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Réflexions sur l’utilisation du microphone occulté

Cagliari et situations conversationnelles

6.4 Réflexions sur l’utilisation du microphone occulté

Un aspect à notre avis important dans la réflexion sur la problématique de la récolte des données, est sans doute celui relatif aux techniques d’enquête. En particulier, nous avons décidé de réaliser et utiliser pour notre étude, des enregistrements effectués avec un microphone occulté aux locuteurs. Ce choix relève de l’exigence de saisir la communication bilingue en sarde et en italien dans sa manifestation la plus spontanée.

La technique adoptée est critiquée souvent pour plusieurs raisons, notamment éthiques, bien qu’elle soit utilisée couramment dans les recherches sur la production orale spontanée et sur l’alternance de code, comme dans la recherche menée par Alfonzetti (1992a) sur le bilinguisme italien – sicilien en Italie, et celle d’Auger (2001) en

France sur un cas de bilinguisme français – espagnol en contexte d’immigration. Dans

certains cas, cette utilisation est justifiée et défendue de manière explicite : c’est le cas de la recherche déjà mentionnée d’Alfonzetti (1992a : 26 - 27) ; c’est surtout le cas de Laroussi (1996) qui, dans le cadre de l’étude conduite en Tunisie (précisément à Sfax) sur le bilinguisme français – arabe, discute les pour et les contre du micro caché, les possibles alternatives à son utilisation, et conclut son analyse par une défense de cette technique d’enquête. En Italie, dans un contexte de recherche plus orienté vers la récolte de données dialectales, Miglietta (2003) propose l’emploi d’enregistrements occultés afin de pouvoir comparer les données issues de cette technique non invasive d’élicitation, avec celles produites à travers des méthodes plus traditionnelles comme les questionnaires.

La question relative à l’emploi du micro caché suscite beaucoup de débats. Elle est très relevante dans l’organisation de notre recherche, et mérite d’être développée en tenant compte de plusieurs facteurs.

Les opinions, positives et négatives, sur ce sujet peuvent se grouper dans deux ordres : d’une part, les jugements d’ordre éthique ; d’autre part, les jugements d’ordre pratique. Ces deux ordres d’opinions, cependant, s’entrecroisent et rendent la question très complexe.

6.4.1 Questions d’ordre éthique

Par rapport à la question concernant le respect de la vie privée, il faut préciser que (comme nous l’avons signalé auparavant) les seules données personnelles indiquées sont le sexe et la classe d’âge des locuteurs ; parfois, à ces données s’ajoutent celles relatives au degré de scolarisation et/ou à la profession exercée.

Chapitre 6 : Aspects méthodologiques

Du point de vue légal, le droit à la vie privée est garanti par plusieurs lois internationales et nationales131.

En réalité, aucune définition légale de la vie privée n’est fournie par les textes législatifs français. La jurisprudence est chargée de définir les cas qui sont susceptibles d’être traités comme relevants de la vie privée : entre autres, le droit de la voix et de l’image sont protégés.

Le droit à la vie privée découle directement, dans la tradition juridique française, de la liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de

1789. Le droit français reprend les principes énoncés dans la Déclaration universelle de

1948 sur les droits de l'individu et, en particulier, ceux concernant le droit à la protection de la vie privée. Le seul texte capital du droit français relativement à cet aspect est l'article 9 du Code Civil : « Chacun a droit au respect de sa vie privée ». Du point de vue pénal, la protection de la vie privée est assurée par les articles R 226-1 et suivants du Code pénal, qui punissent le « délit d'atteinte à la vie privée » et s’attachent notamment à l'enregistrement sonore ou visuel, et leur diffusion, d'informations concernant la vie privée d'autrui.

En Italie, la Loi 31 décembre 1996 nr. 675 concerne la protection de la vie privée relativement au traitement des données personnelles. Cette loi définit le « traitement » comme toute opération ou ensemble d’opérations concernant entre autres, le recueil, l’enregistrement, l’organisation, la conservation, la sélection, l’utilisation et comparaison, la diffusion de données. Par « donnée personnelle », on entend toute information concernant une personne physique ou juridique, ou une association, qui soient identifiables – même de façon indirecte – faisant référence à d’autres informations, y compris, un numéro d’identification personnelle. Une « donnée anonyme » est une donnée qui, dès son origine ou suite au traitement, ne peut être associé à une personne identifiée ou identifiable (cf. Baude, 2006 : 67 suiv.).

La loi 675 précise aussi la question du consentement de l’intéressé au traitement et à la diffusion des données personnelles. En particulier, le consentement n’est pas nécessaire quand les données sont anonymes et les objectifs du traitement sont de nature scientifique ou d’étude statistique. Également, la communication et la diffusion des

131 Cf. notamment Baude (2006), qui fournit un guide à nos réflexions ; cf. aussi Groupe Icor - Site Corinte (2006). Les informations suivantes reprennent et synthétisent, en outre, les textes de loi et relatifs commentaires, extraits de sites Internet (génériques, comme Wikipédia : http://www.wikipedia.fr ; ou plus spécifiques, comme Vie Privée.com, 13 mars 2003 : http://www.vieprivee.com/spip.php?article13) auxquels nous renvoyons pour une vision plus complète de la question.

données sont possibles lorsqu’elles sont anonymes et sont nécessaires pour des buts scientifiques ou statistiques.

Du point de vue légal, donc, l’utilisation du microphone occulté reste légitime et acceptable à certaines conditions que notre recherche remplit totalement (notamment, les finalités scientifiques et la garantie de l’anonymat).

Il faut reconnaître, toutefois, que les critiques à la pratique de l’enregistrement caché ne concernent pas exclusivement l’aspect légal ; plus précisément, ce dernier est certes pris en considération, mais ne coïncide pas avec toute la dimension éthique et déontologique et s’entrecroise aussi avec les aspects scientifiques et méthodologiques de la recherche. C’est le cas de la recherche présentée par Matthey (2003c : 51), qui en effet précise que « l’idéal aurait été de pouvoir enregistrer des conversations sur le bilinguisme

et l’enseignement-apprentissage des langues in situ, par le biais de l’observation

participante », mais que cette méthodologie n’a pas été appliquée car « inutile » par rapport aux finalités effectives de la recherche, mais aussi à cause des « problèmes étiques soulevés » par la pratique des enregistrements clandestins.

Également, Grassi, Sobrero et Telmon (1997 : 274-275) tout en soulignant les avantages de cette technique (notamment, la spontanéité des locuteurs) remarquent que la question des enregistrements cachés pose des problèmes de nature à la fois méthodologique (en particulier, le risque de surinterprétation des faits enregistrés) et, justement, déontologique (jusqu’à quel point le chercheur a-t-il le droit de s’introduire en cachette dans la vie des autres personne ?) ; les mêmes aspects (avantages liés à la

spontanéité versus questions éthiques) sont mentionnées par Sanga (1991b : 165) à propos

d’un étude menée avec cette technique par Collovà et Petrini (1981-82) sur des

conversations bilingues italien – dialecte dans un magasin de produits alimentaires en

Suisse italienne.

Cette perspective éthique trouve une prise de position très nette dans Gadet (2003 : s.p. §3.1) :

Comment trouver un équilibre entre les intérêts éventuellement contradictoires du chercheur et de l'observé ? Une position éthique doit exclure tout piégeage, pratiques de « micro caché », de « caméra invisible » ou d'enregistrement à l’insu de l’enquêté […] sauf peut-être en quelques cas bien particuliers, à considérer au coup par coup.

Chapitre 6 : Aspects méthodologiques

La même opinion est soutenue par Blanchet (1996 : 68), à l’intérieur d’une réflexion générale sur le rôle de l’enquêteur et sur les méthodes de collecte mais aussi d’analyse des données :

On peut se demander jusqu’où ces biais peuvent fausser les enquêtes, mais surtout, du point de vue éthique, ce que l’enquêteur a le droit de faire et le devoir de ne pas faire, et inversement. Ici viennent se greffer les délicats problèmes que posent les enquêtes à micro caché, celles à but dissimilé, celles réalisées par un chercheur extérieur à la communauté ethnolinguistique étudiée. Et ceux de l’exploitation, interprétation, et publication des résultats.

Plus généralement, donc, c’est la tendance au piège qui est critiquée, non seulement l’emploi du micro caché, et une solution à cette question serait possible seulement avec une prise de conscience nette de la part de toute la communauté scientifique :

La communauté scientifique est consciente de ces problèmes, et s’est dotée d’un certain nombre de précautions (anonymat des informateurs, par ex.), qui restent insuffisantes. Car la réception externe de ses travaux, souvent posée en termes simplistes, n’est pas de son ressort direct. […] L’enquête orale participative, réalisée de l’intérieur par un enquêteur membre de la communauté ethnolinguistique, est sans doute ce qu’il y a de moins discutable, à condition qu’il puisse se distancier suffisamment (Blanchet, 1996 : 68 - 69).

Cependant, comme nous pouvons le remarquer dans la partie finale de la déclaration de Gadet plus haut, la linguiste admet l’existence de situations d’enquête dans lesquelles l’emploi de moyens d’enregistrements occultés est admissible. En effet, dans le même article, Gadet (2003 : s.p. n. 12) mentionne Laroussi (1996) comme exemple d’un cas de recherche particulier où l’utilisation du microphone caché peut être acceptée, car la déclaration du but de l’enquête comporterait la disparition – la non réalisation de la part de l’observé – de l’objet linguistique :

Il travaille sur les pratiques d’alternance codique français - arabe en Tunisie, et se résigne à cacher le micro après avoir essuyé de nombreux refus d’enregistrement ouvert, et après avoir constaté que la déclaration préliminaire faisait bel et bien disparaître l’objet.

Dans le cadre d’une étude comparée entre le contexte français et tchèque sur la langue des jeunes, Podhorná-Polická (2004 : 49) soutient l’utilité d’un recueil des données complexe, « par le biais des enregistrements à l’insu des informateurs », qui seront suivis par des entretiens directifs et par des questionnaires « pour pouvoir révéler les convergences/divergences des pratiques langagières et appliquer les méthodes statistiques (au moins à la partie lexicale du corpus) » (ibidem).

Une démarche de ce type demande un effort considérable du point de vue de l’organisation et de la réalisation matérielle, outre une programmation articulée dans la longue période de temps, avec les moyens d’une équipe de recherche132.

Comme nous l’avons déjà précisé, l’objectif de notre recherche est d’obtenir et analyser des donnés issues de conversations spontanées. Un aspect déterminant est donc l’enregistrement des interactions dans les lieux et contextes naturels de production ; il n'aurait pas de sens d’emmener le marchand de légumes ou l'employé de l’ASL dans un bureau et l'interviewer. Comme le dit Laroussi (1996), la déclaration des finalités de l’étude empêcherait ou du moins interférerait sur la réalisation. Également, pour des raisons techniques évidentes il ne nous paraît pas réalisable une démarche consistant en l’enregistrement caché des interactions suivi par la présentation à toute les personnes présentes pendant l’enquête (par exemple les clients d'un bar) de la demande d’autorisation pour l’analyse des données.

La solution de faire intervenir quelqu’un du groupe nous paraît constituer une ruse qui ne résout pas les aspects éthiques du paradoxe de l’observateur, parce qu’il déplace simplement la question au rôle de l'intermédiaire : si j’ai peur de ne pas être neutre, comment puis-je objectivement espérer que le soit mon intermédiaire ?

À notre avis, dans ce type de recherche « tout » (les guillemets ne sont pas fortuites) est admis tant qu’il n’est pas susceptible de nuire à la personne enregistrée – ne fusse-t-il que d’un point de vue seulement « potentiel » – et, sur le plan strictement méthodologique, si on assume réellement la responsabilité de la technique adoptée. Dans le cas de notre recherche, l’objet d’étude est la façon dont s’expriment couramment les gens dans certains contextes assez familiers de la vie quotidienne ; l’enquêteur se pose donc volontairement dans une condition passive d’écoute des interactions. Cette passivité ne peut être, évidemment, que partielle, car parfois l’enquêteur est appelé à participer à l’échange verbal ; par ailleurs, le simple fait qu’il est présent dans un certain contexte avec d’autres personnes qui parlent, fait déjà de lui un membre participant de l’interaction, ne fusse-t-il qu’en tant que possible interlocuteur, quelqu’un de plus qui peut entendre ce que les autres locuteurs disent. Enfin, cette passivité (cette « naïveté ») est seulement partielle parce que l’enquêteur est (se veut) aussi linguiste et a une conscience linguistique plus focalisée sur certains phénomènes que le locuteur non spécialiste. Il s’agit ainsi de jeter un

132 Nous avons déjà vu plus haut un autre exemple d’emploi de méthodologies complexes intégrées, présenté par Miglietta (2003), qui prône l’utilisation de techniques non invasives comme, justement, le micro caché à côté de techniques plus classiques telles que la soumission d’un questionnaire. Cf. aussi Regis (2005) dans le cadre du bilinguisme italien-piémontais.

Chapitre 6 : Aspects méthodologiques

éclairage scientifique et objectif (dans les limites du possible humain) à ces sensations « naïves » qui émergent des voix qui l’entourent lors des enregistrements.

En effet, la recherche se concentre sur les contextes dans les différentes zones, et le

locuteur n’est pas choisi explicitement a priori ; notre démarche consiste plutôt dans le

choix des lieux et des contextes d’interaction, qui permet ainsi de cerner les interactions verbales se produisant dans ces mêmes contextes (cf. aussi Laroussi, 1996 : 72). Le microphone occulté reste – à notre avis – nécessaire pour des recherches linguistiques de ce type ; l’alternative serait tout simplement d’abandonner cette sorte d’enquêtes (et de données), ce qui serait néanmoins dommage car nous considérons ce terrain d’étude très riche d’informations sur le plan des relations langagières.

6.4.2 Questions d’ordre technique

Évidemment, le microphone occulté présente d’autres défauts, comme la qualité audio qui est souvent mauvaise à cause des bruits de fond ou des voix superposées, ou encore le risque d’interpréter de façon trop personnelle, les choix linguistiques des locuteurs. Ce dernier représente, toutefois, un risque courant et peut-être tout simplement à assumer dans la recherche – pour ce qui nous concerne – linguistique, non seulement dans le domaine de l’analyse conversationnelle ou plus généralement de l’analyse de type qualitatif, mais aussi dans le domaine quantitatif et statistique (qui est en partie le résultat de choix qualitatifs préalables). Comme le soulignent aussi Blanche-Benveniste et Jeanjean (1986 : 97),

[é]tudier la variation et la diversité du langage, chez de nombreux locuteurs, implique évidemment plus de difficultés techniques : interview de locuteurs que l’on connaît beaucoup moins bien (ou seulement par leurs caractéristiques socio-économiques) ; conversations et même enregistrements pris en pleine rue ou enquêtes dans les grands magasins comme l’a fait Labov. C’est sur ce genre de matériaux, beaucoup plus délicat à écouter, que se sont exercés les spécialistes de l’interaction, de la sociolinguistique urbaine, et de la pragmatique.

Le problème de la qualité audio, et en particulier des bruits – notamment dans certains endroits comme les autobus ou à l’intérieur des marchés – mais aussi de la superposition, parfois totalement ingérable, des voix, s’avère effectivement assez important dans certaines situations. Cependant, il ne faut pas oublier que notre recherche s’oriente fondamentalement vers le niveau lexical (et textuel), à travers la sélection de conversations et l’analyse de la convergence (dans la structure ou dans l’usage actuel) ; l’aspect phonétique/phonologique (celui qui nécessite le plus d’une bonne qualité audio) n’est pris

en compte que dans des situations bien caractéristiques, et n’est pas déterminant dans notre étude.

Un autre type de problème concerne le comportement de l’enquêteur face aux locuteurs enregistrés à leur insu, et la perception que les locuteurs eux-mêmes peuvent avoir de l’attitude de cette personne, généralement inconnue, qui devrait être un simple client ou passant mais qui a l’air de cacher quelque chose. Laroussi (1996 : 77) décrit ce genre de situations comme l’un des principaux défauts de cette pratique d’enquête, et s’exprime à ce propos en disant que « elle ne saurait être retenue systématiquement compte tenu du risque qu’elle fait courir au chercheur ». Pendant les enregistrements effectués pour notre étude il y a parfois eu ce problème – le risque d’être pris pour un voleur, ou pour quelqu’un qui avait des mauvaises intentions – par exemple au marché ou dans les grands magasins. Il ne s’agit pas, toutefois, d’un problème réellement grave ; plutôt, il s’agit d’une contrainte de type psychologique pour l’enquêteur, car parfois la nécessité d’apparaître « naturel » ou de « ne pas se faire remarquer excessivement » joue négativement sur la qualité de la collecte des données.

Dans la réflexion sur les difficultés et les problèmes inhérents à cette démarche, on ne peut oublier un autre risque assez courant – plutôt de type psychologique et qui concerne l’approche de l’enquêteur vis-à-vis de son enquêté – celui de vouloir dire coûte que coûte quelque chose qui puisse faire déclencher l'alternance, par crainte de manquer la bonne occasion, l'instant fuyant pour faire dire des choses intéressantes à l'observé. Dans cette perspective, le micro caché peut être un piège, en ce sens qu’il amène l’enquêteur à une condition d'insécurité demandant beaucoup de temps pour être maîtrisée : cela est, en effet, en contraste évident avec la qualité de la relation avec les autres participants à la situation d’échange verbal.

Il faut sans doute avoir de la patience pour éviter de tomber trop souvent dans cette erreur, bien en sachant toutefois que ceci aussi fait partie de l'enquête et de la capacité d'assumer la responsabilité de son choix méthodologique : en effet, si l’enquêté n’est pas au courant de l’enregistrement, il peut interpréter cette insistance éventuelle comme étrange ; néanmoins, cette étrangeté n’est associée qu’aux caractéristiques de son interlocuteur. Par conséquent, il se comportera dans cette occasion comme se comporterait avec n’importe quel autre interlocuteur inconnu qui insiste avec certaines formes textuelles et avec une certaine attitude interactionnelle particulière. Ainsi, l’enquêté produit ses catégorisations concernant son interlocuteur dans la situation d’interaction en cours – cf.

Chapitre 6 : Aspects méthodologiques

d'enregistrement, c'est-à-dire qu’il s’exprime en liberté (dans les termes de liberté conversationnelle ou, selon la terminologie goffmanienne, de ‘face’)133.

Le point de vue défendu par Laroussi (1996 : 73) relativement au sacrifice de la déontologie en faveur de la spontanéité ne nous satisfait pas totalement non plus : « Entre deux choix contraignants, et, poussé par des contraintes de terrain, j’ai sacrifié la déontologie ». En effet, si nous sommes d’accord en général avec la perspective adoptée par l’auteur (« […] dans ce domaine, il n’y a ni remède miracle, ni recette universelle » ;

ibidem), cette même position nous paraît un peu cynique134. Au contraire, notre point de vue (exprimé de manière, nous espérons, assez claire au cours de ce chapitre) est que l’emploi d’enregistrements cachés est acceptable si est fait dans le respect des éléments plus privés des locuteurs enregistrés, dans la reconnaissance de leur « identité langagière » et du contexte de l’interaction prise en compte, et en assumant (du point de vue humain et scientifique) la responsabilité de la méthodologie adoptée, gardant le juste équilibre lors de l’analyse des données et des jugements des faits linguistiques.

Nous sommes convaincu, en somme, que la question méthodologique mérite d’être toujours et constamment discutée et approfondie ; comme le dit Gasquet-Cyrus (2003 : 137) – si, bien sûr, nous avons interprété correctement le sens de cette déclaration – la richesse des moyens de recherche de la sociolinguistique (et, en élargissant le camp, des disciplines linguistiques en général) peut et doit être valorisée davantage :

corpus écrit et oral, entretiens et enregistrements spontanés, analyse de discours médiatiques et micro caché (nous proposons de relancer la question de l’éthique à ce sujet en regard de l’intérêt d’avoir des productions longues réellement spontanées), etc.

L’auteur considère, donc, l’utilisation du micro caché une ressource pour l’analyse sociolinguistique, et met en relief la nécessité de reconsidérer la question déontologique liée à cette technique.

Ces considérations peuvent s’appliquer aussi, à notre avis – comme le fait Miglietta (2003) citée plus haut – au contexte de la recherche dialectologique et des

133 Comme le dit Laroussi (1996) : « Il n’y a pas d’effet magnétophone et par conséquent pas d’insécurité linguistique, auto surveillance ou hypercorrection. […] [L]es locuteurs paraissaient à l’aise et n’exerçant aucun control sur leurs comportements langagiers ». Plus précisément, dans notre point de vue, aucun