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Résoudre des problèmes additifs

1. Le développement des connaissances numériques des jeunes enfants

1.3 Les pratiques numériques chez le jeune enfant

1.3.4 Résoudre des problèmes additifs

La résolution d'un problème additif est une activité dynamique qui nécessite que le sujet se construise une représentation de la situation (représentation qui peut toutefois se modifier en cours de résolution) sur la base entre autres des connaissances qu'il a construites sur le nombre, sur la suite des nombres pour être en mesure d'établir les relations dans un problème additif en termes de partie-partie-tout et pour la mise en œuvre de procédures de résolution qui relèvent, comme nous l'avons décrit dans la partie précédente, de la signification qu'il attribue à la suite numérique. En fait, peu importe le type de problèmes additifs (problèmes qui se résolvent par une opération d'addition ou de soustraction), la représentation de la situation ainsi que sa résolution impliquent toujours la mise en relation des données numériques du problème avec une structure du type partie-partie-tout (Kintsch, 1988; Resnick, 1989; voir Fayol, 1991).

Comme le démontrent plusieurs recherches relatives à la résolution de problèmes additifs, « les opérations (mathématiques) requises ne suffisent pas à déterminer la difficulté (relative) des problèmes » (Bilsky & Judd, 1986; voir Fayol, 1991, p. 259). Par ailleurs, Vergnaud (1994) observe que le choix des stratégies utilisées pour résoudre différents problèmes d'addition ou de soustraction est grandement influencé par la structure même du problème, c'est-à-dire par les relations entre les données du problème.

Dans cette perspective, cet auteur propose une catégorisation conceptuelle des problèmes mathématiques qui s'appuie sur le calcul relationnel impliquant « les opérations de pensée nécessaires pour effectuer les mises en relations pertinentes et utiliser les procédures adéquates » (Brun, 1990, p. 5), plutôt que sur les opérations arithmétiques à effectuer. De cette manière, Vergnaud (1994) observe la manière dont le solutionneur structure le problème (mise en relation des données du problème) et se le représente (construction de la représentation du problème).

Par conséquent, Vergnaud (1994) classe les problèmes additifs en six grandes catégories. Nous retenons les trois catégories de problèmes qui peuvent être résolus par les élèves d’âge préscolaire.

Première catégorie : les problèmes de composition de mesures où deux mesures se composent pour donner une mesure.

Exemple d’énoncé : Paul a 6 billes vertes et 8 billes rouges. Il a en tout 14 billes. Égalité numérique correspondante : 6 + 8 = 14

Deuxième catégorie : les problèmes de transformation reliant deux états (état initial – transformation – état final) où une transformation opère sur un état initial pour donner un état final. Exemple d’énoncé : Paul avait 7 billes avant de jouer. Il a gagné 4 billes. Il en a maintenant 11. Égalité numérique correspondante : 7 + (+4) = 11; où (+4) est un nombre relatif.

Troisième catégorie : les problèmes de comparaison ou de relation entre deux mesures (mesure – relation – mesure) où une relation relie deux mesures.

Exemple d’énoncé : Paul a 8 billes. Jacques en a 5 de moins. Il en a donc 3. Égalité numérique correspondante : 8 + (-5) = 3; où (-5) est un nombre relatif.

Les travaux sur les variations de performances des élèves selon la catégorie de problèmes réalisés par Riley, Greeno et Heller (1983; voir Fayol, 1990), ont mis en évidence les taux de réussite d'élèves, de maternelle à 3ième année primaire, en fonction : du type de problèmes (Changement, Combinaison,

Comparaison ou Égalisation), du type de transformations (positive ou négative) et de la nature de

l'inconnue (intervenant sur l'état initial, la transformation ou l'état final). Il ressort de ces recherches « à la fois un impact des types de problèmes et un effet de la nature de l'inconnue sur la performance globale des sujets : soit que certaines situations soient résolues dans des proportions plus élevées que d'autres, soit qu'elles fassent l'objet de succès plus précoces » (Fayol, 1990, p. 156). Toutefois, les études réalisées par Vergnaud (1994) sur le calcul relationnel montrent que pour une même catégorie de problèmes, les relations entre les données du problème peuvent être plus ou moins complexes à établir selon la nature de l'inconnue.

S'appuyant sur la recherche de Vergnaud et Durand (1976), sur la résolution de problèmes arithmétiques chez des élèves du primaire, Conne (1985) a voulu préciser les opérations de pensée effectuées lors de la mise en relation des données pour la résolution de problèmes de transformation auprès d'élèves du primaire. Un des résultats importants de cette étude est l'identification d'un traitement particulier qui conduit l'élève à transformer le problème ou à modifier la représentation du problème en cours de résolution pour l'adapter à ses cadres de pensée. Il nous semble que dans le cas où l'enfant ne peut rencontrer les exigences nécessaires à la construction d'une représentation adéquate au problème, telle que proposée par Brun (1990), l'enfant peut alors effectuer un glissement

de sens (la représentation construite par l'enfant n'est pas isomorphe à la structure du problème) pour

contourner les difficultés qu'il rencontre sur le calcul relationnel et éviter l'impasse en cours de résolution.

Les procédés utilisés pour résoudre les problèmes additifs sont diversifiés et varient en fonction des connaissances des élèves sur la suite et les opérations, mais également en fonction des nombres à traiter.

Les différents procédés pour l’addition sont décrits dans ce qui suit2.

a) Dénombrement : ce procédé implique la réunion des deux (ou plus) mesures de l'addition en recomptant le tout à partir de un, même si le cardinal de chaque mesure est connu. Cette procédure peut également être réalisée en simulant la situation décrite dans l'énoncé à l'aide de doigts. À ce moment, chaque mesure est représentée à l'aide de doigts, la réunion des mesures et le recomptage de l'ensemble des doigts (comme s'il n'y avait qu'une mesure) permet d'obtenir la somme.

b) Comptage continué : qui consiste à partir de 1 et à réciter la suite jusqu’au cardinal correspondant à une première mesure. Il s’agit ensuite d’avancer dans la suite d’autant de positions que le cardinal correspondant à la seconde mesure. Le contrôle de ce procédé implique de conserver une trace du

comptage afin de s'arrêter lorsque le résultat est atteint. Ainsi, les doigts ne représentent plus les

termes de l'addition, mais servent au contrôle du déroulement du comptage.

c) Comptage (ou surcomptage) : qui consiste à partir du cardinal d'une des mesures et à ajouter un à un les éléments de la seconde mesure (faire comme si la première mesure était déjà dénombrée). Comme pour le procédé précédent, une trace du comptage doit être conservée. Les principales difficultés remarquées dans l'utilisation de ce procédé sont: de réciter la suite des nombres à partir d'un point arbitraire dans la séquence (correspondant au cardinal d'une des mesures) et de commencer avec le bon nombre le comptage des éléments de la seconde mesure (Institut national de recherche pédagogique, 1988). Le passage entre le dénombrement et le comptage (ou comptage continué) est difficile puisqu’il est nécessaire de coordonner deux réseaux de la suite : la suite et le déplacement dans la suite.

d) Récupération directe en mémoire des faits numériques. Ce procédé étant le plus rapide.

Les différents procédés pour la soustraction sont décrits dans ce qui suit.

a) Dénombrement : qui consiste à former une collection correspondant à la plus grande des deux mesures et à enlever les éléments correspondant à la plus petite mesure. Ce qui reste représente la solution (la différence).

b) Mise en correspondance (Matching) : ce procédé ne peut être utilisé qu'en présence d'objets (réels ou dessinés). L'usage de ce procédé suppose que les éléments correspondant à la première mesure sont mis en correspondance avec les éléments correspondant à la seconde mesure; le dénombrement des éléments non pairés fournissant la réponse.

c) Décomptage : qui implique l'utilisation du comptage à rebours à partir d'un certain nombre où une quantité est soustraite d'une autre. Il s'agit alors de « compter en arrière à partir (counting down

from) du plus grand des termes en décrémentant par pas de un jusqu'à avoir enlevé le plus petit

des termes » (Fayol, 1990, p. 158); le dernier nombre nommé représentant la réponse. Dans le

décomptage, « on retrouve les mêmes difficultés que pour le surcomptage, avec, de plus, celle qui

est liée à la moins grande habileté des enfants à réciter la comptine à l'envers qu'à l'endroit » (Institut national de recherche pédagogique, 1988, p. 107). Une variante de ce procédé consiste à procéder par comptage continué : partir de 1 et réciter la suite jusqu’à la plus grande mesure pour ensuite reculer dans la suite d’autant de positions que le nombre correspondant à la seconde mesure.

d) Récupération directe en mémoire des faits numériques. Ce procédé étant le plus rapide.

Si ces procédés rappellent ceux identifiés par Fuson (1991) dans la section précédente, il nous semble que les relations qu'elle établit entre les connaissances sur la suite numérique et les opérations permettent de rendre compte avec plus de justesse comment les procédures de résolution d'addition et de soustraction sont liées à la signification que les enfants attribuent à la suite des nombres. Les étapes développementales définies par Fuson permettent, selon nous, de mieux comprendre ce que peut recouvrir la composante connaissances logico-mathématiques, dans la construction d'une représentation d'un problème arithmétique.

Puisque la représentation construite de la situation détermine le choix de la procédure de résolution, des différences dans les modes de résolution retenus et dans les performances sont observées chez les sujets: les plus jeunes choisissent davantage des procédures de résolution qui visent à simuler les actions présentées dans l'énoncé, tandis que les sujets les plus âgés utilisent davantage le comptage mental ou le rappel en mémoire des faits numériques (Fayol, 1990). L'Équipe Mathématique INRP

note que « pour un même élève, les procédures élaborées en résolution de problèmes sont souvent fragiles, instables, elles sont très dépendantes de la situation présentée, peu transférables » (Institut national de recherche pédagogique, 1988, p. 28). Ainsi, l'activité reste très près du contexte dans lequel elle a été élaborée, puisque les capacités de transfert des connaissances sont réduites chez les sujets les plus jeunes. Le sujet doit donc en arriver non seulement à maîtriser une procédure, mais aussi à reconnaître son efficacité dans tel type de situations. Fuson (1988; 1991) a bien montré comment les premières procédures engagées par l'enfant pour résoudre des problèmes d'addition et de soustraction se détachent progressivement de l'action au fur et à mesure que les significations attribuées à la suite numérique se complexifient.