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Méthodes génotypiques de détection de la résistance aux antibiotiques

II. RECENSION DES ÉCRITS

1. Enterococcus faecalis et Enterococcus faecium

1.4 Microorganismes indicateurs de résistance aux antibiotiques

1.4.3 Méthodes génotypiques de détection de la résistance aux antibiotiques

piliers de la détection de la résistance aux antibiotiques étaient, et sont encore, les tests phénotypiques. Des tests de susceptibilité in vitro relativement simples ont été développés et permettent habituellement de prédire l’efficacité d’un traitement aux antibiotiques in vivo. Dans certains cas, ces tests ne sont pas suffisants. Un exemple est la résistance aux céphalosporines de troisième génération causée par des bêta-lactamases à spectre étendu (ESBLs) souvent associés aux souches de Klebsiella pneumoniae et

d’Escherichia coli. Les tests de susceptibilité in vitro de routine peuvent démontrer une susceptibilité à certains de ces antibiotiques, mais la thérapie a une forte probabilité de ne pas fonctionner et des tests in vitro phénotypiques et moléculaires additionnels ont été développés afin de détecter les ESBLs [257, 258].

La méthodologie PCR a rendu possible la détection de chaque gène dont la séquence est connue. En fait, pour tous ou pratiquement tous les gènes de résistance, des tests PCR ont été décrits. Cependant, la disponibilité de nouvelles méthodes moléculaires ne veut pas dire par définition qu’ils sont une amélioration envers les méthodes phénotypiques in vitro existantes [259]. Un inconvénient majeur des méthodes moléculaires est que le mécanisme génétique responsable de la résistance doit être connu. Si ce mécanisme n’est pas connu, aucun essai moléculaire approprié ne peut être développé. Il est également important de constater que lorsque les méthodes moléculaires sont utilisées seules, la résistance causée par de nouveaux mécanismes génétiques ne sera pas détectée. De plus, même si la présence d’un gène codant pour de la résistance aux antibiotiques est détectée, celle-ci ne signifie pas nécessairement qu’elle confère un phénotype de résistance [259].

Le PCR est aujourd’hui une méthode faisant partie intégrante des outils moléculaires. Un inconvénient de cette méthode est son extrême sensibilité et donc sa susceptibilité à la contamination et aux résultats faux-positifs. Fréquemment, la détection de multiples gènes peut se faire dans un seul PCR, nommé PCR multiplex [259]. Un nombre de dérivés sur le thème du PCR ont été développés. Le plus commun est le PCR en temps réel (rtPCR). Dans un rtPCR, le processus d’amplification peut être suivi au fur et à mesure, lorsqu’un marqueur fluorescent ou une sonde marquée à un fluorochrome est ajouté à la réaction PCR permettant ainsi de quantifier le nombre d’amplicons générés pendant la réaction [260].

Pratiquement toutes les méthodes moléculaires utilisées pour détecter les gènes de résistance sont basées soit sur l’hybridation, l’amplification ou le séquençage de l’ADN. Par définition, les différents gènes possèdent des séquences d’ADN différentes. En principe, il devrait être possible de sélectionner des séquences d’ADN unique pour des gènes de résistance en particulier, et utiliser l’hybridation pour détecter la présence de ces gènes. Les biopuces utilisent le principe d’hybridation, mais à grande échelle. Les

biopuces utilisent des fragments d’ADN spécifiques pour des gènes d’intérêt ou des oligonucléotides. L’ADN bactérien devant être analysé pour des gènes spécifiques (par exemple les gènes de résistance aux antibiotiques) est marqué et hybridé avec les séquences. Une variation utilise des oligonucléotides sur une biopuce afin de détecter la présence de mutations ponctuelles résultant en un phénotype de résistance. Les biopuces à ADN ont été utilisées avec succès dans différentes études de génotypages et de détection des gènes de résistance aux antibiotiques [261-267]. Récemment, Garneau et al. [266] ont mis au point une biopuce à ADN afin de cibler les gènes de résistance aux antibiotiques acquis étant retrouvés dans un large spectre de bactéries. Cette biopuce contient 182 sondes correspondant à 166 gènes de résistance aux antibiotiques et leurs variants retrouvés dans différentes souches de bactéries à Gram-positif et à Gram- négatif. Afin de mieux comprendre les mécanismes et l’épidémiologie de la résistance aux antimicrobiens, les éléments génétiques responsables doivent être identifiés. Pour y arriver, Frye et al. [268] ont identifié les gènes de résistance dans la base de données GenBank (NCBI) et les ont compilés en une liste de 775 gènes. Ainsi, une biopuce a été conçue ciblant ces gènes codant pour les résistances envers les aminoglycosides, les bêta-lactamines, les phénicoles, les glycopeptides, les métaux lourds, les lincosamides, les macrolides, les métronidazoles, les polyketides, les ammoniums quaternaires, les streptogramines, les sulfamides, les tétracyclines, et les triméthoprimes ainsi que les gènes responsables du transfert horizontal. Leurs résultats semblent démontrer la possibilité de détecter virtuellement tous les gènes de résistance aux antimicrobiens et ce, peu importe l’espèce bactérienne [268]. Une biopuce à ADN ciblant les gènes des entérocoques (Enteroarray) a été conçue par l’équipe du Dr. Masson [263]. Celle-ci contient des sondes ciblant quatre identifiants taxonomiques à l’espèce qui permettent de discriminer 18 espèces différentes d’entérocoques. D’autres sondes ont été conçues afin d’identifier 18 facteurs de virulence et 174 gènes de résistance aux antibiotiques. Au total, 262 gènes ont été utilisés pour une identification rapide des isolats d’entérocoques, tout en caractérisant leur potentiel de virulence via une identification simultanée des gènes de résistance aux antibiotiques et de virulence endogènes [263].

Par ailleurs, le séquençage de l’ADN reste la méthode standard pour la détection de mutations ponctuelles. Jusqu’à récemment, le séquençage de l’ADN était basé presqu’exclusivement sur la méthode développée par Sanger. Le principe de cette méthode consiste à initier la polymérisation de l’ADN à l’aide d’une amorce complémentaire à une partie du fragment d’ADN à séquencer. Une nouvelle méthode est le pyroséquençage [269]. Les nucléotides sont ajoutés séquentiellement dans le processus. Lorsque le premier des quatre nucléotides est complémentaire à la matrice d’ADN, l’ADN polymérase va l’incorporer dans le nouveau brin. Ainsi, une molécule de pyrophosphate est relâchée pour chaque nucléotide incorporé. Le pyrophosphate est ensuite converti en ATP par une sulfurylase. Puis, il y a la luciférase qui va utiliser l’ATP comme substrat afin de générer un signal, lequel est détecté par un système de caméra sensible. L’émission ou l’absence de lumière après l’addition de chaque nucléotide est convertie en séquence d’ADN par un logiciel. Grâce à cette technique, 40 à 50 nucléotides par fragment peuvent être lus [269]. Une des dernières technologies émergentes et en pleine expansion consiste en l’analyse métagénomique [270]. Cette méthode consiste à étudier le contenu génétique d’un échantillon issu d’un environnement complexe (intestin, sols, eau, etc.) trouvé dans la nature, contrairement à des échantillons cultivés en laboratoire. Le but de cette technique, se faisant par un séquençage direct de l’ADN présent dans l’échantillon, est d’avoir une description de la composition structurelle et fonctionnelle de l’échantillon. Un séquençage à haut débit est alors utilisé. Ce type de séquençage permet d’amplifier spécifiquement un fragment d’ADN isolé, par exemple, dans des microgouttes d’huile ou par fixation sur lame [270]. Ainsi, cette technique pourrait aider à mieux comprendre et gérer la dissémination et l’impact des gènes de résistance aux antibiotiques dans des environnements complexes tels que la flore gastrointestinale en évitant ainsi le passage par des méthodes de culture en laboratoire.

Les techniques moléculaires offrent la possibilité de déterminer les profils de résistance aux antibiotiques plus rapidement tant chez les microorganismes à croissance lente que ceux étant difficiles à faire croître in vitro. Cet avantage devient de plus en plus important avec l’augmentation de la résistance aux antibiotiques, laquelle

compromet les options disponibles pour le traitement des infections [259]. Les techniques moléculaires ont été décrites pour la détection de la résistance aux antibiotiques envers un grand nombre de déterminants de résistance et un large éventail d’espèces bactériennes. Malgré les possibilités offertes par les techniques moléculaires, leur utilisation est souvent limitée à la recherche scientifique et leur mise en place dans les tests diagnostiques de routine peut être problématique. Un certain nombre de raisons sont en cause : (i) le coût des tests moléculaires est considérablement plus élevé que celui des tests phénotypiques; (ii) le nombre de tests commerciaux disponibles est limité; (iii) la conception et la validation d’un nouvel essai nécessite une expertise technique et microbiologique considérable, spécialement lorsque le test moléculaire semble plus sensible que la méthode standard existante; et (iv) les organismes sont souvent multi- résistants et de nombreux gènes ou mutations ponctuelles sont impliqués [259]. Dans ce dernier cas, on a qu’à penser au développement de la multirésistance chez Pseudomonas

aeruginosa [271]. La multirésistance aux antibiotiques reflète souvent une combinaison

de plusieurs mécanismes de résistance. Les pompes à efflux sont des composantes communes chez les isolats multirésistants de P. aeruginosa. Elles préviennent l’accumulation d’agents antibactériens dans la bactérie en expulsant l’antibiotique de la cellule avant qu’il n’ait l’opportunité d’atteindre la concentration adéquate au site d’action. Les pompes à efflux travaillent souvent en complémentarité avec la perméabilité limitée de la membrane externe de P. aeruginosa afin de produire de la résistance envers les bêta-lactamines, les fluoroquinolones, la tétracycline, le chloramphénicol, les macrolides, le triméthoprime et les aminoglycosides [272, 273]. Ainsi, ces multiples mécanismes de résistance aux antibiotiques sont un exemple de ce qui peut être difficile, voire impossible, à identifier par de simples tests phénotypiques.