de cette protéine de stress dans la lignée cancéreuse pancréatique sensible BxPC-3 rend ses cellules résistantes à cet analogue nucléosidique. Les auteurs ont également montré une régulation négative de l’expression de p8 sous l’effet d’un traitement par gemcitabine. Ils en ont donc conclu que la gemcitabine induit l’apoptose des cellules cancéreuses pancréatiques en diminuant entre autres mécanismes l’expression de p8 (Giroux et al., 2006). Une autre étude sur les cellules cancéreuses pancréatiques a également montré que la gemcitabine induit de façon dose-dépendante l’activité du facteur de transcription NF-κB. Cependant, une très faible dose de gemcitabine, suffisante néanmoins pour induire l’apoptose des cellules les plus sensibles, induit à l’inverse une inhibition de NF-κB. Ces résultats ont donc permis de montrer que le niveau d’activation de NF-κB joue un rôle important dans la résistance des cellules pancréatiques à la gemcitabine. Les auteurs ont par ailleurs montré que cette activation de NF-κB est indépendante de la voie Pi3K/Akt (Arlt et al., 2003). Il a également été montré que dans les cellules cancéreuses pancréatiques, le niveau d’expression d’ILK (Integrin-linked kinase, qui facilite la transduction du signal entre les stimuli extra-cellulaires et les voies de survie intracellulaires dont la voie de la PKB/Akt) est inversement corrélé avec leur réponse à la gemcitabine (Duxbury et al., 2005). Enfin, une étude comparant des cellules cancéreuses pancréatiques sensibles et les mêmes cellules rendues résistantes à la gemcitabine a montré une forte augmentation de l’activation du récepteur c-met dans ces dernières, suggérant l’implication de ce récepteur à l’HGF dans les mécanismes de résistance. Cette même étude a par ailleurs montré que les cellules rendues résistantes présentent des marqueurs spécifiques des cellules souches pancréatiques ainsi que des altérations morphologiques et génétiques caractéristiques d’une transition épithélio- mésenchymateuse (Shah et al., 2007).

Les molécules d’adhésion joueraient également un rôle important dans la résistance à la gemcitabine des tumeurs pancréatiques. En effet, la diminution d’expression de la Fokal Adhesion Kinase (FAK) dans les cellules cancéreuses pancréatiques augmente l’effet cytotoxique de la gemcitabine en stimulant l’activité des caspases effectrices tout en diminuant l’activation de la protéine de survie Akt. Ce phénomène de sensibilisation à la gemcitabine par inhibition de l’expression de FAK a également été retrouvé in vivo dans un

modèle de greffe orthotopique chez la souris immuno-déprimée (Duxbury et al., 2003). De même, la surexpression de la protéine d’adhéseion CEACAM 6 dans les cellules cancéreuses pancréatiques Capan-2 diiminue leur réponse à la gemcitabine. A l’inverse, une inhibition de cette protéine dans les cellules BxPC-3 sensibilise ces cellules à la gemcitabine. La CEACAM6 modulerait en fait l’activation de la protéine Akt de manière Src-dépendante, inhibant ainsi le relargage mitochondrial du cytochrome c et l’activation de la caspase 3 effectrice (Duxbury et al., 2004).

Toutes ces molécules impliquées dans les mécanismes de résistance à la gemcitabine sont autant de cibles potentielles pour améliorer la réponse clinique à cet analogue nucléosidique dans le cadre de la thérapie de l’adénocarcinome pancréatique.

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