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Chapitre V. Le français dans l’enseignement aujourd’hui

V. 1.3.3.2. Le Netado, le nouveau manuel contextualisé

V.2. Le français à l’université

Par rapport aux autres localités du pays et de la région de l’Asie, Hué réunit tous les ingrédients pour un bon fonctionnement de l’enseignement du français à tous les niveaux, notamment à l’université : une bonne tradition de formation qui date des années 1950 avec un corps enseignant dont le renom dure encore jusqu’à aujourd’hui. Ce corps enseignant est issu des deux grandes facultés de l’Université de Hué avant la réunification du pays en 1975 : la Faculté des Lettres et celle de Pédagogie. Le Département de français de l’Ecole Supérieure des Langues actuel est la fusion du Département de Français de l’Ecole Normale Supérieure de Hué et de la Section de français du Département des Langues de la Faculté des Sciences au moment de la création de cette école en 2004. C’est une école supérieure spécialisée en langues étrangères et en études des cultures vietnamiennes et internationales.

Cette fusion semblait indispensable pour un renforcement des ressources humaines et matérielles selon la logique normale des regroupements. Or, cela a engendré un certain nombre de problèmes dont les plus visibles restent les efforts de remise à niveau et de mise en commun de la méthode de travail. Car, bien que les établissements exercent les mêmes activités professionnelles (l’enseignement), les spécificités de formation étaient différentes.

Tandis que le premier formait des futurs enseignants pour les écoles primaires et secondaires, le second préparait les étudiants pour les autres métiers qui sont en lien avec le français et dont les débouchés sont assez vagues, vu le manque de planification en amont : guide touristique (c’est parce que l’on parle une langue étrangère que l’on peut devenir guide touristique, parfois sans passer par une formation continue pour l’adaptation

professionnelle), bibliothécaire, enseignant (de français, bien sûr, mais aussi dans d’autres matières si l’enseignant a suivi une formation complémentaire et s’il n’a pas trouvé d’emploi comme enseignant de français à la sortie de l’université), interprète (un travail qui n’a pas beaucoup de débouchés, les contrats sont très peu nombreux et précaires, pour un travail qui ne dure généralement que quelques jours), fonctionnaire (en lien ou non avec la formation universitaire), homme ou femme d’affaires (si il ou elle a eu la chance de suivre une formation supérieure en français en business comme les diplômés du Centre Franco-Vietnamien de Gestion). Tout cela pour dire que l’histoire des formations et de la fusion de ce département n’aboutit pas forcément qu’à de bons résultats en dépit des lacunes que les responsables de cette nouvelle structure ne voient pas ou ne veulent pas reconnaitre.

Ce département de français de Hué, le seul établissement universitaire où l’on forme des francophones dont le français est la langue d’étude et d’exercice professionnel, rassemble des enseignants pédagogiquement très ouverts et bien formés, surtout les jeunes.

Toute une génération « d’excellents francophones » de cette structure est maintenant à la 2013 à 2018 (Source : Département de français de l’Ecole Supérieure des Langues Etrangères de Hué)

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Recrutés Diplômés Recrutés Diplômés Recrutés Diplômés Recrutés Diplômés Recrutés Diplômés Année 2013-2014 Année 2014-2015 Année 2015-2016 Année 2016-2017 Année 2017-2018

Didactique du FLE Tourisme

Outre les formations de français, Hué a aussi développé des formations universitaires dispensées en langue française pour les professions traditionnellement liées à cette langue au Vietnam telles que la médecine, le droit, l'architecture, le tourisme, etc. De nombreux programmes de formation de spécialistes, largement déployés dans le passé et connus sous le nom de « filières francophones universitaires » avec le soutien de l'AUF, ont obtenu de nombreux résultats positifs. Cependant, après le retrait de l'AUF des filières francophones universitaires, l’enseignement en français de matières spécialisées à Hué s’est beaucoup comprimé dans le contexte de la régression générale du français dans le domaine de l'éducation. A l’heure actuelle, en dehors du domaine médical qui maintient encore l’enseignement du français, le programme de co-diplômation en finance-comptabilité entre l’Université de Rennes 1 et l’Ecole des sciences économiques de l’Université de Hué, ainsi que la formation conjointe en ingénierie entre l’Ecole Normale Supérieure de Hué et l’Institut National des Sciences Appliquées (INSA-France), l’enseignement du français dans les domaines spécialisés à Hué a beaucoup diminué. C’est vraiment regrettable pour ce domaine spécifique du français à Hué qui a bâti un fondement souhaitable en ressources humaines pendant plusieurs années, surtout dans le contexte où l'AUF continue à propager son slogan « Le français, langue de réussite en Asie-Pacifique ».

V.2.1. Les études de français

Le développement d’une langue étrangère est nécessairement dû à de nombreux facteurs qui se combinent, à des individus dans la société. C'est un ensemble d'éléments imbriqués.

On peut dire que l'enseignement et l'apprentissage des langues étrangères à tous les niveaux du système éducatif d'un pays sont directement ou indirectement régis par les facteurs suivants, et pas seulement au Vietnam :

- La demande de la société concernant une langue donnée et les facteurs historiques liés à cette langue étrangère. Cette demande peut évoluer avec le temps et l’espace politique, économique et social à petite ou grande échelle.

- La politique des langues étrangères d’un pays et l'impact du marché linguistique sur l'emploi en lien avec cette langue.

- La qualité de l'enseignement secondaire et universitaire (directement liée à la politique en matière de langues étrangères et à la demande du marché du travail), qui affecte directement les qualifications des enseignants, des étudiants et des élèves.

- Les moyens au service de l'apprentissage comprenant principalement les manuels, la méthodologie d'enseignement et l'environnement pratique (qui sont aussi directement affectés par la politique des langues étrangères et le marché du travail).

Cette vision large du problème est nécessaire pour comprendre que les hauts et les bas dans l'enseignement des langues étrangères sont plus ou moins liés à ce qui est mentionné ci-dessus et proviennent des besoins réels. Par conséquent, lors de l'évaluation du développement d'une langue étrangère, il est nécessaire de l’examiner dans cette relation interdépendante. Prenons l'exemple du déclin du russe au Vietnam au début des années 1990 : la demande de la société n'était plus la même et conduisait naturellement à une régression. Un autre exemple qui concerne également les besoins, mais dans le sens opposé est celui lié à l'anglais. C'est peut-être l'exemple le plus évident de l'intervention d'une politique de l’enseignement des langues étrangères pour une langue donnée.

L'opinion publique est très préoccupée depuis plusieurs années par la qualité de l'enseignement des langues étrangères, la plus populaire étant l'anglais, car il s'agit d'une langue étrangère largement enseignée à l'école et qui attire l'attention de la majorité absolue. Ce sont des réactions de la société que découlent les besoins et les intérêts immédiats des gens qui exigent que le Ministère de l’Education et de la Formation entreprenne des réformes sur la méthodologie, la formation et les manuels, c’est-à-dire une planification pour une restructuration complète.

Le français, actuellement considéré comme la deuxième langue la plus populaire après l’anglais au Vietnam, n’est pas non plus épargné par ce fait. Il est également affecté par les facteurs susmentionnés, avec une différence d’ampleur et de popularité. Pour ce qui est des études de français à l’université, avec le déclin du français après une période de fleuraison rattachée aux investissements massifs des organisations et pays francophones, le fait d’avoir des étudiants de bon niveau lors du recrutement est surprenant dans les conditions actuelles. Les élèves de lycée, même s'ils ont une bonne connaissance du français mais voient des opportunités d’emplois supérieures dans une autre discipline, ne seront pas disposés à choisir le français à l'université. De nombreux concours d’éloquence en français à Hué ont sélectionné d'excellents étudiants pour qu’ils deviennent ensuite les ambassadeurs pour les études de français et la promotion de la francophonie locale. Or, lors des concours d’entrée à l’université, ceux-ci choisissent une discipline n’ayant aucun rapport avec le français, mais plus réaliste sur les demandes du marché du travail, et font des études

supérieures dans une localité différente, principalement à Hanoi et Hochiminh-ville, où ces disciplines se développent et promettent de meilleurs emplois. Leur connaissance du français disparaît également au fur et à mesure, cédant la place à l’anglais, langue plus attractive. Dès lors, qui va étudier le français ? Ce sont ceux qui ont moins de choix et le français est parfois leur choix de réserve quand ils n’ont pas de meilleure option.

Extrait 24

En allant à l’université, peu d’amis de cette classe (une classe de français intensif ou classe bilingue) ont continué à étudier le français. Il n’y en avait que 4 qui ont choisi de faire des études de français à l’Ecole Normale Supérieure, quelques autres sont allés au Département de français de la Faculté des Sciences. La plupart d’entre eux ont suivi les études à la Faculté de Tourisme de l’Université de Hué, alors que d’autres sont allés faire des études à Saigon. Il y avait des opportunités d'étudier le français pour ceux qui sont restés à Hué et qui voulaient continuer dans cette voie à l'université. L’AUPELF-UREF proposait la filière francophone du tourisme à l'époque et ceux qui voulaient apprendre le français se sont inscrits dans cette filière. Les amis à Saigon ne continuaient plus leurs études de français, ils ont appris l'anglais.

Interviewé 4, F, 33, Vietnamienne, professeure de français, français-anglais (bilingue français-vietnamien)

Nous voyons que lorsque la demande de la société pour le français est insuffisante, les investissements pour cette langue seront donc moins importants. Les impacts psychologiques sont plus visibles ici, ceux des apprenants et leurs parents, ceux des enseignants, ceux de l'école et des responsables de la mise en place des mécanismes de soutien. Examinons désormais la pratique du français à Hué de nos jours au niveau universitaire pour déceler quels sont les problèmes que rencontre cette langue dans sa diffusion.

V.2.1.1. La qualification des enseignants et les problèmes

Afin de pouvoir évaluer la qualité de la formation universitaire du FLE, non seulement à Hué mais aussi ailleurs au Vietnam, une des premières choses à aborder est la qualification des deux acteurs principaux de la formation, à savoir les enseignants et les étudiants. Ce sont ces deux agents en interaction directe et constante, encadrés par les dispositions logistiques et politiques qui forment essentiellement la qualité de l'enseignement. Ce sont des éléments de référence importants qui servent pour l’élaboration des politiques en matière de développement linguistique et de formation professionnelle ainsi que pour les planifications en vue de l’adaptation aux besoins du marché du travail.