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5.5) Rôle de l’hypoxie dans l’homéostasie du cartilage et l’ingénierie tissulaire :

L’effet de l’hypoxie sur la formation et l’homéostasie du cartilage a été longtemps inexploré bien que les chondrocytes soient exposés de manière chronique à une faible tension d’oxygène. Ces cellules sont capables de « sentir » le niveau d’oxygène grâce à des enzymes, les prolyl-hydroxylases (PHD), dont l’activité dépend de la tension d’oxygène. Ces enzymes hydroxylent la protéine HIF-α (Hypoxia-Inducible Factor) qui est alors reconnue par la protéine pVHL (activité E3 ubiquitine ligase) qui adresse la protéine HIF-α au protéasome pour être dégradée(Bühring et al., 2007). En condition hypoxique, l’activité de la PHD baisse ce qui conduit à l’accumulation de HIF-α (-1, -2 et -3) dans le cytosol. Ce dernier se lie au facteur constitutif HIF-1β pour former un hétéro-dimère qui migre dans le noyau par translocation. Ce complexe se lie alors à des éléments de réponse à l’hypoxie appelés HRE (Hypoxia-Responsive Elements) situés au niveau de gènes cibles dont

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l’expression permet de switcher à un métabolisme glycolytique. L’expression de HIF-1α est indispensable tout le long du processus de chondrogenèse. En effet, la faible tension d’oxygène, retrouvée dans la plaque de croissance, induit la sécrétion de VEGF (crucial pour la survie des chondrocytes) via HIF-1α (Schipani et al., 2001). Ce dernier facteur contrôle également la composition de la MEC par la régulation de l’expression de collagène de type II et d’aggrécan (Pfander et al., 2003). De plus, HIF-1α joue un rôle central dans la maturation du collagène car il induit la collagen-prolyl-4-hydroxylase, enzyme responsable du pontage du collagène dans la plaque de croissance (Aro et al., 2012; Bentovim et al., 2012).

L’hypoxie a un rôle anabolique sur les chondrocytes articulaires humains par l’induction de la synthèse de collagène de type II et d’aggrécan. Des études in vitro ont démontré l’effet anti-catabolique de l’hypoxie par l’inhibition de la dégradation du cartilage (Thoms et al., 2013). De plus, le facteur HIF-1α est responsable de la diminution de Col1a1 (gène du collagène de type I), limitant ainsi la dédifférenciation associée à la culture chondrocytaire en monocouche (Duval et al., 2009). Par ailleurs, la combinaison de la culture 3D et d’une faible tension d’oxygène accroit considérablement la synthèse de collagène de type II, d’aggrécan et de Sox9 en comparaison à la culture en monocouche (Legendre et al., 2013; Malladi et al., 2006). L’hypoxie peut également agir sur le métabolisme chondrocytaire, en combinaison avec des facteurs de croissance tels que la BMP-2 qui accentue le dépôt de collagène de type II (Demoor et al., 2014). La combinaison de ces facteurs (hypoxie, culture 3D et facteurs de croissance) semble donc une bonne approche afin de recréer un environnement favorable pour recréer un cartilage articulaire proche de l’homéostasie humaine.

Dans le cadre de cette thèse, nous avons utilisé le modèle de cartilage articulaire en éponge de collagène (I/III) développé par l’équipe de P. Galéra au CHU de Caen (Legendre et al., 2013; Ollitrault et al., 2014). Ce modèle prend en compte les propriétés chondrogéniques du collagène de type I/III (Freyria et al., 2009) et la physioxie tissulaire du cartilage. La procédure consiste à cultiver des cellules de cartilage en éponge de collagène (Symatèse Biomatériaux, Chaponost, France) à 2% d’O2, dans un milieu pauvre en sérum (2% de

sérum de veau fœtal) supplémenté d’un facteur de différenciation chondrogénique, la BMP-2. La MEC étant formée principalement de fibres de collagène, ces dernières représentent le microenvironnement naturel des chondrocytes. Comparé à la culture classique en 2D, cette équipe a démontré l’avantage de la culture 3D associée à la physioxie à 2% d’O2 et à des facteurs chondrogéniques, dans la re-différenciation

chondrogénique et la synthèse de MEC de composition proche du cartilage humain. Une telle matrice poreuse procure un environnement 3D idéal pour la stabilité des chondrocytes et permet un transfert de nutriments et des déchets du métabolisme cellulaire.

Dans la suite de ce manuscrit, nous utiliserons le terme normoxie pour une tension d’oxygène de 20% et le terme physioxie pour une tension de 2%.

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6) Description et objectifs du projet :

Ce projet a pour ambition d’étudier la dépendance des réponses cellulaires à court terme des chondrocytes articulaires sains et pathologiques (CHS) à la nature du faisceau (TEL) dans le contexte d’une hadronthérapie par ions carbone. Ceci dans un modèle expérimental in vitro adapté, proche de l’homéostasie humaine. En effet, l’influence du microenvironnement sur la réponse cellulaire aux RIs est documentée dans les modèles in

vivo mais l’est beaucoup moins in vitro, spécialement dans le cas des sarcomes. En l’occurrence, la croissance

cellulaire en 3D (Storch et al., 2010) ainsi que le pourcentage d’oxygène (Wilson and Hay, 2011) sont des paramètres majeurs à prendre en compte car ils influencent fortement la radiosensibilité des cellules.

Afin de reproduire les conditions de physioxie cellulaire, les cellules ont été, dans un premier temps, irradiées (à dose unique) en culture 2D à 2% d’O2 comme références internes, puis en culture 3D dans ces mêmes

conditions de physioxie. Concernant le choix des RIs, nous avons sélectionné des RIs de TEL intermédiaire pour mimer l’énergie à l’entrée du faisceau, dans les tissus sains. Nous avons également retenu des RIs de haut TEL qui permettent de mimer l’énergie déposée dans le volume de la tumeur (pic de Bragg). Les RX ont été utilisés comme référence en bas TEL. Dans ce projet, nous nous sommes focalisés sur la recherche d’une réponse cellulaire différentielle liée au TEL en culture 3D versus culture 2D. Il est important d’étendre les connaissances sur la radiobiologie du cartilage et du CHS et plus spécialement suite à une irradiation par des hadrons, domaine quasiment inexploré, même en culture classique monocouche. In fine, les résultats de cette étude pourraient servir de référence in vitro en RX et en hadrons pour l’optimisation de logiciels de planification de traitement et contribuer à l’évaluation des risques de séquelles en RT et en onco-pédiatrie. La sécurité des patients exposés aux radiations ionisantes lors de protocoles de RT est un enjeu sanitaire majeur.

Compte tenu des contraintes expérimentales, les résultats sont présentés selon une progression thématique et non chronologique de réalisation.

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M

ATERIELS ET

M

ETHODES

:

1) Culture cellulaire :

Dans le cadre de ce projet, deux types cellulaires ont été utilisés : la lignée de CHS SW1353 (#300440, CLS, Eppelheim, Allemagne) et des cellules primaires de Chondrocytes Articulaires Humains ou CAH (#402K-05a, CellSystems, Troisdorf, Allemagne). La lignée SW1353 a été isolée par A. Leibovitz en 1977 à partir d’un CHS primaire de grade II provenant de l’humérus droit d’une femme caucasienne âgée de 72 ans (http://www.lgcstandards-atcc.org/products/all/HTB-94.aspx?geo_country=fr). La lignée SW1353 est définie comme diploïde, mutante pour p53 et p16 négative. Les cellules primaires, quant à elles, proviennent de deux donneurs sains (sans pathologie connue ou apparente), mâles et caucasiens (39 ans pour le premier donneur et 50 ans pour le deuxième donneur).

La culture cellulaire et l’irradiation ont été effectuées en normoxie ou en physioxie. La culture normoxique s’est faite dans un incubateur classique à 5% CO2, 95% air et la culture physioxique dans un incubateur tri-gaz

HeracellTM 150i (Thermoscientific, Waltham, USA) à 5% CO2, 2% O2 et 93% N2. Les cellules ont d’abord été

amplifiées en monocouche pour servir aux irradiations en 2D ou à l’ensemencement dans les éponges de collagène.