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Nature des intermédiaires réactionnels

CHAPITRE 1 Le monoxyde d’azote et les NO-Synthases

4. Mécanisme moléculaire des NO-Synthases

4.1. Etape 1 : hydroxylation de l'arginine

4.1.3. Nature des intermédiaires réactionnels

2 (1) :

Dans le cas des cytochromes P450, le complexe FeIIO

2 est relativement stable et donc facilement observable. L'électron nécessaire à réduire le complexe FeIIO

2 provient du domaine réductase. Dans le cas des NOS, cet intermédiaire est le dernier observé dans la première étape du cycle catalytique. Il est beaucoup moins stable que dans le cas des cytochromes P450 et peut se dissocier et libérer du superoxyde (O2•-, Figure 19). Le complexe FeIIO2 a été observé en stopped-flow et suite à une approche cryogénique [117, 122-124]. Il a une vitesse d'autoxydation extrêmement rapide mais qui varie d'un isoforme à un autre et qui est très sensible à la présence ou l’absence de substrat et/ou de cofacteur. [125-127].

L’espèce FeIIIOO- (2) :

Afin d’éviter le processus d'autoxydation de l'espèce FeIIO

2 et la formation de superoxyde, l’étape de transfert d’électron doit être beaucoup plus rapide que celui réalisé par le domaine réductase comme dans le cas du cytochrome P450. C’est le cofacteur BH4, dans le cas de la NOS qui fournit l’électron nécessaire à la réduction de l’espèce (1') pour former l’intermédiaire FeIII-peroxo (FeIIIOO- ou espèce (2), Figure 20) [123, 124, 128-132]. Le cofacteur est alors oxydé sous forme radicalaire.

L’espèce (2)a été observée en condition cryogénique : la cryo-réduction du complexe FeIIO 2 (1') de la NOS endothéliale (eNOS) en présence de 4-amino-BH4 (un analogue inactif de BH4) permet la formation de l’intermédiaire FeIIIOO- (2).

Figure 20 : Schéma récapitulatif des étapes du mécanisme de la première étape : oxydation de l’arginine en NOHA basée sur le mécanisme des cytochromes P450.

Les espèces FeIIIOOH (3) et cpI (4) :

A ce stade un transfert de proton permettrait la formation du complexe FeIII-hydroperoxo (FeIIIOOH ou espèce (3), Figure 20). Ce dernier reçoit un deuxième proton, ce qui conduit à la formation d’un complexe FeIII-OOH

2+ qui, par rupture hétérolytique de la liaison O−O, perd une molécule d’eau et permet la formation du compound I (cpI, hème π+•-FeIV=O ou espèce (4)) [105]. Cette étape doit être extrêmement contrôlée afin d’éviter la libération de peroxyde d’hydrogène H2O2.

Hydroxylation de l’arginine :

On suppose ensuite que c’est l’espèce (4) qui réalise l’hydroxylation du groupe guanidinium de l’arginine par un mécanisme radicalaire de type radical rebound pour former le N-hydroxy-arginine

[54] en passant par la formation de l'espèce (6) (Figure 21) où le NOHA serait coordonné au fer par l’atome d’oxygène de la fonction hydroxyle. Le fer est régénéré sous sa forme FeIII (Figure 21).

Figure 21 : Mécanisme proposé pour l'oxydation de l'arginine en NOHA par le cpI [54].

Les travaux de cryo-réduction ont montré qu’en remontant la température, on observe un complexe qui pourrait être le FeIII-NOHA (espèce 6) [133]. Lorsque la température remonte encore, le NOHA se repositionnerait ensuite dans le site actif, avec le groupe hydroxyle pointé vers un résidu du site actif à l’opposé du fer [96, 134].

Cas des NOS bactériennes :

Les NOS bactériennes forment un complexe FeIIO

2 très stable comparé aux NOS d’eucaryotes [99]. La vitesse de disparition de cette espèce est de 3,9 s-1 pour drNOS [120], 5,4 s-1 pour bsNOS [120] alors que cette vitesse s’élève jusqu’à 20 s-1 pour nNOS [135] à 10°C. Dans le cas de la NOS de mammifère la vitesse de disparition du complexe FeIIO

2, associée au transfert d’un électron provenant du cofacteur, est 60 à 120 fois plus rapide qu’en absence du cofacteur, selon l’isoforme [120, 136, 137]. Dans le cas de la NOS bactérienne, les cofacteurs BH4 ou THF accélèrent la vitesse de disparition du complexe FeIIO

2 seulement de 5 à 15 fois [68, 104, 120] et cet effet n’a jamais été directement corrélé a un effet redox du cofacteur.

L’étude comparative du complexe FeIICO, mime de l’espèce FeIIO

2, en spectroscopie Raman de résonance [102] montre une similarité entre la NOS de Bacillus subtilis (bsNOS) et la NOS neuronale (nNOS) : le substrat arginine a de plus faibles interactions électrostatiques avec le ligand CO que dans le cas de iNOS et eNOS. Cette observation est confirmée par l’étude de la structure 3D du site actif des NOS avec un ligand NO et en présence de l’arginine [95, 134].

Du fait de la faible vitesse de disparition du complexe FeIIO

2 observé avec gsNOS (0,4 s-1 à 4°C, [99]) en absence de cofacteur, la cryo-réduction de cette espèce couplée à des sauts en température a permis d’observer des intermédiaires réactionnels [138]. La cryo-réduction du complexe FeIIO

2 n’aboutit pas à la formation de l’espèce FeIIIOO- (2) (observé avec eNOS [133]) mais aboutit directement à la formation de l’intermédiaire FeIIIOOH (3) à 77 K. A cette température la mobilité de l’eau et des protons est extrêmement restreinte. Cela sous-entend la présence d’un

donneur de proton local qui pourrait être le solvant ou la protéine. Cette même technique n’a jamais permis de mettre en évidence cette espèce (3) pour la NOS de mammifère en présence du cofacteur inactif 4-amino-BH4 [133]. Cela met en lumière une différence notable dans le mécanisme de transfert de proton de la première étape entre la NOS de mammifère et la NOS bactérienne. Les travaux de cryo-réduction ont également montré qu’en remontant la température, on observe un complexe qui pourrait être le FeIII-NOHA (6) [138] et soutient l’hypothèse du mécanisme de type P450 passant par l’espèce cpI (4) comme pour les NOS de mammifères.

La NOS bactérienne est un modèle de routine pour l’étude du mécanisme catalytique des NOS. Les études réalisées sur la première étape suggère un mécanisme de type P450 comme la NOS de mammifère. Cependant des différences sont mises en avant : le potentiel redox de l’hème est plus faible, le transfert de proton ne semble pas strictement identique, le rôle redox du cofacteur n’a jamais été démontré dans cette étape. L’ensemble de ces différences questionnent la pertinence d’utiliser cette protéine comme modèle pour le mécanisme moléculaire de la NOS de mammifère et montre la nécessité de faire des études comparatives.

Formation du cpI ?

Ce mécanisme (Figure 20), proposé par de nombreuses équipes [54, 139-142] et basé sur le mécanisme des cytochromes P450, n'est qu'un modèle hypothétique souvent remis en cause [143].

Le cpI (4) n'a jamais été observé dans le cas de la NOS, il est proposé comme étant l'intermédiaire oxydant de la première étape uniquement par analogie avec un mécanisme de type P450. Dans le cas des NOS de mammifère les intermédiaires FeIIIOOH (3) et cpI (4) n’ont jamais été piégés. Bien que certains calculs QM/MM soient en faveur d'un cpI (4) comme intermédiaire oxydant dans l'étape 1 du cycle catalytique [144, 145], plusieurs études mettent en lumière des différences notoires entre les mécanismes des NOS et des cytochromes P450. Par exemple, dans le cas des cytochromes P450, le peroxyde d’hydrogène (H2O2), en fournissant l’ensemble des protons et des électrons nécessaires à la catalyse, permet de réaliser des réactions de mono-oxydation qui impliquent la formation du cpI (4). Contrairement aux cytochromes P450 ce test du peroxyde, chez la NOS, ne permet pas l'hydroxylation de l’arginine en NOHA [146-148]. D’autre part l’iodosobenzène s’est montré capable de remplacer NADPH, O2 et le proton nécessaires aux réactions de mono-oxydation des cytochromes P450. Alors que la réaction d’oxydation de l’arginine en NOHA n’est pas observée avec l’iodosobenzène dans le cas de la NOS [148].

Le mécanisme de type P450 est un modèle couramment utilisé pour expliquer l’oxydation de l’arginine en NOHA. Cependant, l’extrême rapidité des mécanismes

moléculaires chez la NOS n’a jamais permis d’observer/piéger les intermédiaires FeIIIOOH

(3) et cpI (4) et laisse ouvert le débat quant à la nature exacte des espèces oxydantes.