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II. RECENSION DES ÉCRITS

1. Enterococcus faecalis et Enterococcus faecium

1.3 Facteurs de virulence

1.3.1 Facteurs liés à la membrane

1.3.1.2 Protéines de surface extracellulaire

La protéine de surface extracellulaire Esp est associée à la paroi cellulaire. Elle a un poids approximatif de 200 kDa et a été décrite pour la première fois chez les espèces

Enterococcus par Shankar et al. [114]. Le gène esp a un poids moléculaire de 5622 pb et

est fréquemment retrouvé chez les isolats cliniques. Cette protéine semble promouvoir l’adhérence, la colonisation et l’évasion du système immunitaire, et jouerait un certain rôle dans la résistance aux antibiotiques [42]. Des corrélations significatives ont été observées entre la présence du gène esp et la résistance aux antibiotiques chez des souches cliniques E. faecium et E. faecalis [115-117]. Ces résistances étaient envers

l’ampicilline, la ciprofloxacine et l’imipénème chez E. faecium, et envers la doxycycline chez E. faecalis. Esp contribue également à la formation de biofilms chez les entérocoques, lesquels peuvent mener à la résistance aux stress environnementaux et aux antibiotiques, et à une adhérence aux cellules eucaryotes (i.e. tractus urinaire) [118]. Deux espèces, E. faecalis et E. faecium, lorsque de provenance clinique, possèdent fréquemment un îlot de pathogénie contenant le gène esp. Cette observation laisse suggérer que la protéine Esp aurait un rôle dans les infections nosocomiales [114, 119]. L’identité en acides aminés entre les protéines Esp d’E. faecium (Espfm) et E. faecalis

(Espfs) est élevée (> 90 %) [119], suggérant ainsi que les deux protéines ont la même

fonction chez les deux espèces. Elles contiennent toutes deux une séquence signal et un domaine variable en position N-terminale, dont ce dernier étant approximativement formé de 700 acides aminés, suivi de trois domaines répétés désignés A, B et C. Le nombre de répétitions A, B et C dans la protéine Esp, varie d’un isolat à l’autre [114, 119]. L’extrémité C-terminale de la protéine est formée par un motif [Y/F]PXTG, lequel pourrait être reconnu par une sortase, permettant ainsi l’ancrage d’Esp à la paroi cellulaire. Les protéines Esp démontrent une organisation des domaines similaire à celle des protéines de surface α C, Rib, R28 et Bap des streptocoques pathogènes et de

Staphylococcus aureus [120-123]. La fonction de ce groupe de protéines est peu définie,

mais des observations semblent démontrer un rôle de la protéine dans la modulation de la réponse immunitaire envers les bactéries [124]. Il reste à savoir si Esp protège également contre le système immunitaire de l’hôte.

La caractérisation fonctionnelle d’Esp a révélé son rôle dans la formation de biofilm. Une inactivation du gène esp par insertion, tant chez E. faecalis qu’E. faecium, a démontré qu’Esp était impliquée dans l’adhérence initiale et la formation de biofilm après 24h sur des surfaces abiotiques [20, 125]. Des souches E. faecalis négatives pour Esp étaient capables de produire un biofilm après avoir reçues un transfert plasmidique du gène [126]. Les fonctions exactes des différents domaines de la protéine Esp restent encore à déterminer. Cependant, quelques évidences semblent démontrer que le domaine N-terminal aurait un rôle important dans la formation des biofilms. Une souche mutante

E. faecalis exprimant Espfs sans son domaine N-terminal est significativement diminuée dans la formation de biofilm comparativement à la souche sauvage [127]. De plus, un

mutant n’exprimant que le domaine N-terminal à sa surface produit un biofilm similaire à la souche sauvage [127]. L’ajout de la portion N-terminal d’Espfm à des bactéries ayant

une expression élevée de la protéine Esp, bloque l’attachement initial des cellules au polystyrène [87]. Ainsi, ces observations suggèrent que la capacité de formation de biofilm d’Esp est conférée par son domaine N-terminal et que celui-ci est également impliqué dans les infections à entérocoques associées aux biofilms. De plus, le transfert conjugatif semblerait également être impliqué puisque des souches E. faecium qui possèdent le gène espfm ont un taux de conjugaison plus élevé que les souches ne l’ayant

pas [128].

Les pili, exposés à la surface des bactéries à Gram-positif, sont des fibres multimériques de protéines de surface LPXTG. Ils sont polymérisés par une sortase de classe C pour être ensuite immobilisés de façon covalente au peptidoglycan de la paroi cellulaire par une sortase de classe A. L’adhérence aux tissus de l’hôte par les protéines de surface et les pili suivie par la colonisation des muqueuses, sembleraient être les étapes initiales et nécessaires dans l’établissement d’une infection, et seraient un pré- requis à la pathogenèse [129].

C’est au début des années 80 que des structures de type pilus ont été détectées par microscopie à transmission électronique à la surface de la bactérie E. faecalis JH-2 [130]. À ce moment, les gènes impliqués dans l’assemblage du pilus chez les bactéries à Gram-positif étaient encore inconnus. Des travaux récents effectués chez

Corynebacterium, Actinomyces, Bacillus et Streptococcus ont révélé que les enzymes

sortase, liés aux protéines de surface LPXTG, faisant parties du groupe de gènes pilines (GGP), sont exclusivement impliqués dans l’assemblage du pilus [129]. Les GGPs des entérocoques ressemblent à d’autres loci de pilus de bactéries à Gram-positif. E. faecalis possède deux GGPs, l’opéron pili associé aux endocardites et aux biofilms (ebp) et le locus initiateur de biofilm chez les entérocoques (bee) [131, 132]. Le locus bee est localisé sur un plasmide conjugatif et n’a été détecté que sporadiquement (5 %) chez les isolats E. faecalis, tandis que le locus ebp est trouvé de façon ubiquitaire [133]. Contrairement à E. faecalis, E. faecium possède quatre GGPs, lesquels ont été nommés GGP-1 à 4 et sont présents de façon prédominante chez les isolats de patients

hospitalisés [134]. La présence de quatre types distincts de GGPs doit donner un avantage sélectif aux isolats E. faecium. Jusqu’à maintenant, des résultats expérimentaux ont été obtenus seulement pour les protéines EbpA, EbpB et EbpC (E. faecalis), et PilA et PilB (gènes fms; E. faecium), lesquels ont montré que ces protéines pouvaient s’assembler en un appendice de haut poids moléculaire à la surface de la bactérie [131, 134, 135]. Dans le cas de l’espèce E. faecalis, l’assemblage du pilus Ebp est dépendant de la sortase SrtC, tandis que son expression est dépendante du régulateur transcriptionnelle, EpbR [136]. Il semblerait que les sous-unités majeures des pili, chez

E. faecalis et E. faecium, sont les protéines EbpC, PilA et PilB tel qu’observé par

microscopie à transmission immunoélectronique. Par contre, ce ne seraient pas tous les entérocoques observés qui exprimeraient le pilus. Les différences dans l’expression du pilus à la surface des bactéries laissent suggérer qu’un mécanisme épigénétique serait impliqué, tels que pour les pili associés à la pyélonéphrite chez Escherichia coli [137].

Des expérimentations animales, par l’utilisation de mutants, ont montré un rôle du pilus Ebp de souches E. faecalis durant les infections du tractus urinaire et les endocardites, lesquelles sont toutes deux des infections associées à la formation de biofilm [138, 139]. Le rôle des pili E. faecium de type PilA et PilB dans la pathogenèse des infections doit être encore étudié. Cependant, l’expression de ces pili à 37°C et non à 21°C [134], et la forte similarité avec les gènes du locus ebp d’E. faecalis, suggèrent la possibilité d’un rôle dans l’interaction à un hôte mammifère. De plus, une étude récente [135] a observé que les gènes associés à PilA et PilB (fms) semblaient être des marqueurs précoces du génogroupe CC17 aux États-Unis contrairement au gène esp qui aurait été acquis à différents moments lors de l’évolution de ce génogroupe. Ainsi, ces pili auraient potentiellement un rôle important chez les clones adaptés à l’environnement hospitalier.