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L’ingénierie didactique et son fonctionnement dans notre recherche

Cette méthodologie de recherche se caractérise par un schéma expérimental basé sur des réalisations didactiques et, en conséquence, sur toutes les phases nécessaires à ces réalisations : conception, réalisation, observation et analyse de séquences d’enseignement. Deux niveaux d’ingénierie peuvent être mis en œuvre, selon l’ampleur des réalisations didactiques en classe, la micro-ingénierie et la macro-ingénierie. Notre recherche relève du niveau de la macro-ingénierie.

Cette méthodologie se caractérise principalement par son mode de validation essentiellement interne, se distinguant ainsi de méthodologies plus classiques d’expérimentations en classe qui reposent souvent sur un mode de validation externe, autrement dit sur la comparaison statistique des performances de groupes expérimentaux et de groupes contrôles. La mise en œuvre d’une ingénierie didactique comporte quatre grandes phases : 1) les analyses préalables; 2) la conception et l’analyse a priori des situations didactiques; 3) l’expérimentation; 4) l’analyse a posteriori et l’évaluation. Nous décrivons chacune de ces phases et, pour des fins d’économie de présentation, spécifions pour chacune d’elles son opérationnalisation dans le cadre de la présente recherche.

1.1 Les analyses préalables

Les analyses préalables permettent de développer un cadre théorique sur les connaissances épistémologiques et didactiques sur lequel se fondera la conception des situations didactiques. Il peut s’agir, par exemple, de manière explicite ou implicite, de l’analyse épistémologique des contenus visés par l’enseignement, de l’analyse de l’enseignement usuel et de ses effets, de l’analyse des conceptions des élèves, difficultés, obstacles répertoriés dans les écrits scientifiques relatifs aux contenus visés, l’analyse du champ des contraintes dans lequel doit se réaliser la séquence didactique ainsi que les objectifs spécifiques de la recherche. Ces contraintes sont de trois ordres : épistémologique (relatif aux caractéristiques du savoir en jeu), cognitif (relatif aux caractéristiques cognitives du public auquel s’adresse l’enseignement) et, didactique (relatif au fonctionnement du système d’enseignement).

Dans le cadre de notre recherche, les analyses préalables sont en grande partie contenues dans la problématique et le contexte théorique. Dans la problématique est énoncé, sur la base d’une analyse des programmes et des activités mathématiques typiques au préscolaire, l’objectif de notre recherche. Le contexte théorique, par le biais de la description des principaux modèles théoriques sur le développement des connaissances numériques des élèves ainsi que des activités numériques qui donnent sens au nombre, permet d’identifier les contraintes épistémologiques (sur les caractéristiques du savoir) et cognitives (sur le développement des connaissances numériques). Les études citées permettent ainsi de se doter d’un cadre théorique approprié à la fois au savoir en jeu et aux élèves du préscolaire auxquels s’adressent les activités qui seront réalisées. La prise en compte du fonctionnement du système d’enseignement se reflète, en partie, dans le choix de construire non seulement des séquences d’enseignement mais également des activités numériques dont la fonction est comparable à celle des ateliers, qui est une organisation didactique typique des classes de maternelle.

1.2 La conception et l’analyse a priori des situations didactiques

La conception et l’analyse a priori est la phase au cours de laquelle le chercheur identifie les variables de commandes et les variables didactiques. La phase de conception consiste en l’organisation d’une séance, de ses variables de commandes et de ses variables didactiques. L’analyse a priori permet de faire une analyse du contrôle du rapport entre le sens du savoir et les situations. Par un jeu sur les valeurs des variables didactiques, le concepteur vise à développer une situation didactique qui engagera l’élève à mettre en œuvre des stratégies de plus en plus évoluées, qui font appel au savoir visé par l’enseignement. Ainsi, dès la phase de conception et, par le biais de l’analyse a priori, le processus de validation interne est engagé.

La description des séquences numériques, dans le contexte théorique, identifie les variables de commande (chaque séquence comporte ses propres règles de fonctionnement), les variables didactiques ainsi que le jeu sur les valeurs de ces variables à travers les différents scénarios d’une même séquence. Cependant, ce chapitre ne présente pas toutes les dimensions qui caractérisent l’analyse a priori. En effet, la variété des stratégies, en fonction des valeurs des variables didactiques, n’y est pas présentée de manière systématique et exhaustive. Nous en ferons la présentation dans une section ultérieure. Ainsi, dans notre recherche, la phase de conception et d’analyse a priori est réalisée en amont puisque les séquences et activités qui feront l’objet de l’expérimentation ont été antérieurement élaborées en accord avec la théorie des situations didactiques et l’ingénierie didactique. Elles ont été, de plus, expérimentées lors de l’implantation du volet mathématique dans 90 classes pendant trois années (de 2002 à 2005).

1.3 L’expérimentation

L’expérimentation est une phase classique à toute méthodologie de réalisations didactiques. Elle permet de faire la collecte des données utiles à l’analyse a posteriori. Ces données sont variées et choisies en fonction des objectifs de la recherche. Ces données peuvent être des observations en classe ou hors classe, des entretiens individuels, des questionnaires et des productions d’élèves.

L’expérimentation menée dans le cadre de cette recherche vise à recueillir des données, dans deux classes du préscolaire, sur la gestion des situations et les conduites mathématiques des élèves, lors de la réalisation des trois séquences numériques. Les détails de l’organisation de cette expérimentation sont précisés dans la section Déroulement de l’expérimentation.

1.4 L’analyse a posteriori et l’évaluation

La phase d’analyse a posteriori consiste à analyser l’ensemble des données recueillies sur la base des analyses préalables et a priori effectuées. La confrontation des analyses a priori et a posteriori permet de compléter le processus de validation interne. Artigue (1990) soulève quelques problèmes que peut poser cette confrontation. Elle précise, en particulier, que l’analyse a priori est pratiquement impossible à circonscrire explicitement. Toujours selon Artigue (1990), la confrontation des deux analyses laisse apparaître des distorsions qui sont difficilement incorporées à la validation. Elle précise que les concepteurs proposent souvent des modifications à l’ingénierie, plutôt que d’engager véritablement une démarche de validation en réinterrogeant les hypothèses formulées aux phases précédant l’expérimentation.

Notre recherche doctorale vise à compléter la démarche d’ingénierie mise en œuvre par Giroux et Ste- Marie (2004), en procédant à une confrontation des analyses a priori et a posteriori dans une perspective de validation interne. Cette confrontation permet une évaluation de type qualitatif du volet mathématique du programme Fluppy. Dans les sections qui suivent, nous décrivons de manière systématique les modalités qui seront mises en place pour atteindre cet objectif.