• Aucun résultat trouvé

1. Historique

La PVL est une protéine immunogène et, dès les années 30, ces propriétés immunologiques ont été exploitées pour évaluer de façon semi-quantitative la production de toxine. Panton en 1936 puis Gladstone en 1957 ont utilisé la même technique en mesurant le pouvoir neutralisant du sérum humain sur l’effet cytopathogène induit par la PVL sur des polynucléaires fixés sur une lame de verre (Panton & Valentine, 1936 ; Gladstone, 1957). Cette méthode a également été utilisée in vivo pour le diagnostic de certaines infections profondes staphylococciques mais ne permettait cependant pas de distinguer les anticorps dirigés spécifiquement contre la PVL des anticorps ciblant d’autres toxines synergo-hymenotropes comme l’hémolysine γ.

En 1960, après purification des composés LukS-PV et LukF-PV, Woodin a montré que les deux composés étaient capables d’induire la formation d’anticorps spécifiques distincts mais que l’action indifférente de l’un ou l’autre des anticorps neutralisait l’activité leucotoxique de la PVL (Woodin et al, 1960).

En 1962, Gladstone et Van Heyningen ont mis au point une anatoxine PVL (Gladstone & Van Heyningen, 1962) qui a été testée en clinique comme vaccin thérapeutique dès 1965. Le caractère immunogène de cette anatoxine a été montré mais l’ascension des anticorps

anti-43

PVL ne s’est pas accompagnée d’amélioration significative de la symptomatologie chez des patients présentant des infections staphylococciques profondes réfractaires aux traitements usuels de l’époque (Mudd et al, 1965).

2. Etudes animales

Le caractère protecteur de l’immunisation préalable par des dérivés inactivés de la PVL a été montré dès les années 1980. Dans un modèle de dermonécrose de lapin (espèce dont les PNN sont sensibles à la PVL), Ward et al ont montré que l’immunisation préalable par un toxoïde inactif LukF-PV ou par un toxoïde LukF-PV + LukS-PV s’accompagnait d’une diminution des lésions de nécrose après injection intradermique de PVL purifiée (Ward et al, 1980). Par contre, l’administration du toxoïde LukS-PV, bien qu’entrainant une réponse anticorps, ne s’accompagnait pas d’une diminution des lésions nécrotiques. Les auteurs attribuaient ce phénomène à une réaction immunitaire locale excessive, de type hypersensibilité retardée (Ward et al, 1980).

Le caractère spécifique de la réponse immunitaire contre la PVL a été établi en 2009 par une étude chez la souris de la réponse immunitaire suivant l’injection intradermique d’un innoculum standardisé de S. aureus produisant ou non la PVL. Les anticorps dirigés contre les deux composants de la PVL ont été dosés en même temps que les anticorps dirigés contre l’hémolysine α et contre 8 autres protéines de S aureus (principalement des protéines d’adhésion). Les souris infectées par les souches PVL+ ont développé une réponse immunitaire spécifique contre la sous-unité LukS-PV alors que les réponses dirigées contre les autres protéines étaient plus faibles ou absentes (Brown et al, 2009). Dans cette même étude, la vaccination avec la protéine recombinante LukS-PV s’est avérée efficace par voie intradermique pour protéger les souris contre une infection cutanée et par voie intranasale pour conférer une protection après inoculation pulmonaire de S. aureus PVL+ (Brown et al, 2009).

44

3. Données chez l’homme

La production d’anticorps dirigés spécifiquement contre la PVL après infection par des souches PVL + a été montrée chez l’homme par Croze et al en 2009. Les titres d’anticorps, mesurés par méthode ELISA chez 31 patients ayant présenté une infection documentée à S. aureus PVL + ont été comparés à ceux observés chez 63 patients présentant une infection à S. aureus PVL – (figure 9). Les titres étaient comparables à la phase précoce de l’infection dans les deux populations mais ont augmenté en moyenne d’un facteur 8 pour les 12 patients du groupe PVL+ pour lesquels une paire de sérum (précoce et tardif) était disponible. Dans le groupe PVL -, aucune variation significative du titre d’anticorps n’a pu être observée (Croze et al, 2009).

Figure 9 : Titre d’anticorps mesuré par ELISA chez des patients sans infection staphylococcique (S0), à la phase

précoce (S1) et tardive (S2) d’une infection documentée à S. aureus sécrétant (PVL+) ou non (PVL-) la PVL. AU= Arbitrary Unit ; 1000 AU correspondant au titre moyen d’anticorps anti-PVL mesuré dans une préparation commerciale d’immunoglobulines humaines à 12,5g/L (Tegélines®) d’après Croze et al (Crozeet al, 2009)

Fait intéressant, alors que les titres d’anticorps étaient bas chez les 142 patients témoins n’ayant pas présenté d’infection staphylococcique, on observait cependant une augmentation significative des titres moyens en fonction de l’âge avec un premier pic en fin

45

d’adolescence suivi d’une baisse des titres moyens qui ré-augmentaient ensuite progressivement à partir de 40 ans (Croze et al, 2009). Cette évolution en fonction de l’âge pourrait suggérer que la colonisation par des souches PVL+ induirait la formation d’anticorps dirigés contre la PVL. Quel que soit le mode d’acquisition (portage simple ou infection), il n’existe que peu de données montrant que ces anticorps puissent avoir ou non un effet protecteur. Cependant, dans une étude portant sur 100 cas de bactériémie communautaire à S. aureus, Adhikari et al ont montré que la présence à l’admission d’anticorps anti-PVL était associée à une réduction significative du risque d’évolution vers un sepsis (Adhikari et al 2012). Le caractère spécifique de cette protection était attesté dans cette étude par le fait que l’effet protecteur n’était observé que lorsque la souche responsable de la bactériémie était PVL+.

Par ailleurs, la présence d’anticorps anti-PVL dans des préparations commerciales d’immunoglobulines polyvalentes à usage intraveineux (IgIV) issues d’un pool de donneurs sains a été montrée au moins pour certaines préparations d’IgIV (Tégélines®) (Gauduchon et al, 2009). Le rôle protecteur potentiel des anticorps anti-PVL a été évalué in vitro par la mesure de l’effet cytopathogène de la PVL sur les polynucléaires humains. La formation de pores membranaires a été mesurée par l’incorporation de bromure d’éthidium et l’exposition à des concentrations croissantes d’IgIV s’est accompagnée d’une diminution de nette de l’effet cytopathogène pour les concentrations supérieures à 10mg/L (Gauduchon et al, 2009). De telles concentrations sont aisément atteignables dans le sérum après perfusion d’IVIg aux posologies habituellement préconisées en clinique (2g/kg de poids).La figure 10 illustre la diminution de l’effet cytopathogène de la PVL en fonction de la concentration de Tégélines®.

46

Figure 10 : Incorporation du bromure d’éthidium (marqueurs de la formation de pores membranaires) par des

PNN humains exposés à des concentrations lytique de PVL et à des concentrations croissantes d’IgIV. L’effet cytopathogène diminue à partir de 5 mg/L et est réduit de 80% au delà de 10 mg/L. D’après Gauduchon et al (Gauduchonet al, 2009)

E. Aspects cliniques des infections à S. aureus PVL +