• Aucun résultat trouvé

Principes de la microspectroscopie

3 Microspectroscopie de boîtes quantiques uniques de GaN/AlN plan a

3.1 Sonder la boîte unique

3.1.1 Principes de la microspectroscopie

Pour accéder au spectre de luminescence d’une BQ unique, nous avons eu recours à deux techniques différentes de microspectroscopie : la microphotoluminescence (µPL) et la microcathodoluminescence (µCL). En µPL, la BQ est excitée par un laser d’énergie supérieure à la transition observée, et en µCL, l’excitation est fournie par des électrons accélérés provenant généralement d’un microscope électronique à balayage (MEB).

En µPL, dans des échantillons où la densité de BQs est suffisamment faible, il est possible, d’exciter et d’isoler la luminescence de quelques boîtes en focalisant le faisceau laser le mieux possible. Théoriquement, la taille du spot est limitée par la diffraction à une taille de l’ordre de

λ/NA, ce qui nous donnerait un spot de 0.75 µm de diamètre avec un objectif d’ouverture numérique (NA) de 0.4. Mais dans la pratique, ni les optiques ni les réglages n’étant parfaits, on atteint au mieux des tailles de spot de l’ordre du micromètre. Dans ces conditions, il faut des densités au moins inférieures à 109 boîtes/cm2 (10 boîtes/µ2) pour espérer isoler directement la luminescence d’une BQ.

En µCL, les électrons ont une énergie de plusieurs keV, et donc une longueur d’onde très faible (quelques millièmes à quelques centièmes d’Angström). La taille du spot électronique est alors uniquement limitée par la conception du MEB, et atteint quelques nm pour les plus petites tailles de diaphragme. En cathodoluminescence, les paires électron-trou sont obtenues par des collisions élastiques et inélastiques entre les atomes du semi-conducteur et les électrons énergétiques, ce qui va élargir la zone sondée. Les porteurs libres, qui vont relaxer vers les BQs, sont en fait créés dans un volume en forme de poire nettement plus large que le faisceau initial. Un dernier paramètre à prendre en compte en µCL comme en µPL est justement la diffusion des excitons dans le matériaux. Les porteurs une fois créés peuvent diffuser dans la couche sur des distances variant de quelques nm à quelques µm selon la qualité structurale avant de relaxer vers des boîtes [Bar03]. Dans nos BQs (11-20) la longueur de diffusion semble réduite puisque, comme nous le verrons, il est possible de sélectionner la luminescence d’un petit nombre de boîtes directement avec le faisceau d’électron.

La densité de BQs de GaN dans AlN en phase cubique comme en phase hexagonale (11-20) est très difficile à maîtriser et relativement grande (1011 cm-2). Une explication à cette difficulté de croissance a été apportée par les études de microscopie électronique en transmission (TEM). Pour les boîtes cubiques et hexagonales (0001), il a été montré que la nucléation se faisait préférentiellement en bord de dislocation. Comme les boîtes sont auto-organisées, il est probable que les dislocations, en grand nombre dans les nitrures, jouent le rôle de centres de nucléation. Néanmoins en augmentant la température de croissance, pour accroître le rayon de capture, et en optimisant la quantité de GaN déposée, il a été possible de diminuer un peu la densité jusqu’à 5.1010 cm-2 pour les boîtes (11-20). Avec de telles densités il est malgré tout impossible d’isoler directement une boîte unique en µPL, ni de travailler confortablement en cathodoluminescence, car la moindre vibration du montage nous fera perdre la zone étudiée. Il faut donc changer de stratégie et isoler un minimum de boîtes directement sur l’échantillon. Pour limiter le nombre de BQs sondées, on peut soit utiliser un masque opaque d’aluminium contenant des ouvertures de quelques centaines de nm, soit directement graver la couche active de l’échantillon en ne laissant intacte que des petits plots de quelques centaines de nm, appelés mésas.

Réalisation de mésas par lithographie électronique et gravure ICP

Nos premiers essais pour isoler une BQ unique en µCL et en µPL ont été faits sur des échantillons à mésas. Les étapes de fabrication sont résumées dans la Figure 3.1 On commence par déposer à la tournette quelques centaines de nanomètres d’une résine électro-sensible sur l’échantillon (dans notre cas de l’UV3) qui est ensuite recuite à 135°C. Puis par lithographie électronique (réalisée avec un MEB dédié à cette utilisation) la résine est insolée suivant la forme des motifs que l’on désire graver, recuite à 145°C et développée par du LDD26W. Ceci conduit alors à un masque en résine UV3 avec des ouvertures aux endroits insolés. On dépose alors une couche de 50 nm de Nickel par évaporation cathodique, qui après lift-off ne restera accroché qu’aux endroits précédemment développés. La dernière étape consiste à graver la couche

épitaxiée par gravure ICP chlorée (Inductively Coupled Plasma), qui est une forme de gravure ionique réactive permettant de régler indépendamment le caractère mécanique ou chimique de l’attaque. Après avoir dissous le masque de Nickel restant à l’acide nitrique dilué on obtient des petits plots isolés de couche active. Pour pouvoir se repérer plus facilement sur l’échantillon, nos mésas sont regroupés par paquets d’une cinquantaine, en leur donnant des tailles différentes et des agencements asymétriques, comme représenté sur la Figure 3.2(a). Comme seules les plus petites mésas nous intéressent, on les positionne entre deux plus grosses pour mieux les repérer lors de la visualisation. Les motifs de 50 mésas sont à leur tour répliqués plusieurs dizaines de fois sur l’échantillon. Cet agencement permet de se repérer facilement sur l’échantillon et de retrouver d’un jour sur l’autre une mésa intéressante.

Expérimentalement il nous a été difficile d’obtenir des mésas d’une taille inférieure à 200 nm, même pour des insolations de taille nominales de 100 nm. Pour que les plus petites ouvertures de résines soient correctement développées la dose d’électrons que notre MEB doit envoyer entraîne un élargissement de la zone insolée. En conséquence, comme on arrive à le voir sur la Figure 3.2(b) le nombre de BQs est encore grand sur les plus petites mésas. Heureusement la densité de BQs n’étant pas homogène, ces tailles de plots nous ont permis d’isoler le spectre de quelques boîtes. L’avantage principal des mésas en µ-spectroscopie est de permettre une très bonne extraction de la luminescence par les faces latérales des plots, évitant ainsi de perdre la majeure partie des photons en réflection totale interne. Le principal inconvénient provient malheureusement aussi de ces faces latérales. La BQ dans une petite mésa est très proche des interfaces, et donc peut être fortement influencée par des charges qui s’y piègent ou par des effets de courbures de bandes. Comme nous le verrons par la suite, la diffusion spectrale dans une mésa est très importante. Le deuxième inconvénient est l’aspect destructif de cette technique : si la gravure se passe mal, l’échantillon est perdu.

Figure 3.1 – Différentes étapes d’élaboration des mésas : a) dépôt à la tournette de la résine UV3

et lithographie électronique, b) Développement de la résine et dépôt de nickel, c) lift-off du nickel, d) gravure de la mésa par ICP (SiCl4).

Insolation électronique

UV3 UV3 Ni Ni

Figure 3.2 – Photos de mésas obtenues par microscopie électronique à balayage : (a) ensemble

de mésas de tailles allant de 15 µm à 250 nm, (b) mésa de 250 µm sur laquelle on peut distinguer les BQs alignées du plan de surface.

Réalisation d’un masque en aluminium par « lift-off » de nano-billes de polystyrène

Nous avons souvent travaillé avec des masques en aluminium car cette technique présente l’avantage d’être réversible dans les nitrures. En effet, l’acide chlorhydrique permet de dissoudre facilement le masque sans endommager l’échantillon (ce qui n’est pas le cas des matériaux II-VI). Nous aurions donc pu, comme le font couramment les spectroscopistes qui travaillent sur boîtes uniques, faire des masques métalliques et dessiner les ouvertures par lithographie électronique exactement de la même manière que pour les mésas. Cependant, comme notre étude était relativement exploratoire, il était nécessaire de pouvoir faire des masques assez facilement, d’une part pour interagir rapidement avec les chercheurs étudiant la croissance des boîtes, et d’autre part pour ne pas perdre trop de temps sur un échantillon qui pouvait s’avérer être sans intérêt. Pour cette raison, nous avons utilisé une technique classique et simple pour faire des masques à partir de nano-particules de polystyrène [Fis84]. L’inconvénient majeur de cette technique est que les billes sont déposées au hasard ; il est donc impossible de se repérer sur l’échantillon. Cependant, comme nous le verrons, la luminescence des BQs uniques se dégrade assez vite, et il est rare de pouvoir travailler sur la même boîte plus d’une journée. Dans notre cas, le repérage sur l’échantillon est donc un problème secondaire.

Les différentes étapes d’élaboration de ces masques sont représentées sur la Figure 3.3. On commence par passer l’échantillon dans un plasma d’oxygène pour rendre la surface plus hydrophile. Puis on dépose une goutte d’une solution colloïdale de nano-billes de quelques centaines de nm, dont la concentration aura été préalablement optimisée. On sèche alors directement l’échantillon à la soufflette d’azote et on vérifie la densité de billes au microscope optique. 100 nm d’aluminium sont ensuite déposés par évaporation cathodique. La dernière étape consiste à enlever les billes et le métal déposé dessus. Cette étape se déroule facilement, si le diamètre de la bille (ici 300 nm) est supérieur à trois fois l’épaisseur de métal déposé, ils suffi alors de frotter légèrement la surface aluminée sur du papier optique mouillé. Avec des billes de 200 nm, il est encore possible d’ouvrir les trous de la même manière, mais cette fois il est préférable de laisser tremper l’échantillon dans du trichloréthylène pour dissoudre des billes

(b)

100 nm

éventuellement incrustées dans l’aluminium. La Figure 3.4 est une photo de MEB de masques obtenu par cette technique. La qualité des ouvertures est très bonne et la taille parfaitement contrôlée. C’est aussi cet aspect qui en fait une technique très souple d’utilisation, comparée à la fabrication de masque utilisant la lithographie. En effet celle-ci se termine par une attaque chimique de l’aluminium qui, si elle est mal contrôlée, peut conduire à une sur-gravure des ouvertures, et donc à un masque inutilisable.

Figure 3.3 – Différentes étapes d’élaboration d’un masque non lithographié : a) Dépôt de la

solution colloïdale de billes de PS, b) Dépôt d’aluminium, c) Lift-off de l’aluminium et ouverture des trous

Figure 3.4 – Photo obtenue en microscopie électronique à balayage d’un masque en aluminium

fabriqué par lift-off de nano-billes de polystyrène (on peut voir à droite une bille encore présente)