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Le paradoxe de la centralisation

Chapitre 5 Réponses aux hypothèses

Hypothèse 1 : La famille exige de la restauration scolaire qu’elle fonctionne en circuit court.

Nous validons partiellement cette hypothèse.

Grâce à l’analyse de nos résultats nous pouvons constater que bien que les familles souhaitent la valorisation des circuits courts dans la restauration scolaire, cela ne constitue pas leur première revendication.

Ainsi, les parents des enfants scolarisés sont des acteurs forts de la restauration scolaire et se mobilisent pour faire entendre leurs volontés. Comme nous avons pu l’observer lors de nos études terrains ils revendiquent différentes mesures mais celles concernant les circuits courts, ne sont pas, à l’échelle de notre étude, les premières.

bio-déchets issus de la production et de la consommation des plats par leurs enfants ou encore la prise en charge pédagogique et d’accompagnement du temps du repas.

Le thème des circuits courts et de la qualité des produits n’intervient pas dans les premiers temps des discussions, ce qui nous permet d’établir le constat précédent.

Cependant, les circuits courts restent un angle d’attaque de certaines entités parentales comme le collectif Cantine qui se bat pour une amélioration générale et un renforcement de la qualité des produits et à travers ceux-ci, la valorisation des circuits courts. En effet, en se faisant le pourfendeur d’une alimentation industrielle et de produits ultra-transformés ainsi qu’en exigeant une transparence dans la communication des restaurants scolaires, les parents cherchent à promouvoir un nouveau mode de consommation, à l’instar des dynamiques de circuits courts.

Il existe donc aujourd’hui un réel combat mené par les parents autour de la mise en place et de la valorisation des circuits courts dans la restauration scolaire, mais il est supplanté par de nouvelles thématiques.

Nous préconisons alors :

• La sollicitation des parents pour récolter les adresses de producteurs locaux qu’ils possèdent et ainsi permettre une facilité d’identification de ceux-ci, au moyen d’un document écrit en début d’année scolaire ou lors de l’inscription par exemple. Cela permet d’accéder à une nouvelle base de données pour les restaurants scolaires mais également d’impliquer le parent dans la restauration de son enfant dans une démarche de complémentarité avec le personnel de production.

• La développement de la communication envers les parents pour informer et rassurer sur les méthodes mises en œuvre par la restauration scolaire.

Pour des demandes spécifiques :

de l’élaboration des menus ou des fiches techniques afin d’adapter la production aux contraintes du contenant.

• Le développement de la cuisson sous-vide dans des contenants en verre : par utilisation d’une cloche de sous-vidage, les contenants peuvent subir un changement de pression atmosphérique et devenir ainsi un moyen de conservation sous-vide. Une cuisson à basse température doit alors être effectuée pour ne pas altérer la qualité du verre.

• Le développement d’actions de sensibilisation à l’importance de la consommation de légumineuses pour la santé humaine au moyen de techniques culinaires innovantes et en faisant appel à la créativité des chefs.

• L’agrandissement de la place faite aux chefs de cuisine et cuisiniers dans l’élaboration des menus et des recettes afin de faire appel à leur créativité. Nier cette compétence serait nier l’identité professionnelle d’un cuisinier, ce qui pourrait avoir des effets néfastes sur le processus de production.

Hypothèse 2 : La restauration scolaire redéfinit son mode de fonctionnement parce qu’elle se préoccupe de la qualité des repas servis aux enfants.

Au regard de l’analyse de nos résultats, nous validons cette hypothèse.

En effet, lors des différentes études terrains rassemblant des professionnels de la restauration scolaire, nous avons pu constater une dynamique commune aux acteurs d’améliorer la qualité des repas consommés par les enfants.

Ainsi, nous assistons à une période de transition dans laquelle les acteurs modifient peu à peu leurs modes de fonctionnement pour s’approcher au plus près des préoccupations sociétales en vigueur.

• Les professionnels de la restauration scolaire souhaitent mettre en place des processus de circuits courts au sein de leurs infrastructures. Ils sont néanmoins freinés par des dispositions légales ou des contraintes d’ordre technique en cela qu’ils ne possèdent parfois, ni le temps, ni les moyens, ni les compétences pour assurer leur nouveau rôle d’acheteur auprès des entités agricoles locales de taille moyenne.

• L’émergence d’une nouvelle relation entre les producteurs et les professionnels de la restauration scolaire qui souhaite privilégier les petits producteurs et le fonctionnement en circuits courts. Cela permettrait, selon nos professionnels rencontrés, de rejeter le modèle industriel aux circuits longs dans lequel se trouve encore la restauration scolaire aujourd’hui. L’engagement de la restauration scolaire sur ce point est donc économique et social, voire politique.

• Les professionnels de la restauration scolaire possèdent chacun leur propre définition de l’aspect qualitatif d’un produit. Or, aujourd’hui, bien que certains aspects organoleptiques soient toujours pris en compte, les débats autour de l’origine des produits rentrent massivement dans la perception qualitative d’un produit. Ainsi, la réglementation (Loi EGALIM) promouvant des critères de qualité (label, agriculture biologique et autres), les professionnels de la restauration que nous avons pu interroger souhaitent ajouter de nouveaux critères : la proximité géographique et le nombre d’intermédiaires. Une nouvelle définition de la qualité des produits consommés en restauration scolaire est en marge d’être créée mais il subsiste encore une hétérogénéité des perceptions et des représentations de la part des professionnels de la restauration scolaire, qui ne nous permet pas, à l’heure actuelle, d’en proposer une définition claire.

En somme, la définition qualitative de produits consommés en restauration scolaire est en train d’être étoffée par de nouveaux critères. Cette démarche est relayée par des pratiques techniques de la part des professionnels pour mettre en place cette évolution.

Ainsi, les preuves d’une nouvelle modélisation théorique et idéologique de la qualité en restauration scolaire et des actions techniques pour la mettre en œuvre, apportées par l’analyse de nos résultats, nous permettent, à l’échelle de notre étude, de valider l’hypothèse : la

restauration scolaire redéfinit son mode de fonctionnement parce qu’elle se préoccupe de la qualité des repas servis aux enfants.

Afin de poursuivre la démarche nous préconisons :

• Comme nous l’a suggéré Monsieur A, lors de la table ronde RSE, la création d’un nouveau poste au sein des entités de production de restauration scolaire, d’acheteur local. Ce poste a pour mission de rechercher, de référencer et de tisser un réseau de producteurs locaux. Il doit également être en mesure d’accompagner administrativement les producteurs dans la réponse aux appels d’offre, perçue par nombre de ceux-ci comme une nébuleuse inaccessible. Enfin, il doit être capable de mettre en parallèle les besoins de la restauration scolaire et les possibilités des producteurs afin d’allier au mieux les compétences de chacun : par la planification de la production ou encore par l’accompagnement aux mesures d’hygiène et de sécurité (HACCP notamment).

• Le renforcement des structures existantes d’achat local au niveau départemental dédiées aux professionnels de la restauration scolaire (ou collective) et la création de nouvelles, axées par filières mais également sur les produits de nettoyage et de désinfection s’il y a lieu dans l’espace géographique concerné.

• La mise en place de dispositions légales obligeant l’approvisionnement en circuits courts de proximité d’un certain volume de la production. (30-40% dans un premier temps)

• La possibilité pour les acheteurs locaux, que constitueront les restaurants scolaires, de ne plus se soumettre aux directives européennes d’appels d’offre formalisés qui ne sont pas adaptés à la nouvelle dynamique de promotion des circuits courts de proximité.

• La mise en place, au niveau départemental, d’une journée de rencontre entre les producteurs locaux et la restauration scolaire afin de pallier l’isolement et le fossé qui

• La mise en place d’un agrément ou d’une norme ISO relative à la mise en place des circuits courts de proximité, afin de donner une visibilité supplémentaire à cette démarche.

Hypothèse 3 :  L’enfant est prescripteur du déjeuner en restauration scolaire.

Nous validons partiellement cette hypothèse.

Lors de nos entretiens nous avons pu déceler certains comportements de professionnels qui nous permettent d’affirmer que le goût de l’enfant peut être pris en compte lors de l’élaboration des menus.

En effet, lors de la table ronde RSE, Monsieur A nous confiait qu’en qualité de professionnels, eu égard aux diverses velléités parentales, sa mission première était de permettre à l’enfant de sortir de table en ayant mangé à sa convenance. Ainsi, ce professionnel assure faire des choix parfois contraires à ses idéaux de saisonnalité, pour s’adapter au goût des enfants. En effet, ce dernier assume proposer des tomates (une à deux fois par mois) en hiver afin d’éviter la récurrence d’aliments peu appréciés par les enfants en cette saison : le chou en l’occurrence, sous toutes ses variétés.

Un autre professionnel, dans un contexte particulier d’une petite école, prouve que les relations privilégiées avec les enfants et les actions pédagogiques autour de l’alimentation permettent de récolter les avis des enfants et ainsi, d’adapter les menus.

Cependant, une nuance est à apporter. Du fait des volumes produits mais également d’une relative hétérogénéité du goût de l’enfant, il est difficile de prendre en compte l’avis de chaque enfant pour qu’il devienne le seul ou réel prescripteur du menu. Bien que des initiatives, comme celles citées précédemment existent, elles restent minoritaires et difficiles à mener selon les professionnels que nous avons rencontrés.

De plus, au regard des résultats de notre test projectif, nous pouvons constater que l’enfant, se tourne majoritairement vers des produits aux qualités nutritionnelles néfastes pour sa santé mais qu’il perçoit à haute valeur gustative : les hamburgers, les frites et la pizza. Ainsi, il n’est pas possible que l’enfant soit l’unique prescripteur du repas en restauration scolaire puisqu’il ne possède pas le discernement nécessaire à émettre un choix qui allie goût, nutrition et nouveaux modèles d’approvisionnement, tant qu’il n’a pas reçu la sensibilisation nécessaire. Nous préconisons :

• La mise en place de délégués de l’alimentation (ou de la cantine) dans les classes afin de permettre un lien étroit entre la restauration scolaire et les élèves.

• La mise en place d’une fiche de consultation à remplir par les élèves chaque trimestre avec leurs recommandations.

• Les actions de sensibilisation annoncées dans la réponse à l’hypothèse 4.

• De libérer une semaine de planification afin de faire élaborer par les élèves eux-mêmes les menus dans le cadre des actions de sensibilisation cités précédemment.

Hypothèse 4 : La mise en place des circuits courts en restauration scolaire impacte l’enfant dans ses choix alimentaires.

Nous validons cette hypothèse.

L’analyse des résultats de nos études terrains nous permet d’effectuer le constat suivant : les circuits courts dans leur définition purement économique (un intermédiaire maximum) n’ont pas de répercussion sur les choix alimentaires des enfants.

Or – et cela nous permet de valider notre hypothèse – nous ne pouvons pas définir le circuit court uniquement sous le prisme économique mais plutôt en prenant en compte le fait que chaque professionnel de la restauration scolaire interrogé, qui met en place des circuits courts, le fait toujours en les corrélant avec au minimum, un des critères suivants : la proximité

produit brut. Ainsi, le circuit court n’est pas qu’une logique économique mais devient également une réalité et une preuve qualitative du produit consommé par les enfants dans le cadre de la restauration scolaire.

Alors, avec l’introduction des circuits courts, l’enfant va voir le contenu de son assiette changer au profit de produits de qualité supérieure à ce qu’il avait l’habitude de consommer. L’enfant modifie alors sa perception de sa consommation alimentaire dans la restauration scolaire en se l’appropriant, notamment par le travail de sensibilisation et de prise en charge du repas par le personnel encadrant. Selon nos études terrains, l’enfant, après appropriation de sa consommation alimentaire scolaire, la revendique en devenant prescripteur chez lui, et en demandant la consommation d’aliments et de produits découverts dans le cadre de la restauration scolaire.

En l’absence de sensibilisation et de communication autour de la mise en place des circuits courts, l’enfant oriente ses choix grâce à ses préférences gustatives.

L’âge de l’enfant est également déterminant dans la perception de son alimentation. En effet, en grandissant l’enfant acquiert de l’expérience socialisatrice : il engrange un capital toujours plus important de connaissances relatives à la provenance de son alimentation, en même temps que le nombre d’actions de sensibilisation ou de socialisation autour de la consommation alimentaire, auxquelles il est confronté, augmente.

Au regard de ces observations, nous préconisons :

• Le développement des actions de sensibilisation de l’enfant à la mise en place des circuits courts et à l’alimentation en général par : des projets pédagogiques axés sur l’alimentation locale, des rencontres avec des producteurs et agriculteurs locaux, des ateliers de cuisine pour permettre à l’enfant d’appréhender les produits qu’il aura découvert chez les producteurs, la réalisation d’une « carte des producteurs de la cantine » par les enfants.

• Des signalétiques pertinentes permettant de mettre en valeur les démarches adoptées par les professionnels de la restauration scolaire.

• Une prise en charge des temps du repas basée sur l’éveil culinaire des enfants : en permettant à l’adulte en charge de l’encadrement du repas d’avoir accès à de la documentation produite par le chef de cuisine (par exemple) résumant les produits servis le jour même, leur provenance et des consignes d’explication pour l’enfant.