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Chapitre V. Le français dans l’enseignement aujourd’hui

V.1. Le français dans le primaire et le secondaire

V.1.3. Les problèmes

V.1.3.2. La méthodologie et les techniques en classe

Selon une personne interviewée, le plus grand problème du corps enseignant actuel est la pédagogie et le niveau de français. Il y en a qui sont de très bons francophones, mais pas assez bons pédagogues, tandis que les jeunes peuvent avoir une meilleure pédagogie et sont beaucoup plus ouverts, mais moins bons francophones. L’enseignement du français à l’université est traditionnel d’après cette personne, basé sur beaucoup de répétitions. Rares sont les enseignants qui cherchent l’aide d’un matériel pédagogique pour essayer d’enrichir et d’améliorer leurs cours.

Pour ce qui est de l’enseignement dans le secondaire, la problématique est identique, hormis le niveau de français souvent moins bon des enseignants (avec des exceptions car certains enseignants parlent très bien le français). En termes de pédagogie, la pratique en classe reste très traditionnelle, le professeur prend la parole et il est très rare d’avoir des classes où les élèves parlent librement, ils répètent ensemble en classe mais ne comprennent pas souvent ce qu’ils disent. Bien entendu, il y a des exceptions car les classes et les enseignants sont aussi différents, aussi on constate qu’il y a un manque de liberté dans la pratique professionnelle des enseignants.

La durée d’un cours est de 45 minutes, « le temps suffisant pour s’installer et s’énerver contre les élèves » selon une personne interrogée, une ancienne spécialiste de l’AUF chargée de l’enseignement du FLE du secondaire au supérieur et de classes bilingues.

Extrait 19

On travaille très peu en compréhension et expression orale, pratiquement jamais. Comme des perroquets, les élèves répètent tout le temps, ils apprennent par cœur mais ne comprennent pas les mots, rien de ce qu’on dit. Nous n’avons pas beaucoup de temps pour l’expression orale. Ils sont déstabilisés en face d’un Français, ils ne peuvent pas parler30.

Interviewé 18, F, 54, Française, spécialiste en éducation, français-anglais (langue maternelle) Selon plusieurs enquêtés dont les activités professionnelles sont en lien avec l’enseignement du français, celui-ci mériterait d’être entièrement revu, surtout le français LV2. Le programme est trop lourd à la fois pour les élèves et pour les enseignants et il faudrait l’alléger. Il n’est pas indispensable que les élèves apprennent à ce niveau des notions grammaticales compliquées comme le subjonctif par exemple. Il faudrait rendre l’apprentissage plus attrayant et moins rébarbatif car le plus important est de captiver les élèves pour susciter le plaisir d’apprendre et de pratiquer la langue et ne pas leur faire apprendre des connaissances qu’ils n’ont pas l’occasion de pratiquer au quotidien. Cela semble très simple, mais créer une ambiance joyeuse et enthousiaste dans la classe en vue d’inciter l’amour pour la langue chez les élèves devient très difficile avec un tel programme.

D’autres problèmes de l’enseignement dans le secondaire résident dans les techniques pédagogiques et dans la méthodologie. Selon quelques enquêtés, les professeurs sont mal formés en méthodologie. Or, il s’agit de l’enseignement d’une langue vivante (pour les autres matières, on a encore le vietnamien pour expliquer). Les professeurs du secondaire (mais aussi à l’université) « ont recours trop souvent au vietnamien, 70% du cours de français sont faits en vietnamien et même au niveau supérieur, ils font tout et surtout de la grammaire en vietnamien ». Ce sont souvent des cours théoriques très ennuyeux et ils ont souvent recours à la langue maternelle (« ce n’est pas comme ça qu’on peut enseigner une langue »). La raison est simple : avec le vietnamien, on ne fait pas trop d’effort pour expliquer et faciliter la compréhension des élèves.

Concernant les techniques pédagogiques, les problèmes résultent du statut tout puissant et honorable de l’enseignant au Vietnam : « Je suis le savoir, moi je sais tout, toi, tu

30 Nous nous permettons d’ouvrir ici une parenthèse que cette réalité existe non seulement dans le secondaire, mais aussi à l’université selon plusieurs enquêtés ayant des contacts avec des diplômés de français travaillant dans le domaine du tourisme. Une enquêtée a témoigné de ce qui l’a choquée quand elle a rencontré, dans un hôtel, une dame diplômée de français à l’université, mais qui ne connaissait que des expressions apprises, et si l’on déviait des phrases connues, elle était complètement déstabilisée.

ne sais pas ». Or, il y a de nombreux élèves qui savent aussi beaucoup, mieux parfois que les enseignants dans bien des cas. L’attitude des professeurs reproduit la manière dont ils ont été formés, très figée et ne sortant pas du cadre.

Bien entendu, il y a aussi des enseignants qui savent faire autre chose et ils le font bien, mais ils ne sont pas nombreux, parce que cela demande beaucoup de travail à domicile. Concevoir un cours original signifie faire un effort de préparation à la maison, mais les professeurs n’ont pas le temps et ils ont d’autres occupations en parallèle afin d’augmenter leurs revenus, comme des cours privés à la maison (dont les apprenants sont pour la plupart des cas les mêmes élèves qu’ils ont en classe). Ils n’investissent pas beaucoup dans la préparation des cours et si les leçons leur sont fournies clé en main, ils sont satisfaits.

Voici leur explication : Extrait 20

Il y a beaucoup de connaissances (introduites dans les leçons), mais pas assez d’exercices pour les développer, pas suffisamment de pratiques. Pendant une séance de 45 minutes, on doit traiter beaucoup de contenu et on ne peut faire travailler au maximum que 2 exercices pour la session de grammaire. Avec une limitation de temps en classe, l’enseignant ne peut pas développer davantage. Il n'est pas non plus possible pour les élèves de s'auto-étudier après les cours. Même les enseignants ne font pas d’efforts pour découvrir par eux-mêmes. On ne fait des recherches que pendant les heures de cours, mais il faut avoir le réseau pour accéder aux documents en ligne.

Focus group 1

Selon des enquêtés, il y a des professeurs qui ne font faire que l’écrit ou la grammaire parce qu’ils ne peuvent pas enseigner autrement. La raison principale est qu’ils se sentent mal à l’aise ou ne s’estiment pas assez bons à l’oral et ils n’ont pas suffisamment confiance en eux. Enseigner la grammaire ou la conjugaison est une chose facile pour eux, qu’ils maitrisent car cela se fait essentiellement par écrit. De cette façon, ils ne courent pas beaucoup de risques de se tromper et peuvent faire des heures de grammaire parce que c’est réconfortant et rassurant. Or, avoir des discussions avec les élèves est un exercice périlleux car le risque pour un professeur est d’avoir affaire à un élève qui parle bien et qui le mette en situation difficile. Comment réagirait-il dans cette situation ? Il faut revoir la manière d’enseigner la grammaire et alléger cette partie si nécessaire. Il y a des règles importantes qu’il faut bien entendu expliquer, cependant on peut aussi enseigner le français

sans être obligé de donner des explications sur toutes les règles grammaticales, de manière exhaustive. L’apprentissage d’une langue devrait se faire essentiellement par la pratique, c’est ainsi que les connaissances viennent d’elles-mêmes.

V.1.3.3. Les manuels et l’inadéquation entre les méthodes utilisées et le programme