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Résistance acquise des entérocoques provenant des animaux de compagnie

II. RECENSION DES ÉCRITS

3. Antibiorésistance chez les entérocoques

3.1 Résistance naturelle

3.2.2 Résistance acquise des entérocoques provenant des animaux de compagnie

Des programmes de surveillance national et international sur la résistance aux antimicrobiens tels que SENTRY, SCOPE, SWEDRES, SVARM, FAO, DANMAP et NARMS ont été établis pour l’homme et pour les animaux de consommation dans plusieurs régions du monde. Les animaux de compagnie ne sont pas inclus dans de tels programmes malgré plusieurs recommandations à cet égard [25, 402]. Selon l’Association Médicale des Vétérinaires Américains (http://www.avma.org), il y aurait environ 72 millions de chiens et 81 millions de chats dans les foyers américains. Malheureusement, aucune donnée n’est disponible sur la consommation des antibiotiques chez les animaux de compagnie en pratique vétérinaire. Dernièrement, les animaux de compagnie ont été considérés comme réservoir potentiel de bactéries résistantes aux antibiotiques basé sur des cas sporadiques démontrant la transmission de souches bactériennes pathogènes entre les petits animaux et leur propriétaire [403, 404]. Le Centre de la Prévention et du Contrôle des Maladies a énoncé que les groupes immunocompris et les enfants peuvent être à risque de contracter des infections causées par des agents zoonotiques canins (www.cdc.gov/healthypets/animals/dogs.html).

Seulement quelques études s’attardent sur la population d’entérocoques chez les animaux de compagnies et elles ciblent toutes les animaux en santé. Une étude de Guardabassi et al. [25] a observé que les antibiotiques communément utilisés lors du traitement d’infections urinaires chez les petits animaux comprenaient les classes suivantes : bêta-lactamines, céphalosporines, sulfamides, triméthoprimes, phénicols, tétracyclines, nitroimidazoles, quinolones, macrolides et lincosamides. Tandis que dans le cas d’infections du tractus respiratoire, les antibiotiques utilisés sont : pénicillines, bêta-lactamines, tétracyclines, sulfamides, triméthoprimes, phénicols, aminoglycosides et lincosamides. Une étude récente effectuée par Ghosh et al. [405] a caractérisé des entérocoques isolés des matières fécales de chiens aux soins intensifs d’un hôpital vétérinaire afin d’évaluer leur capacité de causer des infections nosocomiales et zoonotiques. Les deux espèces représentées étaient E. faecalis et E. faecium. Chez E.

faecium, de la résistance envers l’enrofloxacin (97.3%), l’ampicilline (96.5%), la

tétracycline (84.1%), la doxycycline (60.2%), l’érythromycine (53.1%), la gentamicine (48.7%), la streptomycine (42.5%) et la nitrofurantoïne (26.5%) a été démontrée. Pour ce qui est de l’espèce E. faecalis, la résistance était commune envers la tétracycline (59.6%), l’érythromycine (56.4%), la doxycycline (53.2%) et l’enrofloxacin (31.9%). Aucune résistance n’a été observée envers la vancomycine, la tigécycline, le linézolide et la quinupristine/dalfopristine chez les deux espèces. Peu d’études comportent des isolats cliniques et déterminent l’occurrence des gènes de résistance aux antibiotiques. Ainsi, dans une étude faite par Jackson et al. en 2010 [24], les auteurs ont déterminé les mécanismes de résistance aux antibiotiques chez des entérocoques résistants isolés de chiens et de chats aux États-Unis. Des entérocoques résistants au chloramphénicol, à la ciprofloxacine, à l’érythromycine, à la gentamicine, à la kanamycine, à la streptomycine, à la lincomycine, à la quinupristine/dalfopristine et à la tétracycline ont été analysés pour la présence des gènes correspondants. Cinq gènes de résistance à la tétracycline (tet(M),

tet(O), tet(L), tet(U)) ont été détectés, dont environ 60% des isolats résistants

possédaient le gène tet(M); erm(B) était largement distribué incluant 96% des entérocoques résistants à l’érythromycine. Récemment, il a été décrit que le gène tet(U) n’était pas un déterminant de résistance envers la tétracycline, mais plutôt un gène codant pour la région 3’ terminale d’une protéine initiatrice de la réplication du plasmide

pKQ10 [406]. Cinq gènes de résistance aux aminoglycosides, dont aph(2’)-Ic, aac(6’)-Ii et ant(4’)-Ia, ont également été détectés chez les isolats résistants à la kanamycine avec la majorité de ceux-ci (69%) ayant le gène aph(3’)-IIIa. Le gène codant pour l’enzyme bifonctionnel de résistance aux aminoglycosides, aac(6’)-Ie-aph(2’’)-Ia, a été détecté chez les isolats résistants à la gentamicine et aadE chez ceux résistants à la streptomycine. La combinaison de gènes de résistance la plus commune chez les entérocoques isolées des chiens (n = 11) était erm(B), aac(6’)-Ie-aph(2’’)-Ia, aph(3’)-

IIIa, tet(M) tandis que tet(O), tet(L) était la plus commune chez les isolats des chats (n =

18) [407]. Il est à noter que la combinaison des gènes erm(B) et vat(E) codant pour la résistance envers les streptogramines a déjà été détectée dans un isolat canin d’E.

faecium résistant à la quinupristine/dalfopristine. De plus, les résistances envers les

macrolides, les lincosamides et les tétracyclines semblent fortement distribuées parmi les entérocoques isolés des animaux de compagnie [408]. Il semble que la résistance à l’antibiotique de dernier recours, la vancomycine, soit assez rare chez les petits animaux [408], mais quelques cas ont déjà été rapportés. Par exemple, une étude de Torres et al. [394], effectué en Espagne, a démontré la présence d’entérocoques intestinaux résistants à la vancomycine (vanA) chez des animaux de compagnie en santé, soit 22.7% des échantillons de leur étude. Ainsi, des données sur les animaux de compagnie sont clairement nécessaires afin de guider les politiques d’utilisation des antibiotiques en pratique vétérinaire et également dans le but d’évaluer le risque de transmission de la résistance aux antimicrobiens vers l’homme.

3.2.3 E. faecalis et E. faecium

On pourrait noter en général que l’espèce E. faecium serait davantage multirésistante contrairement à ce que l’on pourrait observer pour E. faecalis [409]. Une des hypothèses apportées est qu’E. faecalis se serait mieux adapté à son hôte acquiérant ainsi des facteurs de virulence liés à la colonisation lui permettant donc d’infecter, et être responsable de 90% des infections à entérocoques [17]. Par contre, les entérocoques résistants à la vancomycine sont en majorité composée de l’espèce E. faecium et causent des infections nosocomiales [78, 79]. Celle-ci se serait bien adaptée à l’environnement hospitalier où l’on retrouve souvent la présence d’antibiotiques. Chez l’espèce E.

faecalis, on retrouve le système de conjugaison unique de réponse aux phéromones. Les

plasmides faisant partie de ce groupe codent en premier lieu pour la substance agrégative, mais également, très souvent pour d’autres facteurs de virulence importants dans le processus d’une infection. Ainsi, ce système étant presqu’exclusivement associé à l’espèce E. faecalis pourrait également expliquer la plus forte prévalence des facteurs de virulence chez celle-ci [28, 161, 410]. D’un autre côté, de plus en plus d’études démontrent la présence de plusieurs gènes de résistance aux antibiotiques chez ce type de plasmides favorisant ainsi le transfert intra-espèce de ceux-ci [33, 411].

Une des plus récentes découvertes pouvant expliquer cette différence comprend un système de défense bien particulier, le système CRISPR (loci regroupés de courtes répétitions palindromiques à interespaces réguliers). La souche E. faecalis V583 isolée aux États-Unis en 1981 et résistante à la vancomycine, est le premier isolat d’Enterococcus à avoir été séquencé [8]. Les éléments mobiles constituent un quart de son génome et incluent trois plasmides réplicatifs indépendants, trois fragments de plasmides intégrés au chromosome, sept prophages, et un îlot de pathogénie [8, 173]. Il y a également la lignée E. faecium CC17 adaptée aux hôpitaux [84] ayant émergé en 1982 [135] et étant caractérisée par une abondance de gènes acquis, incluant des séquences d’insertion, de l’ADN phagique et des gènes de résistance aux antibiotiques [87]. L’analyse génomique d’un isolat d’E. faecalis naturellement sensible aux antibiotiques provenant d’un échantillon oral humain, soit la souche OG1RF, a révélé que cet entérocoque ne possédait pratiquement aucun ADN exogène ni d’élément mobile tel que détectés chez la souche adaptée aux hôpitaux E. faecalis V583 [77]. Par contre, deux éléments CRISPR ont été identifiés [77]. CRISPR est une séquence d’un système de défense, spécifique aux procaryotes, qui procure une sorte d’immunité acquise [412, 413]. Les détails du fonctionnement sont en émergence, mais en général, un petit segment d’un élément mobile envahissant est incorporé dans la séquence CRISPR entre deux répétitions palindromiques [414, 415]. Ce segment d’élément mobile est ensuite transcrit et traité au travers des palindromes afin de générer un petit ARN nommé crARN [416]. Ce dernier a pour cible les nucléases associés au CRISPR, ceux-ci étant codés par les gènes cas (CRISPR-associated), afin d’empêcher l’entrée d’éléments mobiles correspondant aux segments incorporés dans la séquence CRISPR [414, 416,

417]. Le système de défense CRISPR semble être bien disséminé chez les procaryotes, avec environ 90% et 45% des génomes archeae et bactérien, respectivement, possédant des loci CRISPR [418]. Des deux loci CRISPR découverts dans le génome de la souche

E. faecalis OG1RF, un possède les gènes associés aux nucléases, cas (CRISPR1-cas), et

un autre, est un locus sans gènes cas (CRISPR2) [77]. La souche V583 possède seulement le locus orphelin CRISPR2, n’ayant ainsi pas les gènes cas fonctionnels étant requis par le système de défense CRISPR [419]. De par le potentiel de limiter l’entrée d’éléments génétiques mobiles, l’équipe de Palmer et al. [420], ont déterminé s’il existait une corrélation entre la présence des loci CRISPR et l’émergence de lignées d’entérocoques résistants aux antibiotiques. En utilisant les génomes séquencés connus, jusqu’à étendre l’analyse de collection de souches historiques couvrant les ères avant et après l’introduction des antibiotiques, pour un total de 48 souches d’E. faecalis, ils ont trouvé une forte corrélation entre l’absence de loci CRISPR-cas et l’émergence de souches d’entérocoques multirésistants. Ils ont également émis l’hypothèse que l’utilisation à grande échelle des antibiotiques a permis de sélectionner des souches d’entérocoques étant capables d’acquérir de nouveaux traits, c’est-à-dire ceux ayant un système de défense déficient, amenant ultimement à l’émergence de lignées d’entérocoques remplies de gènes de résistance aux antibiotiques et/ou autres gènes mobiles. Démontrant déjà ainsi une différence dans l’acquisition des gènes de résistance chez l’espèce E. faecalis, il serait donc également intéressant de voir si cette différence est aussi présente entre les espèces E. faecalis et E. faecium. Dans l’étude de Palmer et al. [420], seulement huit isolats de l’espèce E. faecium ont été testés pour la présence de loci CRISPR et deux furent positifs. On ne peut donc conclure que cette espèce est ainsi favorisée dans l’acquisition d’ADN étranger tel que des gènes de résistance aux antibiotiques. Il sera donc intéressant d’étudier, lorsque disponible, une grande collection de souches d’E. faecium afin de mieux caractériser la présence de séquences CRISPR.

3.3 Transfert horizontal de la résistance aux antibiotiques par la