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Avant d’entreprendre l’analyse qui aboutira aux positionnements épistémologique et méthodologique d’un projet de recherche, le chercheur se doit de déterminer quelle approche de recherche lui permettra de répondre adéquatement à la problématique ainsi qu’aux objectifs visés par le projet. Plusieurs approches de recherche, relevant de certains principes de base, peuvent alors être envisagées dans le but de répondre à la problématique managériale exposée précédemment et ayant trait à l’évaluation financière du capital humain.

Essentiellement, les principes à la base des raisonnements découlant d’un processus de recherche ont trait à la conception de la science qui influence les orientations envisagées lors de la réalisation d’un projet de recherche. Selon Chalmers (1987), le raisonnement inductif sous-tend que la science aurait pour base l’observation, à l’intérieur de laquelle un observateur objectif, donc sans préjugé, serait en mesure de formuler une théorie par la généralisation d’un certain nombre d’observations ayant trait à une situation donnée. Ce type de raisonnement n’apportant pas de valeur explicative ou prédictive à la science, il importerait alors de le faire suivre du processus complémentaire de la déduction. Toujours selon Chalmers (1987), la déduction serait un raisonnement selon lequel il est possible de prédire une situation à partir de prémisses de base, elles-mêmes tirées d’une théorie existante. La principale limite liée à cette approche résiderait alors dans le fait qu’elle suppose que les individus à la base

des observations sont totalement objectifs et ne subissent aucune influence, tant interne qu’externe. Or, la perception d’un tel observateur risque plutôt de ne pas être totalement objective puisqu’elle « dépend en partie de son expérience passée, de ses connaissances et de ses attentes » (Chalmers, 1987, p. 45). Par ailleurs, ce fait serait d’autant plus vrai en sciences de la gestion, comparativement aux sciences pures, puisque l’objet de la recherche n’est habituellement pas indépendant du chercheur. Celui-ci devrait donc être conscient de cette influence afin d’en réduire les conséquences potentielles sur ses propres observations. Quant au falsificationnisme, Chalmers (1987) précise que cette approche repose sur le concept selon lequel une théorie n’est bonne que si elle peut être falsifiée. Ainsi, lorsqu’une hypothèse est falsifiée, une nouvelle hypothèse serait à son tour soumise aux tests de la falsification, permettant alors de faire progresser la science. Selon Chalmers (1987), la principale faiblesse de cette approche réside dans le fait qu’il n’existerait pas de falsification concluante. Les falsifications reposant sur les observations faites par des individus, elles seraient donc interprétées de façon subjective, comme dans le cas de l’induction. Considérant alors le fait qu’il n’existe pas de théorie propre à l’évaluation financière du capital humain, les conclusions tirées de cette recherche auront pour base les données empiriques recueillies sur le terrain. Dès lors, ce projet de recherche exploratoire s’inscrit à l’intérieur d’une logique inductive.

3.1.1 Type et nature du processus de recherche

Tel que le précisent Fortin (2006) et Prévost (1996), la recherche fondamentale a pour but de définir des représentations théoriques de la réalité, alors que la recherche appliquée vise à résoudre un problème pratique et concret. Puisque cette recherche a pour objectif principal de répondre à un besoin ressenti chez les acteurs du domaine de l’évaluation financière, celle-ci s’inscrit davantage dans la logique de la recherche appliquée. De plus, Grenier et Josserand (1999), tout comme Thietart (2007), précisent que l’on doit déterminer l’élément sur lequel portera la recherche; cette dernière pouvant correspondre à une analyse de contenu ou à une analyse de processus.

Considérant alors les questions ainsi que les objectifs de la présente recherche, il semble que l’intérêt soit porté sur le contenu puisque cette recherche s’intéresse principalement à l’identification d’éléments devant être pris en considération lors de la détermination de la valeur financière du capital humain, et non pas à la manière dont ces éléments se développent dans le temps. De plus, cette recherche vise également la description des techniques employées lors de l’évaluation financière du capital humain. Il s’agit donc d’une étude descriptive, et non pas explicative. Ce type de recherche serait d’ailleurs fréquemment utilisé lorsque peu ou pas de connaissances sont disponibles sur le sujet, comme c’est notamment le cas pour cette recherche. À cet égard, Grenier et Josserand (1999) concluent qu’une étude descriptive est habituellement de nature exploratoire, ce qui cadre avec cette recherche puisqu’aucune théorie portant précisément sur l’évaluation financière du capital humain n’a été développée jusqu’à présent. Finalement, la stratégie de recherche se doit d’être précisée. Hlady Rispal (2002) ainsi que Robson (2002) spécifient qu’une étude descriptive peut aussi bien être de nature qualitative que quantitative; le choix dépendant alors de la nature des informations que le chercheur tente d’obtenir ainsi que de la façon dont ce dernier procèdera à l’analyse des données recueillies. À la lumière des informations fournies préalablement, il appert que cette recherche soit de nature qualitative puisque celle-ci a pour objectif la description et la compréhension des méthodes d’évaluation du capital humain utilisées par les acteurs de ce domaine, combinées à l’identification des facteurs de création de valeur considérés par ces derniers. En somme, tant la nature des données recueillies que les conclusions tirées de l’analyse de celles-ci seront de nature qualitative. Cette recherche s’inscrit donc dans le courant qualitatif inductif, sur lequel reposera le positionnement épistémologique.

3.1.2 Paradigmes de recherche

Une fois que le type et la nature de la recherche ont été déterminés, le chercheur se doit de positionner celle-ci à l’intérieur d’une orientation épistémologique ou d’un paradigme de recherche. Selon Lukka (2010), le paradigme de recherche serait

l’élément qui détermine l’ensemble de la stratégie de recherche, allant de l’objet de celle-ci jusqu’à l’interprétation des résultats qui en découleront. Ce serait donc ce qui « permet d’asseoir la validité et la légitimité de la recherche » (Thietart, 2007, p. 13). Essentiellement, il est possible d’identifier deux paradigmes principaux de recherche, connus sous les appellations de positivisme et de constructivisme (également appelé normativisme, naturalisme et interprétativisme, selon les auteurs). Comme le mentionnent Tashakkori et Teddlie (1998) ainsi que Guba et Lincoln (1994), le chercheur n’a pas nécessairement à choisir entre l’un ou l’autre de ces paradigmes, mais doit plutôt situer sa recherche sur le continuum opposant, d’une part, le positivisme et, d’autre part, le constructivisme.

Selon Guba et Lincoln (1994) ainsi que Tashakkori et Teddlie (1998), les positivistes percevraient la réalité comme étant composée de faits singuliers vérifiables. Selon cette orientation épistémologique, le chercheur et l’objet de recherche sont indépendants l’un de l’autre, ce qui aurait pour conséquence que la recherche n’est aucunement influencée par les valeurs individuelles et collectives. Ainsi, la généralisation des résultats serait possible, et ce, peu importe le contexte entourant la situation puisque les causes et les effets de chaque phénomène sont identifiables et isolables ou, comme le précise Fortin (2006), prévisibles et contrôlables. En fait, le positiviste chercherait l’existence d’une relation constante entre des événements ou des variables, tel que précisé par Robson (2002). Il semble alors que les positivistes favorisent une logique déductive ainsi que des méthodes quantitatives, s’inscrivant alors dans un courant de pensée à l’intérieur duquel prônent l’objectivité et la vérifiabilité des résultats. Bien que le positivisme n’exclue pas systématiquement les recherches à caractère qualitatif et inductif, il semble toutefois difficile d’arrimer cette position épistémologique à la présente recherche.

Quant aux constructivistes, ceux-ci prétendent que la réalité est constituée de multiples construits sociaux (ou réalités multiples), faisant en sorte que le chercheur et l’objet de recherche soient indissociables, tel que précisé par Guba et Lincoln (1994) ainsi que

Tashakkori et Teddlie (1998). De plus, Robson (2002) et Thietart (2007) affirment que les résultats d’une recherche s’inscrivant dans le courant constructiviste ne pourraient être interprétés sans tenir compte des valeurs des individus. Fortin (2006) précise également que le contexte distinct de chaque situation risque de rendre la généralisation des résultats impossible, d’autant plus que les causes et les effets d’un phénomène ne pourraient être clairement distingués en raison de leur caractère unique et non prévisible. Dès lors, une logique inductive ainsi que des méthodes qualitatives devraient être employées dans le but de comprendre le sens des construits sociaux définissant la réalité de laquelle émanent ces phénomènes. Pour sa part, Malmi (2010) résume le constructivisme à une logique inductive, de laquelle émergent de nouvelles propositions, et même de nouvelles théories, basées sur les données empiriques recensées. En ce sens, le paradigme constructiviste cadre avec les objectifs de la présente recherche qui consistent à décrire et comprendre les techniques d’évaluation financière du capital humain, et ce, du point de vue des acteurs qui les utilisent. L’atteinte de ces objectifs passe alors inévitablement par la compréhension des construits sociaux qui sous-tendent les techniques d’évaluation utilisées dans le domaine pratique.