• Aucun résultat trouvé

L’ouverture des personnes significatives (parents, amis, etc.) à des échanges perçue par le jeune joue-t-elle sur son identité et sur les stratégies mises en œuvre face à des situations problématiques sur la sexualité?

Dans la société haïtienne, les valeurs collectivistes (qui perdurent malgré l’influence de la modernité) ne sont pas sans effet sur le sentiment d’identité. Le choix d’adopter la perspective de l’individu en contexte pour notre recherche était à cet égard très pertinent. Cependant, compte tenu de l’échantillon ciblé, de jeunes adolescents, à cette dimension culturelle il fallait ajouter d’autres influences plus immédiates, telles celles de l’entourage proximal des jeunes. L’ajout d’un questionnement portant sur l’influence des parents et des amis s’est avéré d’autant plus judicieux qu’à certains moments dans les entrevues effectuées, les jeunes ont spontanément évoqué l’influence des amis, de voisins, de la famille élargie.

Le thème de l’influence parentale nous a permis d’observer que, selon le type de relation qui est engagé entre le parent et l’adolescent, le mode d’éducation parental a tendance à freiner ou à favoriser le développement identitaire du jeune:

Les modèles cognitifs qu’ont les adolescents de leurs parents ainsi que leurs patrons de comportements d’attachement sont appropriés à la résolution efficace des tâches ontogénétiques (des défis propres à une phase de développement). Si la relation est positive, l’adolescent tendra à utiliser des stratégies actives (utilisation des ressources sociales) et dans le cas contraire, il tendra vers l’évitement (Zimmerman 2000, p. 203).

Dans nos résultats concernant les échanges sur la sexualité, trois types de relation parentale ont été dévoilés dans les propos des jeunes. Pour certains adolescents, leurs parents ne parlent jamais de sexualité avec eux; c’est un sujet encore considéré comme tabou malgré sa mise en discussion sur la place publique. D’autres jeunes soulignent le manque de communication avec leurs parents à ce sujet, mais disent percer leurs opinions à travers

leurs comportements. Enfin, il y a les parents qui sont décrits comme tout à fait ouverts à la discussion avec leur jeune, qui l’encouragent à exprimer ses opinions et à participer aux décisions de la famille. Ces aspects (modérateurs) influencent positivement le développement identitaire du jeune et, indirectement, les stratégies adoptées pour envisager la sexualité dans sa complexité comme le souligne Peterson (2005) :

Perhaps the closest thing to a general law of parenting is that warm, supportive, nurturant, and accepting behavior by mothers and fathers is associated with the development of social competence by adolescents…This behavior communicates that adolescents are valued, fosters close ties, and communicates the parents’ confidence in the adolelescent’s abilities (p. 40-41).

Nous parlons d’influence indirecte dans la mesure où, selon nos constats, cette ouverture pourrait encourager le jeune à remettre en question ses opinions « controversées » ou les confronter avec celles des personnes de son entourage qui lui inspirent confiance. Ces inférences s’appuient sur les idées suivantes de Canard (2010) : « C’est à travers les réponses que ses parents, mais aussi que son environnement ou la société vont apporter à ses conduites et ses actions que l’adolescent va apprendre progressivement ses limites et va établir son propre système de valeurs sociales » (p. 117). Cette ouverture peut provenir de toute personne (e.g un voisin, un enseignant) qui soutien le jeune dans sa quête identitaire. Dans la même perspective, Cloutier (1996) souligne que le soutien des personnes significatives permet à l’adolescent de développer une pensée autonome et d’acquérir de nouvelles capacités telles celles de formuler des hypothèses, d’établir ses propres stratégies. Selon Adams et al. (2002), l’ouverture à la communication favorise un sentiment de responsabilité chez le jeune, élimine tout sentiment de culpabilité, de honte en rapport à ses explorations identitaires; l’auteur ajoute qu’en l’absence de ce support, les jeunes seraient plus influençables par les pairs.

Qu’en est-il justement de l’influence des pairs? Disons d’abord qu’elle peut s’expliquer par le besoin de reconnaissance et d’appartenance à un groupe qui est fondamental pour l’adolescent (Canard, 2010; Pereira, Canavarr, Cardoso & Mendonça, 2005). L’attention

positive du groupe de pairs est une ressource importante dans la quête identitaire du jeune. Selon Loignon (1996), la présence et la disponibilité d’un interlocuteur privilégié avec lequel parler de sexualité et l’attitude de l’environnement familial par rapport aux questions de sexualité sont des facteurs susceptibles d’influencer les comportements contraceptifs des adolescents.

Dans nos résultats, nous avons observé qu’en général, les participants fréquentent des amis partageant des valeurs semblables aux leurs. Ils savent aussi identifier les comportements des jeunes en matière de sexualité sans pour autant leur porter un jugement. Certains vont jusqu’à mentionner avoir des échanges ouverts et dégagés de toute gêne sur la sexualité avec leurs amis; ce type d’échanges semble être plus le fait des filles que des garçons. En ce qui concerne l’influence des pairs, Antonishak, Sutfin et Reppuci (2005) font remarquer : « Although peers can provide supportive contexts for positive social skills and outcomes, they can also be a risk factor for some problem behaviors. The type and context of the relationship and status within any peer relational context contribute unique influences to adolescent development » (p. 64); le cas des jeunes qui fréquentent des pairs qui pensent que l’utilisation du condom peut causer des infections vaginales, qu’il ne revient pas aux filles de proposer le condom au partenaire peut être considéré comme un exemple.