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L’approvisionnement : un défi complexe 

Emergence d’une nouvelle fonction dans le monde agricole

Chapitre 3 La réalité du terrain : Les professionnels de la restauration scolaire face aux circuits courts.

3. L’approvisionnement : un défi complexe 

La restauration scolaire par ses volumes de production et la diversité de ses convives répond à un processus d’approvisionnement complexe qui constitue aujourd’hui la principale contrainte à la valorisation des circuits courts.

La restauration scolaire existe dans un paradigme qui exige d’importants volumes auxquels les petits producteurs n’ont pas de réponses évidentes. Cela entraîne une mise à l’écart de l’approvisionnement direct chez le producteur au profit de centrales d’achat ou de grossistes.

« On a quelqu’un en face de nous qui peut nous fournir en œufs, s’il a une petite exploitation et moi gros consommateur, je vais pas le référencer parce qu’il sera dans l’incapacité de me livrer mes 12 000 repas quotidiens ou mes 1 800 000 repas par an. » -

M.A, directeur de la restauration scolaire, ISTHIA, extrait de la table ronde du 02/03/20 L’approvisionnement en produits locaux est donc complexe, les processus de référencement des petits producteurs sont longs et fastidieux « Il faut qu’on réfléchisse maintenant à les

référencer parce que les processus sont longs » Mme A, responsable fidélisation, ISTHIA,

extrait de la table ronde du 02/03/20

De plus, les professionnels de la restauration scolaire soulignent la difficulté pour eux de libérer à la fois du temps mais également d’acquérir les compétences nécessaires à la recherche et à l’accompagnement administratif des petits producteurs locaux dans la réponse aux appels d’offre. En effet, au sein de structures comme la cantine 100% bio ou la cuisine centrale périgourdine, ce sont soit le magasinier soit le chef de cuisine qui ont pour rôle de référencer les producteurs locaux. Cependant : « Nous professionnels on ne sait pas acheter

directement auprès des producteurs, on n’a pas le temps, les moyens et les compétences »

M.A, directeur de la restauration scolaire, ISTHIA, extrait de la table ronde du 02/03/20. Ce constat démontre toute la complexité de l’essor et de la valorisation des circuits courts dans la restauration scolaire.

« C’est un travail continu, nous devons donc connaître l’offre locale, comme recevoir les

fournisseurs, aller dans les salons, rendez-vous. » Mme X, diététicienne, Cuisine centrale

Ce défi de l’approvisionnement est cependant en passe d’être relevé et fait l’objet de multiples efforts de la part de différents acteurs. En effet, l’émergence des plateformes logistiques pour mettre en lien les producteurs et la restauration scolaire est porteuse d’espoir. Elle va permettre de pallier les fossés qui existent entre le monde de la restauration scolaire et les producteurs.

« Fédérer des producteurs locaux, les différencier, ça ça va intéresser la restauration collective qui là, va pouvoir travailler avec ces gens-là » M.P, professeur d’ingénierie et

directeur de cabinet de conseil, ISTHIA, extrait de la table ronde du 02/03/20.

Cet engouement se vérifie avec le fait que la cuisine centrale périgourdine passe par une plateforme départementale de producteurs locaux pour s’approvisionner. Cependant, il doit être notifié que le circuit court s’en trouve rallongé d’un intermédiaire, quantité acceptée par la définition officielle d’un tel processus.

Il existe également une dynamique positive entre les professionnels de la restauration scolaire pour travailler avec les petits producteurs notamment par un partage des compétences et un accompagnement administratif d’adaptation à la réglementation de la restauration scolaire : s’obtient alors un échange gagnant-gagnant dans lequel se crée du lien social et une amélioration de la valorisation des circuits courts de proximité.

«On va imaginer un planning […] trois mois à l’avance, ça permet en fonction de ses brebis de pouvoir planifier sa production. Et on arrive à travailler ensemble parce que moi de mon côté, j’ai fait un effort de lui planifier sa production et lui pour qu’il réponde favorablement aux 12 000 fromages blancs j’ai mis l’aspect sanitaire "moi  je ne vais vérifier que le fait que vous respectiez les règles (d’hygiène) " » « Donc on va se tourner vers nos producteurs pour leur dire " Nous on peut vous aider dans la démarche" » M.A,

directeur de la restauration scolaire, ISTHIA, extrait de la table ronde du 02/03/20

« Il faut que les fournisseurs se rendent compte de nos besoins et savoir si cela leur convient. Il faut s’adapter. » Mme X, diététicienne, Cuisine centrale Basso Cambo, extrait de

l’entretien du 06/01/20

« Si on veut que ça fonctionne […] il faut faire l’effort d’aller voir le producteur et de dire "Comment vous pouvez faire et on va essayer de s’adapter pour qu’on puisse travailler ensemble" » M.P, professeur d’ingénierie et directeur de cabinet de conseil, ISTHIA, extrait

de la table ronde du 02/03/20.

Enfin, ce processus d’adaptation du monde la restauration scolaire à l’hétérogénéité des systèmes de commercialisation des produits issus des circuits courts de proximité se pérennise par l’hypothèse d’un de nos acteurs interrogés :

« Mais peut-être que demain ça sera un métier de la restauration collective, vraiment quelqu’un qui va aller, vraiment l’acheteur dans le bon sens du terme, pas l’acheteur qui est derrière un bureau et qui fait des appels d’offre. Un acheteur qui va prendre son bâton de pèlerin et qui va aller chez les producteurs "J’ai besoin de ça, quand est-ce que tu peux me fournir ?", et essayer de centraliser tout ça. Aujourd’hui ça n’existe pas. » M.A,

directeur de la restauration scolaire, ISTHIA, extrait de la table ronde du 02/03/20

Par ailleurs, certains agriculteurs tiennent le même discours et sont prêts à adapter leur mode de production pour entrer sur le marché de la restauration scolaire, ce qui prouve que le dialogue n’est pas unilatéral et que ces démarches sont porteuses d’espoir et de valorisation des circuits courts de proximité dans la restauration scolaire.

« Les professionnels de la restauration ne souhaitent pas utiliser d’œufs coquilles, porteurs de salmonelle, vous espérez quand même ouvrir une brèche pour vendre votre production ou ça sera facile pour vous ? » M.A, directeur de la restauration scolaire, ISTHIA, extrait de

la table ronde du 02/03/20

« Oui moi j’envisage potentiellement, dépendant de comment ça évolue, que à terme moi- même j’achèterai un labo pour faire de l’ovoproduit. » M.G, agriculteur, ISTHIA, extrait de

la table ronde du 02/03/20

Les acteurs de la restauration scolaire sont donc en train de prendre la mesure du changement qui s’opère en admettant que les modes de fonctionnement changent et que la restauration scolaire de demain devra évoluer vers les circuits courts de proximité.