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3.3 STRATÉGIE MÉTHODOLOGIQUE

3.3.2 Méthode de collecte de données

La méthode de collecte de données devrait également être déterminée en fonction de l’approche générale de la recherche. Selon Goyette et al. (1997) ainsi que Robson (2002), trois catégories de méthodes de collecte de données seraient appropriées en contexte de recherche qualitative, soit l’enquête orale ou écrite, l’observation et l’analyse documentaire. Robson (2002) précise également que l’entrevue serait la méthode la plus couramment utilisée lorsque la recherche s’inscrit dans l’approche de la théorie enracinée. En ce sens, l’enquête orale, sous forme d’entretien ou d’entrevue, semble répondre aux objectifs de la présente recherche.

Les recherches [par entrevues] s’intéressent surtout aux expériences de vie, aux institutions et aux pratiques sociales en général. […] Chaque individu est moins le porteur d’un sous-système de valeurs qu’un informateur au sens strict du terme : on a besoin de lui pour obtenir certains renseignements sur l’objet. Il s’agit alors de connaître son point de vue sur le déroulement des faits ou le fonctionnement d’une institution ou de le saisir à travers sa propre expérience; de rendre compte de ses sentiments et perceptions sur une expérience vécue; d’avoir accès aux valeurs d’un groupe ou d’une époque qu’il connaît à titre d’informateur clé, etc. Bien sûr, le chercheur se réserve toujours le droit d’aller au-delà de l’information donnée par chaque informateur, de la contextualiser convenablement, de la confronter à d’autres faits et de la traiter de façon critique. Mais un tel choix méthodique implique quand même qu’on s’intéresse moins à ce que l’interlocuteur croit qu’à ce qu’il sait, ou croit savoir, pour l’avoir directement vécu ou observé (Pires, 1997, p. 181-182).

Ainsi, la richesse des informations pouvant être obtenues de telles entrevues représente une source de données d’une importance capitale. Cette méthode de collecte de données cadre donc avec le processus inductif de découvertes et d’élaboration de

connaissances mis en œuvre dans la réalisation de cette recherche. Tel que le précise Fortin (2006), selon la rigidité du protocole d’entrevue, cette dernière peut être dirigée, semi-dirigée ou non dirigée. Dans un contexte de découvertes, l’entrevue semi-dirigée représente une méthode de collecte de données flexible, en ce sens qu’elle peut être adaptée aux diverses personnes et situations que le chercheur tente d’analyser.

L’entrevue semi-dirigée consiste en une interaction verbale animée de façon souple par le chercheur. Celui-ci se laissera guider par le flux de l’entrevue dans le but d’aborder, sur un mode qui ressemble à celui de la conversation, les thèmes généraux sur lesquels il souhaite entendre le répondant, permettant ainsi de dégager une compréhension riche du phénomène à l’étude (Savoie-Zajc, 1997, p. 266).

Ainsi, le fait de définir une structure de base pour le déroulement de l’entrevue permettrait d’orienter les discussions, sans toutefois restreindre le chercheur et le participant à une série de questions fixes. L’entrevue semi-dirigée permettrait alors la collecte d’informations d’une grande richesse puisque les acteurs interrogés pourraient verbaliser des aspects non observables directement par le chercheur. Selon Hlady Rispal (2002), cette méthode serait à privilégier dans un cadre exploratoire puisque l’interaction entre le chercheur et le répondant risquerait d’amener celui-ci à développer davantage le fond de sa pensée. Pour toutes ces raisons, la collecte des données a été réalisée par le biais d’une seule entrevue par participant. Cette entrevue individuelle, de type semi-dirigée, avait pour but de recueillir toute l’information nécessaire au recensement des méthodes d’évaluation utilisées, s’il y a lieu, lors de la détermination de la valeur financière du capital humain par les professionnels du domaine de l’évaluation appartenant à chacun des trois profils, en plus d’identifier et de valoriser les facteurs de création de valeur y étant rattachés.

De plus, considérant le caractère exploratoire de la recherche, il aurait été pertinent de consulter les données traitant de l’évaluation financière du capital humain consignées dans des dossiers par les acteurs de ce domaine, de manière à réaliser une analyse documentaire à titre de méthodes de collecte de données. Les données secondaires ainsi

recueillies auraient pu permettre de consolider les informations transmises par les répondants lors de l’entrevue. Toutefois, aucun répondant n’a accepté de donner accès à un ou plusieurs dossiers complets. Afin de pallier à cette limitation, tous les répondants ont été questionnés, lors de l’entrevue, sur le contenu de leur dossier ainsi que sur les informations consignées en lien avec le capital humain. Ainsi, les répondants du profil CC n’ont fourni aucune documentation en lien avec l’évaluation d’entreprises clientes; leurs règles déontologiques leur interdisant la divulgation d’informations confidentielles ayant trait à leurs clients. De plus, ces répondants ont tous précisé qu’aucune information directement liée à l’évaluation financière du capital humain n’était consignée dans leur dossier. Pour les mêmes raisons, les répondants du profil CD n’ont pas donné accès à leurs dossiers. Finalement, les répondants du profil GF ont fourni quelques documents, principalement en lien avec leur clientèle, leur démarche d’évaluation ainsi que leurs principaux critères d’analyse. Entre autres, ces documents ont permis de confirmer les propos tenus par les répondants quant aux caractéristiques du capital humain étant pris en considération dans leurs analyses. Toujours par souci de confidentialité, aucun dossier complet n’a été consulté pour ce profil.

3.3.2.1 Choix d’un outil de collecte de données

Bien que l’entrevue semi-dirigée ne soit pas régie par un protocole fixe, il est tout de même essentiel de structurer les sujets devant faire l’objet de discussions avec le participant.

Soit le chercheur mène une série d’entretiens de façon systématique et délibérée avec différents sujets à des fins de comparaison, soit il utilise les entretiens de façon heuristique et émergente à des fins d’accumulation de la connaissance sur un domaine. Dans la première démarche, le chercheur utilisera un même guide pour l’ensemble des entretiens qui seront semi-directifs. Dans la seconde démarche, le chercheur visera une progression dans sa question de recherche. Il peut alors recourir à des entretiens d’abord peu structurés avec une remise en cause permanente de sa problématique permettant aux sujets de participer à l’orientation de

la recherche, puis pratiquer par la suite des entretiens semi-directifs sur des thèmes plus précis (Thietart, 2007, p. 242).

Considérant l’approche méthodologique retenue, soit celle de la théorie enracinée, le recours à un protocole d’entrevue standard pour débuter le processus de collecte de données est conforme à la façon de faire préconisée dans cette approche. Tel que le précisent Corley et Gioia (2004), il serait tout à fait normal d’avoir recours à un seul protocole général d’entrevue pour l’ensemble des participants lorsque la recherche s’inscrit dans l’approche de la théorie enracinée. Selon ces auteurs, plus la recherche progressera, plus le protocole d’entrevue se concentrera sur les thèmes et les sujets émergents dans la collecte de données antérieure. En ce sens, la structure de l’entrevue suit un ordre logique permettant de débuter par des questions plus générales, pour ensuite orienter la discussion vers des thèmes plus précis. Selon Savoie-Zajc (1997), l’entrevue semi-dirigée devrait normalement être composée de trois parties principales. La première partie serait désignée comme étant l’accueil et comporterait une mise en contexte de la recherche réalisée, en plus de quelques questions d’ordre général. La deuxième partie consisterait en l’entrevue proprement dite et traiterait des thèmes faisant l’objet de la recherche. La troisième et dernière partie devrait permettre la clôture de l’entrevue, notamment en remerciant le répondant pour sa participation. Pour sa part, Hlady Rispal (2002) décortique davantage les différentes composantes de l’entrevue et propose plutôt quatre phases de déroulement de cette dernière. Selon cet auteur, l’entrevue devrait débuter par la phase d’introduction permettant de mettre le répondant en confiance. Le chercheur aborderait ensuite quelques thèmes principaux de la recherche dans la phase de centrage, permettant de diriger l’entrevue vers l’objet principal de la recherche. Cette phase visant l’immersion du répondant dans le thème d’intérêt du chercheur se nommerait l’approfondissement. Puis l’entrevue se terminerait par la phase de conclusion dans laquelle le chercheur effectuerait une synthèse des thèmes abordés et s’assurerait que tous ces derniers ont été suffisamment traités. La structure de Hlady Rispal (2002) fut retenue pour la présente recherche. Étant plus élaborée, cette structure a permis une meilleure fluidité dans l’entrevue.

De plus, la nature et le type des questions devant figurer dans le guide d’entrevue ont aussi dû être déterminés. Selon Fortin (2006), il existe trois sortes de questions, soit les questions ouvertes, les questions fermées et les questions semi-structurées. Les questions ouvertes ne donnent aucun choix de réponse, laissant ainsi la liberté au répondant de formuler la réponse qu’il juge la plus appropriée. À l’opposé, les questions fermées proposent un choix limité de réponses et le répondant ne peut sortir du cadre imposé. Enfin, les questions semi-structurées offrent également un choix de réponse, mais le répondant n’y est pas limité. Toujours selon Fortin (2006), l’entrevue de type semi-dirigée comporterait majoritairement des questions ouvertes, ce qui permettrait au répondant de discuter librement des sujets abordés. Ces propos rejoignent ceux de Savoie-Zajc (1997) qui stipule également que les questions devraient être courtes, neutres et appropriées. De plus, Hlady Rispal (2002) souligne l’importance d’inclure des questions visant la relance du répondant sur un sujet donné ainsi que la confirmation des réponses formulées par celui-ci.

3.3.2.2 Élaboration du guide d’entrevue

L’entrevue sera donc réalisée en fonction de la structure élaborée à même le guide d’entrevue (présenté dans l’annexe F). Suivant les conclusions formulées dans la section précédente, le guide d’entrevue contient uniquement des questions ouvertes, bien que certains choix de réponses soient parfois proposés dans l’optique de fournir, au besoin, un support ou une nouvelle orientation dans la discussion. Ces questions sont réparties en quatre sections.

1. Ouverture : Cette première série de questions vise à établir le profil de l’expert faisant l’objet de l’entrevue, ainsi que de l’organisation pour laquelle il travaille; 2. Mise en contexte : Les questions contenues dans cette section portent sur les méthodes traditionnelles d’évaluation utilisées lors de la détermination de la valeur d’une entreprise dans son ensemble;

3. Approfondissement : Tout d’abord, une série de questions portent précisément sur l’évaluation financière du capital humain et donc sur les méthodes d’évaluation employées dans ce contexte. Par la suite, une autre série de questions portent sur l’identification des facteurs de création de valeur, ainsi que

sur les techniques utilisées dans le but de leur attribuer une valeur et/ou de les inclure à même le processus d’évaluation d’entreprise;

4. Conclusion : Cette section permet de clore la discussion et de confirmer le niveau d’importance accordée au capital humain par les experts en évaluation d’entreprises.

3.3.2.3 Suivi des réflexions et des constatations

Comme le soulignent Corbin et Strauss (2015), la façon dont le chercheur perçoit son projet de recherche évolue à mesure que celui-ci progresse. Dès lors, afin de conserver une trace de l’évolution et/ou de la stagnation des réflexions et constatations émanant des différentes étapes de la recherche, il fut essentiel d’avoir recours au journal de bord, aux notes prises sur le terrain ainsi qu’aux mémos liés au codage des données. La distinction entre ces trois outils de travail du chercheur n’est pas toujours évidente, ce qui expliquerait que certains utilisent un seul et même fichier pour consigner l’ensemble de ces informations. Selon Corbin et Strauss (2015), le chercheur risquerait d’être influencé par ses expériences personnelles et professionnelles, ses biais ainsi que ses suppositions quant aux résultats potentiels de sa recherche. Ainsi, par la tenue d’un journal de bord, le chercheur serait en mesure de produire une autoréflexion lui permettant alors de distinguer ses impressions personnelles des résultats découlant de la collecte de données. Pour la présente recherche, le journal de bord a permis de prendre nos distances quant à l’objet de la recherche, en plus de fournir une référence quant à l’évolution de notre conception de celui-ci. Pour ce qui est des notes prises sur le terrain, Corbin et Strauss (2015) précisent qu’elles devraient permettre au chercheur de noter les observations qu’il fait lors de sa collecte de données, de manière à conserver les informations obtenues autrement que par la méthode principale de collecte de données. En ce sens, la prise de notes a été utilisée dans la recherche afin de recueillir les informations découlant de la consultation de certains documents présentés par les répondants, ainsi que pour tout autre fait observé lors de la réalisation des entrevues. Quant aux mémos, Creswell (2013) stipule qu’ils sont habituellement employés à l’étape du codage des données, dans le but d’écrire les idées du chercheur quant aux liens ou relations unissant potentiellement divers concepts et qui émaneraient

lors de cette étape. « Les mémos expriment toujours une intention de conceptualisation. [Ils] ne se contentent pas de rapporter des données, mais relient les différents éléments de données ou montrent qu’un élément spécifique illustre un concept général » (Miles et Hubermann, 2003, p. 140). Ainsi, considérant l’évolution de la recherche tout au long de la collecte et du codage des données, le recours aux mémos a permis de capturer cette évolution et de conserver une trace de celle-ci en vue d’une consultation ultérieure. Patton (2002, dans Corbin et Strauss, 2015) précise d’ailleurs que ces conceptualisations des données risqueraient d’être oubliées par le chercheur si elles ne sont pas consignées immédiatement, d’autant plus qu’il n’y aurait alors aucune garantie qu’elles referaient surface dans l’esprit du chercheur.