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Dans la première partie de ce chapitre, nous avons montré qu’en culture 2D de CAH, les RIs de TEL intermédiaire ont une meilleure efficacité biologique (EBR=2,6) que des RXs de bas TEL du fait de la plus forte induction de la sénescence radio-induite. Dans cette deuxième partie, nous nous sommes intéressés à l’effet différentiel de ces deux types de rayonnements dans un modèle 3D de cartilage articulaire développé précédemment pour de l’ingénierie tissulaire (Legendre et al., 2013).

Afin de valider le modèle, nous avons étudié la distribution cellulaire dans la matrice de collagène. Au bout de 7 jours de culture dans la matrice de collagène, les CAH se distribuent de manière homogène (les flèches sur la Figure 48.A indiquent des cellules de CAH à différents endroits de la matrice). La différenciation cellulaire induite par la culture physioxique en 3D a été validée par l’expression de la protéine COX-2. En effet, COX-2 a été précédemment associée à la différenciation cellulaire via une activation de la voie de signalisation p38/NF-kB (Ulivi et al., 2008). La Figure 48.B montre une diminution progressive de l’expression de la protéine COX-2 en culture 2D, signe de dé-différenciation. Les chondrocytes cultivés en 3D expriment à nouveau la protéine COX-2 et ce jusqu’à 11 jours après ensemencement, signe de re-différenciation chondrocytaire.

Figure 48: Re-différenciation chondrocytaire dans le M3DCa

A : Haut : image représentative d’une coloration HES effectuée sur une section de 8 µm du M3DCa inclus préalablement

dans de la paraffine. Bas : Grossissements correspondants à l’image du haut. Les fibres de collagène sont colorées en rouge pâle et les cellules (indiquées par des flèches) en violet. B : Analyse par western blot de la protéine COX-2 pendant l’amplification en monocouche et la culture dans la matrice 3D. La protéine GAPDH a été utilisée comme contrôle de charge.

Les modèles 3D de cartilage ont été irradiés à une dose de 2 Gy en bas TEL ou TEL intermédiaire. Etant donné l’épaisseur de la matrice de collagène, nous avons évalué la distribution de TEL des ions accélérés

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correspondant au temps de faisceau alloué au GANIL (décrite plus haut en page 71). En effet, le TEL varie du fait du ralentissement des particules dans la matière. Un modèle possédant une épaisseur non négligeable (contrairement à une monocouche de cellules), peut induire des variations du TEL au cours du trajet des ions rendant l’irradiation inhomogène. Cependant, dans notre cas de figure, quel que soit le logiciel de calcul utilisé (FLUKA ou PHITS) et pour tous les ions de TEL intermédiaire, le TEL ne varie pas de plus de 10% entre l’entrée et la sortie de la matrice de collagène (Figure 49.A/B/C).

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Figure 49: Distribution de TEL dans le M3DCa

Profil de distribution de TEL (keV/µm) des ions carbone dans une épaisseur de cartilage (cm) estimé par deux modèles mathématiques ; FLUKA (courbe bleue) et PHITS (courbe rouge). Le modèle 3D de cartilage utilisé dans nos expériences correspond aux 0,2 premiers centimètres de la courbe (grossissement sur la gauche de la courbe principale). Trois types de faisceaux ont été utilisés en fonction de la disponibilité du temps de faisceau ; le panel A correspond à un faisceau 12C à 75 MeV/A, le panel B à un faisceau 13C à 75 MeV/A et le panel C à un faisceau 12C à 95 MeV/A additionné d’une fine couche de PMMA (6,9 mm).

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Malgré plusieurs tentatives, nous n’avons pas été en mesure d’extraire assez de cellules vivantes de la matrice. Le collagène (I et III) de l’éponge de collagène étant ponté à la glutaraldéhyde, il est possible qu’il soit inattaquable par les enzymes de dissociation comme la trypsine, l’accutase ou encore la collagénase que nous avons testées. Cette contrainte technique a rendu impossible la réalisation de tests de clonogénicité et d’analyse du cycle cellulaire par cytométrie en flux. Afin d’évaluer l’impact des RIs sur la prolifération cellulaire, nous avons mesuré l’indice de prolifération Ki-67 sur des coupes en paraffine (Figure 50.A). L’indice de prolifération dans les groupes contrôle, bas TEL et TEL intermédiaire était de 20,3 ± 0,9%, 22,7% ± 4,5% et 23,9% ± 0,1%, respectivement et ce 96h post-irradiation (Figure 50.B). De façon surprenante, nous n’avons pas mesuré de baisse de l’indice de prolifération après irradiation et ce, quel que soit le TEL, à la différence des résultats obtenus en culture 2D.

L’analyse de la mort cellulaire dans le modèle de cartilage reconstruit in vitro n’a montré aucun signe de nécrose ou d’apoptose radio-induite. La nécrose radio-induite a été analysée par le test métabolique Toxilight sur le surnagent de culture cellulaire. A la différence du traitement à la digitonine (contrôle positif), nous n’avons pas mesuré d’augmentation significative de la libération d’AK et ce jusqu’à 96h post-irradiation quel que soit le TEL (Figure 50.D). De manière intrigante, un ratio d’induction inférieur à 1 a été mesuré suite à l’irradiation en ions carbone ce qui signifie moins de relargage d’AK et un métabolisme réduit par rapport au groupe contrôle. De plus, nous n’avons mesuré de baisse de l’expression de la procaspase-3 ni son clivage et ce jusqu’à 72h post-irradiation (Figure 50.C).

L’ensemble de ces résultats suggèrent que les RXs ainsi que les ions accélérés de TEL intermédiaire n’altèrent pas le pool de cellules quiescentes dans un M3DCa, à la différence de la culture classique en 2D. Ceci peut être expliqué par la physiologie particulière des chondrocytes en culture 3D. Par ailleurs, à la dose unique de 2 Gy, ces rayonnements ne semblent pas induire d’apoptose, ni de nécrose.

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Figure 50: Prolifération et morts cellulaires dans le M3DCa post-irradiation (bas TEL et TEL intermédiaire)

A : Indice de prolifération Ki-67. Les M3DCa ont été irradiés puis remis en culture pendant 96h et fixés au PFA. Le

marquage Ki-67 est effectué par immunohistochimie-paraffine sur des coupes de 8 µm. Seuls les noyaux positifs francs sont comptés pour le calcul de l’indice (au moins 250 cellules/condition). Les résultats sont exprimés en moyenne ± erreur sur la moyenne de deux expériences indépendantes (test statistique one-way ANOVA). B : Image représentative

d’un marquage Ki-67 (contre-coloration à l’hématoxyline) effectué sur une section de 8 µm du M3DCa inclus

préalablement dans de la paraffine. La flèche en trait continu indique un noyau positif et la flèche en trait discontinu indique un noyau négatif. L’échelle est indiquée sur l’image (25 µm et 50 µm). C : Analyse par western blot de

l’expression de la caspase-3. Les M3DCa irradiés à confluence sont prélevés entre 6h et 72h post-irradiation. L’extrait

protéique correspondant subit une électrophorèse SDS-PAGE -4-20%). Le contrôle de charge choisi est la GAPDH et les poids moléculaires reportés sur la droite de l’image. D : Etude de la nécrose par le test métabolique ToxilightTM. Le

milieu de culture des M3DCa irradiés a été récolté 24h, 48h et 96h post-traitement (la digitonine a servi de contrôle positif). Les résultats sont présentés comme le ratio de luminescence produit par l’échantillon traité (irradié ou lysé par la digitonine) relatif à l’échantillon contrôle au même temps de cinétique (moyenne ± erreur sur la moyenne de deux expériences indépendantes). Un test one-way ANOVA réalisé sur le contrôle positif (** p<0,01) a permis de définir une zone de non significativité présentée en gris hachuré dans la figure.