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Le rôle du comité consultatif dans la restauration de la chapelle royale de Fontainebleau

L’Intendance des bâtiments exerce sur les travaux réalisés sous sa direction une surveillance accrue par le biais de rapports et de formulaires administratifs de plus en plus normés. Le comité consultatif joue un rôle important dans le contrôle des chantiers et la gestion des dépenses. Son implication s’exerce notamment dans la révision des mémoires de travaux, qui sont vérifiés successivement par l’inspecteur, l’architecte et le comité. Celui-ci évalue in fine et souvent à la baisse le prix des ouvrages. Ceux de la chapelle de la Trinité n’échappent pas à cette règle. L’architecte Lepère doit se référer par exemple aux décisions du comité consultatif avant d’indiquer ses consignes à l’inspecteur présent sur place246

. Cette forte présence a pour conséquence de créer des tensions entre l’architecte Lepère et les membres du comité consultatif, nouvellement nommés en juin 1827 « parmi les architectes le plus distingués par leur expérience et leur caractère »247. Elles sont peut être alimentées par des rivalités personnelles puisqu’il a fréquenté certains de ses membres à l’occasion de ses voyages, comme Norry lors de l’expédition d’Egypte. De plus, il est possible que Lepère habitué au fonctionnement de l’Empire ait difficilement accepté les nouveaux modes d’administration de la même manière que Fontaine.

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BELHOSTE, J.-F., Couvertures métalliques : plomb, cuivre et zinc, de la production à la mise en œuvre, Monumental, 2001, p. 204

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Service de l’architecture du Palais de Fontainebleau, liasse 1824-1830 chapelle de la Trinité, mémoire de plomberie, 1829

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Service de l’architecture du Palais de Fontainebleau, 1 D 1 art. 243, lettre de l’architecte à l’inspecteur Giroux, le 28 août 1827, Paris

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51 Ainsi, le comité consultatif lui reproche notamment de ne pas avoir été consulté pour ces travaux importants248 et contestent le bien-fondé des décisions de Lepère.

Une polémique éclate en août 1827 au sujet de la restauration de la chapelle entre les principaux protagonistes et se prolonge pendant plusieurs semaines. En effet, les membres du comité se déplacent à Fontainebleau dans le courant du mois d’août 1827 pour la visite annuelle des travaux de la division de Fontainebleau. Ils inspectent notamment la chapelle de la Trinité alors en cours de réalisation. Le compte-rendu probablement très critique amène monsieur de Barante à ordonner au nom de l’Intendant des bâtiments l’arrêt immédiat des travaux dans une lettre datée du 22 août de la même année, sans fournir d’explications249. A la suite de cette décision, ceux-ci sont donc suspendus puis l’architecte est convoqué devant le comité consultatif afin d’expliquer sa démarche.

Lors de cette séance, les architectes de Gisors, Norry et Molinos reprochent principalement à Lepère d’avoir compromis la stabilité et la solidité de l’édifice suite notamment à l’élargissement des ouvertures. Face aux critiques, ce dernier se justifie et détaille la manière dont il a procédé, avant d’inviter le comité à se rendre de nouveau sur place pour constater ses explications.

Une nouvelle visite est donc programmée le 13 septembre 1827 mais donne lieu à un nouveau rapport virulent250 qui contredit les premières impressions positives. Selon eux, Lepère a commis un certain nombre d’erreurs et a manqué de prévoyance sur le déroulement des travaux. Les principales remarques portent sur les baies du premier étage dont l’élargissement entraine la taille des murs de grès et la pose d’une ferme en fer dans chaque ébrasement pour soutenir le linteau de grès. D’après le comité, cette ferme aurait été en réalité trop courte et remplacée par un linteau de fer. La taille des murs aurait également compromis la solidité des trumeaux, de nouveau appareillés par la suite. Le comité accuse l’architecte d’avoir dicté une série d’ordres et de contre-ordres. Ainsi, d’après ce rapport, les travaux de restauration semblent incohérents. Malgré ces points critiques, il est invité à poursuivre en raison de l’avancement des travaux. Le chantier reprend donc après plus de trois semaines d’interruption.

Néanmoins, Lepère décide de se défendre et réplique à son tour dans un rapport251. Il retrace alors tous les faits. De son point de vue, le comité s’est montré très négligent vis-à-vis de la restauration de la chapelle royale de Fontainebleau. Au cours des visites, l’absence de remarques ou d’interrogations de la part du comité lui a laissé penser qu’ils étaient en accord avec les choix

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AN, fond des architectes Lepère, Hittorf et Bélanger, 469 AP 1, rapport du comité consultatif à l’intendant des bâtiments, 24 septembre 1827

249

Idem, répliques au rapport du comité consultatif du 24 septembre 1827, Paris, 18 octobre 1827

250

Id., rapport du comité consultatif à Monsieur l’Intendant des Bâtiments, 24 septembre 1827

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et les partis pris de la restauration. Par ailleurs, il accuse ces derniers de ne pas avoir consulté les plans qui ont pourtant été approuvés par l’intendant des bâtiments le 18 mai 1824. En effet, depuis le début du projet, il est question de transformer l’ancienne terrasse en galerie dotée de plus larges tribunes252. Il répond ensuite point par point aux critiques pour expliquer sa démarche. Ainsi, il a cherché à préserver dans la mesure du possible l’ancienne maçonnerie, mais certains défauts de construction et le mauvais état des grès l’ont contraint à réviser la structure. Contrairement aux reproches qui lui sont adressés, il affirme avoir consolidé la chapelle en établissant une galerie qui forme une sorte de contrefort à la chapelle principale. Pour résoudre ses démêlés avec le comité consultatif, l’architecte en appelle à l’arbitrage du baron Mounier qui semble avoir apaisé momentanément la polémique.

Ces allers-retours révèlent à la fois la lourdeur de l’appareil administratif et l’absence de projet de la part de l’Intendance, comme le suggèrent l’incohérence et les contradictions du comportement du comité consultatif. En effet, sa présence administrative et contraignante ne semble pas s’accompagner d’un suivi concret et attentif du projet comme l’indique leur méconnaissance des plans de 1824.

Ces conflits ont eu un impact sur l’avancement de la restauration. En effet, l’année 1827 montre un certain ralentissement du rythme des travaux253. Les signes de ces difficultés se lisent aussi dans les dépenses des ouvrages exécutés, à l’exception de l’année 1824 qui marque le début des travaux. De plus, le budget de 30 000 francs prévu à cet effet ne semble pas avoir été entièrement consommé. Or, la critique porte également sur le coût total de la restauration puisque selon le comité, l’architecte aurait dépassé le montant fixé pour la restauration. Par ailleurs, cette querelle se déroule sur un fond de difficultés financières qui obligent l’Intendance des bâtiments à réduire son budget général254 et à prendre des mesures destinées à réaffirmer les procédures administratives. Enfin, la Restauration traverse une crise politique amorcée par des lois impopulaires, comme celle relative au droit d’aînesse255

, annonçant la révolution de Juillet. Ainsi, cette polémique s’inscrit dans un contexte difficile et tendu.

Certaines allusions présentes dans le rapport écrit en 1829 à la demande de l’Intendance des bâtiments indiquent que ces difficultés engendrées par le comité consultatif ont marqué l’architecte Lepère, d’autant plus qu’il avait déjà rencontré ce problème en 1818 pour la statue d’Henri IV. En effet, le comité des souscripteurs avait alors contesté la position de la statue sur le

252

AN, Maison du roi, O3 1057, rapport au Roi, Proposition d’approuver le projet adressé par M. Mounier, Paris, le 23 avril 1825

253

Cf. annexe VI

254

AN, Maison du roi, O3 1057, rapport adressé à l’intendant des bâtiments, Paris, 22 décembre 1827

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53 piédestal256. Le rapport de 1829 doit permettre de dresser le bilan à la fois des réalisations et des travaux restant à exécuter. Or, l’architecte éprouve le besoin de décrire l’état de la chapelle avant 1824 pour justifier ses choix comme s’il préférait se prémunir de toutes critiques car « il serait possible que l’on ne se rappela pas l’état de dégradation dans lequel se trouvaient les petites chapelles latérales […] ainsi que la terrasse »257. Selon lui, « il n’y a donc pas lieu de s’étonner » des changements opérés dans la chapelle de la Trinité.

Ainsi, la restauration de la chapelle palatine de Fontainebleau s’inscrit dans une dynamique générale de remise en état des demeures royales. L’Intendance des bâtiments du roi confie à l’architecte de la division de Fontainebleau ce chantier important, en projet depuis le règne de Louis XVIII, à la suite d’une demande de la Grande Aumônerie.

256

AN, fond des architectes Lepère, Hittorf et Bélanger, 469 AP 1, Rapport sur la position du piédestal de la statue d’Henry IV, 1818

257

Les trois programmes de restauration de la