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Quatrième scénario : Le robot

1. Validation interne de la séquence des Commandes de gommettes

1.1 Analyse a posteriori de la séquence par scénario

1.1.4 Quatrième scénario : Le robot

Les valeurs des variables didactiques du quatrième scénario sont les suivantes. • Nombre de gommettes nécessaires pour compléter le dessin : treize. • Type de situation : communication écrite.

• Destinataire du message : l’enseignant.

a) Analyse de la gestion de la situation par les stagiaire/enseignantes : dévolution et institutionnalisation

Dans la classe A, l’enseignante présente le nouveau scénario dans le respect des indications du guide d’accompagnement. La dévolution est donc opérée tel que prévu. À la phase d’action, elle se charge de décoder les messages des élèves et de leur remettre les gommettes. Comme son rôle l’exige, elle interprète assez largement les messages des équipes. Habituellement, lorsque le message est différent de ceux attendus, l’enseignante demande à l’équipe d’en faire la lecture. Toutefois, ce n’est pas l’intervention didactique retenue pour l’équipe formée des élèves A4 et A10 qui produit un message sur lequel se trouvent le dessin de trois cercles, l’écriture de quelques lettres et des chiffres : 1 1 et 1 8. L’enseignante interprète le message comme une commande de 29 gommettes : elle fait elle-même la lecture des nombres 11 et 18, ajoute sur le message le signe «+» entre les deux nombres et conclut en disant : « 18 et 11 ça fait 29, je vous donne 29 gommettes ». Le signe «+» est ici utilisé pour donner un indice aux élèves pour qu’ils interprètent eux-mêmes la relation entre le message qu’ils ont fourni et la collection qu’elle leur remet.

Le retour en grand groupe permet ensuite de revenir sur les productions des élèves (messages écrits et dessins complétés). L’accent est mis, notamment, sur le contenu des bons de commande en insistant sur l’économie pour les émetteurs (élèves) à les produire et pour le récepteur (enseignante) à les décoder. Comme le montre l’extrait suivant, la stagiaire insiste particulièrement sur la comparaison entre les deux types de messages numériques relevés : l’écriture du nombre et l’écriture de la suite numérique.

Stag. : Qu’est-ce que vous avez fait ? A19 : On a compté les ronds…

A9 : On a compté chacun son tour.

Stag. : Puis ici, qu’est-ce que tu as mis sur ton message ? A19 : On a mis 13.

Stag. : 13 ?

A9 : Sha m’a dit et moi je l’ai fait.

Stag. : D’accord, il est où le 13 ? Le 13 est là. Et ça, qu’est-ce que c’est ? A9 : Des chiffres !

Stag. : C’est quels chiffres ? 1, 2, 3, 4, jusqu’à 13. Est-ce qu’on aurait pu écrire

seulement 13 ?

Stag. : Non? Il fallait écrire de 1 à 13 pour que Mme Su comprenne? Pourquoi tu dis

ça? (…) Pourquoi tu pouvais pas écrire seulement 13?

A9 : Parce que… (hésite) j’ai pas pensé à ça…

Stag. : T’as pas pensé à ça… mais est-ce que Mme Su aurait compris si tu avais écrit

seulement 13 ?

L’élève A9 ne répond pas. La stagiaire insiste et questionne l’élève A19. Stag. : Toi Sha, est-ce que tu crois que oui ?

A19 : Non.

Stag. : Non, tu crois pas. Mme Su, il fallait qu’elle sache qu’il y avait 1, 2, 3, jusqu’à 13.

(…) Mais si tu avais écrit 13, est-ce qu’elle aurait compris que tu voulais 13 gommettes ?

Les élèves hésitent puis acquiescent d’un léger mouvement de tête Stag. : Oui ! Juste 13, hein les amis !?

La stagiaire pilote fortement l’échange pour convaincre les élèves que l’écriture de la suite des nombres de 1 à 13 (produite par A9 et A19) et, celle du nombre 13, expriment une même quantité, la seconde écriture étant seulement plus économique à produire et à décoder. Toutefois, comme cet échange survient au tout début du retour en grand groupe, il est impossible pour les élèves A9 et A19 de s’appuyer sur l’évocation d’autres conduites d’élèves pour relever la similitude6. On peut également faire l’hypothèse que les élèves A9 et A19 rejettent l’écriture d’un seul nombre jugeant nécessaire que chaque gommette soit représentée par un nombre. En effet, pour reconnaitre l’efficacité de l’écriture du seul nombre 13, la suite numérique doit être construite comme une inclusion hiérarchique, c’est-à-dire sériée et emboîtée (Fuson, 1991); ce qui permet d’admettre que le nombre 13 inclut ceux qui le précèdent.

Dans la classe B, la stagiaire introduit un contexte de commande dans un restaurant : le cuisinier doit consulter les bons de commande remplis par le serveur afin de préparer les repas aux clients. Au premier abord, le contexte du restaurant semble intéressant pour que les élèves accordent une certaine signification au bon de commande. Toutefois, une difficulté apparaît rapidement : comme le ferait le serveur avec ses commandes, les élèves tentent d’écrire des mots et, qui plus est, des mots liés à des mets !

Stag. : Il faut faire un message pour que Mme Isa comprenne votre commande. Comme

au restaurant, le cuisinier doit comprendre le bon de commande.

Suite à la consigne, les élèves B27 et B31 discutent entre eux. B27 : On va écrire lasagne.

B31 : On va pas manger de la lasagne !

B27 : Oui, on va écrire de la lasagne.

B31 : C’est toi qui vas l’écrire ? Tu sais même pas écrire mon nom !

Les deux élèves s’arrêtent pour réfléchir. (…)

Ens.: Là tu parles du spaghetti ?! Est-ce que t’as besoin du spaghetti pour faire ton robot ?!

6 C’est la seule équipe qui a produit ce type de message écrit (sept équipes ont écrit le nombre 13, une équipe le nombre 12 et un équipe les nombres 18 et 11). Les stratégies des élèves sont décrites dans la prochaine partie.

À l’instar des élèves B27 et B31, d’autres élèves sont aussi freinés dans leur démarche du fait qu’ils ne savent pas écrire.

Les élèves s’adressent à la stagiaire. B30 : On sait pas écrire !

B22 : Je sais pas non plus écrire.

B36 : Parce que moi je sais pas vraiment écrire.

Stag. : Ben là… Pensez à d’autres stratégies. Faites ce que vous pensez.

La stagiaire reprend ensuite la consigne de manière à créer des liens avec le scénario précédent réalisé la veille.

Stag. : Mme Isa veut vous donner des gommettes. Mais elle doit comprendre avec ce

qu’il y a sur le papier. Hier vous êtes venus la voir et vous avez fait des choses pour qu’elle comprenne d’une façon. Là c’est sur papier qu’elle doit comprendre.

De son côté, l’enseignante remarque que certains élèves veulent compléter leur bon de commande en écrivant le mot gommettes à côté du nombre qu’ils ont déjà écrit. Elle souligne alors aux élèves qu’elle n’a de toutes manières que des gommettes à leur offrir et qu’il n’est donc pas nécessaire de le préciser dans la commande.

À la lumière des éléments décrits précédemment, il ressort que l’enjeu de la situation pour les élèves n’est donc pas tant de constituer une collection équipotente de gommettes, mais plutôt de produire un message lettrée. Si tous les élèves débutent l’activité en dénombrant les cercles sur le dessin, plusieurs peinent ensuite à remplir leur bon de commande. Plusieurs échanges individuels, entre la stagiaire (ou l’enseignante) et les élèves, sont alors nécessaires pour permettre à chaque équipe de compléter leur bon de commande. Ce que réussira chacune des équipes.

Tous les messages sont décodés prestement par l’enseignante, à l’exception de celui présenté par l’équipe formée des élèves B30 et B34 qui consiste en l’écriture de la suite des nombres de 1 à 13, qui suscite le commentaire suivant.

Ens. : (S’adressant à l’élève B30) Encercle-moi ce dont tu as besoin parce que là je vois

plein de choses, plein de messages et je ne sais pas c’est lequel le bon. Dis-moi c’est lequel ?

Pour l’enseignante, ce message manque de précision, même s’il apparaît pourtant clairement dans le répertoire des stratégies anticipées pour ce scénario dans l’analyse a priori. Nous choisissons donc d’intervenir et de le mentionner à l’enseignante puisque deux autres équipes ont produit un message similaire (l’écriture de la suite de 1 à 11 et de la suite de 1 à 16). Malgré tout, l’enseignante persiste à demander aux élèves qui écrivent une suite numérique d’encercler le nombre important du message.

Le retour en grand groupe, animé par la stagiaire, est ensuite l’occasion de revenir sur les messages produits par les élèves. La stagiaire met l’accent plus particulièrement sur le contenu des bons de commande en orientant les échanges, voire en institutionnalisant l’efficacité des messages numériques au regard des messages non-numériques. Les extraits suivants réfèrent aux conduites de trois équipes qui ont proposé des messages différents : l’écriture du nombre 13 pour l’équipe formée des élèves B32 et B36 (extrait 1), l’écriture de la suite des nombres de 1 à 13 pour l’équipe formée des élèves B30 et B34 (extrait 2) et le dessin d’une collection de treize cercles pour l’équipe formée des élèves B27 et B31 (extrait 3).

Extrait 1

Stag. : Qu’est-ce que vous avez mis sur votre bon de commande ? B32 : 13.

Stag. : Est-ce que c’est un bon message ? B36 : Oui !

Extrait 2

Stag. : Qu’est-ce que vous avez fait les filles ? Qu’est-ce que c’est ça ? B30 : On a écrit des numéros jusqu’à 13 ? (…)

Stag. : Est-ce que tu aurais pu écrire seulement 13 ? B30 : (Après une courte hésitation) Oui.

Stag. : Écrire seulement 13, est-ce que c’est plus vite ou moins vite ? B30 : Plus vite.

Extrait 3

Stag. : Qu’est-ce que vous avez fait ici ?

B27 : On a fait des ronds pour compter et Mme Isa m’a donné 13. (…)

Stag. : Qu’est-ce que t’aurais pu faire d’autre que les dessins. Ça c’est très bon. C’est

un bon message. Mme Isa a pu savoir la quantité que tu voulais, elle a pu les compter. C’est juste un peu plus long pour elle. Est-ce qu’il y a un autre moyen que tu aurais pu prendre ? (…) Les autres amis qu’est-ce qu’ils on fait ?

B27 : Des chiffres.

Stag. : Ils ont écrit des chiffres, mais ils ont écrit quels chiffres ? B27 : 13.

Stag. : Ils ont écrit 13. Ou ils ont écrit de 1 à 13. Alors ça c’est un bon moyen parce que

Mme Isa pouvait le lire. C’est juste un peu plus long que les chiffres. Et quand on écrit juste 13… ben là ouf, Mme Isa pouvait le savoir tout de suite.

Au terme de cette section, il convient de relever certaines interventions didactiques des enseignantes. D’abord, la modification de la consigne dans la classe B, par la stagiaire, semble répondre à une exigence professionnelle de référer à un contexte familier pour favoriser la compréhension de la consigne. La référence au bon de commande du restaurant crée, cependant, ce que nous pourrions appeler, un effet de distraction. Les élèves n’interprètent pas la nature analogique de la référence; ils se saisissent plutôt de la réalité à laquelle elle réfère, cherchant alors à écrire soit un plat, soit un message lettré et sont ainsi éloignés des moyens efficaces pour atteindre le but visé. Ensuite, l’importance accordée par les enseignants à faire admettre aux élèves que la suite des nombres (de 1 jusqu’au cardinal) peut être résumée par le dernier nombre de la suite. Si l’analyse a priori avait

préparé les enseignants et les stagiaires à recevoir ce dernier message, ils prennent à leur charge ce que la séquence sur le plus long terme cherche à dévoluer aux élèves, soit la reconnaissance du dernier nombre de la suite comme cardinal de l’ensemble. Ce n’est ni par conviction, ni par compréhension du principe de cardinalité que les élèves de la classe A finissent par acquiescer, c’est sous la pression des questions redondantes et orientées de la stagiaire.

b) Analyse des stratégies mises en œuvre par les élèves

Le quatrième scénario est réussi par 27 élèves sur 37 (73%). Fait intéressant à noter, tous les élèves mettent en œuvre une stratégie numérique dans l’élaboration de leur message écrit, que celui-ci soit numérique (écriture d’un nombre ou d’une suite de nombres) ou non numérique (dessin d’une collection). Ainsi, tous les élèves ont dénombré les cercles. Ce qui distingue les conduites est la nature du message produit. Les conduites d’élèves sont donc décrites en fonction de la nature du message.

Stratégie numérique avec formation d’une collection équipotente : production d’un message numérique efficace (dessin complété correctement)

Le dénombrement efficace des cercles et l’écriture du cardinal de la collection dénombrée, soit 13, permettant la formation d’une collection équipotente, est la stratégie adoptée par 12 équipes (8 équipes de la classe A et 4 équipes de la classe B). Les messages numériques sont de deux types :

• L’écriture du nombre 13 par 10 équipes (7 équipes de la classe A et 3 équipes de la classe B). Une équipe s’appuie sur la lecture des nombres du calendrier pour repérer l’écriture du nombre 13, alors que les autres l’écrivent sans aide.

• L’écriture de la suite des nombres de 1 à 13 par 1 équipe de la classe A et 1 équipe de la classe B. Une équipe écrit sans aide et aisément la suite, alors que la seconde équipe réfère à la frise numérique et produit quelques inversions de chiffres dans l’écriture de nombres.

Stratégie numérique avec formation d’une collection équipotente : production d’un message non numérique efficace (dessin complété correctement)

Le dénombrement efficace des cercles et la formation d’une collection intermédiaire dessinée équipotente de cercles est la stratégie adoptée par 2 équipes de la classe B. L’une de ces équipes aligne les 13 cercles alors que la seconde les dispose en tentant de reproduire leur position dans le dessin du robot qu’elle a à recouvrir de gommettes.

Stratégies numériques sans formation d’une collection équipotente : production d’un message numérique non efficace (manque ou surplus de gommettes)

a) Après avoir dénombré correctement la collection de cercles, 1 équipe de la classe B écrit la suite de 1 à 16. Elle se rend ensuite au tableau de nombres pour vérifier l’écriture de 14, 15 et 16. Le dénombrement étant bien contrôlé, l’erreur semble venir d’un glissement de «treize» à «seize», par confusion sonore, au moment venu d’écrire la suite sur le bon de commande. b) Le dénombrement inefficace des cercles et l’écriture du nombre cardinal identifié (14) est la

conduite d’une équipe de la classe B. L’observation des différents dénombrements réalisés par ces élèves permet de relever des erreurs de marquage de l’itinéraire suivi (Baroody, 1991), le dénombrement n’étant pas organisé de manière à distinguer les éléments dénombrés de ceux qui ne le sont pas, les élèves obtiennent un cardinal différent à chaque nouveau dénombrement engagé.

c) Le dénombrement inefficace des cercles et l’écriture de la suite de nombres – 1 à n, n étant le dernier nombre rappelé dans le dénombrement – est la conduite adoptée par 1 équipe de la classe B. Il est intéressant de noter que c’est la lourdeur des coordinations nécessaires à la stratégie qui conduit à une erreur. Ainsi, un des élèves écrit d’abord les nombres de 1 à 10 (avec écritures inversées pour certains chiffres), puis vérifie qu’à chaque cercle correspond bien l’écriture d’un nombre. Il met donc en place un procédé de correspondance terme à terme en pointant tour à tour un cercle puis un nombre. Devant l’ampleur de la tâche, il procède à un nouveau dénombrement des cercles sur le dessin et ajoute le nombre 11 à sa suite.

d) Le dénombrement inefficace des cercles et l’écriture successive de plusieurs chiffres (1 8 1 1) sont les actions posées par 1 équipe de la classe B.

c) Confrontation analyse a priori / analyse a posteriori

Le Tableau XII présente la fréquence des stratégies anticipées dans l’analyse a priori du scénario 4, dans la réalisation effective du scénario.

Tableau XII

Nombre d’équipes ayant mis en œuvre les stratégies anticipées à l’analyse a priori du scénario 4

Analyse a priori : stratégies anticipées Analyse a posteriori

Stratégie numérique avec formation d’une collection équipotente : production d’un message numérique efficace

• Dénombrer la collection de cercles et produire un des messages numériques suivants :

o Écrire la suite numérique de 1 à 13.

o Écrire le code digital qui correspond à la cardinalité : 13

1 10

Stratégie numérique avec formation d’une collection équipotente : production d’un message non numérique efficace

• Dénombrer la collection de cercles et former une collection intermédiaire équipotente d’éléments dessinés à la collection de cercles.

2

Stratégie numérique sans formation d’une collection équipotente : production d’un message numérique non efficace

• Dénombrer la collection de cercles et produire un message numérique inefficace – avec erreurs dans le dénombrement ou dans le choix du ou des codes digitaux associés.

4

Pour la première fois depuis le début de la séquence, les élèves, en équipe de deux, doivent transmettre un message écrit à l’enseignante pour commander les gommettes. Les bons de commande attendus sont ceux qui utilisent le nombre (messages écrits numériques), puisqu’ils sont efficaces et économiques. Si le scénario précédent, avec commande « muette », n’a pas permis d’introduire les messages écrits, les valeurs des variables didactiques du scénario 4 ont favorisé le recours à l’écriture mathématique chez la très grande majorité des élèves.

Tous les élèves des deux classes de l’expérimentation procèdent au dénombrement des cercles sur le dessin avant de produire leur bon de commande. Les messages produits par les élèves sont ceux prévus dans l’analyse a priori. Ainsi, certains élèves écrivent tout simplement un nombre (cardinal obtenu au dénombrement des cercles) ou encore une suite de nombres – chaque nombre écrit correspond à un cercle sur le dessin, le dernier représentant le nombre de gommettes désirées. Il y a aussi production d’un message non numérique : le dessin d’une collection de cercles équipotente à la collection de cercles dénombrée.