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1.1 IDENTIFICATION D’UNE PROBLÉMATIQUE INITIALE

1.1.1 Résidence en entreprise

Tout d’abord, la résidence en entreprise fut réalisée dans le but de recueillir les informations pertinentes auprès d’acteurs du domaine de l’évaluation d’entreprise en ce qui a trait aux méthodes employées en pratique lors de la détermination de la valeur d’une organisation dans sa globalité. Par la suite, un intérêt particulier a également été porté sur les caractéristiques du capital humain prises en considération par ces acteurs lors du processus d’évaluation, de manière à cibler l’impact de celles-ci sur la valeur ainsi déterminée. Au total, 11 participants ont été rencontrés dans le cadre de la résidence en entreprise, dont six travaillaient au sein d’un cabinet comptable (trois experts en évaluation d’entreprises, un directeur en certification, un directeur fusion-acquisition et un fiscaliste), trois pour le compte d’une société de capital de risque (directeurs investissement ou directeurs de portefeuille), et deux dans une société de gestion de portefeuille (conseillers en placement ou gestionnaires de portefeuille). Le positionnement géographique a également été considéré lors du choix des répondants de manière à dresser le portrait d’acteurs œuvrant tant en métropole qu’en région. Ainsi, huit répondants travaillaient en région, tandis que les trois autres répondants travaillaient dans un grand centre urbain, soit Québec ou Montréal.

1.1.1.1 Élaboration d’un modèle préliminaire

Tel que mentionné précédemment, la résidence en entreprise avait d’abord pour objectif d’identifier les méthodes d’évaluation d’entreprise auxquelles les acteurs de ce domaine ont recours. À prime abord, tous les répondants ont fait état d’un processus d’évaluation standard et très structuré, établi en fonction des objectifs des mandats traités et de la nature de l’organisation qui les emploie. À la lumière des informations recueillies, il fut donc possible de procéder à l’élaboration d’un modèle préliminaire, présenté à la figure 1.2 de la page suivante.

Cette représentation générale du processus d’évaluation a ensuite permis de situer les étapes à l’intérieur desquelles le capital humain aurait vraisemblablement un impact, ou serait à tout le moins pris en considération, lors de la détermination de la juste valeur marchande (JVM) d’une entreprise. De cette façon, il semble désormais possible de mieux comprendre l’importance accordée par les acteurs du domaine de l’évaluation aux différentes caractéristiques du capital humain, également considérées par plusieurs répondants comme étant des facteurs de création de valeur au sein des organisations. Afin de situer le lecteur, chacune des dimensions principales de ce modèle préliminaire est par la suite brièvement abordée.

Figure 1.2

Modèle préliminaire du processus d’évaluation d’entreprise

Déclenchement du processus d’évaluation. Préalablement à l’évaluation d’entreprise en tant que telle se trouve la phase de déclenchement du processus d’évaluation, initiée par un événement vécu par une organisation ou un individu, duquel naît le besoin de procéder à la détermination de la JVM d’une entreprise. Cette phase est identifiée

Déclenchement du processus d'évaluation

Élément

déclencheur Connaissancesde base

Évaluation d'entreprise Application de la méthode Choix d'une méthode d'évaluation

Conclusion du processus d'évaluation Évaluation financière du capital humain Validation de la valeur du capital humain Inclusion du capital humain dans l'évaluation traditionnelle

Indicateurs de valeur du capital humain

Validation de la valeur de l'entreprise Employé clé Action Direction /

Propriétaire Entreprise Savoir-faire / Idée

Ensemble de la

main d'oeuvre Produit

Acceptation / réalisation du mandat Établissement d'une fourchette de valeurs Évaluation du risque

comme étant l’élément déclencheur. Ainsi, la nature du besoin organisationnel ou individuel détermine habituellement le type de mandat d’évaluation devant être réalisé. La phase de l’acquisition des connaissances de base vient par la suite et fait référence à l’importance pour l’évaluateur d’acquérir une connaissance suffisante de l’entreprise évaluée ainsi que de de l’ensemble des éléments pouvant avoir un impact sur l’évaluation en tant que telle. Les connaissances requises s’acquièrent alors par des demandes d’informations auprès des personnes œuvrant au sein de l’entreprise, ainsi que par l’expérience acquise par l’évaluateur, notamment en ce qui a trait à l’industrie et au marché desservis par l’organisation en question.

Acceptation / réalisation du mandat. Avant de poursuivre le processus d’évaluation, l’évaluateur doit se positionner sur l’acceptation définitive du mandat. De cette façon, l’évaluateur conserve la possibilité de se retirer du dossier s’il juge que les informations préalablement recueillies ne justifient pas la mise en œuvre d’un processus formel d’évaluation d’entreprise.

Indicateurs de valeur du capital humain. Une fois le mandat d’évaluation accepté, il ressort de la résidence en entreprise que les acteurs du domaine de l’évaluation accordent une grande importance au capital humain lorsqu’ils procèdent à la détermination de la valeur d’une entreprise. Ainsi, les évaluateurs tentent de déceler la présence de diverses caractéristiques en lien avec le capital humain, et ce, avant même de procéder à l’évaluation financière de l’entreprise. La présence, ou l’absence, de ces éléments au sein d’une organisation pourrait alors être perçue comme un indicateur de valeur (plus ou moins-value) lors de l’évaluation de celle-ci. Le premier indicateur de valeur identifié par les répondants touche les compétences du propriétaire et/ou la qualité de l’équipe de direction d’une entreprise, dont dépendent fréquemment la rentabilité et la performance de cette dernière. Selon les répondants, les principales caractéristiques d’une bonne équipe de gestion résident dans la capacité des dirigeants à réaliser la mission, la vision et la stratégie de l’entreprise, en faisant notamment preuve de leadership. De plus, le profil d’un bon gestionnaire réfère également à

d’excellentes compétences en communication, à une grande capacité d’adaptation aux changements, ainsi qu’à la transparence et l’intégrité. Le deuxième indicateur de valeur relevé par les répondants porte sur la présence d’employés clés qui, tout comme pour l’équipe de direction, doivent également être pris en considération dans le processus d’évaluation. Au sein d’une organisation, l’employé clé occupe habituellement une place importante en termes de connaissances ou d’expertise particulière; toutes deux étant fortement influencées par la formation ainsi que par l’expérience que possède l’employé en question, et ce, tant au niveau académique que professionnel. De plus, bien qu’un employé clé contribue généralement à la rentabilité de l’entreprise et donc au processus de création de valeur, une trop grande dépendance envers celui-ci représenterait également un risque important pouvant alors diminuer la valeur d’une entreprise. Par la suite, l’ensemble de la main d’œuvre peut également être considérée comme étant un indicateur de valeur puisque, dépendamment du contexte dans lequel évolue l’entreprise, la valeur de celle-ci peut reposer sur la performance réalisée globalement par ses employés. Comme l’atteinte d’objectifs organisationnels dépend d’une multitude de facteurs liés ou non au capital humain, il semble alors difficile d’isoler la valeur attribuable uniquement à la performance des employés. Dès lors, les évaluateurs soulignent l’importance de la prise en considération des aspects suivants, touchant la main d’œuvre globale d’une entreprise, sans toutefois les quantifier financièrement : 1) l’âge moyen des employés, 2) le taux de roulement, 3) les niveaux de motivation et de satisfaction, 4) les relations syndicales prévalant dans l’entreprise, et 5) l’accessibilité ou la facilité de remplacement de l’ensemble de la main d’œuvre. Le cinquième indicateur de valeur du capital humain porte sur le produit d’une entreprise, dont le niveau de qualité supérieur risque d’apporter une meilleure rentabilité et, par le fait même, une valeur ajoutée à l’entreprise. L’indicateur de valeur suivant porte sur un certain nombre de facteurs liés à l’entreprise dans son ensemble, tels que l’image projetée, la perception du marché pour un produit, la présence de contrats signés avec différents partenaires d’affaires ainsi que les effets de synergies créés au sein de l’entreprise. Bien que la présence de ces facteurs ne soit pas directement liée au capital humain, il n’en demeure pas moins que les employés et la

direction joue un rôle capital dans la gestion de ces diverses relations d’affaires. Le dernier indicateur de valeur identifié par les répondants réside dans le savoir-faire détenu par les employés pouvant mener au développement d’innovations, sources importantes de création de valeur. En somme, les caractéristiques définissant la direction et/ou le propriétaire, les employés clés, l’ensemble de la main d’œuvre, le produit, l’entreprise et le savoir-faire devraient être pris en considération par les évaluateurs puisque ces différents facteurs peuvent avoir un effet à la hausse ou à la baisse sur la valeur d’une entreprise.

L’évaluation d’entreprise. La phase suivante est celle de l’évaluation d’entreprise en tant que telle, qui consiste essentiellement à mettre en application les méthodes d’évaluation retenues, et ce, en fonction de l’ensemble des informations obtenues lors des phases précédentes. Cette étape débute par l’évaluation des risques ayant un impact sur la détermination du taux d’actualisation ainsi que sur l’élaboration des prévisions financières servant à la mise en application des méthodes d’évaluation. Ainsi, les résultats de la résidence en entreprise portent à croire que les informations liées au capital humain recueillies jusqu’à ce stade du processus d’évaluation ont pour effet d’augmenter ou de diminuer le risque associé à l’exploitation de l’entreprise évaluée, influençant par le fait même la valeur déterminée pour celle-ci. Dépendamment des circonstances ayant mené à l’évaluation, les répondants affirment avoir recours aux méthodes traditionnelles d’évaluation basées sur l’exploitation, sur le marché ainsi que sur l’actif; certaines méthodes étant identifiées comme principales, d’autres étant utilisées davantage pour fins de validation. La sélection des méthodes d’évaluation spécifiquement applicables à une entreprise serait alors principalement effectuée en fonction du secteur d’activités, de l’âge et du cycle de croissance de l’organisation en question. Une fois le choix des méthodes d’évaluation effectué, il est possible de débuter leur application. Par l’utilisation de plusieurs méthodes d’évaluation ou par le recours à des hypothèses différentes sur lesquelles baser leurs estimations, les évaluateurs en viennent à effectuer plus d’un calcul, de manière à déterminer une fourchette de valeurs.

L’établissement d’une fourchette de valeurs. Avant de conclure le processus d’évaluation, l’évaluateur doit se positionner sur la fourchette de valeurs à l’intérieur de laquelle se situe la valeur de l’entreprise. De cette façon, l’évaluateur propose une certaine marge de manœuvre aux parties impliquées dans l’évaluation, notamment pour laisser place au processus de négociation.

L’évaluation financière du capital humain. Bien que le capital humain ne fasse pas l’objet d’une évaluation financière distincte, la résidence en entreprise a permis de constater que la valeur générée par de tels actifs incorporels est toutefois prise en considération, et ce, tout au long du processus d’évaluation. Ainsi, la détermination de la valeur du capital humain semble survenir parallèlement avec les phases d’évaluation d’entreprise et de conclusion du processus d’évaluation. D’une part, les évaluateurs considèrent tout simplement que la valeur du capital humain est incluse dans la valeur globale d’une entreprise puisque ce sont les employés qui contribuent à la rentabilité de celle-ci; cette rentabilité se reflétant ensuite dans les résultats financiers servant de base à la plupart des méthodes traditionnelles d’évaluation. Aucun autre processus d’évaluation ne serait alors mis de l’avant pour procéder à l’évaluation financière du capital humain. D’autre part, la valeur du capital humain peut également être estimée par une technique comptable appelée l’allocation du prix d’achat, qui consiste à s’assurer que l’écart entre le prix fixé pour une entreprise et la valeur comptable de cette dernière équivaut à la somme des rendements futurs générés par différents actifs, dont notamment le capital humain. Dès lors, la valeur du capital humain, ou plutôt le rendement potentiellement généré par cet actif incorporel, permet de confirmer que la prime versée à l’acquisition d’une entreprise (le goodwill) n’est pas surévaluée. Donc, à part l’allocation du prix d’achat, aucune autre méthode d’évaluation financière du capital humain ne semble être utilisée en pratique.

La conclusion du processus d’évaluation. Le processus d’évaluation se conclut d’abord par la validation de la fourchette de valeurs établie pour l’entreprise évaluée. Ainsi, selon les répondants, la première façon de valider les résultats obtenus par une méthode

d’évaluation consiste à appliquer une autre méthode d’évaluation; le but étant l’obtention d’un résultat similaire pour les deux méthodes mises de l’avant. Il leur est également possible de valider les résultats obtenus en consultant des collègues ainsi qu’en soumettant le fruit de leur travail à un rigoureux processus de contrôle de la qualité. Et bien que le capital humain ne fasse pas l’objet d’une évaluation financière distincte, il n’en demeure pas moins que celui-ci peut avoir un impact sur le processus d’évaluation, validant alors la valeur globale déterminée pour l’entreprise. En dernier lieu, les parties impliquées dans le processus d’évaluation doivent finalement passer à l’action. Dépendamment du contexte de l’évaluation ainsi que de la nature du mandat réalisé, soit que la JVM déterminée pour une entreprise est simplement divulguée au client, soit qu’un processus de négociation s’enclenche dans le but ultime de conclure la transaction ayant donné naissance à l’évaluation d’entreprise.

1.1.1.2 Retombées de la résidence en entreprise

La réalisation de la résidence en entreprise a permis de confirmer que les méthodes traditionnelles d’évaluation ne prennent pas explicitement en considération la valeur financière du capital humain. De plus, les acteurs consultés œuvrant dans le domaine de l’évaluation reconnaissent la création d’une valeur ajoutée par la présence du capital humain au sein d’une entreprise, mais admettent ne pas savoir de quelle façon quantifier cette valeur. Désirant alors inclure cette variable dans leur processus d’évaluation d’entreprise, les professionnels de ce domaine ont tenté de développer certaines pratiques leur permettant de prendre en considération la valeur générée par le capital humain. Selon les résultats obtenus par la résidence en entreprise, une de ces pratiques consisterait à identifier certains indicateurs de valeur liés au capital humain dans le but de les intégrer dans l’évaluation du niveau de risque découlant de l’exploitation d’une entreprise; ce niveau de risque servant alors de base à certaines méthodes traditionnelles d’évaluation. Une autre pratique serait tout simplement de prendre pour acquis que la valeur ajoutée attribuable au capital humain se reflète déjà dans la rentabilité actuelle de l’entreprise sur laquelle se basent certaines méthodes

traditionnelles d’évaluation. À l’inverse, cette pratique impliquerait également que la rentabilité et, par conséquent, la valeur d’une entreprise soient réduites lorsque des employés quittent l’organisation qui les emploie. Puis la dernière pratique relevée consisterait à valider la valeur totale déterminée pour une entreprise en s’assurant de la présence de certaines caractéristiques liées au capital humain. En somme, suite à la réalisation de la résidence en entreprise, les pratiques recensées en matière d’évaluation semblent montrer que la valeur générée par la présence du capital humain au sein d’une entreprise est englobée dans la prime totale désignée comme étant le goodwill, et ce, lorsqu’elle est prise en considération, ce qui ne semble pas toujours être le cas.