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Mécanisme de diffusion spectrale

3 Microspectroscopie de boîtes quantiques uniques de GaN/AlN plan a

3.4 Largeurs de raie et diffusion spectrale

3.4.2 Mécanisme de diffusion spectrale

Comme nous venons de le voir, tous les spectres de BQs uniques de GaN/AlN non-polaire que nous avons pu observer ont des largeurs de 0.5 meV à 2 meV. Avec les structures les plus fines, on est proche de la limite de résolution de notre monochromateur, mais toutes les autres largeurs de raies ont une origine physique. Dans le modèle simple où la BQ est représentée par un système à deux niveaux, la largeur de la transition est contrôlée par le temps de cohérence de

3,925 3,930 3,935 3,940 In te n s it é d e µ -P L ( u . a .) Energie (eV) 500 µeV 3,82 3,83 3,84 3,85 3,86 4.5 meV In te n s it é d e µ -P L ( u . a .) Energie (eV) 1.2 meV 3 meV 3,77 3,78 3,79 3,80 3,81 In te n s it é d e µ -P L ( u .a .) Energie (eV) 6 meV 1.8 meV (a) (b) (c)

l’état excité. En absence de tout autre couplage que celui au champ électromagnétique, la cohérence est limitée par le temps de vie radiatif, la raie devrait donc présenter dans notre cas une largeur inférieure à 3 µeV (pour un temps de déclin de l’ordre de 250 ps). Mais dans une BQ réelle, les interactions élastiques avec les porteurs ou avec les phonons induisent un déphasage pur (c'est-à-dire qui n’est pas lié à un déclin de population) qui va élargir la transition. A basse température, la population de phonons étant faible, le déphasage est surtout lié aux interactions entre porteurs. Lorsque les boîtes sont excitées de manière résonnante, c'est-à-dire que l’exciton est créé directement dans un niveau excité de la BQ, le nombre de porteurs libres susceptibles d’induire un déphasage est nettement réduit. Dans ces conditions, des transitions de quelques µeV ont effectivement pu être observées dans des BQs de InAs/GaAs [Kam02], [Bay02]. Dans notre cas, les paires électron-trou sont créées dans la couche de mouillage, et relaxent ensuite dans les boîtes. Cette excitation non-résonnante peut élargir la transition de quelques centaines de µeV, mais pas de quelques meV.

Les transitions peuvent également s’élargir de manière inhomogène par des fluctuations spectrales de grande amplitude de la raie au cours du temps. La partie supérieure de la Figure 3.16 représente une série de 100 spectres d’une boîte unique de GaN pris successivement dans les mêmes conditions et intégrés chacun pendant 1 s. Les parties centrale et inférieure de la figure indiquent respectivement la position en énergie et la largeur à mi-hauteur (FWHM) de chaque raie. L’énergie de la transition fluctue sur plus de 1 meV avec des temps caractéristiques de l’ordre de la seconde. Dans ces conditions, l’origine des nos largeurs de raies semble établie. Lorsqu’un spectre de boîte unique est intégré pendant une durée longue devant celle des fluctuations, on fait la somme de toutes ces contributions, et la largeur effective mesurée nous apparaît alors plus grande. Par ailleurs, il est très probable que le même processus existe aussi avec des temps caractéristiques beaucoup plus courts ; mais nous n’y avons pas accès par cette technique car il est nécessaire d’intégrer assez longtemps pour distinguer le signal de boîte. Remarquons à ce propos, qu’un élargissement homogène de la raie conserverait le profil Lorentzien de la transition, alors que tous les spectres que nous avons pu observer sont généralement Gaussiens (exemple : Figure 4.11(b)).

De telles fluctuations spectrales ont déjà été observées dans d’autres systèmes de BQs auto- organisées : CdSe ([Seu00], [Tür02]), InAlAs ([Rob00]), InGaN ([Ric04]), et sont connues depuis plus longtemps des spectroscopistes travaillant sur les nanocristaux. La première explication de la diffusion spectrale a été apportée par Empedocles et Bawendi [Emp96-99] pour décrire les évolutions temporelles des spectres de nanocristaux de CdSe. Ils ont montré que ces variations d’énergie étaient dues à de l’effet Stark quantique confiné causé par des fluctuations d’un champ électrique local. Pour vérifier cette hypothèse, ils ont soumis le nanocristal étudié à un champ électrique, et ils ont constaté que l’évolution de l’énergie de transition en fonction du champ n’était pas simplement quadratique comme attendu, mais contenait aussi une composante linéaire. Il y avait donc déjà un champ électrique préexistant dans l’environnement de la BQ, auquel le champ appliqué s’ajoutait ou se retranchait (d’où un comportement linéaire). Mais de temps en temps, la raie faisait un saut spectral dans une position où la transition redevenait quadratique. Il n’y avait donc plus de champ dans l’environnement de la boîte à ce moment là. Enfin, ils ont montré que la réplique phonon-LO de la transition augmentait lorsque l’énergie de luminescence diminuait, ce qui est encore une conséquence de l’effet Stark confiné quantique comme nous le verrons au chapitre 4.

Figure 3.16 – Evolution temporelle de 100 spectres d’une boîte unique de GaN pris toutes les 5 s

et intégrés pendant 1 s. (a) image de la diffusion spectrale en échelle de gris, (b) fluctuation de l’énergie de la transition par rapport à sa valeur moyenne, (c) fluctuation de la largeur à mi hauteur, (d) fluctuation de l’instensité intégrée.

Ce champ électrique fluctuant est attribué à des charges qui sont piégées sur des défauts au voisinage de la BQ puis libérées. Le temps de capture est bien décrit par la formule suivante [Ric04] : ) T k E exp( b trap ph trap τ τ = ( 3.4)

où Etrap est la profondeur du piège et τph le temps moyen de diffusion du porteur par les phonons.

Ainsi à basse température, le temps de capture peut être suffisamment long pour qu’il soit possible de détecter des effets avec des temps caractéristiques de l’ordre de la seconde. Mais parallèlement, même à basse température, si Etrap est très faible, les fluctuations de charges autour

de la boîte peuvent être beaucoup plus rapides que notre résolution temporelle. La nature de ces pièges n’est pas clairement identifiée, mais les dislocations peuvent jouer ce rôle [Seu00]. Or dans les nitrures, la densité de dislocations étant bien plus grande que dans les autres semi-conducteurs, on peut s’attendre à ce que la diffusion spectrale soit importante dans ces matériaux. Bayer et al. montrent, dans la référence [Bay02], qu’en cas d’excitation non-résonante des BQs, les faces latérales des mésas peuvent piéger des charges et induire un élargissement des transitions. Ils montrent même que les raies s’affinent quand la taille de la mésa augmente. Sur la Figure 3.17 nous comparons la diffusion spectrale de BQs isolées par une mésa de 50 nm (a), et par un trou de 200 nm dans un masque classique en aluminium (b). La comparaison est uniquement qualitative,

(a)

(b)

(c)

car les propriétés d’excitation et d’extraction dans les mésas et dans les masques n’ont aucune raison d’être comparables. Par ailleurs, dans cet exemple précis, l’excitation est dix fois plus grande dans la figure (a) que dans la figure (b), mais généralement, les échantillons gravés présentent plus de sauts spectraux que les échantillons masqués. Dans le cas précis d’une mésa de 50 nm, les interfaces sont très proches de la BQ, ce qui semble avoir un effet important sur la stabilité des raies (les sauts sont de plus de 3 meV). En revanche, la diffusion spectrale sur l’échantillon masqué est au plus de 500 µeV pour des largeurs de raie de 1 meV.

Figure 3.17 – La partie supérieure des figures représente l’évolution temporelle de 100 spectres

de BQs uniques de GaN pris toutes les 5 s et intégrés pendant 1 s, et la partie inférieure est une somme de tous ces spectres. Dans (a), les boîtes proviennent d’une mésa de 50 nm et sont excitées avec une puissance de 1mW et dans (b) elles sont isolées par une ouverture de 200 nm dans un masque d’aluminium et excitées avec une puissance de 100µW.

Un autre facteur qui amplifie habituellement la diffusion spectrale, est la densité d’excitation. Comme on augmente le nombre de paires électron-trou créées dans le matériau, la probabilité de piéger des porteurs sur des défauts dans le voisinage de la boîte devient plus importante. La Figure 3.18 représente les variations spectrales d’une raie de BQ unique pour 100 spectres successifs et pour trois puissances d’excitation différentes. Une acquisition a été faite toute les 5 s et comme la raie était suffisamment fine (~900 µeV), nous avions assez de signal pour intégrer seulement 0.5 s. Nous n’avons pu faire varier la puissance que sur 1 ordre de grandeur, car en dessous de 10 µW nous n’avions plus assez de signal et au dessus de 100 µW nous risquions de détériorer l’échantillon (voir paragraphe 3.5). Les trois séries sont faites dans l’ordre (a)(b)(c) c'est-à-dire par puissance croissante. Mis à part les grands sauts de la figure (b), les fluctuations spectrales sont du même ordre de grandeur pour les trois puissances étudiées et finalement assez peu significatives car de grandeur comparable à limite de résolution du monochromateur. On remarque, par contre, une évolution de la valeur moyenne de l’énergie de transition, qui commence par une légère montée à P=14 µW puis subit deux sauts successifs vers les hautes

(b) (a)

énergies à P=30 µW. Contre toute attente c’est à la puissance maximum que le spectre a l’air le plus stable. Ce type de comportement, que nous avons souvent observé, correspond plus à une modification de l’échantillon qu’à de la diffusion spectrale à proprement parler car les effets sont irréversibles. Un retour à une puissance de 14 µW donne une raie de luminescence à 3.8622 eV. Il est possible que le faisceau laser fasse bouger des défauts comme le font les électrons d’un microscope électronique, mais cela parait plus difficile car les photons ont une énergie 100 à 6000 fois inférieure à celle des électrons (de 0.5 à 30 keV). Le laser active peut être simplement des pièges profonds qui vont ensuite fixer des charges de manière irréversible. Un autre effet souvent observé est un élargissement moyen de la raie avec la puissance d’excitation, mais sans qu’il soit possible de résoudre les fluctuations spectrales comme à la Figure 2.16. Il s’agit encore de diffusion spectrale mais opérant avec des temps caractéristiques que l’on ne résout pas.

Figure 3.18 – Evolution de l’énergie d’une raie de boîte unique pour des spectres accumulés

toutes les 5 s et intégrés 0.5 s. La puissance d’excitation est de 14 µW pour (a), 30 µW pour (b), et 100 µW pour (c). Les trois expériences sont faites dans cet ordre et l’évolution observée est irréversible

L’élargissement de nos raies de BQs uniques (lorsqu’elles sont bien isolées) est généralement assez gaussien. Il est dû à de la diffusion spectrale provenant des interactions coulombiennes entre l’exciton confiné et des charges qui se piègent et se dépiègent à proximité de la boîte. Les dislocations ou les faces latérales des mésas peuvent jouer ce rôle de pièges pour les porteurs. Lorsque la puissance augmente, on observe souvent une évolution irréversible de l’énergie de transition de la raie (saut discret), ou un élargissement moyen (ce qui correspond a de la diffusion spectrale avec des constantes de temps non résolues) 0 30 60 90 3,8612 3,8614 3,8616 3,8618 3,8620 3,8622 0 30 60 90 0 30 60 90 3,8612 3,8614 3,8616 3,8618 3,8620 3,8622 E n e rg ie d e l a r a ie ( e V )

Numéro du spectre Numéro du spectre Numéro du spectre

(a)

(b) (c)

P=14 µW