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Rôle du monoxyde d'azote et de ses dérivés dans la cytotoxicité

CHAPITRE 1 Le monoxyde d’azote et les NO-Synthases

1. Le Monoxyde d’azote et les NO-Synthases de mammifères

1.2. Rôle du monoxyde d'azote et de ses dérivés dans la cytotoxicité

La cytotoxicité de NO est induite par ses produits dérivés : les espèces dérivées de l'azote et de l'oxygène (les RNOS) issues de la réactivité de NO avec les électrons et l’oxygène présents dans la cellule (Figure 3). On retrouve différentes espèces (ONOO- NO-, NO+, HNO, NO -, NO, NO+,

NO3-, N2O3 et N2O4) ayant chacune un degré d’oxydation qui va leur conférer des propriétés réactives différentes [26-28].

Figure 3 : Formation des espèces réactives dérivées de l’azote et de l’oxygène. Outre la réaction entre NO et le superoxyde, le peroxynitrite peut être aussi produit par la réaction entre NO- et le dioxygène ou NO+ et le peroxyde d'hydrogène.

Parmi ces RNOS, la molécule la plus toxique connue à ce jour est le peroxynitrite (ONOO-) issu, entre autres, de la réaction de NO avec le superoxyde (O2•-). La nicotinamide adénine dinucléotide phosphate (NADPH) oxydase et la xanthine oxydase sont activées au cours de nombreux processus cellulaires mais génèrent une grande quantité de O2•-. Afin d'éviter une accumulation trop importante de cette espèce extrêmement réactive, la superoxyde dismutase (SOD) localisée dans les mitochondries, le cytoplasme et le compartiment extracellulaire élimine cette espèce. Cependant NO et O2•- réagissent ensemble de manière extrêmement rapide [29]. Pendant une réaction inflammatoire, la quantité de NO produite est suffisante pour entrer en compétition avec la SOD, réagir avec O2•- et produire ONOO-.

1.2.1. Processus biologiques liés à la cytotoxicité du monoxyde d’azote et de ses dérivés

NO et les RNOS sont des médiateurs cellulaires qui ont un rôle cytotoxique utilisé au profit de plusieurs processus biologiques notamment pour la réponse immunitaire non spécifique.

La NOS inductible (iNOS ou NOS 2) est la seule des trois NOS de mammifère à ne pas être exprimée constitutivement. Un agent pathogène va déclencher la libération de nombreuses cytokines chez son hôte : l'interleukine 1 (IL1), le tumor necrosis factor  (TNF- l'interféron IFN-) par exemple. L'ensemble de ces cytokines et le lipopolysaccharide (LPS) des bactéries activent des signaux de transductions (le facteur nucléaire NF-B par exemple) qui induisent la transcription d'iNOS dans les macrophages (entre autres) [30-32] et provoque la libération massive de NO [33]. La toxicité de NO sur l'agent pathogène est ensuite induite par les RNOS (Figure 4). NO et ses dérivés vont pouvoir inhiber directement de manière réversible ou irréversible la ribonucléotide

réductase (enzyme responsable de la synthèse de l'acide désoxyribonucléique (ADN) [34]). Cela provoque une diminution de la prolifération bactérienne [31, 34, 35].

Figure 4 : Représentation de l’induction de iNOS dans le macrophage sous l'action de stimuli tels que le LPS et IFN et de la réponse immunitaire non spécifique induite par NO qui agit soit seul soit de concert avec le superoxyde sous forme de peroxynitrite [36].

NO et ses dérivés réagissent également avec les résidus aromatiques, les résidus thiols ou les résidus aminés des protéines bactériennes. Ils provoquent la peroxydation lipidique, interagissent avec les protéines à hème et augmentent globalement le stress oxydant dans le pathogène aboutissant à la formation de lésions dans l’ADN et à la mort de la bactérie. NO est aussi un agent antiviral en nitrosylant des résidus cystéines (Cys) présents dans les protéases virales. Il inhiberait alors l’activité de l’enzyme et interromprait ainsi le cycle vital du virus [31].

Les propriétés cytotoxiques de NO et de ses produits dérivés leur confèrent des rôles majeurs dans la réponse immunitaire non spécifique. Outre son rôle d'agent antimicrobien, il est essentiel aux réponses anti-tumorales, au processus apoptotique, à la défense redox de la cellule.

1.2.2. Processus pathologiques liés à la cytotoxicité du monoxyde d’azote et de ses dérivés.

L'ensemble des RNOS peut aussi générer un stress oxydant dans les cellules de l’hôte. En plus de diminuer la biodisponibilité de NO, ONOO- est un oxydant très puissant qui réagit avec de nombreux composants de la cellule [37].

Figure 5 : Représentation de la toxicité du peroxynitrite sur les différents composants de la cellule. (Image adaptée de Pacher et al. [4])

Le peroxynitrite inhibe de manière irréversible des enzymes ayant des métaux de transition dans leurs cycles catalytiques, provoque des lésions de l'ADN, inhibe les complexes I, II et V de la mitochondrie, suractive la poly ADP-ribose polymérase I (PARP I, une enzyme de réparation de l'ADN) qui consomme beaucoup d'adénosine triphosphate (ATP) et de nicotinamide adénine dinucléotide (NAD+) et provoque une déplétion en ATP dans la cellule. L’ensemble de ces dégâts cellulaires peuvent aboutir à la mort non programmée des cellules : la nécrose cellulaire (Figure 5).

De par ces fonctions délétères, la synthèse de NO et de ses produits dérivés est reconnue comme étant un facteur aggravant dans de nombreuses pathologies : athérosclérose, arthrite, rejet de greffes, inflammations chroniques, inflammations aiguës, maladie de Crohn, lupus, psoriasis, chocs septique, asthme, emphysème, bronchiolite, pneumonies, sclérose latérale amyotrophique, épilepsie, maladie d’Alzheimer, maladie de Parkinson, maladie de Huntington, ischémie cérébrale, promotion de la croissance des tumeurs et des métastases, angiogénèse, hypertension, accident vasculaire cérébral, infarctus, hépatites, diabètes, maladies ophtalmiques, anémie falciforme…[4, 37].

Exemple : rôle toxique du peroxynitrite dans la maladie de Parkinson

Les réactions de nitration ou nitrosation de protéines réalisées par les RNOS et le ONOO- plus spécifiquement tiennent un rôle important dans les processus de maladies neurodégénératives

[38-40]. A titre d'exemple la nitration de la protéine -synucléine participe à la formation des corps d'inclusions retrouvés dans les neurones dopaminergiques de la maladie de Parkinson (Figure 6). En condition physiologique normale, la protéine -synucléine existe en équilibre entre deux formes. La première est associée à la membrane et la seconde est cytosolique.

-synucléine -synucléine cytosolique Formation d’oligomères  Formation et accumulation de corps de Lewi NO/ONOO-: nitration - Diminution de l’affinité pour la membrane - Résistance à la protéolyse - Diminue/Augmente la formation des filaments

-synucléine -synucléine cytosolique Formation d’oligomères  Formation et accumulation de corps de Lewi NO/ONOO-: nitration - Diminution de l’affinité pour la membrane - Résistance à la protéolyse - Diminue/Augmente la formation des filaments

Figure 6 : Implication de NO et des ses dérivés dans la formation des corps d’inclusions présents dans les neurones dopaminergiques de la maladie de Parkinson (adaptée de creativecommons.org).

La nitration de cette protéine va changer plusieurs de ses caractéristiques. Tout d'abord son affinité à la membrane est diminuée. Ensuite, elle résiste mieux à la protéolyse et augmente (à basse concentration) ou diminue (à forte concentration) la formation de filaments (éléments essentiels du cytosquelette). Enfin, cette nitration favorise la conformation en feuillets  de la protéine [41]. Cette dernière est alors favorable à la formation de corps de Lewi qui s'accumulent dans les neurones dopaminergiques lors de la maladie de Parkinson.

NO est donc une molécule polyvalente chez les mammifères. Elle est à la fois essentielle à de nombreux processus biologiques mais participe au développement de certaines pathologies. Dans l’état actuel des connaissances, il est donc primordial d’étudier la source de cette molécule, la NOS. Etudier son mécanisme moléculaire et comprendre les

tenant et aboutissant de la synthèse de NO pourront apporter des éclaircissements sur cette double fonctionnalité et donner de nouvelles pistes pour palier les effets délétères.