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Résistance acquise des entérocoques d’origine aviaire et porcine

II. RECENSION DES ÉCRITS

3. Antibiorésistance chez les entérocoques

3.1 Résistance naturelle

3.2.1 Résistance acquise des entérocoques d’origine aviaire et porcine

C’est au cours des années 40 et au début des années 50 que les producteurs d’animaux de consommation se sont aperçus de l’effet bénéfique des aliments supplémentés, avec divers agents antimicrobiens, sur le taux de croissance des animaux. Dans les années 50, les antibiotiques ont été ajoutés aux aliments commerciaux destinés à la volaille, le bovin et le porc aux États-Unis [382], et cela est devenu une pratique commune à travers le monde. Plusieurs agents antimicrobiens utilisés en tant que promoteur de croissance chez les animaux sont similaires ou identiques à ceux retrouvés en thérapie humaine. Ceci représente un danger potentiel ou établi pour la santé humaine dû au risque de transfert de bactéries résistantes, ayant des gènes de résistance, allant des animaux de production vers l’homme [16]. Par contre, selon établit par Santé Canada, les usages vétérinaires des promoteurs de croissance sont principalement des antibiotiques de catégorie II et III (niveau d’importance en médecine humaine) et que la catégorie I est utilisée qu’en dernier recours en élevage afin d’éliminer ce genre de situation (Tableau XIV) [383].

Tableau XIV. Liste des principales substances antimicrobiennes utilisées comme facteur de croissance chez le porc à l’engraissement au Québec [384].

Antimicrobien Classe Catégorie (en lien avec les usages humains)A Utilisation comme AFC (% des prescriptions)B

Virginiamycine Streptogramines I 0,8

Tylosine Macrolides II 74,4

Bacitracine Polypeptides III 14,9

Salinomycine Ionophores IV 7,4

Bambermycine C Flavophospholipols IV 2,5

A Classification des antibiotiques selon leur importance en médecine humaine selon Santé Canada (voir

aussi la section 2.4 de ce rapport).

B Intensité d’utilisation des antibiotiques comme facteur de croissance dans 188 lots de porcs issus de 65

fermes porcines québécoises (Épidémio-Qualité inc., 2006).

C La Bambermycine est un antibiotique de la famille des flavophospholipols. Cet antibiotique est

homologué au Canada comme facteur de croissance chez la volaille, mais pas chez le porc. Elle est occasionnellement prescrite chez le porc pour le contrôle des salmonelles.

Les tableaux XV et XVI démontrent et résument les nombreux mécanismes de résistance ayant été acquis par E. faecalis et E. faecium chez le porc et la volaille jusqu’à ce jour, et ce, peu importe le pays d’origine.

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Tableau XV. Résistance observée chez les E. faecalis du porc et de la volaille [264, 325, 385-395].

Classe antibiotique Phénotype Génotype Mécanisme résistance Localisation Chez volaille (○) porc (●)

Aminoglycoside Streptomycine, kanamycine, gentamicine, spectinomycine, streptothricine aac(6’)-Ie-aph(2”)-Ia, aph(3’)-IIIa, aadE, aadA, sat(4) Modification enzymatique (adényl-, phospho-, acétyltransférase) Plasmide, intégron ● ○

Ionophore Narasin, salinomycine ND ND ND ● ○

Glycopeptide Vancomycine, avoparcine vanA (peptidoglycan) Cible altérée Transposon, plasmide ● ○

Glycophospholipide Flavomycine ND ND ND ● ○

Macrolide Tylosine, érythromycine erm(C), msrC, mef(A/E) erm(B), erm(A), Cible altérée (méthylation), pompe à efflux Chromosome Transposon, ● ○ Orthosomycine Avilamycine, evernimicine emtA Cible altérée (méthylation ribosome) Transposon, plasmide ● ○ Phénicole Chloramphénicol cat-pIP501, cat-pSBK, catA Dégradation enzymatique (CAT) Plasmide, chromosome ● ○ Polypeptide Bacitracine bcrRABD surproduction cible Pompe à efflux, Plasmide ● ○

Quinolone Ciprofloxacine, enrofloxacine gyrA, parC, emeA

Cible altérée (ADN gyrase, topoisomérase IV), pompe

à efflux Chromosome ● ○ Streptogramine quinupristine-dalfopristine Virginiamycine, vat(E) Dégradation enzymatique (Acetyltransférase) Plasmide ●

Tétracycline Tétracycline tet(L), tet(M), tet(O), tet(S), tet(W), tet(A)

Pompe à efflux, protection et cible altérée (modification site liaison

ribosome)

Plasmide, chromosome ● ○

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Tableau XVI. Résistance observée chez les E. faecium du porc et de la volaille [264, 325, 385, 386, 391-393, 396-398].

Classe antibiotique Phénotype Génotype Mécanisme résistance Localisation Chez volaille (○) porc (●)

Aminoglycoside Streptomycine, kanamycine, tobramycine, gentamicine, streptothricine, spectinomycine aac(6’)-Ie-aph(2”)-Ia, aac(6’), aph(3’)-IIIa, aadE,

aadA, sat(4), aad9, aadB

Modification enzymatique (adényl-, phospho-,

acétyltransférase) Plasmide ● ○ Bêta-lactamine Pénicilline, ampicilline pbp5 Cible altérée (mutation) et surproduction Chromosome ● ○ Glycopeptide Vancomycine, avoparcine vanA, vanB Cible altérée (peptidoglycan) Transposon, plasmide ● ○

Ionophore Narasin, salinomycine ND ND ND ● ○

Macrolide Tylosine, érythromycine erm(B), erm(A), msrC, mef(A) Cible altérée (méthylation), pompe à efflux chromosome Transposon, ● ○ Orthosomycine Avilamycine, evernimicine emtA Cible altérée (méthylation ribosome) Transposon, plasmide ● ○ Phénicole Chloramphénicol cat-pIP501, cat-pSBK, catA Dégradation enzymatique (CAT) Plasmide, chromosome ● ○ Polypeptide Bacitracine bcrRABD surproduction cible Pompe à efflux, Plasmide ● ○ Quinolone Ciprofloxacine gyrA, parC Cible altérée (mutation site liaison) Chromosome ● ○ Streptogramine quinupristine-dalfopristine Virginiamycine, vat(D), vat(E), vat(G), vga(D), vat(H) (Acetyltransférase), pompe à Dégradation enzymatique

efflux

Plasmide ● ○

Tétracycline Tétracycline, oxytétracycline tet(L), tet(M), tet(O), tet(S) Pompe à efflux, cible altérée (modification site liaison

ribosome) Plasmide, chromosome ● ○

Il faut savoir que les résistances phénotypiques observées dépendront du pays d’origine des isolats et des antibiotiques y étant utilisés [399]. De plus, l’espèce étudiée aura un impact sur les données de résistances acquises. Afin d’y aller plus simplement, j’utiliserai les données disponibles au Canada, soit du programme intégré canadien de surveillance de la résistance aux antimicrobiens (PICRA). Ce programme observe et surveille les phénotypes de résistance aux antibiotiques chez le genre Enterococcus spp. au niveau de la viande au détail du poulet, et à la ferme chez le porc. Pour ce dernier, les données n’existent que depuis l’année 2006. Selon le dernier rapport disponible (2008), nous avons également accès aux données concernant l’utilisation des antibiotiques chez le porc, soit la quantité de troupeaux les utilisant (par classe ou par antibiotique), mais également la quantité d’antibiotiques utilisés par voie d’administration (aliments, eau, injection) et par type d’utilisation (traitement de la maladie, prévention de la maladie, promoteur de croissance) [383]. Il est important de noter que le programme ne comporte pour l’instant que 96 troupeaux incluant la participation de 23 vétérinaires. C’est donc une représentation partielle de la situation au Canada.

Ainsi, les classes d’antibiotiques les plus utilisés chez le porc sont les macrolides/lincosamides suivi des pénicillines et finalement, les tétracyclines [383]. Il n’est donc pas surprenant d’observer que les profils de résistance les plus communs, peu importe l’espèce Enterococcus, sont la tétracycline seule, l’érythromycine, kanamycine, streptomycine, tétracycline et tylosine, et l’érythromycine, tétracycline et tylosine. Si l’on regarde plus spécifiquement au niveau de l’espèce, chez E. faecalis, l’occurrence de la résistance en ordre croissant consiste à : pénicilline, nitrofurantoïne, ciprofloxacine, gentamicine, chloramphénicol, kanamycine, streptomycine, érythromycine, tylosine, tétracycline. Chez les 1250 isolats identifiés, aucune résistance n’a été démontrée envers la vancomycine, la tigécycline, la daptomycine et le linezolide. Un fait intéressant à remarquer est que 80.3% des isolats E. faecalis démontrent de la résistance face à deux jusqu’à cinq classes d’antibiotiques. Malgré un nombre plus faible d’isolats identifiés comme étant E. faecium (n = 45), de la résistance face à 2 jusqu’à 9 classes d’antibiotiques a pu être observée. On peut également noter que l’occurrence de la résistance en ordre croissant n’est pas la même que pour l’espèce E. faecalis, soit : nitrofurantoïne, pénicilline, quinupristine-dalfopristine, streptomycine, tylosine,

érythromycine, ciprofloxacine, kanamycine, tétracycline, lincomycine. Chez les 45 isolats identifiés E. faecium, aucun n’étaient résistant à la gentamicine (concentration élevée), la vancomycine, la tigécycline, la daptomycine, le linézolide et le chloramphénicol [400].

Les profils de résistance les plus communs ayant été décrits chez les isolats

Enterococcus spp. de la viande au détail de poulet sont envers la tétracycline seule, et

l’érythromycine, tétracycline, tylosine. À l’espèce, moins d’isolats d’E. faecalis et E.

faecium ont été identifiés que chez le porc, soient 426 et 8 respectivement. Malgré tout,

de la multi-résistance (allant de 2 à 9 classes) est observée chez 57.8% des isolats d’E.

faecalis et E. faecium, confondus. L’occurrence de la résistance en ordre croissant chez E. faecalis consiste à : nitrofurantoïne, ciprofloxacine, chloramphénicol, gentamicine,

kanamycine, streptomycine, érythromycine, tylosine et tétracycline. Aucune résistance envers la vancomycine, la tigécycline, la daptomycine, le linézolide et la pénicilline n’a été observée. Pour E. faecium, en plus de ceux nommés précédemment, aucune résistance à la gentamicine et le chloramphénicol n’a également été observée. L’occurrence de la résistance en ordre croissant n’est pas la même que pour l’espèce E.

faecalis, tel qu’observée chez les isolats du porc, soit : kanamycine, tylosine,

érythromycine, nitrofurantoïne, pénicilline, ciprofloxacine, tétracycline, streptomycine, quinupristine-dalfopristine et lincomycine [400].

Un seul article canadien, paru récemment [264], a caractérisé la présence de gènes de résistance aux antibiotiques chez des isolats Enterococcus du poulet. Cette étude consistait à l’échantillonnage de fèces et de ceca de poulet provenant de neuf fermes commerciales en Colombie-Britannique. De ces échantillons, 74% (n = 51) furent identifiés comme étant E. faecium tandis que 10% (n = 7) représentaient l’espèce

E. faecalis. La multi-résistance a été grandement observée chez ces deux espèces dont le

phénotype de multi-résistance le plus commun envers la bacitracine, l’érythromycine, la tylosine, la lincomycine, la streptomycine, la gentamicine, la tétracycline et le ciprofloxacine. La détection des gènes de résistance aux antibiotiques a été effectuée grâce à l’utilisation d’une biopuce à ADN spécifique à Enterococcus spp. contenant 174

oligonucléotides codant pour ces résistances. Les gènes conférant de la résistance aux aminoglycosides (aac(6’), aph(3’)-IIIa, sat(4)), aux macrolides (erm(B), erm(AM),

msrC), aux tétracyclines (tet(L), tet(M), tet(O)), aux streptogramines (vat(E)), à la

bacitracine (bcrR), et aux lincosamides (linB) ont été détectés dans les phénotypes correspondants. Les gènes de résistance à la bacitracine et aux macrolides, bcrR et

erm(AM) respectivement, ont été retrouvés chez tous les isolats E. faecalis. Tous les

isolats résistants à la tétracycline contenaient la combinaison des gènes tet(L) et tet(M). Les gènes de résistance les plus prévalents chez E. faecium étaient aac(6’) pour la résistance aux aminoglycosides, tet(M) et tet(L) conférant la résistance aux tétracyclines,

msrC impliqué dans la résistance aux macrolides et streptogramines B, bcrR pour la

résistance à la bacitracine et vat(E) pour la résistance aux streptogramines. La combinaison des gènes de résistance la plus fréquemment détectée était bcrR, erm(AM),

erm(B), msrC, linB, sat(4), aac(6’), aph(3’)-IIIa, tet(L), tet(M), vat(E). Les gènes msrC

et linB étaient significativement associés à l’espèce E. faecium [264].

Une seule étude rapporte la résistance aux antibiotiques chez des isolats E.

faecalis provenant d’un abattoir et d’usine de transformation du porc au Canada [401].

Un total de 200 échantillons ont été prélevé suite à la saignée des carcasses et de leur pasteurisation, et au niveau de la viande de porc au détail. L’espèce E. faecalis a principalement été identifiée au niveau des échantillons de sang. De la résistance envers la ciprofloxacine, la daptomycine, la kanamycine et la streptomycine a été observée et la multirésistance (5 ou plus) a été détectée majoritairement chez les isolats provenant du sang [401]. Les gènes de résistance, ayant été le plus souvent détectés, étaient envers les aminoglycosides (aac(6’), aph(3’)-IIIa et aadE), les macrolides-lincosamide (erm(B),

erm(A), sat(4) et linB) et les tétracyclines (tet(L), tet(M) et tet(O)) [401]. Aux États-

Unis, une étude à grande échelle rapporte la présence de gènes de résistance aux antibiotiques chez des isolats provenant d’échantillons de fèces de porcs sélectionnés à partir de 87 sites de production porcine dans sept états différents [265]. Un total de 49 isolats Enterococcus, dont 28 E. faecalis et trois E. faecium, ont été utilisés pour l’analyse par biopuce à ADN, contenant 775 oligonucléotides reliés à la résistance aux antibiotiques. Les autres espèces détectées et analysées étaient E. durans (n = 2), E.

gallinarum (n = 1). Le gène de résistance envers les aminoglycosides ayant été le plus

détecté était aphA3. Le gène de résistance aux lincosamides, linB, a été détecté dans seulement six isolats. Le gène de résistance aux macrolides le plus fréquemment décelé était erm(B), soit dans 26 isolats. Le gène de résistance au chloramphénicol, cat, a également été observé. Plusieurs gènes de résistance aux tétracyclines ont été détectés soient tet(O) (n = 27), tet(M) (n = 23), tet(W) (n = 10) et tet(A) (n = 6) [265]. Ainsi, encore une fois, les gènes de résistance aux macrolides et aux tétracyclines, erm(B),

tet(O) et tet(M) respectivement, sont ceux les plus fréquemment observés chez E. faecalis et E. faecium.

Ces études démontrent l’intérêt d’utiliser les biopuces à ADN dans l’analyse et la caractérisation au niveau moléculaire de la résistance aux antibiotiques dans les populations bactériennes grâce à leur grande diversité et contenu en gènes permettant ainsi une détection simultanée de ceux-ci.

3.2.2 Résistance acquise des entérocoques provenant des animaux de