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La volonté d’établir une continuité avec l’histoire de la chapelle de la Trinité s’exprime à travers son rattachement à la Monarchie, à travers la conscience de son ancienneté, mais également au travers du regard patrimonial porté sur certaines parties de la chapelle.

326

AN, fond des architectes Lepère, Hittorf et Bélanger, 469 AP 1, Rapport de l’architecte Lepère, septembre 1829

327

Ibidem

328 Ibid. 329

GRIMALDI-HIERHOLTZ, R., Les religieux trinitaires du château de Fontainebleau, Les cahiers de la SAMCF, 2011, n°5, p. 8

330

DAN, Pierre, Trésor des merveilles de la Maison royale de Fontainebleau, Paris, 1642

331

GUIBERT, Pierre, Description historique des château, bourg et forest de Fontainebleau, Paris, 1731

332

FER, Nicolas de, Relations de ce qui s’est passé de plus remarquables à Fontainebleau…, dans BOURGES, E.,

Recherches sur Fontainebleau… précédées… d’un ms inédit de N. de Fer (1699), Fontainebleau, 1886

333

109 Par ailleurs, l’Intendance des bâtiments, et plus spécialement le comité consultatif, semblent attacher beaucoup d’importance à la préservation des structures anciennes. A ce propos, l’objet de la querelle entre l’architecte et le comité parait découler, entre autres choses, des modifications ordonnées par Lepère, qui transforment la chapelle en une « construction nouvelle »334. Néanmoins, il affirme dans le même rapport de 1829 se préoccuper des parties anciennes335. Cette situation indique l’ambiguïté de la restauration

Si l’architecte n’a pas hésité à reconstruire la façade orientale et à surélever la tribune des musiciens en raison de leur défaillance et de leurs « vices de construction »336, il prend de nombreuses « précautions »337 lors de la restauration. Par ailleurs, ce dernier terme apparait de manière récurrente dans les mémoires de travaux de menuiserie. En effet, les différents entrepreneurs ont été chargés de démonter les boiseries et le décor de lambris, ce qui a nécessité un travail à la fois soigneux et systématique. Ainsi, les menuisiers Morisot et Poncet sont intervenus le long des parties latérales intérieures de la nef pour déposer avec soin le décor des travées rythmiques, respectivement du côté du levant en 1826338, puis du côté du couchant en 1830339. Il est intéressant de noter le vocabulaire employé dans les mémoires de menuiserie : « déposé avec soin », « en raison des soins pour ne rien gâter », « dépose avec beaucoup de précautions ».

Outre la difficulté de démonter les boiseries sans les abîmer, ce travail a demandé beaucoup d’habileté pour manipuler notamment les pilastres en raison de leurs grandes dimensions. Plusieurs ouvriers ont donc été sollicités pour procéder dans les meilleures conditions possibles au démontage. De plus, il faut signaler que ces paramètres ont entrainés un surplus des coûts.

Ces ornements architecturaux ont ensuite été restaurés par le sculpteur Lambert-Théophile Lefébure entre 1827 et 1829340 avec l’aide du menuisier Poncet qui a fourni les pièces de bois adéquates et qui dresse précisément le nombre de pièces rajoutées par éléments dans son mémoire des ouvrages exécutés. Ainsi, il apparaît que les pilastres, inégalement abîmés, ont fait l’objet d’interventions plus ou moins importantes. Selon l’état des pilastres en bois doré, le socle et la base attique, les listels des cannelures, ainsi que le chapiteau et le tailloir ont été restaurés en totalité ou en partie. Il semble que le sculpteur ait rajouté quelques pièces ou « raccords »341 pour combler les manques des chapiteaux. Il a parfois procédé à un recollage d’anciens éléments,

334 AN, fond des architectes Lepère, Hittorf et Bélanger, 469 AP 1, Rapport de l’architecte Lepère, septembre 1829 335 Ibidem 336 Ibid. 337 Ibid. 338

Service de l’architecture du palais de Fontainebleau, liasse 1824-1830 chapelle de la Trinité, mémoire de menuiserie, 1826

339

Idem, mémoire de menuiserie, 1830

340

Id., attachement de sculpture de décembre 1827 ; Id., mémoire de sculpture, 1829

341

notamment pour les feuilles de chapiteau des onzième et douzième pilastres, du côté est. De la même façon, les panneaux d’entrecolonnement ont subi des réparations.

Il est possible d’apercevoir quelques traces de cette intervention, notamment sur les parties les plus en relief comme les feuilles des chapiteaux dont l’aspect contraste avec les boiseries peintes342.

Enfin, les éléments de boiseries une fois réparés ont été reposés à leur emplacement d’origine en deux temps : en 1826, pour la face latérale orientale, ensuite du côté ouest en 1830343. Cette dernière étape a nécessité tout autant d’attention que la première pour les mêmes raisons. De la même manière, les consignes et la main-d’œuvre ont entrainé un coût plus important. Ces détails prouvent la volonté de préserver au maximum les boiseries sculptées au XVIIe siècle. Il est prévu

paradoxalement de supprimer les portes à balustres344 des chapelles, pourtant issue de la même

commande auprès de Jean Maujan345.

Le désir de s’inscrire dans une continuité et d’accorder de l’importance aux éléments anciens de la chapelle se perçoit encore dans les choix de Lepère. Plusieurs indices semblent indiquer que l’architecte a observé les décors anciens et s’en est inspiré pour créer des ensembles harmonieux au sein de l’édifice.

Son goût pour les ruines antiques et pour les voyages ont permis à Lepère de développer ses talents de dessinateur. Il les exploite certainement pour copier le décor de la chapelle de la Trinité, comme par exemple celui d’une face intérieure latérale dont l’esquisse pourrait avoir été dessinée par l’architecte346. De plus, certains ensembles décoratifs réalisés durant la restauration de 1824-1830 rappellent la nef principale, moins modifiée par les travaux. Ainsi, le choix de la

composition et des couleurs du pavement de marbre347 mis en place dans les chapelles latérales

droites n’est pas anodin. Elles se présentent dès lors comme des pendants de la nef et de sa

somptueuse mosaïque de marbre imaginées par Bordoni au XVIIe siècle.

Enfin, il est probable que l’architecte cherche à éviter les trop forts contrastes entre la chapelle, telle qu’elle a été aménagée de François Ier

à Henri IV, et son état en cette première

moitié du XIXe siècle. Par exemple, il est inconcevable de créer un décor néogothique bien que

ce style soit de plus en plus en vogue comme l’indiquent les décors imaginés par Hittorf pour le

342

Cf. annexe X

343

Service de l’architecture du palais de Fontainebleau, liasse 1824-1830 chapelle de la Trinité, mémoire de menuiserie, 1830

344

Idem, mémoire de menuiserie, 1826 ; Id., mémoire de menuiserie, 1830

345

SAMOYAULT, J.-P., op. cit., p. 77

346

Service de l’architecture du palais de Fontainebleau, Carton II, dossier n°2, Liasse n°6, feuille n°7

347

Service de l’architecture du palais de Fontainebleau, liasse 1824-1830 chapelle de la Trinité, attachement figuré de marbrerie, 1827

111 sacre de Charles X en 1825. Au contraire, l’architecte tente de ne pas rompre avec le style de la chapelle et plus généralement avec les salles Renaissance du château.

Se pourrait-il que l’architecte se soit inspiré des parties prestigieuses du château de Fontainebleau comme par exemple la salle de Bal dont Percier propose des reconstitutions348 ? Quelques similitudes tendent à confirmer cette hypothèse. Du château de François Ier, l’architecte a peut-être mémorisé le couvrement en pierre de liais de l’ancienne terrasse du côté est de la chapelle qu’il adapte pour la nouvelle galerie. Les motifs de guirlandes de fruits et de fleurs répétés par exemple dans les chapelles latérales orientales et dans la partie supérieure des faces latérales de la nef font écho au décor Renaissance. La salle des gardes conserve quelques ornements datant du XVIe siècle, notamment la frise attribuée à Ruggiero de Ruggieri, vers 1570349 qui couronne les murs de la salle des gardes où se développent des trophées militaires alternant avec des guirlandes. Dans cette même salle, Louis-Philippe entreprendra des restaurations qui indiquent un intérêt croissant pour la Renaissance. Entourant le buste d’Henri IV par Matthieu Jacquet, le cadre de la cheminée, assemblée à cette occasion, se compose des mêmes guirlandes. Le cadre a été sculpté par Pierre Bontemps pour la chambre du roi Henri II au pavillon des Poêles, vers 1556-1557350. Le motif de grecque régulièrement employé par Jean- Baptiste Lepère dans les mêmes petites chapelles ou bien dans la nouvelle galerie du côté du jardin, rappelle le décor des caissons situés sous la tribune des musiciens de la salle de Bal, réalisée par le menuisier François Scibec de Carpi vers 1550351. Ainsi, l’architecte semble s’inspirer de motifs Renaissance pour imaginer le décor des nouvelles parties de la chapelle de la Trinité. Bien que les indices soient minces, il est vraisemblable que Jean-Baptiste Lepère ait observé le château de Fontainebleau, dont il était en charge en tant qu’architecte du Roi.

L’aspect italianisant de la chapelle, que ce soit le décor de la voûte peinte par Fréminet ou la richesse du pavement de marbre, fait écho aux modèles italiens qui ont pu inspirer les architectes Percier et Fontaine, puis à son tour Lepère. Peu à peu, les artistes du XIXe siècle redécouvrent l’art du XVIe

siècle et semblent puiser dans son répertoire de formes. En effet, si un parallèle peut être établi entre le château Renaissance de Fontainebleau et les transformations de Lepère, ce phénomène parait s’amorcer dès la fin de l’Empire et dans les premières années de la Restauration. Le style néoclassique s’assouplit sous l’effet d’autres influences, comme l’illustre la galerie de Diane. Entre 1810 et 1814, le peintre décorateur Moench réalisa l’ornementation de

348

Dessins de Percier publiés dans BOUDON, F., BLECON, J., op. cit., p. 95, p. 114

349

SAMOYAULT, J.-P., op. cit., p. 109

350

Ibidem

351

la galerie, accompagné des travaux du sculpteur Zobl et du menuisier Morisot352. Les peintures décoratives des voûtes du vestibule se composent de caissons ornés de rosaces, peints en trompe- l’œil et des frises de grecque soulignent les éléments architecturaux353

. En 1817, l’architecte Hurtault entreprit de poursuivre les travaux de la galerie. Le choix du thème, à savoir le mythe de Diane chasseresse, offrait une allusion au règne d’Henri IV et au décor de l’ancienne galerie de la Reine354. Par la suite, le goût pour la Renaissance et les références historicistes se développèrent sous le règne de Louis-Philippe, notamment à travers les arts décoratifs et grâce à des artistes comme le peintre ornemaniste et décorateur Claude-Aimé Chenavard (1798-1838). Ce dernier fournit les dessins du vase dit « de la Renaissance », fabriqué par la manufacture de Sèvres pour le palais de Fontainebleau en 1832355.

Ainsi, les références historiques ponctuent le programme et semblent indiquer différents points de vue selon la manière de concevoir la restauration de la chapelle de la Trinité. Celle-ci est à la fois un moyen de rétablir un lien avec le passé, de préserver un monument ancien et une occasion de créer.