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Profils identitaires et prises de position sur la sexualité d'adolescent(e)s pentecôtistes et catholiques pratiquant(e)s de Port-au-Prince (Haïti) : analyse d'un champ représentationnel en fonction des modes d'insertion sociale

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Texte intégral

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VLADIMIR JEAN CHARLES

PROFILS IDENTITAIRES ET PRISES DE POSITION SUR

LA SEXUALITÉ D’ADOLESCENT(E)S PENTECÔTISTES

ET CATHOLIQUES PRATIQUANT(E)S DE

PORT-AU-PRINCE (HAÏTI) : ANALYSE D’UN CHAMP

REPRÉSENTATIONNEL EN FONCTION DES MODES

D’INSERTION SOCIALE

Thèse présentée

à la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l’Université Laval dans le cadre du programme de Doctorat en psychologie - recherche et intervention

pour l’obtention du grade de Philosophiae Doctor (Ph.D)

FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES UNIVERSITÉ LAVAL

QUÉBEC

2013

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Résumé

Dans le contexte de la prévention des ITSS (infections sexuellement transmissibles et par le sang) en Haïti, pour comprendre comment, à l’heure actuelle, les jeunes chrétiens s’approprient les recommandations véhiculées par les médias, 96 adolescents, âgés de 16 à 19 ans, qui se définissent comme croyants et pratiquants (48 catholiques et 48 pentecôtistes, 24 filles et 24 garçons dans chaque groupe), ont été recrutés dans cinq écoles de la zone métropolitaine (Port-au-Prince). Le but de la recherche était d'explorer le champ représentationnel de la sexualité de ces adolescents et adolescentes en fonction de l’allégeance religieuse, du sexe, du statut socioéconomique. Nous voulions également analyser la place du profil identitaire dans ce champ représentationnel, les stratégies mises en œuvre pour gérer les messages parfois contradictoires sur la prévention provenant des experts médicaux et des leaders ecclésiaux ainsi que le rôle des personnes significatives dans cette dynamique. Pour atteindre les objectifs de recherche, une approche pluriméthodologique a été utilisée en combinant une mesure du profil identitaire des participants, un test d’association (avec quatre mots inducteurs : sexualité, abstinence, virginité, sida) pour explorer le champ représentationnel de la sexualité et des entrevues semi-directives (n = 11) à l’aide de mises en scène problématiques pour en approfondir la compréhension.

L’analyse des profils identitaires montre que la majorité des participants sont à une étape de leur développement où ils sont plutôt prêts à agir en conformité avec les prescrits extérieurs ou suivant une logique d’immédiateté. Dans les tests d’association, à des degrés divers, des différences sont observées dans la dynamique d’ancrage de la sexualité. Les jeunes des milieux défavorisés mettent l’accent sur des éléments immédiats, voire concrets, de la sexualité tandis que les adolescents des milieux favorisés invoquent davantage des éléments d’ordre affectif et éthique (e.g. honneur, confiance, stigmatisation). Les garçons affichent des conceptions valorisant l’expérience sexuelle tandis que les filles se montrent plus ou moins réservées sur la virginité. Les facteurs allégeance religieuse (catholique vs pentecôtiste) révèlent une vision de la sexualité plutôt consensuelle dans les deux groupes

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étudiés, sauf sur la virginité. Quant au facteur « âge », dû à son faible écart, il n’apparait pas déterminant dans l’analyse. L’analyse du champ représentationnel selon les stratégies identitaires révèle un plus grand intérêt pour l’exploration de la sexualité que la recherche d’un engagement basé sur des principes éthiques. Chez les participants à profils identitaires moins évolués, ceci s’exprime à travers des stratégies identitaires à visée pragmatique et immédiate. Chez les quelques rares participants qui sont à un stade plus avancé, ce genre de stratégies est dépassé au profit d’actions présentant une vision intégrée basée sur un système de valeurs personnelles bien établi. En somme, il semble que les stratégies identitaires varient en fonction des enjeux du contexte, du niveau de développement de l’adolescent ou de l’adolescente et, indirectement, de l’ouverture des personnes significatives à des échanges avec lui ou elle.

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Abstract

In the present context of STD (Sexually Transmitted Diseases) such as HIV/AIDS and blood-borne viruses- STI/HIV/BBV) in Haiti, to understand how young Christians are seizing recommendations promoted by the media, 96 teenagers aged 16 to 19 who defined themselves as devout believers (48 Catholic and 48 Pentecostal, 24 boys and 24 girls in each group) were recruited in five schools of the Port-au-Prince metropolitan area. Specifically, this study was designed to examine the representational field of sexuality of those teenagers according to their religious allegiance, socio-economic status, gender, age. This study aimed to examine the place of the identity profile in this representational field, to analyse the strategies used to deal with the sometimes opposing messages on prevention coming from medical experts and ecclesial leaders as well as the role of significant others in this dynamic. A multi-method approach was used, combining an identify profile measure of the participants ; an association test (with four inductor words) to explore the representational field of sexuality; and semi-structured interviews (n = 11) using problematic issues to attain a deeper comprehension.

Globally, the analysis of the answers obtained reveals that a majority of participants are in a first stage of transition in their identity development characterized by a tendency to act according to environmental influences. The results also show differences in the anchoring dynamics of sexuality at various levels. Teenagers from underprivileged backgrounds tend to focus on concrete elements to adress sexuality (e.g., genital organs, syphilis, the symptoms of AIDS: fever, diarrhoea) while teenagers from privileged backgrounds focus more on emotional and symbolic elements (e.g., honor, mutual confidence, stigmatization). On the issues of abstinence and virginity, the boys’ views are more liberal, assigning value to sexual experience, while girls are more or less reserved concerning virginity and tend to emphasize its market value. Religious allegiance (Catholic vs Pentecostal) points out a consensual vision of sexuality, except again for issues on virginity. As for the age variable, due to its restricted range, it does not play a determining role in our results. The analysis of

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the representational field according to the identity profile reached by the majority of the participants reveals a greater interest for the exploration of sexuality than for commitment to ethical principles, all this expressed through pragmatic strategies and a « logic of immediacy ». Some rare participants at a more elaborated level of development show a more integrated vision of sexuality, based on a system of values solidly grounded. On the whole, identities strategies seem to vary according to contextual issues, level of identity development and, indirectly, openness of significant others to discussion with the adolescent.

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Avant-propos

L’effervescence et les réactions qu’a provoquées le roman de Dan Brown en 2003 (The Da Vinci Code) nous permettent de soutenir qu'actuellement, comme auparavant, tout ce qui a rapport à la sexualité représente un terrain d’enjeux pour le christianisme, surtout lorsqu’il s’agit de la sexualité de jeunes non mariés. Cette étude porte sur l’exploration du champ représentationnel de la sexualité d’adolescents catholiques et pentecôtistes âgés de 16 à 19 ans de Port-au-Prince. Elle vise à comprendre les stratégies mises en œuvre par des jeunes se définissant comme croyants et pratiquants, dans le contexte de la divergence des recommandations des experts médicaux et des leaders religieux sur la prévention des maladies sexuellement transmissibles en Haïti.

Questionner de jeunes croyants-pratiquants sur la manière dont ils s'approprient ces recommandations en leur proposant de répondre à des questions fermées ne garantit pas qu’on atteigne leurs positions personnelles, leurs pratiques effectives, surtout s’ils se sentent interpellés sur la base de leurs croyances religieuses; avec ces préoccupations en tête, nous avons opté pour une méthodologie plus ouverte qui donne la parole aux adolescents haïtiens pour qu’ils expriment le plus naturellement possible ce qu’ils conçoivent de la sexualité à l’ère des ITSS.

Pour approfondir le sens que les adolescents donnent à cette réalité, nous ne nous sommes pas limités à décrire le contenu du champ représentationnel de la sexualité, mais nous avons tenu compte du fait qu’à cette étape de leur développement, ces jeunes sont en pleine quête identitaire et que cette préoccupation peut affecter, de près ou de loin, leurs représentations. D’où notre tentative de dresser en premier lieu le profil identitaire des jeunes participants à cette étude. Nous tenons à préciser que l’objectif de l’étude n’est pas de décrire l’expérience religieuse de ces adolescents sur la base de ce profil, mais d’explorer la dynamique représentationnelle de la sexualité de ces jeunes (dans le contexte de sa remise en discussion dans les débats publics), en tenant compte de l’influence du cadre de

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référence culturel qui dicte les règles de conduite des individus. Dans cette recherche, nous avons opté pour une perspective développementale de l’identité des jeunes pour mieux souligner son caractère dynamique à cette étape de vie.

En ce sens, nous espérons que ce travail contribuera à des réflexions susceptibles d’enclencher une certaine sensibilisation des acteurs de la santé publique à l’importance d’une approche de la prévention des maladies sexuellement transmissibles qui promeut le pouvoir d’agir et de réfléchir d’adolescents haïtiens en pleine évolution.

Cela étant posé, j’aimerais remercier les personnes qui m’ont apporté un soutien affectif, financier, logistique, académique dans la réalisation de ce travail.

Mon père : Jean-Lavaud Frederick m’a communiqué par son attitude face aux évènements de vie, l’importance de la persévérance dans la quête du succès.

Ma femme : Edwine C. Jean Charles qui me laisse la liberté de travailler très tard la nuit et qui m’encourage à aller de l’avant.

J’adresse un remerciement spécial aux directeurs des écoles qui m’ont accueilli pour la réalisation de l’enquête ainsi qu’à tous les élèves volontaires qui ont été très coopératifs. Ma gratitude va également aux assistants de recherche de la faculté des sciences humaines qui m’ont aidé à établir les contacts avec les participants, et à la saisie des données : Monod Alphonse, Sophonie Mondélus, Stéphanie Moléon, Simon Eliezer.

Je veux souligner également:

- l’aide de mes collègues Sonia Bélanger dans la saisie des données et de Stéfanie Salazar pour ses conseils.

- les critiques constructives de mes collègues du laboratoire Psychologie et Cultures de l’École de psychologie de l’Université Laval.

- l’aide financière de l’organisation des états américains et du gouvernement haïtien. - l’encadrement et les suggestions des membres du comité de thèse qui ont joué un rôle majeur dans l’évolution de mes réflexions : la professeure Francine Dufort, le professeur Raymond Lemieux et le professeur Michel Loranger.

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- la professeure Edwidge Millien de la faculté des sciences humaines à Port-au-Prince pour son soutien dans le processus d’adaptation des instruments de recherche; les auteurs Barbot Baptiste, Gerald Adams et l’historien Marcel B. Auguste pour leurs conseils et suggestions. Je veux surtout souligner le soutien majeur de ma directrice de thèse, un mentor incomparable ; la professeure Marguerite Lavallée m’a toujours épaulé dans les moments les plus difficiles de cette aventure doctorale sur tous les aspects possibles; grâce à la qualité de son encadrement, la rédaction de la thèse a été une partie de plaisir.

Enfin, je garde au fond de mon cœur le nom de tous ceux (parents et amis) qui m’ont communiqué de l’espoir, l’énergie positive par un sourire ou par des mots d’encouragement : Claudamise Elisé, Simon St-Fleur, Séverine Garnier, Pape Leroy, Myriame et Gilbert Gousse, Carmen Flambert Chéry, Jacques Baltazar, Jean-Hislain Frédérick, Macda Jean Charles, Stéphane Alix, Myriam G. Larsen et Yanick Lahens.

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In memoriam

Je dédie ce travail avec tout mon cœur à la mémoire de :

-ma grand-mère, feu Claire Vanna Frederick pour saluer son courage,

-feu Marie-Josée Jean Charles, ma mère qui est partie trop tôt.

-Je veux également honorer la mémoire de tous les participants qui ont

contribué à la réalisation de cette thèse, ceux principalement qui ont été

victimes du séisme dévastateur du 12 janvier 2010 à Port-au-Prince. Je ne

saurais identifier ces jeunes par leurs noms, mais je garde leurs images au

fond de ma mémoire.

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Commence par faire le nécessaire, puis fais ce qu’il est possible de faire et tu réaliseras l’impossible sans t’en apercevoir.

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Table des matières

Résumé………...……..….ii

Abstract………...………..iv

Avant-Propos………...vi

Introduction………...1

CHAPITRE I : LES REPRÉSENTATIONS SOCIALES DE LA SEXUALITÉ : MALAISE EN MILIEUX RELIGIEUX CHRÉTIENS 1- Enjeux autour des débats publics sur la sexualité en Haïti……….………….…..………...7

1.1- La sexualité comme objet de représentations sociales……..………..…..…..13

CHAPITRE II : CADRE THEORIQUE ET CONCEPTUEL 2.1- Les Représentations sociales, théorie du sens commun………...…….19

2.1.1- Définition d'une RS….………..………..……….……….…….….21

2.1.2- RS, notion polysémique: présentation de quelques courants...21

2.2- Du polymorphisme de l’objet……….…..…….…....23

2.3- Dynamique de formation et de transformation des R.S…………..………….……….…26

2.3.1- Les Thêmata en tant que composants du métasystème ……….……….27

2.3.1.1- Socialisation (religieuse): l'influence des thêmata…………..………….…….….28

2.4- Identité et représentations sociales………..………....32

2.4.1-Les stratégies identitaires de gestion des conflits de codes selon Camilleri ..……….32

2.4.2.- La vision de Breakwell : l’identité en contexte….………..35

2.4.3- L’approche de l’identité de Marcia………..37

2.5- Développement identitaire et contexte socioculturel ………....39

2.6- Synthèse : l’identité comme repère d'ancrage psychosociologique……...………....42

2.6.1- Rappel et précision des objectifs de recherche……….………..….44

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CHAPITRE III- CADRE METHOLOGIQUE : PRESENTATION DES INSTRUMENTS DE MESURE DE LA COLLECTE DES DONNÉES

3-Mise en contexte………...….47

3.1- Description de l'échantillon ………...…….………..………..48

3.1.1- Définition de la notion «croyant-pratiquant»………..………49

3.1.2- Description des écoles ciblées……….…49

3.1.3- Préparation du terrain……..………..………..51

3.1.4- Le recrutement des participants……….…..…..51

3.2- Présentation des instruments ….………...…….………52

3.2.1- Le questionnaire EOMEIS .………...……….……...53

3.2.2- Le test associatif ….……….…….…….55

3.2.3- L’entrevue semi-directive……….……...54

3.3- Justification de l’approche méthodologique ………..………...57

3.4- Déroulement de la passation des questionnaires et de l’entrevue……….58

CHAPITRE IV:TRAITEMENT DES DONNÉES DU TEST EOMEIS 4.1- Analyse descriptive des données……….…….61

4.1.2- Interprétation et limites des résultats……....………..………….68

4.2- Synthèse préliminaire………...………...…….…69

CHAPITRE V : TRAITEMENT DES DONNÉES DES TESTS ASSOCIATIFS 5- Procédures de l’analyse des réponses obtenues aux tests associatifs………..73

5.1- Présentation des résultats……….………...75

5.1.1- Résultats pour le mot sexualité…...……….…...75

5.1.2- Résultats du mot abstinence ………..………...79

5.1.3- Résultats pour le mot virginité ………..…………...81

5.1.4- Résultats pour le mot sida...………...85

5.2- Synthèse préliminaire.………..87

CHAPITRE VI : ANALYSE DES ENTREVUES SEMI-DIRECTIVES. 6.1- Le traitement des verbatim……….………..92

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6.1.1- Participants classés dans le profil identitaire diffusion ….………..…....……..96

6.1.2- Participants classés dans le profil identitaire diffusion-forclusion ….…..……..100

6.1.3- Participants classés dans le profil moratoire………....105

6.1.4- Participante classée dans le profil identitaire indifférencié……….…..110

6.2- Principaux constats tirés de l’analyse des entrevues semi-directives………….……115

CHAPITRE VII : INTERPRETATION DES RÉSULTATS 7.1- Réponse à la première question……….….122

7.2- Réponse à la deuxième question……….…128

7.3- Réponse à la troisième question……….….130

7.4- Réponse à la quatrième question ………...132

7.5- Discussion et limites des résultats………...135

Conclusion ……….………..……..145

Références….……….…….150 ANNEXE I : Guide d’entrevue semi-directive……….………..…..….……II ANNEXE II : Guide d’entrevue semi-directive (version créole)……….….…..…..V ANNEXE III: Tableau récapitulatif des stratégies identitaires………..………..…..……VII ANNEXE IV : Formulaire de recrutement des participants ……….…....VIII ANNEXE V : Formulaire d’assentiment des jeunes adolescents………...……..…IX ANNEXE VI : Formulaire de consentement des parents……….…...…XII ANNEXE VII : La sexualité dans les fêtes populaires………..…..XV ANNEXE VIII : TEST EOMEIS………..………..…...XXII ANNEXE IX : TEST EOMEIS (version créole)……….…….…..XXVII ANNEXE X : Avis de recrutement des participants….………..………...XXXIII ANNEXE XI : Zones de recrutement des participants dans les écoles de l’aire métropolitaine………...………..……...…XXXIV

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Liste des tableaux

Tableau 1 : Répartition des participants dans les différentes écoles retenues…….………..50 Tableau 2 : Répartition des profils identitaires selon le milieu socioéconomique………….62 Tableau 3 : MANOVA pour les variables indépendantes et les scores relatifs aux profils identitaires.……….63 Tableau 4 : Tests à mesures non répétées sur les scores relatifs au profil forclusion ………..………….…...64 Tableau 5 : ANOVA : variable sexe / scores relatifs au profil forclusion…….…………....65 Tableau 6 : Tests à mesures non répétées sur les scores relatifs au profil diffusion ………...………...65 Tableau 7: Tests à mesures non répétées sur les scores relatifs au profil moratoire ………...………..…66 Tableau 8: Tests à mesures non répétées sur les scores relatifs au profil réalisation identitaire………...66 Tableau 9 : Répartition des sujets suivant le mode de cohabitation familiale et le statut socioéconomique………...………..………...67 Tableau 10 : Contributions absolues des différentes modalités des variables sur les 2 premiers facteurs (associations au mot Sexualité).……….……….…...76 Tableau 11 : Contributions absolues des différentes modalités des variables sur les 2 premiers facteurs (associations au mot Abstinence)………...……79 Tableau 12 : Contributions absolues des différentes modalités des variables sur les 2 premiers facteurs (associations au mot Virginité).………..……….…...82 Tableau 13 : Coordonnées factorielles et contributions absolues des différentes modalités des variables sur les 2 premiers facteurs (associations au mot Sida).………..……….…85

Tableau 14 : Prises de position des participants en fonction de leur profil identitaire……….………116 Tableau 15 : Justification de l’usage du condom ………..……119

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Liste des Figures

Figure 1 : Positionnement théorique ………....…43 Figure 2 : Analyse des correspondances simples sur le mot Sexualité………..…...…77 Figure 3 : Analyse des correspondances simples sur le mot Abstinence….……..….…….80 Figure 4 : Analyse des correspondances simples sur le mot Virginité………..…..…...…..83 Figure 5 : Analyse des correspondances simples sur le mot Sida…...………….….……...86 Figure 6 : Champ représentationnel de la sexualité………..…………...….90

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Liste des sigles

CECOSIDA : Centre de Communication sur le SIDA

EMMUS : Enquête Mortalité, Morbidité et Utilisation des Services EOMEIS: Extented Objective Measure of Identity Status

FOSREF: Fondation pour la Santé Reproductive et l’Éducation Familiale. FNUAP : Fonds des Nations Unies pour la Population

HPN : Haïti Press Network

IHE : Institut Haïtien de l’Enfance

IHSI : Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique

INURED : l’Institut Interuniversitaire de Recherche et de Développement ITSS : Infection Transmise Sexuellement et par le Sang

MENJS : Ministère de l'Éducation nationale de la jeunesse et des sports MPCE : Ministère de la Planification et de la Coopération Externe MSPP: Ministère de la Santé Publique et de la Population

ONUSIDA : Programme commun des Nations Unies pour le développement OMS : Organisation mondiale de la santé

PAHO: Pan American Heath Organisation

STD/HIV/BBV: Sexually Transmitted deseases, including HIV/AIDS and blood-borne

viruses-

SPSS: Statistical Package for the Social Sciences

SPAD-T:Systèmes probables d’analyses de données textuelles.

RS: Représentations sociales.

UNICEF: United Nations Children's Fund VIH: Virus de l'Immunodéficience Humaine

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Introduction

Prise de position d’un journaliste chrétien : « Il est temps peut-être d’exhorter les

pasteurs à être plus vigilants, à observer de plus près le comportement ou la tendance de leurs fidèles, et de leur rappeler clairement et régulièrement les prescrits bibliques face aux grands maux qui ravagent notre société en ce siècle des temps modernes quand beaucoup de jeunes risquent d’être influencés s’ils ne sont pas protégés par de solides balises spirituelles. À l’heure ou la quasi-totalité des institutions haïtiennes affichent un bilan négatif, ne serait-il pas impératif de préserver et de renforcer les valeurs morales et spirituelles enseignées par la Bible et ainsi, garder la crédibilité de l’Église, car après tout, n’est-ce pas la seule chance qui reste à Haïti si l’on veut réellement éviter le pire ?»

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Les discours qui circulent dans les médias haïtiens sur la sexualité des jeunes et sur le sida, la domestication qui en est faite à travers les chansons populaires, les prises de position des leaders religieux sur la place publique pour réaffirmer les normes chrétiennes en rapport à la sexualité sont autant d’éléments qui démontrent l’embarras des institutions chrétiennes au vent de modernité qui souffle en Haïti. Ces discours modernes sur la sexualité portant sur l’utilisation du préservatif, sur la contraception, la remise en question des rôles sexuels, etc. semblent créer un malaise non seulement chez les leaders religieux, mais aussi dans diverses couches de la population. Les adolescents (de famille chrétienne), en pleine quête d'identité au moment où ils s’éveillent à la sexualité eux-mêmes ne sont pas en reste. Comment ces jeunes (surtout ceux qui se définissent comme « croyants-pratiquants ») reçoivent-ils les discours de prévention des experts médicaux et comment arrivent-ils à les réconcilier avec les messages religieux d’abstinence sexuelle qui se font tout aussi insistants?

Pour Lutte (1988), « l’adolescence est l’âge dans lequel les jeunes peuvent effectuer des choix religieux personnels » (p. 170); mais l’auteur ne précise pas si les représentations des principes religieux des jeunes correspondent forcément aux normes officielles véhiculées par les institutions ecclésiastiques. Une exploration systématique de leur profil identitaire à travers leurs prises de position sur la sexualité est susceptible de déboucher sur des pistes de réponses à ces questions, en permettant de voir leur degré d’adhésion individuelle au système de représentation véhiculé par l’orthodoxie religieuse et de dégager les relations complexes que le jeune établit entre des messages institutionnels parfois contradictoires et ses propres constructions (Giust-Desprairies, 1988). Travaillant auprès d’une population adulte et adolescente, Arlin (1984) s’est intéressée à comprendre la démarche cognitive complexe de coordination, d’établissement de cadre de pensées contradictoires, elle soutient que la capacité d’intégration de visions contradictoires émerge tard à l’adolescence (18-19 ans). Vidal (1984) ajoute que cette démarche requiert la stimulation et le soutien de l’environnement. Dans ce même ordre d’idée, Adams (2005) fait les remarques suivantes par rapport au retard du développement cognitif (de la pensée formelle) à l’adolescence :

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« Failure to develop these cognitive abilities will leave a youth functioning at less adaptive levels of concrete thinking…poor interactions with others » (p. 11).

À partir de ces observations, la présente recherche vise à pallier le manque de travaux sur la dynamique identitaire de l’adolescent confronté à des univers sociaux pleins de contradictions. Par exemple, Camilleri (1990), dans ses travaux sur les stratégies identitaires, souligne que : « À notre connaissance, on ne dispose jusqu’ici d’aucune information sur la spécificité des troubles provoqués par cette situation d’incompatibilité structurelle des systèmes et moins encore sur les stratégies éventuellement mises en œuvre pour y parer » (p. 94). Selon certains auteurs, dont Wagner, Duveen, Jovchelovitch, Lorenzi-Cioldi, Farr, Markova & Rose (1999), la théorie des RS permet d’explorer les stratégies identitaires mises en œuvre dans l’appropriation d’un objet; ils avancent ce qui suit : « The symbolic dimension of social representation is central to understand how people express identity, develop patterns of behaviour and engage with significant others » (p. 104). Mais, selon Doise (1993), la plupart des travaux empiriques en RS se concentrent sur les processus d’objectivation et d’ancrage et négligent parfois d’étudier la manière dont les groupes sociaux génèrent des représentations et expriment leur identité dans un système représentationnel. Moliner et Deschamps (2008) figurent parmi les auteurs qui ont le plus poussé leurs réflexions sur ce sujet; cependant, de notre point de vue, leurs analyses sont limitées en ce qui concerne la façon de définir l’identité pour mieux comprendre le mécanisme par lequel les individus sont amenés à se distinguer dans un champ représentationnel.

En dépit de cette carence, certaines recherches empiriques montrent l’intérêt d'une telle perspective. Wark & Krebs (2000), dans leur recherche sur la gestion des dilemmes moraux à partir d’un échantillon de 117 jeunes (17-21 ans), ont révélé une différence de genre en ce qui concerne les manières dont les garçons et les filles résolvent les contradictions à la base d’enjeux moraux. Wark (2001) a montré entre autres comment le profil identitaire (tel que conceptualisé par Marcia, 1966) influence ce processus. Selon ces résultats, le sentiment de culpabilité se retrouve davantage chez les filles que chez les garçons; l’auteur souligne également que le sentiment de culpabilité est rapporté plus souvent par les sujets catégorisés dans les profils identitaires les moins évolués (diffusion, forclusion) que chez

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les sujets appartenant à la catégorie identitaire dite achevée (ou réalisation identitaire). La pratique religieuse n’était cependant pas explorée chez ces participants. L’ajout de ce paramètre appréhendé tant d’un point de vue conceptuel que pratique pour étudier des situations comportant des enjeux moraux pourrait donner un aperçu de la cohérence entre les positions officielles et les positions personnelles des jeunes sur la sexualité, montrer comment les pôles personnel et social de l’identité s’agencent dans leurs prises de position. On suppose qu’une démarche de ce type pourrait aboutir à des résultats intéressants du fait que les exigences des préceptes religieux rendent difficile l’adéquation entre ce que les gens pensent devoir faire et ce qu’ils veulent effectivement faire.

La réflexion sur le cadre paradigmatique dans lequel s’inscrit cette recherche s’impose au départ pour rendre explicites les choix théoriques et méthodologiques effectués. Cette recherche s’inscrit dans le courant de la théorie des représentations sociales (RS). Cette théorie est le résultat d’une coupure d’avec la tradition behavioriste (du schéma stimulus / réponse) dans l’étude des attitudes, dont la prétention se traduit en une volonté de fonder une science du comportement ou du cerveau, ou mieux, d’identifier la pensée humaine à un certain type de rationalité quantifiable et contrôlable (positivisme). À notre avis, les recherches dans la lignée de la théorie des RS revendiquent un autre paradigme qui est situé entre le courant post positiviste (qui soutient qu’il est difficile d’atteindre de manière totalement objective les réalités humaines et recourt de ce fait à la triangulation méthodologique) et le constructivisme (qui cherche à décrire qualitativement les phénomènes étudiés en prenant en compte la subjectivité et l’intersubjectivité des individus dans l’analyse des multiples aspects de leur réalité sociale). La posture paradigmatique adoptée dans cette thèse est celle du constructivisme et l’approche phénoménologique qui permettent « de comprendre les phénomènes à partir du sens que prennent les choses (ici la sexualité) pour les individus dans le cadre de leur projet du monde » (Pourtois, Desmet, 2007, p. 23).

L’ensemble du travail comporte sept chapitres. Pour guider le lecteur, une brève synthèse est présentée à la fin de chaque chapitre. Le premier chapitre de la thèse expose la problématique de l’étude, elle fait une mise en contexte de l’objet d’étude à travers une

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revue de la littérature variée (consultation d’articles de presse : journaux, Internet, émissions de radio et chansons populaires en Haïti). Cette première partie est une phase importante dans les études des RS dans la mesure où elle permet de dégager les phénomènes sociaux qui conditionnent la remise en cause d’une représentation en même temps que sa transformation.

Dans le chapitre II, où est présenté le cadre conceptuel et théorique, nous abordons l’avènement de la théorie des représentations sociales (RS) dans les sciences sociales et le rôle de la modernisation de l’espace public dans un tel contexte. Nous y soulignons également les différents types de RS, afin d’étayer la réflexion sur les raisons de cette mise en discussion de l’objet sur la place publique. En vertu du caractère polymorphe de l’objet d’étude, la sexualité, on y souligne qu’il s’agit d’une RS polémique. Compte tenu de la population étudiée, des adolescents, nous abordons différents travaux de recherche sur les processus de socialisation et sur les RS et l’identité. Cette partie établit les balises permettant d’analyser la place de l’identité dans les prises de position des individus; elle aboutit au positionnement théorique (dans lequel s’inscrit cette thèse) et à la présentation des objectifs poursuivis.

Le chapitre III décrit le dispositif de recherche, l’échantillon, les instruments de collecte des données, le processus de recrutement des participants, bref, la méthode qui permet de répondre aux questions de recherche. Dans le chapitre IV, nous décrivons le processus de traitement des données quantitatives et nous présentons les résultats obtenus aux différents tests utilisés, en soulignant leurs limites. Le chapitre V est consacré aux analyses des tests associatifs. Dans le chapitre VI, nous réalisons l’analyse des entrevues semi-directives, ainsi qu’une synthèse globale des données collectées. Dans le chapitre VII, les résultats obtenus permettent de faire le lien avec les questionnements soulevés dans les analyses quantitative et qualitative (du chapitre IV) afin de formuler les réponses aux questions de recherche. Nous y discutons également de leurs apports empiriques et théoriques; ce chapitre se termine par une synthèse qui nuance la portée des résultats obtenus, suivie de la conclusion.

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CHAPITRE I

LES REPRÉSENTATIONS SOCIALES DE LA SEXUALITÉ : MALAISE

EN MILIEUX RELIGIEUX CHRÉTIENS

« Sex. There is probably no other realm of human experience in which religious thinking and control has had such vast reach and powerful influence. Faiths of every sort have always held strong beliefs about different forms of sexual conduct. But there is nothing natural or self-evident about the ways in which various religions prescribe or proscribe and bless or condemn different forms of sexuality »

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I- Enjeux autour des débats publics sur la sexualité en Haïti.

Depuis ces cinquante dernières années, on observe un regain d’intérêt de la recherche en sciences sociales, particulièrement en sociologie et en psychologie, pour explorer les représentations de la sexualité chez les jeunes dans un contexte de libération des mœurs et des valeurs nouvelles véhiculées par les campagnes de prévention du sida (Wilaime, 2002; Rostoky, Wilcox, Wright, Randall, 2004 ; Pardun et Forde, 2006). Certains auteurs pensent que cette nouvelle donne vient compliquer l’action du christianisme dans sa transmission des valeurs religieuses traditionnelles (Hervieu-Leger, 2001; Bastian, Champion, Rousselet, 2001), compte tenu des modifications qu’elle entraîne dans la dynamique sociale et les savoirs sur la sexualité chez les adolescents. Dans cette veine, nous soulignons les affirmations suivantes de Thomson et Scott en 1992 : « It is HIV/AIDS that has provided the recent major driving force to increase sex education, and one that has caused young teenagers to be showered with more sexual information than ever before » (cité par Mellandy, Phelps et Tripp, 1992, p.449).

Il semble évident que l’enjeu suscité par cette réalité nouvelle n’est pas sans conséquence sur les représentations de la sexualité en Haïti. Dans certains milieux religieux, on souligne une tendance manifeste des institutions de socialisation à contrôler plus strictement la sexualité des adolescents, ce qui entraîne du même coup une nouvelle représentation de l’adolescence, selon Martinez et Philips (2009) : « catégorie problématique, l’adolescence devient ainsi le lieu d’interventions sanitaires, psychosociales, sexologiques et éducatives dans le cadre de paramètres de surveillance spécifiques (...) Ces interventions ne se limitent pas à constituer un savoir, mais visent à produire également des sujets à contrôler » (p. 64). Dans cette perspective, alors que les organismes qui œuvrent dans la prévention présument que l’utilisation de la communication de masse (en particulier réseaux sociaux) est un outil efficace dans la prévention de l’infection à VIH, Adeothy-Koumakpaï (2002) qui s’intéresse à la propagation de l’épidémie en Haïti et qui constate que les jeunes visitent les sites pornographiques sur Internet la voit au contraire comme un outil dangereux dans ce

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contexte. Le débat que suscite cette problématique complexe en Haïti ne laisse personne indifférent. Les prises de position qui s’opposent aux croyances déjà établies sont fortement susceptibles d’entraîner des conflits et, par là, d’être débattues sur la place publique. En fait, plusieurs incidents (Annexe VII) ont déjà eu lieu qui confirment le caractère explosif de ce phénomène. Dans le cadre de la théorie des RS, ceci implique qu’en mobilisant un savoir naïf à travers et dans les rapports de communication, l’objet (étrange) qui suscite la controverse est déjà en voie d’être constitué (Doise, 1986).

En Haïti, outre les préceptes religieux visant à réglementer la sexualité, les discours qui circulent dans les médias de communication de masse sur ce thème correspondent tout à fait à de tels objets. Par la diversité des points de vue qu’ils suscitent, ils apparaissent comme un lieu de conflits probables1. Or, ce sont les jeunes adolescents qui sont les cibles des enseignements religieux, des messages sanitaires diffusés, des discours sur les risques du VIH et sur les moyens de les prévenir. Le compte rendu de Morin (1994) est très révélateur à cet égard :

Dans la masse de données qui relèvent de la prévention du sida, il est frappant de constater que ceux qu’on appelle les jeunes continuent d'occuper une place très particulière. Très tôt, on a dirigé vers eux des messages et des actions éducatives à leur faire adopter des comportements de précaution découlant logiquement d’une analyse médicale des risques d’infection par le VIH (p. 110).

Mais les jeunes sont aussi la cible de messages porteurs de nouvelles valeurs préconisant

1 Sur le site de la HPN (2010), on pouvait lire en grand titre les phrases suivantes : « Les chrétiens

encouragent très peu l’usage du préservatif. L’usage du préservatif serait limité par les protestants et catholiques les plus dévots d’Haïti. Sexe et religion ne font pas toujours bon ménage en Haïti. Les chrétiens évangéliques haïtiens, tout comme les catholiques, se barricadent trop souvent derrière des prescrits bibliques. Comme si l’Église n’était pas appelée à se réarticuler ».

Sur ce même lien, on pouvait également remarquer des prises de position variées sur la sexualité de jeunes de plusieurs dénominations religieuses, dont des catholiques et des protestants. En exemple, voici une prise de position d’une jeune protestante : « Je compte beaucoup sur mon petit ami. Il est honnête avec moi, on fait l’amour et l'on doit se marier bientôt. Par précautions personnelles, on utilise le préservatif. Je fais d’unepierre deux coups : j’évite une grossesse non désirée et une éventuelle IST».

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une libération sexuelle totale, un individualisme axé sur la satisfaction immédiate de leurs désirs, etc. C’est en ce sens qu’un rapport de l’Institut de recherche et de développement (INURED2) avance que : « Le thème de la Santé en Haïti est intimement lié à ceux de la Famille, de la Migration et de la Religion. Les grandes transformations sociales et politiques qu’a connues la société haïtienne ont engendré de nouvelles modalités de lien social (p. 1)». Ainsi, dans le contexte socioculturel haïtien, cette réalité présente certaines particularités qui méritent d’être soulignées ici.

a) Les campagnes liées à la prévention de l’infection au VIH sont susceptibles d’occasionner une remise en question de certaines normes culturelles relatives aux rapports sexuels, par exemple, le multipartenariat masculin très toléré dans la culture populaire et l’usage du préservatif qui a souvent une connotation négative dans la mentalité antillaise et haïtienne (Mulot, 2009).

b) La religion, plus précisément le catholicisme et le mouvement pentecôtiste (qui s’adapte très bien à la culture locale) dominent la sphère publique et jouent un rôle essentiel dans la vie quotidienne du fait que les gens croient qu’elle apporte des réponses aux malheurs sociaux, tels que la misère, la maladie, le sida, l’insécurité (Romain, 1986 ; Fontus, 2001; Bastian, 2003 ; Hurbon, 2001 ; Corten, 2001; Corten, Viviana, Derret, 1999 ; Verna et Sta. Maria, 2006). Une enquête de Houtart et Remy (2000) sur les religions en Haïti montre que la grande majorité des jeunes Haïtiens de Port-au-Prince a une opinion positive de la religion3; en 2011 un rapport du FNUAP (Fonds des Nations Unies pour la Population) souligne ce qui suit : « Sur 10 Jeunes Haïtiens âgés de 15 à 24 ans révolus, neuf déclarent appartenir à une religion quelconque. Par contre, un sur dix, soit 10%, ne s’identifie à aucune religion » (p. 5). Cependant, la question est de savoir comment ceux (précisément

2 INURED est un centre de recherche basé à Port-au-Prince, ses laboratoires sont chargés de la

réalisation de programmes de recherche et d’intervention communautaire orientés vers les aires prioritaires du développement économique et social.

3Selon le recensement réalisé en 2003 par l’Institut haïtien de Statistique et d’Informatique (IHSI,

2003) : La religion catholique est prédominante; elle concerne 54,7% de la population de l’Ensemble du Pays. Les baptistes et les pentecôtistes occupent les 2e et 3e rangs avec respectivement 15,4% et 7,9% de la population.

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les chrétiens) qui manifestent le désir d'explorer la sexualité gèrent les principes religieux dans ce domaine, à un moment où leur quête d’identité est à l’avant-plan de leurs préoccupations. Pour Werebe (2007), les recommandations des autorités religieuses en matière de chasteté n’ont pas un accueil favorable auprès des jeunes; il avance en ce sens :

La permissivité sexuelle gagne du terrain dans les pays occidentaux, y compris dans ceux dont la population est majoritairement catholique ; les expériences sexuelles commencent de plus en plus tôt, tant pour les garçons que pour les filles de toutes les catégories. Il est difficile de savoir si, pour ces jeunes, la désobéissance est liée à une baisse des croyances religieuses ou si elle s’explique par le fait que l’Église n’a pas accompagné dans son évolution, les transformations du monde moderne et les aspirations de la jeunesse (p. 140).

À notre avis, poser ces questions n’est pas sans intérêt; elles soulèvent la complexité du problème dans une culture touchée par le vent de la modernité4 et la difficulté de mettre en place des stratégies préventives des ITSS adaptées à cette réalité. Malgré toute la batterie de stratégies de prévention5 axées sur la promotion de l’usage du préservatif et sur l’équité entre les genres (affirmation de la femme sur le terrain de la sexualité) mises sur pied par le Ministère de la Santé publique (MSPP) et les organisations humanitaires pour contrer l’épidémie du sida, la situation demeure préoccupante6. Pour l’institution religieuse

4 Par modernité, nous entendons une forme de remise en question des normes traditionnelles. 5 Ces stratégies promeuvent également une approche multisectorielle, en vue de sensibiliser les

différents agents sociaux, incluant ceux des secteurs religieux, à la nécessité d’amener les jeunes à penser leur sexualité de manière responsable (ONUSIDA, 2004).

6 L’épidémie touche davantage les jeunes, les données de la Fondation de la santé reproductive et de

la famille (FORSREF, 2000) indiquent que l’âge du début des rapports sexuels dans les milieux défavorisés se situe entre 7 et 11 ans. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS, 2001), la santé sexuelle reproductive représente un volet prioritaire en Haïti. Les données révèlent que la majorité des jeunes ont entendu parler du sida, reconnaissent l’importance de l’utilisation du condom, mais son utilisation demeure limitée (Holschneider, Alexander, 2003). En appui à ces résultats, les données statistiques de l’unité des Nations Unies pour le développement de l’enfance montrent que, pour la période allant de 1999 à 2005, le pourcentage de jeunes haïtiens (garçons et filles) qui utilisent le préservatif dans les rapports sexuels à risques (UNICEF, 2005) se situe à 30%

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chrétienne qui a des positions prédéfinies sur la sexualité (entre autres, elle s’oppose à l’usage du préservatif) et qui se voit obligée de se positionner dans ces débats pour défendre la normativité7 religieuse (en rapport à la sexualité) problématisée dans ce contexte (Mellanby, Phelps, Tripp, 1992), le défi à relever est immense.

Au-delà de ces préoccupations institutionnelles, ces nouvelles donnes affectent aussi d’autres secteurs; elles sont probablement en train de modifier la dynamique familiale (Masselot-Girard, 2004) qui est amenée à s’ajuster à ce phénomène en adoptant le discours des experts. Selon ces observations, parler de sexualité aux jeunes devient comme un impératif, un sujet qui ne peut désormais être évité. En tenant compte du fait que la majorité des parents (de la classe populaire haïtienne dont la plupart sont analphabètes8) n’a pas forcément reçu, dans son éducation, ces nouveaux savoirs (Mellanby, Phelps, Tripp, 1992), l’enjeu parait de taille. Certaines données empiriques montrent, entre autres, des réticences de la part de la famille haïtienne à des cours sur la sexualité à l’école; sur 305 parents ayant participé à une formation à Port-au-Prince sur les méthodes contraceptives, 52.1% étaient contre l’éducation sexuelle à l’école (Cherenfant, Espindola, Rousseau, 1996). Les constats de Bozon (2005) appuient ces résultats : « Dans certains pays où l’Église catholique exerce une forte influence, l’éducation sexuelle à l’école est difficilement acceptée, il s’agit d’éviter que la sexualité prenne une autonomie vis-à-vis de chez les jeunes garçons et 19% chez les jeunes filles; en 2006, le taux augmente de façon un peu plus marquée chez les adolescentes (26%) que chez les adolescents (33%) (EMMUS-IV, 2006, p. 28). Bien que les dernières enquêtes aient révélé une diminution importante de la prévalence du sida, passant de 6,1% en 2001 à environ 3% en 2007 sur le territoire national, la maladie reste une préoccupation majeure des programmes de santé publique (EMMUS-V, 2007). En 2011, le rapport mondial de l’ONUSIDA souligne : une possibilité de l’augmentation de la prévalence du sida après le tremblement de terre du 12 janvier 2010 et l’augmentation de la tendance du pourcentage de jeunes des deux sexes à avoir eu des rapports sexuels avant l’âge de 15 ans (ONUSIDA, 2011).

7 On entend par normativité des modes de régulation sociale de la vie d’un groupe ou d’une

communauté.

8 « L’analphabétisme et la sous-scolarisation sont des phénomènes marquants dans le paysage

haïtien pour l’ensemble de la population, particulièrement pour les femmes. Le constat suivant montre l’étendue du phénomène caractérisé par : une entrée tardive dans le secteur éducatif, un taux de déperdition scolaire plus élevé, un traitement discriminatoire des conséquences de la grossesse précoce, un écart grandissant et significatif au niveau du secondaire » (MPCE, p. 87).

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l’institution familiale et religieuse » (p. 51). En 2006, le rapport de l’Institut haïtien de l’Enfance (IHE) souligne de nouvelles donnes; les enquêteurs rapportent que 62% des hommes et 49% des femmes interrogés sont d’accord avec la proposition que les enfants de 12-14 ans soient éduqués à l’utilisation du condom. Toutefois, certains questionnements demeurent : comment sensibiliser les jeunes sur une sexualité responsable, reconnaître leur droit à l’intimité amoureuse et à l’autonomie sans soulever le malaise des parents en heurtant leurs croyances et sans s’opposer aux institutions religieuses qui les ont orientés ?

Aucun signe ne montre que les experts prennent en considération les particularités de l’histoire culturelle haïtienne par rapport à la mise en place d’une éducation sexuelle. En ce sens, Adeothy-Koumakpaï (2002) souligne que la diffusion de messages négatifs sur le préservatif (qu’il diminue le plaisir sexuel, qu’il cause des maladies) et l’absence de communication entre parents et adolescents sur la sexualité constituent des obstacles au changement de comportement chez les jeunes confrontés à la pandémie du sida.

Dans ces réflexions, il y a lieu de se demander comment les adolescents, véritables cibles de ces interventions, voient et intègrent cette préoccupation des leaders religieux et des parents à travers les discours de mises en garde et ces débats publics sur la sexualité, à cette période de leur construction identitaire? Qu’en est-il de ceux qui appartiennent aux groupes religieux chrétiens où prédomine un rigorisme sur les questions relatives à la sexualité par des codes de conduite pour prévenir « l’inadmissible »? Mercer (2004) souligne bien cet enjeu : « As adolescents negotiate the boundaries of their own identities within that of their families, religious perspectives on sexuality and sexual behaviour can become a tensive testing ground » (p. 175).

Pour pousser plus loin la réflexion, on peut également se demander jusqu'à quel point les modes d’insertion sociale (milieux favorisés / défavorisés, genre) et religieuse (catholiques / pentecôtistes) influencent la dynamique représentationnelle de la sexualité d’adolescents haïtiens qui se définissent comme croyants-pratiquants? La présente recherche offre la possibilité de répondre, du moins partiellement, à ces questions en examinant les prises de

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position d’adolescents et d’adolescentes catholiques et pentecôtistes pratiquants par rapport aux conceptions et pratiques sexuelles véhiculées et d’en dégager leurs points d’accord et de désaccord.

Mais avant de se pencher sur ces différentes questions, il y a lieu de préciser ce qui permet de considérer la sexualité comme un objet de RS. Selon Moliner (1993) : « Avant de s’attacher à étudier la représentation d’un objet, il conviendrait donc de préciser pourquoi on fait l’hypothèse de l’existence d’une représentation sociale » (p. 5).

1-1- La sexualité comme objet de représentation sociale

Toute représentation sociale (RS) d’un objet a une histoire qui permet de voir sa naissance ou sa transformation. Dans le cas de la sexualité, sa transformation semble représenter une menace à l’identité religieuse des catholiques et de certains groupes religieux chrétiens très conservateurs à cause des nouvelles pratiques que cette mutation implique (Madiot, 1999 ; Perrot, 2002) et du nouveau sens collectif qui s’en dégage.

Dans les milieux religieux chrétiens, la sexualité se trouve au cœur des mythes fondateurs; toute parole sur la sexualité à destination des jeunes se doit de réprimer l’expérience sexuelle préconjugale (Daumas, 2004). Se rapprocher de Dieu, c’est mettre hors-jeu la sexualité (Bertrand, 2002). Cependant, la révolution de l’espace public et le spectre des maladies sexuellement transmissibles ont engendré le retrait de la sexualité du contrôle exclusif des autorités doctrinales en faveur d'une mise en discussion plus ouverte dans la sphère publique. Ceci n’est pas sans susciter des problèmes. Leur ampleur est mise en évidence par Séraphin (2004), dans une analyse du mouvement pentecôtiste quand il avance que : « Le SIDA a contraint les affiliations pentecôtistes à réaffirmer leur position en matière de sexualité et plus largement, leur morale «pro-vie9» (p. 491). Dans cette même ligne de pensée, on note l’inquiétude des agents religieux catholiques10 haïtiens par rapport

9 Mouvements religieux chrétiens, défendant le droit à la vie, ces personnes affichent une opposition

à l'avortement, contraception, etc.

10 À noter que le rôle déterminant de la religion catholique comme acteur décisif dans le débat

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aux comportements jugés libertins des jeunes : « Une jeunesse aux mille visages (…) la fin du monde ne doit pas être très loin » souligne Nerestant (1999, p. 240).

Tous ces propos émis sur la place publique ont généré une véritable métamorphose sociale dont les répercussions d’ordre culturel et sociétal se sont fait sentir au point d'enclencher un débat social sur la sexualité (Arriquiry, 2007). L’un des indicateurs manifestes de cette transformation s'observe par l’avènement d’un individualisme moderne qui semble ébranler la mainmise des leaders religieux sur l’accès aux informations concernant les pratiques sexuelles. Ce point de vue rejoint l’analyse de Brechon, Duriez et Ion (2000) :

L’observation des scènes religieuses, que ce soit dans les milieux catholiques, musulmans, juifs, protestants, montre dans un contexte d’individualisation de la société, une croissance du pluralisme interne à chaque confession ou à chaque groupe ethnicoreligieux, à tel point que chaque confession se trouve à devenir une sorte de micro-espace public où des stratégies d’action diversifiées se manifestent (p. 294).

En fait, la sexualité a envahi la scène médiatique (Maillochon, 2003); les forums de discussion sur Internet11 font maintenant partie des nouveaux loisirs et permettent désormais aux jeunes de discuter de tout dans l’anonymat, à l’insu des parents (Robillard, Délice, Lévy et Frigault, 2004). Ces phénomènes traduisent, dans une certaine mesure, la volonté de savoir des acteurs de même qu’une réorganisation du système représentationnel de la sexualité. Ce constat est soutenu par Morin (1999) : « L’analyse de l’apparition du sida et de son inscription dans l’espace des communications est une voie d’approche utile pour la compréhension de l’émergence d’un objet nouveau » (p. 15). Par exemple, les nouveautés observées dans les fêtes populaires, comme le carnaval (voir annexe VII, pour des exemples d’images et d’articles de presse traduisant l’appréhension de la sexualité dans la culture haïtienne), les musiques de rap12 créole, montrent bien l’ancrage de l’objet dans

11 Sur YouTube (www.youtube.com), on peut voir plus d’une dizaine de vidéos sur comment

caresser, faire l’amour, utiliser un préservatif, etc., plus rien n’est secret.

12 En exemple, on peut citer les musiques de Barikad crew, Rockfam : deux groupes de rap créole en

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la culture populaire : le port du préservatif, la peur du sida sont actuellement les thèmes dominants de ces chansons populaires très prisées chez les jeunes. Il est devenu presque impossible de brancher une station de radio, de télévision, de circuler dans les rues de Port-au-Prince sans remarquer la masse de publicités relatives à la sexualité véhiculées dans ce milieu (banderoles, affiches, spots publicitaires, journaux, reportages, etc.). Dans le paysage culturel haïtien, où l’évocation des questions sur la sexualité était autrefois considérée comme une provocation, toutes ces manifestations publiques qui prennent actuellement place semblent, suivant nos constats, alimenter un sentiment de malaise chez les agents de socialisation religieux ou une nécessité à se repositionner sur les principes chrétiens qui définissent ce qui est admissible et ce qui n’est pas permis en matière de sexualité, bref il s’agit de définir les nouveaux « péchés ».

Devant une telle complexité, ce qu’il faut retenir, comme le propose Bourdieu (1971;1984), c’est que tout événement social générateur d’anomie est susceptible de conduire implicitement ou explicitement les agents de socialisation à réviser leurs stratégies ou à les réajuster afin de maintenir l’homéostasie du groupe. En ce sens, plusieurs travaux de recherche ont montré que, selon les mutations qui s'opèrent dans le métasystème (cadre de référence culturelle qui dicte les règles de conduite des individus), les normes explicites régissant les institutions de la société (e.g. la place de la sexualité dans les secteurs religieux chrétiens) sont susceptibles d’être remises en cause (Wilaime, 2002 ; Thenevot, 2006).

Les observations précédentes méritent d'être approfondies en explorant, à travers une démarche empirique, le rôle dynamique de l'identité dans le processus représentationnel de la sexualité d’adolescents « pratiquants » dans un contexte de confusion de codes, en se penchant également sur le rôle de la socialisation religieuse dans cette dynamique. Cette préoccupation n'a pas été résolue jusqu’à maintenant faute d’avoir contrôlé le degré d’adhésion religieuse des répondants (pratiquants/non pratiquants). En ce sens, Block video exploit its virtual power to emphasize sexuality in general as well as exploiting the sexual personae of musical artist (..) It's not surprising that sex is a seemingly omnipresent feature of music video ».

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(1999) s’est intéressé à la comparaison des stratégies mises en œuvre par des leaders d'allégeances religieuses différentes (pentecôtiste et baptiste) qui voulaient contrôler la sexualité de leurs membres, il conclut ainsi :

To ensure conformity to high standards of holiness, the behaviour of Pentecostal youth was monitored closely (…) it is difficult to determine how such expectations shaped the experienced church of young people (…) how did young people negotiate with the prescriptive notion of sexuality (p. 286-287).

Certaines études ont montré que le degré d’adhésion des adolescents aux pratiques religieuse constitue un des facteurs majeurs qui influencent les relations sexuelles prémaritales (Earle, Perricone, Davidson, Moore, Aris & Cotten, 2007). Pourtant, Beck, Cole et Hammond (1991) ne sont pas de cet avis; ils font remarquer que : « The high rate of reported premarital sexual behavior in recent years might suggest that religious background in general is no longer a strong influence on socialization, particularly in the area of adolescent sexual behaviour » (p. 174).

La recension des écrits révèle que rares sont les études qui cherchent à comprendre comment, à l’heure actuelle, les adolescents d’allégeance chrétienne s’approprient la sexualité (objet de polémique) et quelles stratégies identitaires ils mettent en œuvre à cet égard suite aux débats qu’elle suscite dans l’espace public. Les résultats de la présente recherche sont susceptibles de contribuer à approfondir la discussion. À noter qu'en dépit de cette carence, certaines recherches empiriques montrent l’intérêt d’une telle perspective. Par exemple, la conclusion d’une recherche menée par Hernandez et Diclemente (1992) sur le développement de l’identité et les conduites sexuelles à risque chez les jeunes de 18 à 22 ans, laisse entendre que les sujets qui ont un profil identitaire reflétant un manque d’engagement psychosocial (diffusion, forclusion)13 sont ceux qui adoptent le plus des conduites sexuelles à risque. Dans ce même ordre d’idée, Breakwell (1993) a illustré la pertinence de cette relation (identité et prise de position) à travers une étude empirique

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longitudinale auprès d’un échantillon de 4 830 adolescents anglais, âgés de 15 à 19 ans, sur leur implication politique. Ses résultats montrent que le groupe qui avait une préférence claire pour un parti politique était celui qui montrait le plus de cohérence dans ses opinions sur les partis politiques. Tout se passe comme s’il y avait une relation linéaire entre les profils identitaires et les prises de position des sujets. De tels constats nous incitent à examiner la place de l’identité dans le champ des représentations pour comprendre les stratégies mises de l’avant lorsque les acteurs doivent appréhender un objet, comme la sexualité, qui est source d’enjeux et de polémiques, comme on vient de le démontrer.

Selon certains auteurs (Doise, 1993), la théorie des RS permet d’explorer les stratégies identitaires mises en œuvre dans l’appropriation d’un objet. Wagner et al. (1999) vont dans le même sens en mentionnant que: « The symbolic dimension of social representation is central to understand how people express identity, develop patterns of behaviour and engage with significant others » (p. 104). Aucune étude dans le domaine des RS, à notre connaissance, n’a analysé la dynamique identitaire d'adolescents croyants-pratiquants aux prises avec des discours contradictoires, voire incohérents, sur un objet social suscitant autant d'intérêt que la sexualité.

Par la présente recherche, nous voulons explorer ces questions, à savoir les enjeux identitaires que suscitent les prises de position par rapport aux valeurs modernes (individualisme, pluralisme, libéralisme), aux conseils d’experts médicaux en matière de conduites sexuelles hors risque et aux valeurs prônées par les religions chrétiennes. Pour Markova (2007), la question de la relation entre la théorie de l’identité et celle des RS est très complexe; la poser renvoie à préciser entre ces deux phénomènes (RS et identité) lequel précède l’autre (problème de l’œuf et la poule). Nous apporterons ultérieurement davantage d’explications sur cette question et prendrons position à cet égard après avoir établi et précisé les objectifs spécifiques de cette recherche.

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CHAPITRE II

CADRE THÉORIQUE ET CONCEPTUEL

«L’apparition d’événements considérés par un groupe comme alarmants (susceptibles de menacer son organisation actuelle) ou dangereux pour sa survie provoque souvent l’émergence de pratiques nouvelles qui peuvent être imposées de l’extérieur ou bien que le groupe s’impose à lui-même pour s’adapter à la situation nouvelle»

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Dans la section précédente, il a été question de la pertinence de la théorie des RS pour analyser les stratégies identitaires des adolescent(e)s dans un univers en pleine transformation. L’objectif de ce chapitre n’est pas de dresser un bilan exhaustif des différentes approches de cette théorie, mais de dégager les différents courants qui s’avèrent utiles pour explorer le phénomène de la sexualité chez les adolescents.

Selon Billig (1993), la notion de RS est la plus controversée des notions qui ont été développées dans le champ des sciences sociales. Bien qu’étant un outil de recherche difficile à maîtriser, cette notion, caractérisée aujourd'hui comme étant polysémique, n’a pas empêché de nombreux chercheurs de s’en inspirer pour mener des travaux de recherche dans plusieurs disciplines, telles la sociologie, l’anthropologie, l’écologie, les sciences politiques, la psychologie, etc.

Après avoir avancé une définition des RS et présenté quelques courants théoriques principaux qui ont tenté d’en formaliser les principales composantes, il s’agira ensuite de situer le rôle de la socialisation religieuse dans la formation des RS. À cet égard, on soulignera l’importance des stratégies identitaires dans ce processus pour préciser la relation qui existe entre la RS et l’identité et pour exposer les approches auxquelles on fait référence dans la mise en relation de ces deux champs théoriques. On espère ainsi aboutir à un cadre conceptuel permettant d’explorer le champ représentationnel de la sexualité chez des adolescents en pleine structuration identitaire, à travers les stratégies qu’ils déploient pour concilier les messages contradictoires qu’ils reçoivent et qui les sollicitent dans leurs valeurs religieuses et personnelles.

2.1- Les représentations sociales, théorie du sens commun.

En 1961, Moscovici, s’inspirant en partie du concept de représentation collective formulé par Durkheim14 (1903/1994), présente les bases de la théorie des RS. Celle-ci, en effet, explique le processus par lequel une connaissance (une fois diffusée) est appropriée par le sens commun et intégrée dans la pensée de tous les jours. Selon cet auteur, il est presque

14 De quelques formes primitives de classification (1903) en collaboration avec Marcel Mauss et

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impossible dans le contexte de la dynamique des sociétés modernes d’observer des représentations d’objets spécifiques partagées de façon uniforme par l’ensemble d’une population. Cela s'explique par le fait que le savoir social change en fonction des transformations sociétales et que, durant cette phase de transformation, suivant les enjeux perçus, plusieurs possibilités sont ouvertes, amenant les gens à choisir des options qui varient d'un individu à l'autre ou d'un groupe à l'autre.

Dans les sociétés occidentales surtout, l’événement majeur qui semble avoir modifié le contexte social est celui de la détraditionnalisation (modernisation) de l’espace public (Jovchelovitch, 2001). Pour Habermas (1989) qui a été le premier à décrire ce phénomène, le concept d'espace public traduit l’idée d’un espace libéré de la tradition, caractérisé par l’argumentation et le débat rationnel où l’argument des autorités est remplacé par l’autorité des arguments. À ce propos, Jovchelovitch (2001) fait remarquer que l’approche d’Habermas doit être remise en question, car dans les sociétés traditionnelles, on retrouve aussi une forme d’espace public, à la différence que cette sphère publique est plus résistante aux idées nouvelles et la subjectivité du social a la primauté sur l’objectivité. Pour Jovchelovitch (2001), le véritable changement se situe ailleurs: contrairement aux représentations collectives (RC) qui apparaissent comme une forme dominante de savoir dans la sphère publique des sociétés traditionnelles, les RS proposées par Moscovici représentent une forme de savoir symbolique contemporain, détraditionnalisé et à référents multiples. Cette forme de « polyphasie cognitive » dénote la dynamique du répertoire représentationnel pour s’adapter à la complexité sociale du monde moderne marqué par des contradictions constantes (Moscovici, 1998). Selon l’auteur, à travers cette manipulation multiforme des objets du monde social, les acteurs valident leurs subjectivités.

De l’avis de Wagner (1998), les RS naissent à travers les discours sociaux. Pour lui, deux postulats fondent la théorie:

1- Social psychology deals with the relationship between people and the world, this world must be seen through the eye of the group to which the people belong.

2- It is through discourse, and not through individual contemplation or physical test, that people in groups come to calibrate their mind (p. 304).

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Nous tenterons dans les sections qui suivent d’expliciter les concepts centraux de la théorie des RS et de nous positionner sur les points importants pour la présente recherche.

2.1.1- Définition d'une RS

Comme point de départ pour clarifier, dans les grandes lignes, ce qu'est une RS, la définition proposée par Gaffié (2004), qui s’inspire de Moscovici, réunit, à notre avis, les points forts de cette théorie:

Une représentation sociale se présente comme un ensemble de connaissances, de croyances, de schèmes d’appréhension et d’actions à propos d’un objet socialement important. Elle constitue une forme particulière de connaissance de sens commun qui définit la réalité pour l’ensemble social qui l’a élaborée dans sa visée d’action et de communication (p. 7).

Dans cette perspective, les RS traduisent l’expression d’un savoir naïf, la position d’un groupe par rapport à d'autres groupes à propos d'un sujet de débat qui les interpellent. Selon Moscovici (1961) : « Les RS appréhendent ces phénomènes de l’univers de l’individu ou du groupe en les introduisant dans un espace commun pour les rendre familiers à travers la communication, le langage » (p. 40). Selon l’auteur, ces systèmes d’interprétation du monde jouent le rôle d’éclairage, d’intégration et de partage d’un objet nouveau dans une collectivité donnée; ils s’organisent à partir des informations que les sujets puisent dans leur expérience et leurs pratiques, ainsi que dans le registre des savoirs et des modèles sociaux dont ils disposent (Bonardi, 2003).

2.1.2- RS, notion polysémique : présentation de quelques courants.

Parmi les courants théoriques qui ont tenté d'étudier et d'opérationnaliser les aspects importants d'une RS, deux d’entre eux, les plus populaires dans le monde scientifique francophone, sont présentés ici. L’approche structurale de l’école d’Aix-en-Provence examine la dynamique représentationnelle en considérant la structure du noyau central en

Figure

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