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Le bas-côté situé à gauche du maître-autel pourrait être divisé en deux ensembles. Une première partie pourrait être définie, de la tribune à la cinquième travée. Puis, les trois dernières travées formeraient un second pôle. Cette distinction se vérifie dans les descriptions des entrepreneurs et dans les étapes des travaux. En effet, ces deux ensembles suivent deux rythmes différents entre 1826 et 1830.

Depuis Louis XIV, la chapelle de la Trinité était complétée d’un second chœur dédié aux religieux Mathurins, et situé dans les dernières travées du bas-côté ouest, près du maître-autel. Or depuis la Révolution, les religieux Mathurins ne sont plus présents à Fontainebleau. Par conséquent, l’entrée des Mathurins n’a plus lieu d’être dans la chapelle de la Trinité dans les années 1820. Jean-Baptiste Lepère imagine donc de transformer l’ancien chœur en un ensemble comprenant une chapelle de plan basilical, dédiée à la Vierge134. Celle-ci s’inscrit dans les sixième et septième travées du côté ouest, tandis que la huitième pièce près de l’autel ferait office de sacristie.

128

Service de l’architecture du Palais de Fontainebleau, carton n°15, dossier n°1, liasse n°3, feuille n°1, plan du 1er étage, 1837

129

Idem, plan du 2e étage, 1837

130

Service de l’architecture du Palais de Fontainebleau, liasse 1824-1830 chapelle de la Trinité, mémoire de maçonnerie, 1826

131

Idem, mémoire de maçonnerie, 1828

132

Cf. annexe X

133

HERBET, F., op. cit., p. 75

134

77 L’architecte ne donne aucune explication quant au nom de la chapelle. Le choix d’une chapelle mariale pourrait s’expliquer pour plusieurs raisons historiques. La première pourrait être une allusion à l’ordre des Trinitaires, dont la présence séculaire a marqué Fontainebleau. En effet, ces religieux avaient une dévotion particulière pour la Vierge, vénérée sous le vocable de Notre-Dame-du-Remède. La seconde serait une référence au vœu de Louis XIII par lequel il consacre le royaume de France à la Vierge Marie. Ce thème est remis à l’honneur sous la Restauration car il participe à la glorification de la monarchie, comme l’illustre la commande d’un tableau à Ingres, présenté au Salon de 1824135

.

Dès 1826, la baie de la porte136 qui permettait d’accéder directement depuis la cour du Cheval blanc à la chapelle des Mathurins, en passant par une sorte de vestibule, située dans la sixième travée, est partiellement bouchée et réduite à une simple fenêtre. Par ailleurs, les deux

ouvertures137 ménagées dans le mur de refend entre la cinquième pièce et le vestibule du chœur

des Mathurins sont également supprimées. Ce mur vient donc complètement séparer les deux ensembles définis précédemment. Enfin, la porte donnant sur le vestibule circulaire conduisant à l’escalier derrière l’autel est réparée138

. La sacristie de la nouvelle chapelle de la Vierge est donc accessible depuis la cour par le vestibule circulaire du pavillon de l’Horloge.

En 1828, d’importants travaux débutent de ce côté-ci de la chapelle afin de l’aménager. Un avant-corps la divise en deux espaces. Cet avant-corps s’appuie sur les fondations de l’ancien mur sud du chœur des Mathurins et sur deux niveaux de maçonnerie constitués de l’ancien massif et d’un second en grès neufs139. L’avant-corps est divisé en trois parties par deux groupes

de deux colonnes auxquels répondent des pilastres140 jumelés, adossés au pilier est ou au mur gouttereau oriental. Le rythme ternaire de la composition semble indiquer une baie serlienne. Or, les descriptions du maître-maçon141 confirment cette hypothèse. En effet, la baie centrale est couverte de deux arcs doubleaux en plein-cintre qui retombent sur les deux groupes de colonnes tandis que les baies latérales sont couvertes par un double entablement formant un plafond à caisson.

L’architecte choisit donc de développer ici le motif de la baie serlienne, sous la voûte d’arrête surbaissée de la chapelle, comme un porche entre les deux espaces de la chapelle de la Vierge.

135

Le Vœu de Louis XIII, Ingres, 1820-1824, conservé dans la cathédrale de Montauban

136 Service de l’architecture du Palais de Fontainebleau, liasse 1824-1830 chapelle de la Trinité, mémoire de maçonnerie,

1826

137

Idem, mémoire de maçonnerie, 1826

138

Id., mémoire de menuiserie, 1826

139

Id., attachements figurés de maçonnerie, 1828

140

Id., mémoire de maçonnerie, 1828 ; PFNOR, R., Monographie du palais de Fontainebleau dessinée et gravée, 1863, pl. LI

141

Service de l’architecture du Palais de Fontainebleau, liasse 1824-1830 chapelle de la Trinité, mémoire de maçonnerie, 1828

Elle est construite à partir de briques et recouverte d’un enduit de plâtre. En effet, les supports ne sont pas composés de pierre mais de briques rondes. Les colonnes s’élèvent ainsi sur environ deux mètres soixante-dix de haut et sont consolidées à l’intérieur par un goujon métallique inséré

dans la construction jusqu’au niveau de fondation142

. Les pilastres et colonnes reposent sur des socles en marbre, percés au centre pour recevoir le goujon. Quatre bases rondes en marbre blanc veiné sont ainsi installées sur un sous-socle en marbre rouge de Flandres143 pour supporter les colonnes. Quant aux pilastres, ils sont également rehaussés sur des socles de même hauteur et de même profil que les précédents144.

Dans la chapelle de la Vierge, la baie serlienne fait écho au retable145 architecturé situé sur le mur nord de la chapelle. Ce dernier s’appuie sur un mur nouvellement construit pour séparer la chapelle de la sacristie. Le retable se compose d’une niche centrale, couverte par un arc en plein- cintre qui retombe sur deux colonnes doublées de pilastres. Elle est encadrée à hauteur d’imposte par deux morceaux d’entablement qui forment la voûte plate en caisson des deux parties latérales. Ces dernières sont encadrées par les colonnes de la niche, surélevées sur des socles circulaires, ainsi que par des pilastres d’angle146. L’ensemble est construit en brique et revêtu de plâtre et est percé d’une porte, à droite de la niche.

Malgré l’absence de représentations plus détaillées de la chapelle de la Vierge, certains indices permettent d’imaginer son aspect. La chapelle de plan basilical était donc terminée par une abside. Comme les autres chapelles, celle-ci était accessible par deux baies cintrées ménagées dans l’épaisseur des piliers. Elle était certainement couverte de deux voûtes d’arrête séparées d’un arc doubleau surbaissé147

. La faible hauteur sous plafond ne paraît pas être un inconvénient pour établir une baie de ce type. Au contraire, la baie serlienne située sous l’arc doubleau permettait de transformer l’espace de la chapelle en attirant le regard d’une part en hauteur grâce à la baie centrale, et d’autre part dans la profondeur, vers la seconde serlienne. Par ailleurs, la répétition de ce motif offrait également l’avantage de monumentaliser l’autel et la niche dans laquelle se trouvait peut-être une statue de la Vierge.

Au-dessus de la baie centrale et de la niche, les voussures étaient peut-être ornées de peinture. Il est courant de remarquer au-dessus des serliennes construites sous l’Empire ou sous la Restauration des motifs peints en trompe-l’œil, représentant des frises feuillagées ou une scène

142 Service de l’architecture du Palais de Fontainebleau, liasse 1824-1830 chapelle de la Trinité, mémoire de maçonnerie,

1828

143

Idem, attachement de marbrerie, 7 août 1828

144

M. Droguet m’a aimablement signalé que des bases et des sous-socles en marbre avaient été retrouvés dans les réserves du palais de Fontainebleau. Ils correspondent très vraisemblablement à ceux dont il est question ici ; cf. annexe X

145

AN, fond des architectes Lepère, Hittorf et Bélanger, 469 AP 1, Rapport de l’architecte Lepère, septembre 1829

146

PFNOR, R., op. cit., pl. LI

147

79 liée à la vocation du lieu148. De même, il est probable qu’un décor enrichissait la serlienne, de la même manière que dans la galerie de Diane149, à la fois sous le cintre de la baie, dans le

renfoncement ménagé entre les deux arcs, sur l’entablement et dans les caissons150. L’influence

de la galerie de Diane peut être perceptible dans l’emploi de la couleur. Il faut donc également imaginer la chapelle rehaussée de stucs151 et de polychromie. Les socles de marbre rouge et blanc attestent de la richesse décorative de la baie serlienne. L’architecte avait également prévu un pavement en marbre. Par conséquent, les colonnes et les pilastres en briques étaient certainement peints par-dessus la couche de plâtre, peut-être d’un décor de faux marbre. L’ensemble des murs devait être revêtu de lambris152.

Un riche décor devait probablement embellir la niche ménagée dans le mur sur lequel s’adossait la seconde serlienne. Cette dernière favorisait la mise en valeur de l’autel formant un retable153. Néanmoins, d’après le plan annoté de Rodolphe Pfnor, daté de 1863, la chapelle de la Vierge n’aurait pas été achevée154

.

Actuellement, cette partie nord-ouest de la chapelle de la Trinité présente un aspect proche du de l’ancien chœur des Mathurins. Par conséquent, la chapelle de la Vierge et sa sacristie auraient été détruites pour rétablir l’ancienne distribution, antérieure à la Restauration. Or, dans la

seconde moitié du XXe siècle, plusieurs campagnes de travaux ont été réalisées dans la chapelle

de la Trinité pour restituer le décor du XVIIe siècle155. La chapelle de la Vierge a-t-elle été détruite lors de ces interventions ?

Enfin, le retable de la chapelle de la Vierge fait écho au grand retable de la chapelle de la Trinité, réalisé par Bordoni. L’arc cintré et le tableau de La Trinité ou Descente de Croix, encadrés de deux petites niches et structuré par un portique, trouve son pendant dans la baie serlienne doublée d’une niche. Ainsi, Jean-Baptiste Lepère semble puiser dans de multiples exemples pour concevoir un oratoire marial, tout en prenant garde de préserver une certaine continuité entre toutes les chapelles de la Trinité. Ces dernières l’ont certainement influencé. En effet, de nombreux détails similaires s’observent à l’église Saint-Vincent-de-Paul, tel que la baie serlienne, déployée à l’échelle monumentale.

148

Cf. annexes XIII

149 Cf. annexe XI 150

Service de l’architecture du Palais de Fontainebleau, liasse 1824-1830 chapelle de la Trinité, mémoire de maçonnerie, 1828

151

AN, fond des architectes Lepère, Hittorf et Bélanger, 469 AP 1, Rapport de l’architecte Lepère, septembre 1829

152

Ibidem

153

Ibid.

154

PFNOR, R., op. cit., pl. LI

155

A l’occasion de ces travaux, une nouvelle sacristie est aménagée derrière la chapelle de la Vierge, dans la dernière travée du bas-côté gauche. Sa disposition et son plan relativement étroit semble la désigner comme une seconde sacristie, davantage dévolue au service de la chapelle de la Vierge, tandis que la plus grande située au rez-de-chaussée du pavillon des Armes servait pour la chapelle de la Trinité. En 1828, le dallage en pierre de liais est déposé156. Au revers de la niche de la chapelle, le mur en brique forme une avancée d’environ un mètre soixante de long157, flanquée d’un pilastre saillant qui fait face à un dosseret. Ces deux supports reçoivent l’arc d’une baie en plein-cintre. La sacristie se compose donc de deux baies en plein-cintre ouvrant sur deux espaces de plan carré158.

Outre la création d’une chapelle et de sa sacristie, ces travaux permettent de résoudre un grave problème structurel. En effet, cette partie de l’édifice était fragilisée par des lézardes159

dans la voûte. La solution imaginée par l’architecte consiste ici, non à procéder à une reconstruction complète, mais à consolider la voûte par un mur et des supports en brique. De la même manière, l’arc médian de la sacristie est destiné à soutenir la voûte qui porte la tribune des musiciens. Ainsi, la partie nord-ouest de la chapelle de la Trinité est à la fois consolidée et embellie par la création de la chapelle de la Vierge.