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3 Microspectroscopie de boîtes quantiques uniques de GaN/AlN plan a

3.6 Contrôle des états de charge par un champ électrique appliqué

3.6.3 Résultats expérimentaux

Les premiers résultats montrant l’évolution d’une raie de boîte unique de GaN sous champ électrique sont donnés à la Figure 3.29. Pour les séries de spectres (a) et (b), la raie est, comme souvent, asymétrique avec une composante basse énergie. Lorsque la tension diminue jusqu’à -14 V, le spectre ne change pas vraiment d’allure (ce qui ne sera pas toujours le cas). Par contre, en augmentant la tension, l’aile basse énergie disparaît progressivement. Il est donc peu probable qu’il s’agisse d’une aile de phonon comme on l’avait d’abord supposé.

Nous allons expliquer cette évolution du spectre par un modèle proche de celui du paragraphe 3.4. Pour justifier la forme des raies de luminescence, nous avions postulé l’existence de pièges proches de la boîte qui pouvaient fixer ou relâcher plus ou moins rapidement des charges. La transition en présence d’une charge était décalée à plus basse énergie, et nous en avions conclu que la probabilité de trouver le défaut chargé était plus faible que celle de le trouver vide. Cette description est cohérente avec les résultats observés. La Figure 3.30 illustre l’effet de

la tension appliquée sur l’état de charge des défauts. A tension nulle le niveau de Fermi est proche du niveau du piège. Celui-ci a donc une certaine probabilité de fixer une charge et d’induire une transition à plus basse énergie. En augmentant la tension, les pièges se vident et font disparaître cette contribution. C’est effectivement ce qui est observé. L’effet est encore plus marqué à la Figure 3.30(c) sur laquelle une raie disparaît au profit d’une autre située à plus haute énergie. Dans toutes ces expériences, on revient systématiquement à tension nulle à la fin pour vérifier que ces effets sont réversibles, et que l’échantillon n’a pas évolué. Quand la tension diminue, en revanche, on s’attendrait à augmenter la contribution basse énergie voire à faire disparaître la raie haute énergie puisque le piège est maintenant dans un état chargé. Le peu d’effet que semble avoir la tension appliquée sur le spectre provient peut être du claquage de la jonction qui se produit lorsque |V|>15 V. Le champ appliqué dans la couche nitrure est peut être alors très réduit.

Figure 3.29 – Séries de spectres de BQs isolées de GaN obtenus en µPL à 5 K, pour différentes

tensions appliquées : positives pour (a) et (c) et négative pour (b). (a) et (b) correspondent à la même boîte (tension de claquage de la diode V~15 V)

Figure 3.30 – Description de l’effet d’une tension appliquée dans l’hétérostructure sur le

remplissage des niveaux de pièges

Pour confirmer ces premiers résultats, nous avons réalisé une autre « diode » identique à la première et sur le même échantillon, en l’ayant au préalable passé dans un plasma d’oxygène pour voir si la fine couche d’oxyde formée en surface pouvait repousser la tension de claquage. Il semble que ce traitement ait eu un effet bénéfique, au moins au début, puisque nous avons pu faire des mesures entre -30 V et +30 V sans que le courant ne passe. Les résultats présentés à Figure 3.31 sont encore plus nets que les précédents. Pour une tension positive, la composante basse énergie disparaît nettement. Il est même possible de distinguer un décalage de la raie vers le rouge quand la tension augmente à cause de l’effet Stark. Quand la tension diminue, de nouvelles raies à plus basse énergie se développent successivement tandis que les premières disparaissent. Ce comportement est cohérent avec notre description. A mesure que des pièges de plus en plus hauts en énergie se chargent, la transition est repoussée vers le rouge, et chaque maximum du spectre correspond à un état de charge différent. Une autre éventualité à ne pas négliger, est d’avoir à faire à des excitons chargés. Dans ce cas, les différentes transitions observées seraient Xn-1, Xn, Xn+1, etc.

Enfin, nous avons voulu voir si une tension appliquée pouvait avoir un effet bénéfique sur la dégradation des raies que nous avons observée sous forte excitation. La Figure 3.32 représente deux séries de spectres de µPL à basse température correspondant à des puissances d’excitation de 0.2 mW pour (a) et 2 mW pour (b). Comme nous l’avons présenté au paragraphe précédent, le spectre change de forme sous forte excitation. En effet, une montée en puissance entre les mesures de la Figure 3.29 et celles de la Figure 3.32 a décalé la raie de 0.5 meV à plus basse énergie. De plus, à 2 mW l’aile basse énergie devient prépondérante. Pour les deux puissances d’excitation, une tension +19 V permet de faire disparaître cette composante. Par contre, le décalage global de la raie semble être irréversible. Comme les spectres observés lors de ces expériences sous champ électrique étaient généralement très fins, nous en sommes arrivé à nous demander si la simple présence d’un masque dont le potentiel est maintenu à 0 V ne diminuait pas les fluctuations spectrales des raies de BQs uniques. A l’avenir il serait intéressant de réaliser les expériences de µPL sur d’autres échantillons en reliant le masque métallique à la masse.

V>0 Al Ef V=0 Al Ef V<0 Al Ef

Si ces expériences de µPL sous champ électrique semblent confirmer notre description d’une BQ fortement influencée par des pièges situés dans son voisinage proche, la nature de ces pièges n’est pas identifiée. Il pourrait s’agir de donneurs ionisés, de dislocations ou de tout autre impureté du GaN comme de l’AlN.

Figure 3.31 – Séries de spectres de BQs isolées de GaN obtenus en µPL à 5 K, pour différentes

tensions appliquées (tension de claquage repoussée à plus de 30 V en oxydant la surface par un plasma d’oxygène)

Figure 3.32 – Séries de spectres de BQs isolées de GaN obtenus en µPL à 5 K, pour différentes

tensions appliquées et pour des puissances d’excitation de (a) 0.2 mW et (b) 2 mW

Nous avons donc réussi à faire apparaître ou disparaître les structures qui accompagnent presque toujours les spectres de BQs uniques, en appliquant un champ électrique dans la direction de croissance. Comme notre dispositif est très rudimentaire, il est impossible de déterminer quel champ électrique existe réellement dans la BQ sondée. Nous pensons contrôler de cette manière des états de charge du voisinage de la BQ qui correspondent chacun à une position spectrale différente de la raie. Cette explication est cohérente avec le modèle de la Figure 3.20 (complété à la Figure 3.30). Une autre explication possible est que le champ électrique permette de charger la BQ. On observerait alors différents états de charge de l’exciton (Xn-1, Xn, Xn+1, etc.).

Chapitre 4