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II. RECENSION DES ÉCRITS

2. Antibiotiques et antibiorésistance

2.2 Résistance aux antibiotiques

2.2.3 Éléments génétiques mobiles

2.2.3.1 Plasmides

2.2.3.1.1 Plasmides répondant aux phéromones

Le système de conjugaison permet une dissémination plasmidique efficace dans la population bactérienne. Il y a plusieurs autres modules fonctionnels présents sur les plasmides et essentiels pour leur stabilité dans la bactérie, tels que la réplication, la partition et les systèmes de stabilisation. En résumé, chaque plasmide contient au moins une séquence d’ADN qui sert d’origine de réplication. Celle-ci permet à l’ADN plasmidique d’être dupliqué de façon indépendante du chromosome bactérien. Ensuite, la partition des plasmides se définie comme étant le processus par lequel un plasmide nouvellement répliqué est distribué de façon appropriée à la cellule fille durant la division cellulaire. La stabilité d’un plasmide est influencée par le nombre de copies du plasmide dans la bactérie. Cette caractéristique permet le maintien de l’élément génétique dans la cellule durant la division cellulaire [350].

Les quatre plasmides répondant aux phéromones les plus étudiés, pCF10, pAD1, pAM373 et pPD1, ont servis pour les analyses de la machinerie de réplication. Les déterminants clés de ces plasmides sont repA, repB et repC. RepA joue un rôle en tant que protéine initiatrice de la réplication et ressemble à une famille de protéines codées par plusieurs plasmides faibles en nombre de copies chez les bactéries à Gram-positif

démontrant une réplication de type têta [351]. Les protéines RepB et RepC représentent un système de partition [333]. Les plasmides répondant aux phéromones pAD1, pCF10, pAM373, pPD1, pTEF1 et pTEF2 font parties de la famille de réplicons RepA_N. Cette famille est distribuée dans plusieurs bactéries à Gram-positif faible en G+C autres que les entérocoques telles que les staphylocoques, les lactocoques, les streptocoques et autres, et même dans quelques phages [339]. Elle démontre une spécificité d’hôte élevée. Ceci indique que son évolution a pris place dans les hôtes natifs avec un nombre limité d’échanges génétiques entre les différents éléments de cette même famille. Les gènes codant pour les protéines initiatrices, nommés oriV, présentent des répétitions dans la région centrale et servent d’origine de réplication. Cette région oriV, de différents plasmides répondant aux phéromones, démontre une variabilité de séquence dans les répétitions. pCF10 et pPD1 sont des exemples intéressants de plasmides compatibles avec des séquences oriV se différençiant par un seul nucléotide. Ceci suggère un rôle de cette région en tant que déterminant d’incompatibilité et fournirait une bonne explication de la coexistence de plusieurs plasmides répondant aux phéromones dans une même bactérie.

Les déterminants repB et repC, adjacents au gène repA, sont requis pour une stabilisation maximale du réplicon [352]. Les séries de courtes répétitions, appelées itérons, entourent la région codante repBC. Leur séquence et leur arrangement varient selon les différents plasmides [333]. Le mécanisme d’action de RepBC est la formation de complexe RepC-itéron suivi d’une liaison de RepB ATPase, ce qui semblerait faciliter la connexion entre le complexe de partition et l’appareil de ségrégation de l’hôte, tel que suggéré dans d’autres systèmes de partition [353].

Un autre mécanisme, nommé système de dépendance ou toxine-antitoxine (STT), codé par plusieurs plasmides, prévient la perte du ou des plasmides par la population bactérienne. Deux types de STT peuvent être distingués selon leurs composantes. Le système dit « protéique » consiste en une toxine stable et une antitoxine instable. Tandis que le second type est dit « ARN », et consiste en une protéine jouant le rôle de toxine versus une molécule ARN, transcrite à partir du brin antisens de l’ADN, étant l’antitoxine. La traduction de la toxine à partir de l’ARNm est bloquée en présence de l’antitoxine ARN homologue par la formation d’un duplexe. Ce dernier est par la suite

dégradé par l’ARNase de la bactérie. Les bactéries n’ayant pas le plasmide sont tuées par la toxine traduite en l’absence de l’ARN antitoxine [350]. Parmi les STT des plasmides répondant aux phéromones, le locus par de pAD1 est le mieux caractérisé. Il représente un système de dépendance de type « ARN » inhabituel par lequel la liaison de deux ARNs mène à la formation d’un complexe très stable plutôt qu’à la dégradation de l’ARN [354]. La régulation du locus par est basée sur de petites régions homologues entre deux transcrits : ARNI (transcrit pour la toxine Fst) et ARNII (petit ARN antisens). Ils sont transcrits de façon convergente, et se chevauchent en 3’ aux sites de terminaison de transcription bidirectionnelle et en 5’, où des répétitions directes similaires sont présentes. Ces régions homologues résultent en la formation de complexes ARNI-ARNII stables et inhibent l’expression de Fst. L’ARNI, inhibé au niveau de la traduction, s’accumule dans la cellule. Lorsque le réplicon du plasmide est perdu, moins d’ARNII stable est dégradé et l’expression de la protéine Fst mène à la perméabilisation de la membrane et arrête la synthèse de macromolécules, causant ainsi la mort de la bactérie [355]. Les plasmides répondant aux phéromones décrits jusqu’à présent, sont présentés dans le tableau X.

Tableau X : Plasmides répondant aux phéromones retrouvés chez E. faecalis et E.

faecium (adapté de [356] [296, 302]).

Plasmide Hôte original Taille (kb) Résistances

pCF10 E. faecalis SF-7 65 TcR

pBEM10 E. faecalis HH2 70 Bla+, CmR, KmR, TmR

pAM323 E. faecalis HH2 66 EmR pHKK100 E. faecium 228 55 VanA pHKK701 E. faecium R7 92 VanA pBRG1 E. faecium LS10 50 VanA pSL1, pSL2 E. faecalis KV1 E. faecalis KV2 128 VanA, GmR, KmR, SmR, EmR

pAM368 E. faecalis 368 107 VanA

pMG2200 E. faecalis NKH15 106,5 VanB

pMG2201 E. faecalis NKH15 65,7 EmR

pTW9 E. faecalis 85 BcR, VanA, MLSR

pAMS1 E. faecalis MC4 130 CmR, SmR, TcR, Bac

Plasmide Hôte original Taille (kb) Phénotypes

pAD1 E. faecalis DS16 60 Hly/Bac, UVR

pPD1 E. faecalis 39-5 56 Bac21 (AS-48)

pAM373 E. faecalis RC73 36 ---

pOB1 E. faecalis 5952 71 Hly/Bac

pJH2 E. faecalis JH1 59 Hly/Bac

pIP964 E. faecalis 65 Hly/Bac

pMB1 E. faecalis S-48 90 Bac (Bc-48)

pMB2 E. faecalis S-48 56 AS-48 (Bac21)

pYI1 E. faecalis 58 Hly/Bac

pYI2 E. faecalis 56 Hly/Bac

pYI14 E. faecalis YI714 61 Bac41

pYI17 E. faecalis YI717 58 Bac31

pAM1 E. faecalis DS5 60 Hly/Bac, UVR

pAM2 E. faecalis DS5 Ca. 60 Bac

pAM3 E. faecalis DS5 Ca. 60 ?

pAM324 E. faecalis HH2 53 ?

pBEE99 E. faecalis E99 80,6 Bac, Bee, UVR

Abréviations : Bac, bactériocine; Bc, bacitracine; Bla, bêta-lactamase; Cm, chloramphénicol; Em, érythromycine; Gm, gentamicine; Hly, hémolysine; Km, kanamycine; MLS, macrolides-lincosamides-streptogramines; Tc, tétracycline; Tm, tobramycine; UV, ultra-violet.