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Répertoire linguistique, communauté linguistique, diglossie

2 C ONTACT DE LANGUES : NOTIONS INTRODUCTIVES À L’ANALYSE DU RÉPERTOIRE PLURILINGUE

2.1 Répertoire linguistique, communauté linguistique, diglossie

Dans le chapitre 1 de notre travail, nous avons souligné les changements qui ont

caractérisé la situation sociolinguistique italienne au cours du XXe siècle, notamment en

relation à la diffusion des dialectes alors que la langue nationale était maîtrisée par un nombre assez limité de personnes. Dans ce cadre général, ainsi, une première répartition émerge au sein de la société italienne de l’époque : d’une part, les classes sociales le plus basses des aires urbaines et les classes rurales laissent apparaître un répertoire linguistique caractérisé par une diglossie sans bilinguisme, d’autre part, la bourgeoisie urbaine présentait des caractéristiques d’un bilinguisme avec diglossie. Dans les dernières décennies, plusieurs facteurs ont contribué au processus d’italianisation. Suite aux transformations socio-historiques qui ont marqué le pays avec, en particulier, le passage d’une société agro-pastorale à une société de plus en plus urbanisée et fondée sur la production industrielle, le commerce et les services, le panorama linguistique de l’Italie a beaucoup changé, comme en témoignent par exemples les résultats des sondages ISTAT mentionnés dans le premier chapitre de notre présentation concernant les différentes habitudes linguistiques des Italiens.

De nos jours, dans les aires métropolitaines et avec les générations plus jeunes on remarque un abandon effectif du dialecte, au moins comme première langue du répertoire. Ce dernier recouvre une place marginale de la compétence linguistique de cette ‘catégorie’ de locuteurs, qui par rapport au dialecte disposent donc seulement d’une compétence de compréhension ou d’une compétence de production limitée. Mais cet aspect est en fait beaucoup plus complexe qu’il n’y parait à première vue. Le dialecte suit des dynamiques particulières, surtout dans le contexte urbain et pour ce qui est de la production des jeunes. Par ailleurs, le concept même de ‘jeune’ est plutôt flou30. En outre, il ne faut pas négliger l’importance des développements de la société métropolitaine moderne, avec de nouveaux arrivants et les différentes fonctions qui sont attribuées au dialecte par les jeunes mêmes comme facteur d’intégration culturelle (avec d’autres éléments linguistiques variés). En ce sens, on peut remarquer que le dialecte peut être aussi récupéré pour des fonctions de type phatique / expressif (argot, langue des jeunes, groupes rap, etc.), ou dans un but de démarcation identitaire par rapport à l’italien et / ou à l’Italie ; cf. par exemple le cas des

30 Cf. Marcato (2005; 2006a) ; nous nous intéresserons à cet aspect de manière plus spécifique dans le chapitre 4 de notre travail.

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graffitis dans la ville de Cagliari (cf. chapitre 10 ; cf. aussi Depau, 2005, à paraître), ou du sarde sur l’Internet (cf. chapitre 9 ; cf. aussi Depau et Ghimenton, 2008).

Nous pouvons souligner que la notion de répertoire linguistique est inséparable de

celle de communauté linguistique que nous discuterons dans ce même chapitre. Selon la

définition qu’en donne Gumperz (1977), un répertoire linguistique est formé par l’ensemble de « varieties, dialects or styles used in a particular socially defined population and the constraints which govern the choice among them ». Plus spécifiquement, concernant le contexte italo-roman, Berruto (1993b : 4) définit le répertoire linguistique des Italiens comme « l’insieme delle varietà di lingua a disposizione della comunità parlante italofona ». Cependant, nous avons déjà souligné l’impossibilité de distinguer nettement, dans le cadre de la situation linguistique italienne, un répertoire linguistique représentatif des usages réels de tout locuteur : en effet, ce répertoire varie suivant les différentes régions et la présence commune de l’italien et de ses variétés constitue un trait d’union dans l’ensemble de ces répertoires (cf. encore Berruto, 1993b : 4). Ainsi, quand on parle de « répertoire linguistique italien » on fait référence en réalité à un répertoire « moyen » formé par une sorte de grille où trouvent leur place les diverses variétés, qui peuvent être soit des variétés de l’italien, soit des langues différentes (dialectes ou variétés alloglottes).

Il est désormais évident que la différence entre langue et dialecte n’est pas une différence de type linguistique et qu’en réalité, reprenant Trudgill (1975 : 27), « any subject can be dealt with in any dialect. There is no reason why nuclear physics should be not discussed in Cumberland dialect »31. Bien que cela puisse paraître inhabituel, cela est parfaitement possible dans la pratique réelle : en effet, comme le précise Grassi (1993 : 279), du point de vue structurel le dialecte possède, tout comme la langue, un lexique qui lui est propre, mais aussi un système phonétique et phonologique spécifique ainsi qu’une structure morphologique et syntaxique déterminée. La différence entre les deux systèmes trouve son origine dans les faits historiques qui ont concerné chaque communauté ; cette différence est moins de type structurel que de type fonctionnel et consiste, entre autre, en l’utilisation dans des contextes (et pour des buts) officiels, ou encore comme objet, voire moyen d’enseignement à l’école ; il s’agit dans ces cas de fonctions caractérisant le statut de « langue » face à la condition du « dialecte ».

31 Nous faisons ici abstraction du caractère polysémique du terme dialecte, qui est par ailleurs évident surtout lorsque l’on compare, justement, la conception anglo-saxonne avec celle des autres traditions européennes. Cet aspect fera l’objet d’une discussion plus articulée dans le chapitre 4, portant sur les relations entre dialectologie et sociolinguistique.

À travers l’analyse des propositions avancées auparavant par d’autres linguistes à propos de la nature du dialecte, Grassi, Sobrero et Telmon (1997) élaborent une cadre du rapport entre « (statut de) dialecte » et « (statut de) langue » ; ce cadre est fondé sur quatre critères principaux, qui ne sont pas toujours délimités de manière nette : (1) le critère spatial (qui implique aussi l’aspect historique–culturel : pp. 7–19) ; (2) le critère sociologique (pp. 19–23) ; (3) le critère des « domaines d’usage » et (4) le critère stylistique (considérés ensemble par les auteurs ; pp. 23–28).

Dans les deux définitions que nous venons d’utiliser pour introduire la notion de « répertoire linguistique », nous retrouvons l’expression « variété de langue » : il s’agit de chaque élément qui peut être reconnu comme partie du répertoire linguistique. Dans la définition d’une variété de langue est déterminante l’association entre, d’une part, les traits et les formes spécifiques d’un système linguistique, d’autre part, le contexte d’usage (Berruto, 1995 : 75-76).

Pour définir la notion de communauté linguistique, il faut faire appel à diverses

composantes, de type linguistique et non linguistique : ethniques, culturelles,

géographiques, politiques.

Par ailleurs, cette notion est critiquée dans les milieux de recherche en linguistique ayant une orientation de type sociale et ethnographique, qui dénoncent une tendance à concevoir la communauté comme une entité abstraite et homogène et reprochent à ce concept ses présupposés d’une communauté lignuistique définie comme une structure fixe et statique, alors qu’elle est une entité réelle, dynamique et qui se réactualise sans cesse, selon les changements qui s’accomplissent dans l’activité sociale entre les membres de la communauté même.

La définition de communauté linguistique et sa relation avec la notion de speech

community peuvent aussi poser des problèmes qui vont au-delà de la question purement terminologique et touchent la dimension épistémologique (cf. Biichle et Abouzaid, 2007 : 1, qui rejettent la première expression au profit de la seconde). Selon notre point de vue et compte tenu du contexte spécifique de notre présentation, l’intérêt principal de la définition de speech community est moins de type théorique / épistémologique que descriptif. En effet, étant donnée la nature complexe et hétérogène de cette notion, il ne sera pas inutile, à notre avis, de présenter une description de ses caractères principaux. En outre, en raison de

notre perspective générale, nous utiliserons les deux expressions speech community et

communauté linguistique (ou langagière) comme des synonymes, sans ultérieurs approfondissements ou problématisation de la question.

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Les premières définitions de communauté linguistique dans les courants de la

sociolinguistique, notamment Labov (1976 : 187) et Gumperz (1977 : 216), mettent l’accent à la fois sur des critères linguistiques (une interaction régulière et par le biais d’un ensemble commun de signes verbaux) et communicationnels (partage d’un ensemble de normes de communication). Du point de vue de l’ethnographie de la communication, la

speech community se définit primairement comme « the group to which a particular ethnographic description applies » (Fasold, 1990 : 40). Saville-Troike (1989 : 16-18) met

en évidence l’importance de ne pas réduire la notion de speech community à l’aspect

strictement linguistique, mais d’inclure aussi d’autres facteurs tels que les liens géographiques et politiques, les traits culturels et même des caractéristiques physiques. Le risque d’une démarche tenant compte exclusivement de la dimension linguistique serait de formuler un schéma descriptif tautologique, où le langage serait à la fois objet et unité de mesure :

Since patterns of language use and interpretation, rules of speaking, and attitudes concerning language are part of the product of ethnographic investigation, it is somewhat circular to use them as basic criteria for defining a group to study. If circularity is to be minimized, ethnographers of communication should begin with an extra-linguistically defined social entity, and investigate its communicative repertoire in terms of the socially defined community […]. (Saville-Troike, 1989 : 17)

La communauté linguistique se forme par un ensemble de dimension variée de personnes qui partagent l’accès à un ensemble de variétés de langue et qui sont unies par une forme d’agrégation socio-politique (Berruto, 1995 : 72). En effet, les locuteurs d’une certaine communauté linguistique ne partagent pas uniquement la connaissance de plusieurs variétés du répertoire linguistique, mais aussi (surtout) la compétence des règles de type social gouvernant l’usage et le choix de telle ou telle autre variété du répertoire (Fasold, 1990 : 41; Milroy et Milroy, 1997 : 50-51). Il est donc possible de considérer la communauté linguistique comme la fusion de la compétence strictement linguistique avec la compétence communicationnelle, qui permet de reconnaître l’adéquation situationnelle et fonctionnelle d’une variété. Cette dimension dynamique des comportements interactionnels des interlocuteurs est illustrée aussi par la notion de social network, défini comme l’ensemble des relations que chaque individu développe avec d’autres membres de la communauté, une communauté « personnelle » créée par l’individu et qui lui permet de surmonter les problèmes de la vie de tous le jours (Milroy, 2002 : 549-550).

Chaque locuteur faisant partie d’une communauté linguistique ayant un répertoire plus ou moins vaste et complexe se caractérise (presque toujours) par une compétence linguistique multiple, ou autrement dit, par la capacité de maîtriser une portion plus ou moins vaste du répertoire de référence selon le contexte communicatif :

Communicative competence extends to […] everything involving the use of language and other communicative dimensions in particular social settings. (Saville-Troike, 1989 : 21)

Ainsi, en ce qui concerne notre terrain de recherche, on peut parler d’un répertoire linguistique bilingue comprenant l’italien et le dialecte local sarde, et d’une compétence variée selon les différents locuteurs des variétés en question. À ce sujet, Loi Corvetto (1998 : 11-13) propose une catégorisation des variétés du répertoire linguistique entre italien et dialecte ; les cinq éléments qui composent ce répertoire sont les suivants : 1) dialecte à tendance archaïque ; 2) dialecte qui tend vers l’italien ; 3) italien interféré ; 4) italien régional ; 5) italien standard ou italien sans traits régionaux (ibid. : 11). Comme le souligne l’auteure (ibid. : 12), la séparation entre les variétés opérée dans sa description est nécessairement « nette » et se base sur des critères liés exclusivement à la structure linguistique, tandis qu’une classification fondée sur des critères sociolinguistiques serait différente. Le jugement de distance structurelle entre les dialectes sardes que la linguiste exprime dans son travail nous paraît excessif, alors que les attitudes des locuteurs ont un poids, à notre avis, bien plus déterminant dans le passage à l’italien au détriment de la communication interdialectale32.

Pour rendre compte de la relation entre codes linguistiques dans un espace plurilingue et, notamment, du statut respectif de chacun de ces codes d’un point de vue fonctionnel, plusieurs modèles ont été établis. Dans un premier temps, les études sur le plurilinguisme ont focalisé leur attention sur le plan macro-sociolinguistique, « en prenant en compte moins des locuteurs individuels que des communautés entières, caractérisées par des pratiques bilingues historiquement stabilisées » (Mondada, 2007 : 170-171).

En particulier, la notion de diglossie énoncée par Ferguson (1959) a permis de mettre en relief le rapport entre deux systèmes linguistiques caractérisés par différents niveaux de prestige social à l’intérieur de la communauté :

32 Par ailleurs, la même auteure dans certains travaux précédents (notamment, Loi Corvetto, 1979; 1983), met l’accent sur l’influence des représentations linguistiques sur les pratiques réelles.

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DIGLOSSIA is a relatively stable language situation in which, in addition to the primary dialects of the language (which may include a standard or regional standards), there is a very divergent, highly codified (often grammatically more complex) superposed variety, the vehicle of a large and respected body of written literature, either of an earlier period or in another speech community, which is learned largely by formal education and is used for most written and formal spoken purposes but is not used by any sector of the community for ordinary conversation. (Ferguson, 1959 : 435)

Des langues se trouvant dans une relation de diglossie, l’une est employée pour des usages « élevés » : il s’agit de la variété « High » (« élevée » ; dorénavant H), qui a le plus de prestige. Elle s’oppose à la variété « Low » (« basse » ; dorénavant L), qui présente des différences aux niveaux de la phonologie, de la morphologie, de la syntaxe et du lexique. La variété L est utilisée dans des contextes plutôt informels, notamment dans la modalité orale. On ne lui reconnaît pas de prestige (du moins, à l’intérieur du milieu bilingue spécifique, par rapport à la variété H), et peut même être considérée comme « vulgaire » ou « agrammaticale », langue du petit peuple non cultivé, etc.

Un des facteurs de stabilisation du système diglossique est représenté par la stigmatisation dont deviennent objet les locuteurs qui n’acceptent pas (implicitement ou même explicitement) la distribution fonctionnelle des variétés imposée (implicitement ou explicitement) par la communauté. Autrement dit, quand les locuteurs ne suivent pas – consciemment ou inconsciemment – la distribution fonctionnelle des codes, en s’exprimant donc de manière « inadéquate », le reste de la communauté tendrait à avoir une attitude négative, de sanction de ces usages non standard, assurant de telle façon le maintien de la relation de diglossie entre les deux codes concernés, au moins pendant un certain moment.

La notion même de connaissance d’une langue est donc remise en cause par la notion de compétence linguistique, dans le sens de connaissance et observation des règles d’adéquation partagées avec les autres membres de la communauté linguistique.

Ferguson, dans son essai, fondait ses considérations sur l’observation de quatre contextes spécifiques, caractérisés par la coprésence de variétés génétiquement proches : la Suisse Alémanique (Hochdeutsch – Schwitzertütsch), la Grèce (Katharevousa – Dhimotiki), Haiti (Français – Créole), Le Caire (Arabe classique – Egyptien). En fait, il est possible de remarquer que les cas diglossiques traités par Ferguson concernent une

variation linguistique interne plutôt que la coprésence de variétés appartenant à des

Comme indiqué dans la citation ci-dessus, l’idée de diglossie évoquée par Ferguson représente une situation plutôt stable. Cette stabilité, voire rigidité, du système diglossique est confirmée par Ferguson lui-même (1991 : 218)33 :

It is also clear that diglossia differs from a creole continuum such as Jamaica, where many people control and use the acrolect in ordinary conversation and where the extreme “basilectal” varieties, as they are called, are clearly the outcome of a pidginization process at some earlier time. Also, the boundary between the high variety and the vernacular (“low” variety) in diglossia is behaviourally and attitudinally sharper than in creole continua, although intermediate varieties always do occur in diglossia situations, as noted in the original article.

Le concept de diglossie a été ensuite abordé et développé aussi par Fishman (1967) ; ces deux conceptions se différencient sur plusieurs points. Une première distinction qu’il est possible de faire entre la conception fergusonienne et l’idée de diglossie proposée par Fishman, est que pour Ferguson – comme nous l’avons déjà mentionné – cette coexistence concerne deux formes linguistiques génétiquement apparentées entre elles, tandis que pour le deuxième cette relation n’est pas nécessaire. Au contraire, le concept fishmanien de diglossie s’applique à des situations d’usage de langues historiquement et généalogiquement distinctes ; la relations entre les deux codes en jeu est exclusivement de type fonctionnel : une fonction de langue de prestige pour H et une fonction de langue colloquiale pour L. En même temps, le cadre théorique développé par Fishman peut être appliqué aussi aux communautés linguistiques se caractérisant par la coprésence de variétés non considérées comme langues distinctes (Fishman, 1971 : 93). Une deuxième différence entre les deux conceptions de diglossie consiste en ce que dans le modèle de Fishman les locuteurs switchent d’une variété à l’autre, selon le degré de formalité de la situation communicative. Souvent, H est la variété dominante pour les registres élevés, tandis que L est employée pour des usages informels, familiers, vulgaires, ludiques. Dans ce cadre de relations (qui prend donc en compte aussi l’aspect individuel, alors que la diglossie fergusonienne ne concerne que le niveau macro-), Fishman introduit l’idée que les variétés utilisées sont liées à des domaines spécifiques (Fishman 1971 : 38) :

Les domaines et les situations sociales prouvent le lien entre la micro- et la macro-sociolinguistique. Les membres des communautés linguistiques diglossiques peuvent en arriver à des conceptions bien déterminées à propos de leurs variétés ou langues, précisément parce que ces variétés, – ou langues, – sont associées, – en ce qui concerne le comportement et les attitudes, – à des domaines bien particuliers.

33 Cf. aussi Bavoux (2003 : 31 suiv.) pour un commentaire plus approfondi sur l’acception fergusonienne de la diglossie.

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Le domaine, défini par le même auteur comme un « groupe de situations sociales typiquement dominées par une série commune de règles de conduite » (Fishman, 1971 : 70, reprenant le modèle des relations sociales / linguistiques élaboré initialement par Cooper, 1969), est donc lié à l’idée de norme de communication : en effet, les valeurs culturelles élevées sont associées à certaines variétés « tout comme les valeurs les plus intimes, les plus populaires auxquelles d’autres variétés correspondent, se déduisent toutes des normes qui conviennent au domaine et incluent des contacts verbaux caractéristiques » (Fishman, 1971 : 68).

Le lien entre les niveaux micro- et macro- est un point important de la conception fishmanienne de la diglossie, puisqu’elle conçoit une certaine liberté pour le locuteur en relation avec certains facteurs comme le type de réseau ou le type de contact entre les participants. Toutefois, comme le souligne Mondada (2007 : 171), les codes en présence dans ce modèle diglossique restent distincts l’un de l’autre et ne se chevauchent « que minimalement, distribués de manière mutuellement exclusive » suivant le contexte social, se présentant dans « une distribution complémentaire des pratiques multilingues dans une société donnée ».

La notion de diglossie est associée, surtout dans sa conception originale énoncée par Ferguson, à un cadre sociolinguistique codifiée de manière assez rigoureuse et ne laisse guère de place à la prise en compte des conflits dont ces situations témoignent (cf. Kremnitz, 1987 : 201). En réalité, le rapport entre deux codes en coprésence dans une

communauté peut produire des issues différentes suivant les contextes34. En particulier,

Bavoux (2003) montre que la spécificité du contexte réunionnais a amené plusieurs spécialistes à proposer le terme « dysglossie » soulignant le caractère conflictuel de la coprésence des codes « français » et « créole » dans la situation étudiée.

Tabouret-Keller (2006) discute la pertinence de la notion de diglossie et,

notamment, de la répartition des variétés en haute et basse : l’auteure définit cette

distinction comme une « catégorisation fondée sur une opposition simpliste » (p.116). La complexité des situations linguistiques empêche un tel figement terminologique et rend

cette catégorisation à deux éléments – haut et bas – non tenable « d’un point de vue

épistémologique, d’abord à cause de sa qualité impressioniste et surtout de son absence de