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2.1.1.6. La résolution de l’écart entre formations proposées et attentes de la société . 166

Chapitre V. Le français dans l’enseignement aujourd’hui

V. 2.1.1.6. La résolution de l’écart entre formations proposées et attentes de la société . 166

De même, le renforcement de la coopération internationale permet de profiter des ressources extérieures pour améliorer la qualité de la formation. Bien cerner les besoins de la société, pour proposer des orientations adaptatives de la formation, relève de la responsabilité et du ressort des enseignants et responsables du Département de français de Hué. Ils sont les plus qualifiés pour mieux comprendre les besoins grâce à leurs relations de travail et leurs contacts avec la réalité tant à l'intérieur qu’à l'extérieur de l’environnement éducatif. Dans le contexte de la concurrence dans la recherche de l’emploi en général et de l’emploi lié aux langues étrangères en particulier, ce qui différencie effectivement les départements de formation de français au Vietnam réside dans la perspicacité de compréhension des besoins réels du marché pour réaliser des changements adaptatifs dans le contenu et les programmes de formation.

Évidemment, si les départements de français continuent à maintenir les formations de manière traditionnelle comme ils le font depuis longtemps, avec seulement deux spécialités principales qui sont la didactique et la linguistique du français, leur pratique ne

semble plus d’actualité car les besoins ont beaucoup changé. En fait, la société est devenue aujourd’hui de plus en plus exigeante sur le plan des attentes d’un meilleur professionnalisme de la part des diplômés, notamment en langues étrangères, dans un contexte où les langues étrangères ne sont plus quelque chose de rare comme à la première phase de l’ouverture économique du Vietnam. La plupart des départements de français au Vietnam se sont donc transformés pour être plus à l’écoute de la société en proposant des formations dans lesquelles l'apport de la langue est significatif et répondant aux besoins réels du marché, telles que le français orienté vers le tourisme, le français tourné vers la communication d’entreprise, etc.

Cependant, parmi les 8 départements universitaires de français au Vietnam, quelques-uns se mettent à l’écart des transformations ou se transforment très lentement pour ne pas suivre de près l’évolution de la société, ce qui se traduit toujours par le maintien de la spécialité de didactique du français alors que la nécessité de recrutement des établissements scolaires pour les enseignants de français est presque nulle depuis plusieurs années dans de nombreuses localités ayant la tradition d'enseigner le français. En outre, l’introduction de nouvelles spécialités dans certains départements n’a pas fait l’objet d’études sérieuses des besoins pour connaitre les attentes du marché et leur niveau de satisfaction pour le développement d’un programme de formation approprié et de qualité.

Le Département de français de Hué semble être en train de faire face à ces deux problèmes majeurs.

Extrait 37

Lors de mes discussions avec des collègues qui enseignent au Département de français de Hué, ils m’ont partagé leurs remarques selon lesquelles, le développement du programme de formation n'est pas basé sur des enquêtes du marché du travail. Par exemple, ils ont mis en place un programme de formation du français axé sur le tourisme. D’après ce que je sais, le curriculum des matières enseignées dans le programme est proposé sur la base des réflexions et discussions des enseignants qui vont préparer les leçons à enseigner aux étudiants, sans la participation des entreprises. Or, pour lancer un programme permettant aux étudiants de travailler correctement dans un environnement réel après leurs études, il faut que celui-ci soit composé des matières dont le marché a besoin. Cela n’est possible que par concertation entre l’unité de formation et celles de recrutement. Il faut donc inviter les recruteurs à se réunir pour discuter, en leur faisant exprimer, par exemple, que dans le secteur abordé, ils ont besoin

de telles compétences ou de telles connaissances. C’est presque une commande de l’entreprise à l’université pour monter un programme adapté à l’environnement professionnel lié au métier.

Interviewé 41, M, 50, Vietnamien, professeur de français, traducteur, français-anglais (bilingue français-vietnamien)

L’avis ci-dessus d’un enseignant de français est aussi celui des autres observateurs extérieurs, bien que le Département de français de Hué se soit également efforcé ces dernières années d’améliorer la qualité de la formation et d’établir des liens avec les entreprises. Cependant, la qualité des changements n’est pas à la hauteur des évolutions du marché, toujours selon les observations de ceux qui suivent son fonctionnement. Il s’agit encore de propositions subjectives basées sur ce qu’ils ont réalisé ou ce qu’ils peuvent élaborer et non pas ce que le marché attend réellement. Cela a été prouvé par le maintien de la spécialité de traduction qui y avait été précédemment organisée. En effet, pour cette spécialité du Département de français de Hué, la raison pour laquelle de nombreux étudiants diplômés n’ont pas pu travailler comme traducteurs est que ce qu’ils ont appris ne leur a pas permis de travailler comme ils le souhaitaient, à cause d’un niveau insuffisant et par manque d’expérience des enseignants. Bien qu’il y ait des enseignants qui ont de temps en temps des occasions de travailler comme traducteurs, la fréquence de ces activités n'est pas aussi grande que dans d’autres villes où il y a des formations de traduction comme à Hanoi et à Hochiminh-ville où les occasions sont toujours nombreuses. Or, pour le métier de traduction et d’interprétariat, il est absolument nécessaire de pratiquer régulièrement dans le milieu professionnel pour que la théorie soit au contact de la pratique pour tirer des expériences professionnelles vécues et utiles, et pour pouvoir les transmettre par la suite.

Pour ce qui est de la formation en didactique du français, dans le contexte de stagnation de l’enseignement du français à Hué depuis de nombreuses années, aucun nouveau recrutement d’enseignant dans le secondaire n’a été enregistré, ce qui a remis en question cette formation. Alors qu’il n’y a aucun signe de reprise d’une envergure souhaitée de l’enseignement du français à tous les niveaux comme dans les années 2000, les efforts de formation annuelle, de 20 nouveaux professeurs de français respectant les limites autorisées de 20 étudiants par promotion par le Ministère de l'Éducation et de la Formation, représentent un gaspillage de ressources sociales . Cela ne peut être interprété que de deux manières : soit le Département de français ne suit pas de près les attentes du marché ou ne

parvient pas à modifier la spécialité de formation, soit les étudiants acceptent de faire des études en didactique du français en étant conscients qu’il ne leur sera pas facile de trouver un emploi une fois diplômés, simplement parce qu'ils ne doivent pas payer les frais d’études.

Ainsi, le département, à la vue de ces besoins, continue de fournir son service d'enseignement comme dans n'importe quel secteur de services où il y a des demandes, sans se soucier des conséquences sociales prévisibles. Cela pose la question de la responsabilité sociale de cette unité de formation qui doit s’adapter à la prévision de la demande de la société et demander des interventions professionnelles ou politiques appropriées en faveur du bien commun.

Maintenir la spécialité de didactique dans de telles conditions n’a qu’une signification positive : créer des emplois pour le corps professoral du département dont la plupart des enseignants ne sont pas prêts à donner une nouvelle formation car ils ne sont pas habilités.

Un changement de spécialité nécessite donc des formations complémentaires ou continues qui ne plaisent forcément pas à tout le monde. De même, il était tout à fait compréhensible que les départements d'anglais continuent à recruter des étudiants en didactique, même en grand nombre, car la demande sociale pour les ressources humaines dans ce secteur à tous les niveaux de l’enseignement était toujours importante. Cette réalité a soulevé la question de la mise à jour des politiques de formation des établissements de formation pédagogique universitaire. Les responsables, chargés d'élaborer des politiques visant à développer l'enseignement du français dans le secondaire, et le Ministère de l'Éducation et de la Formation, sont invités à équilibrer les disciplines, voire émettre des réglementations spécifiques pour chaque cas, notamment pour les formations fournissant un excédent de professeurs de français.

Compte tenu des besoins actuels des enseignants de français à Hué et dans les localités de la région du Centre, il est évidemment possible de suspendre temporairement toute nouvelle formation d’enseignants de français pour une période déterminée et de se concentrer plutôt sur la formation continue des enseignants en activité dans le secondaire.

Les prévisions des besoins vont permettre aux services de l’éducation et de la formation et au Département de français de Hué de calculer les besoins futurs en enseignants de français en vue d’une meilleure planification des formations dans cette spécialité. Cela va permettre de renforcer la qualification des enseignants du secondaire pour répondre aux besoins

d’amélioration de la qualité de l’enseignement du français LV1 et surtout du français LV2 qui représente la part la plus importante en termes d’effectifs mais dont la qualité de l’enseignement reste encore à améliorer pour donner une meilleure représentation dans le système d’éducation en général.

Outre les problèmes internes susmentionnés, nous pouvons noter également les faiblesses dans l’accompagnement des pratiques professionnelles dans le Département de français de Hué, ce qui rend leurs images moins remarquables que par le passé et qui affecte partiellement leur attrait par rapport aux autres spécialités de formation de l’Ecole Supérieure des Langues Etrangères de Hué. Bien entendu, les impacts socio-économiques externes sont aussi des éléments de régression mais la communication externe, la création des activités para-universitaires afin de susciter l'enthousiasme des étudiants et construire une image positive d'un environnement d'apprentissage dynamique, sont aussi ce qui manque dans leur activité. Ce qu’on peut tirer comme conclusion, à travers les pratiques professionnelles de ce département, est que ce qu’on trouve ailleurs peut également se transcrire chez eux. Seulement la façon d’élaborer et d’organiser les changements, ainsi que le manque de dynamisme, de flexibilité adaptative et de responsabilité de la part de l'équipe des enseignants mais aussi de la direction dans le suivi nécessaire, les ont rendus peu impliqués et enthousiastes professionnellement. En outre, l’audace et la capacité des dirigeants dans l’écoute des réactions de l’extérieur, dans la création d’une nouvelle dynamique, des échanges internes en vue d’améliorer l’esprit d’équipe ainsi que la relation positive entre dirigeants et enseignants sont également des problèmes qui affectent les performances au travail et l’image globale du département et de l’école.

V.2.1.2. La qualification des étudiants et les problèmes

Depuis son apparition, sous l'ancien nom et dans son nouvel établissement, le Département de français avait conservé à l’origine deux formations : la Didactique du FLE et la Traduction-Interprétariat. Cependant, après deux promotions, compte tenu de la demande décroissante sur les débouchés en didactique du FLE, principalement à Hué et dans une ou deux provinces du Centre, le département a cessé la formation en pédagogie et l’a remplacée par la spécialité Langue et Culture françaises. A partir de la 8e promotion, c’est-à-dire pour l'année universitaire 2011-2012, les deux formations de Langue et Culture Françaises et de Traduction-Interprétariat n’ont plus été proposées, pour laisser le retour de la Didactique du

FLE et de la naissance d’une nouvelle formation qui est le Français pour le Tourisme, une formation pour répondre aux besoins du marché. Ce sont les deux formations de français que nous connaissons à l’heure actuelle.

En regardant le nombre d’étudiants inscrits au Département de français de Hué au cours des cinq dernières années (graphique 9), il est facile de constater qu’il existe une instabilité ainsi qu’un écart important au niveau des inscriptions dans ces deux formations durant ces années. Cela reflète exactement la réalité des mutations de carrière dans la région du Centre ainsi que les besoins du marché pour les métiers en lien avec le français.

L'arrêt des deux formations susmentionnées peut être compris de différentes manières : la qualité modeste des débouchés, la faible demande du marché du travail et les exigences initiales relativement élevées en fondement linguistique pour la traduction et l’interprétariat qui est une formation particulière et de nature exigeante. Or, le niveau de langue constaté au recrutement des étudiants de français est souvent insuffisant. Ce sont principalement ceux qui ont étudié soit l’anglais (le D01 comme code, pour les inscrits qui n’ont pas appris le français au lycée comme LV1), soit le français au lycée (le D03, comprenant tous ceux qui ont appris le français dans le secondaire, tous cursus confondus, sauf ceux qui n’ont appris que le français comme LV2 au lycée) car les meilleurs étudiants en français choisissent souvent d'étudier dans des écoles prestigieuses telles que la Faculté de Tourisme, l’École des Sciences Économiques (à Hué ou à Danang), l’Ecole du Commerce Extérieur (à Hanoi ou à Hochiminh-ville), ou encore l’Académie des Relations Internationales (à Hanoi) grâce auxquelles ils auront théoriquement plus de chance d’avoir de bons postes à la sortie de l’université. Voici une observation d’un enseignant à l’université :

Extrait 38

Depuis la création de l'Ecole Supérieure des Langues étrangères de Hué il y a 15 ans, les sources de recrutement du Département de français peuvent être divisées en deux groupes : le premier groupe comprend les étudiants qui ont étudié le français au lycée avec des niveaux différents. Ceux qui viennent du Lycée spécialisé national Quoc Hoc possèdent une qualification relativement bonne ; ceux qui apprennent le français comme LV1 ou LV2 dans les lycées ordinaires ne sont pas nombreux à entrer dans le Département de français et représentent environ 10% du total ; le deuxième groupe étant constitué d’étudiants d’anglais qui ont appris l’anglais au lycée mais en raison de leur faible résultat l’examen d’admission au

Département d’anglais ou d’autres départements de langue souhaités, ils sont amenés à choisir le français.

Interviewé 26, M, 54, Vietnamien, professeur de français, français-anglais (bilingue français-vietnamien)

En général, le département recrute en moyenne à peu près 100 étudiants par an.

L'augmentation ou la diminution chaque année dans les deux formations ne semblent suivre aucune règle définie, sauf que les étudiants de la formation en Didactique du FLE ne représentent qu’un faible pourcentage du total, seulement 16 étudiants en Didactique du FLE sur 83 étudiants en Tourisme en 2017-2018, par exemple.

Extrait 39

Les mutations ont lieu le plus souvent dans la première année. Chaque année, de 45 à 55 étudiants sont admis, mais pour cette année, on est passé à 88. Ce n’est pas grâce à la renommée du Département de français mais cela est dû au changement de la politique de recrutement pour les études universitaires selon laquelle, les résultats de l'examen de fin d'études secondaires vont servir de base pour le recrutement à l'université, c’est-à-dire deux examens sont combinés en un seul. Le nombre d'étudiants fluctuent chaque année, beaucoup ou pas, cela n’est connu que d’une année sur l’autre.

Interviewé 26, M, 54, Vietnamien, professeur de français, français-anglais (bilingue français-vietnamien)

Cet écart important entre les deux formations reflète également la réalité du marché du travail : la demande croissante de ressources humaines dans l'industrie du tourisme d’un côté et la baisse du recrutement des enseignants dans le primaire et le secondaire. Au Service de l'Éducation et de la Formation de Thua Thien-Hué par exemple, aucune nouvelle recrue n’a été enregistrée depuis de nombreuses années, car le nombre de classes de français à ces deux niveaux est en baisse comme nous l’avons vu. Or, bien qu'il n'y ait pas beaucoup d'opportunités de recrutement, il y a tout de même au moins 15 étudiants inscrits chaque année en pédagogie, quelle est alors la raison ?

La première raison invoquée est qu’en s’inscrivant à la formation en pédagogie, les étudiants ne doivent pas payer de frais de formation comme dans d’autres spécialités. En outre, il y a des étudiants qui choisissent d'étudier ce domaine parce qu'ils aiment le métier d’enseignant. Les étudiants qui sont inscrits en D01, comme ils n’étaient pas acceptés en didactique de l’anglais ou d’autres langues placées devant le français dans l’ordre de priorité

dans les choix34, ont accepté d'étudier le français, en espérant avoir un poste d'enseignant à la fin de leurs études. Parallèlement, ces étudiants se sont aussi préparés pour un plan B pendant leurs études à l'université en obtenant un autre certificat ou diplôme professionnel qui leur permettra d'accéder à d'autres emplois à la sortie de l’université s’ils ne sont pas embauchés comme enseignant de français. Il est intéressant d’ouvrir une parenthèse ici en notant qu’avec un diplôme universitaire de didactique du FLE et un certificat d’anglais de niveau B2 du CECR (Cadre Européen Commun de Référence pour les langues)35, on peut toujours postuler à un poste d’enseignant en anglais dans une localité quelconque des provinces en pénurie de professeurs d'anglais.

Il y a aussi beaucoup d'étudiants qui n'utilisent pas le français pour travailler. Ils se servent de leur diplôme d'études universitaire uniquement comme passerelle vers d'autres certificats ou diplômes professionnels leur servant réellement de laisser-passer pour accéder à un travail qui n’a pas du tout rapport avec le français. C'est aussi la raison pour laquelle de nombreux étudiants dont la langue d’étude d'origine est l’anglais, lorsqu'ils ne sont pas admis pour suivre des études en anglais ou dans une autre langue plus attrayante (option 1), acceptent d'étudier le français (option 2, pour un score plus bas dans l’ordre de priorité pour le recrutement) comme solution de secours. Il y a ensuite des étudiants qui font des efforts pour avancer avec leur nouvelle langue et leur nouvelle formation, mais aussi ceux qui étudient de manière temporaire et peu motivée pour avoir juste un score minimum accepté afin d’obtenir un diplôme universitaire comme les autres. Ceux-ci vont ensuite rechercher un travail qui n’a pas de lien avec le français. D’autres étudiants, après une ou deux années d'études au département, vont chercher à poursuivre des études à l'étranger ou à changer de domaine d’études, ce qui explique la différence entre le nombre d'inscriptions à l’entrée et celui de diplômés dans les promotions, comme nous le voyons dans le tableau 1.

Avant de commencer nos analyses sur la qualification des étudiants de français, il nous est nécessaire d'affirmer qu'avec l'évolution actuelle de l'économie de marché au Vietnam, les

34 Le japonais, par exemple, qui a été introduit dans le secondaire à Hué en tant que LV2

35 En fait, en se basant sur le CECR, le Ministère de l'Éducation et de la Formation du Vietnam a proposé un cadre de compétences linguistique à la vietnamienne à six niveaux et l’Ecole Supérieure des Langues Etrangères de Hué travaille essentiellement dans ce cadre vietnamien. Lorsque les étudiants obtiennent leur diplôme dont le niveau est équivalent au B2, on dit qu’ils ont un niveau 4/6 du Vietnam. Le cadre de compétences du Vietnam est basé sur celui européen, mais qui n’y ressemble pas parfaitement. Le niveau de difficulté des tests est moindre et l’organisation de l'examen semble aussi plus « souple » et plus facile à suivre par les candidats par rapport aux tests officiels de DELF, DALF.

débouchés pour les étudiants de français aujourd'hui sont plus favorables que par rapport aux

débouchés pour les étudiants de français aujourd'hui sont plus favorables que par rapport aux